Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 (nos 2272, 2301).
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M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Nous entamons la dernière partie de l'examen du budget du ministère de l'intérieur avec l'examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». Avant d'entrer dans le détail des chiffres évoqués par les orateurs qui se sont succédé, j'aimerais redire une chose : la politique migratoire est une politique sensible et complexe qui demande exigence, réflexion et nécessite un débat apaisé fondé sur des faits, et non sur des a priori.
Ces dernières semaines, nous avons beaucoup débattu de politique migratoire. C'est un devoir de notre part, car nous devons regarder notre système migratoire en face pour réussir à le sauver. C'est un devoir, aussi, parce que la politique migratoire est un sujet qui interroge et préoccupe de nombreux Français, à qui nous devons des réponses.
Les échanges de cette dernière semaine, le débat sur l'immigration qui s'est tenu ici même et les décisions qui seront prises prochainement constituent la suite naturelle de l'action du Gouvernement, qui s'engage depuis le début du mandat, sous l'impulsion du Président de la République, afin d'affirmer notre droit, afin d'offrir à chacun des conditions dignes et d'intégrer parfaitement celles et ceux que nous choisissons d'accueillir.
M. Ugo Bernalicis. On l'a vu !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont en cohérence avec nos ambitions. C'est pourquoi, en 2020, ils s'établiront à 1,82 milliard d'euros, ce qui représente une augmentation de 9,6% à périmètre constant. Ces moyens, je souhaite le dire en réponse à certaines interventions, se fondent sur des réalités. En 2018, 256 000 personnes sont entrées légalement sur notre territoire. Parmi elles, 90 000 sont arrivées par la voie du regroupement familial, ce qui est un chiffre stable. Nous notons aussi l'arrivée de 83 000 étudiants et de 33 000 personnes pour des motifs économiques. Ces chiffres en croissance reflètent l'attractivité de notre pays et la politique volontariste que met en place le Gouvernement pour attirer des talents, notamment des étudiants. (M. Ugo Bernalicis et M. M'jid El Guerrab protestent.)
En 2018, on a compté 120 000 demandes d'asile : c'est un record, en effet. C'est aussi une singularité, car, dans le même temps, le nombre de demandes d'asile baissait en Europe. Il baissait même très fortement chez certains de nos voisins, comme en Allemagne où il diminue de 18%. Cette singularité interroge. Elle a des causes multiples. Certaines sont européennes, certaines tiennent peut-être à notre système. Quoi qu'il en soit, nous devons être en mesure de l'expliquer aux Français.
C'est pour cette raison que nous avons décidé d'agir fort : les crédits consacrés à l'asile et à l'immigration sont en augmentation avec 1,38 milliard d'euros, soit une hausse de 10,5% par rapport à l'année dernière.
Cette hausse des crédits nous permettra, notamment, de poursuivre nos efforts en matière de réduction des délais d'instruction des demandes d'asile, pour atteindre notre objectif de six mois.
Nous allons continuer à renforcer l'OFPRA, en créant 200 ETP. C'est une augmentation de 25% des effectifs, lesquels s'établiront au total à plus de 1 000 en 2020.
Nous savons également que, pour atteindre notre objectif des six mois, ce n'est pas seulement à l'OFPRA mais à tout notre système que nous devons offrir plus de moyens. C'est pourquoi nous allons également renforcer les moyens de la Cour nationale du droit d'asile, la CNDA, avec cinquante-neuf ETP supplémentaires pour 2020, qui viendront compléter les 102 ETP supplémentaires de 2018 et les 122 de 2019.
Par ailleurs, prévoir de meilleures capacités de traitement des demandes est indissociable, je crois, de l'impératif d'accorder des conditions d'accueil dignes à toutes celles et à tous ceux qui demandent l'asile. Je tiens à préciser que, depuis 2017, les effectifs de l'OFII ont crû de plus 119 ETP. C'est pourquoi nous continuerons, en 2020, l'effort entrepris depuis le début de la législature pour augmenter nos capacités d'hébergement.
Le PLF pour 2020 permettra donc de consolider les créations de places mises en oeuvre depuis 2017 : au total, 3 000 places supplémentaires dans les centres d'accueil de demandeurs d'asile et 5 000 places supplémentaires pour l'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile. En outre, nous avons mené un effort nécessaire pour rendre plus sincère le budget de l'allocation pour les demandeurs d'asile : 448 millions d'euros y seront consacrés en 2020, soit une hausse de 33,4%, pour faire correspondre, enfin, le budget à la réalité des dépenses de l'ADA.
Mais, si nous mettons tout en oeuvre pour examiner plus rapidement les demandes et nous assurer que chacun soit hébergé dans des conditions dignes, nous devons aussi nous montrer très fermes sur le respect de notre droit. Sur ce thème, là encore, le Gouvernement s'est engagé et la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a été une première étape fructueuse.
Elle est aujourd'hui pleinement entrée en application et a permis de nombreuses avancées. Je pense en particulier à l'allongement de la durée maximale de rétention, passée de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours, ce qui a permis des éloignements que nous n'aurions pas pu réaliser précédemment, notamment par l'obtention de laissez-passer consulaires en cours de rétention. Je pense encore à la possibilité ouverte aux préfets de prendre, dans certaines hypothèses, des mesures d'éloignement dès le rejet de la demande d'asile par l'OFPRA. Depuis l'entrée en vigueur de cette mesure, 3 000 obligations de quitter le territoire français ont pu être prises sur ce fondement.
En matière d'immigration illégale, les crédits s'élèvent à 122,5 millions d'euros : ils permettront notamment de finir l'augmentation prévue du nombre de places en centres de rétention administrative. Nous avons prévu 480 places supplémentaires entre 2018 et 2020 : 289 ont d'ores et déjà été réalisées et les dernières seront créées cette année. Le parc aura donc augmenté de 35% depuis 2017. J'ajoute que les crédits de la lutte contre l'immigration illégale ne peuvent se résumer à ceux du programme dont nous discutons : une grande partie des crédits consacrés à l'action policière vise la lutte contre l'immigration illégale. Je pense par exemple aux crédits de la police aux frontières – outre l'ensemble des mesures mises en oeuvre.
Nous ne pouvons pas parler d'immigration sans parler d'intégration. Réussir l'intégration, c'est la finalité de notre politique d'immigration et ce gouvernement a décidé que l'intégration serait un sujet non pas de slogan ou de déclarations de principe, mais d'investissement et d'action.
Depuis le début de la législature, les crédits destinés à notre politique d'intégration ont été portés à des niveaux historiques. Dans le PLF pour 2020, 437,6 millions d'euros y seront consacrés, soit une nouvelle augmentation de 30 millions d'euros par rapport à l'année dernière et une augmentation de 70 % par rapport à 2017. Ces crédits nous permettent de mettre en place les mesures décidées lors du comité interministériel à l'intégration.
Nous avons également pu renforcer le parcours d'intégration, pour doubler le nombre d'heures d'enseignement de français et d'instruction civique. Le Gouvernement, depuis deux ans et demi, a, par ailleurs, considérablement augmenté les moyens dévolus à l'insertion professionnelle, car nous sommes convaincus que l'emploi est la clé d'une intégration réussie.
Enfin, nous avons continué notre effort en faveur de l'hébergement des réfugiés. Depuis 2017, nous avons créé 5 000 places d'hébergement pour les réfugiés pour atteindre une capacité de 8 710 places d'accueil, pour un coût annuel de 80 millions d'euros.
Mesdames et messieurs les députés, l'immigration, l'asile et l'intégration sont au coeur de l'action du Gouvernement depuis la première minute de son action. Nous menons une politique claire, ferme et ambitieuse. Nous nous donnons les moyens d'appliquer notre droit et d'accueillir généreusement celles et ceux à qui nous offrons notre protection. Le budget qui vous est soumis s'inscrit dans la droite ligne de cette politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. Nous en venons à la question de Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho. Monsieur le secrétaire d'État, 60% des Français voient les migrants comme une menace et 65% d'entre eux estiment que les accueillir n'améliorera pas la situation du pays. Au mois de septembre, ce sont ces inquiétudes que soulevait un sondage IPSOS, révélateur de l'exaspération des Français face à une immigration massive et déshumanisante. Et pourtant, dans cette mission « Immigration, asile et intégration », le Gouvernement continue d'encourager ce flux, parce qu'il favorise le droit d'asile, largement dévoyé, au détriment de la lutte contre l'immigration irrégulière. C'est en ne luttant pas contre ces flux clandestins que la France encourage l'action des passeurs et cette déferlante migratoire.
Les Français sont inquiets, inquiets de recevoir des populations que nous n'avons plus les moyens d'accueillir, inquiets devant l'insécurité montante, autour de ces campements indignes qui se multiplient aux portes de nos métropoles, inquiets de voir que le Gouvernement ne privilégie plus les intérêts de son peuple : 45% des personnes interrogées pensent que l'arrivée des migrants « prive les Français de services sociaux » et 54% des sondés estiment que les nationaux devraient être prioritaires dans l'attribution d'un emploi.
Les dernières déclarations du Premier ministre témoignent de l'indifférence du Gouvernement à l'opinion de nos compatriotes. La mise en place de quotas pour les immigrés économiques est à cet égard bien cynique, notamment parce que la question du regroupement familial concernant ces immigrés n'est pas abordée. Vous affirmez, par ailleurs, vouloir compléter les ressources humaines de notre pays : complétez-les avec les 8,5 % de chômeurs que nous avons en favorisant leur formation. En faisant venir des travailleurs à bas coûts, vous risquez de provoquer, par le jeu de la compétitivité, une baisse généralisée des salaires.
Au lieu de remédier à la pénibilité de certains métiers par des mécanismes incitatifs, vous prévoyez des quotas de migrants pour exercer ces tâches, ce qui s'apparente, ni plus ni moins, à de l'exploitation.
Monsieur le secrétaire d'État, une lutte faite de demi-mesures contre l'immigration irrégulière, conjuguée à l'arrivée de quotas d'immigrés économiques, ne risque-t-elle pas tout bonnement d'augmenter encore un peu plus le taux d'immigration sur notre territoire ? (Applaudissements parmi les députés non inscrits.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. Madame la députée, je ne crois pas qu'il soit dans l'intention du Gouvernement d'opposer deux politiques : la France est une terre d'asile. Respecter et appliquer le droit d'asile est la fierté et l'honneur de notre pays, vous le savez très bien. Par ailleurs, il faut nous montrer fermes en conduisant une politique de lutte – vous avez raison – contre l'immigration clandestine et contre les réseaux de passeurs.
M. Ludovic Pajot. Vous baissez le budget dédié à cette lutte !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. C'est ce que nous faisons grâce au budget qui vous est présenté et qui ne recouvre pas l'ensemble des actions que nous menons. (Exclamations parmi les députés non inscrits.) Vous savez très bien que nous luttons contre ces filières : la police aux frontières, dans le cadre de son activité judiciaire, démantèle des réseaux de passeurs, procède à des interpellations, travaille en lien avec les pays de destination, pour les aider à moderniser leur état civil, investir dans le développement d'une police judiciaire qui puisse lutter contre les réseaux de passeurs et ces trafics d'êtres humains.
Nous menons conjointement ces deux politiques qu'il ne faut pas opposer. Ne stigmatisez pas notre action ! (Exclamations parmi les députés non inscrits.)
M. Sébastien Chenu. Quel vocabulaire !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. Nous continuons de la mener. Sans doute avez-vous raison, la demande a augmenté en matière de droit d'asile. C'est afin d'y répondre que nous avons déjà renforcé et que ce budget renforce encore les effectifs de l'OFPRA, qui priorise désormais l'examen des demandes provenant de pays dits d'origine sûre. Il peut rendre ses décisions le plus rapidement possible et prendre les mesures qui s'imposent lorsque les demandeurs ne sont pas reconnus comme devant bénéficier d'une protection. Je le répète : nous ne souhaitons pas opposer les deux pans de notre politique, qui est humaine et s'inscrit dans le respect du droit d'asile, tout en étant d'une grande fermeté. Nous appliquons les mesures d'éloignement lorsqu'elles sont décidées et nous conduisons une politique de lutte très ferme contre les réseaux de passeurs.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 18 novembre 2019