Interview de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, à RTL le 29 octobre 2019, sur la situation des hôpitaux du personnel hospitalier et la réforme du système de santé.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Agnès BUZYN.

AGNES BUZYN
Bonjour Alba VENTURA.

ALBA VENTURA
Alors, certains hôpitaux font la grève de l'encodage, ce sont les actes médicaux qui ne sont pas transmis à la Sécu, les urgentistes prévoient de manifester le 14 novembre, et aujourd'hui les professionnels de santé manifesteront devant Bercy. C'est dans ce contexte de crise, qui dure depuis des mois à l'hôpital, que le président MACRON a demandé une nouvelle fois, hier sur RTL, un effort financier supplémentaire pour répondre à l'urgence des hôpitaux. Votre collègue de l'Economie, Bruno LE MAIRE, qui était à votre place hier, a aimablement indiqué que c'était vous, Agnès BUZYN, qui était à la manoeuvre. Alors, combien êtes-vous prête à mettre sur la table ?

AGNES BUZYN
Alors, depuis que je suis arrivée, en réalité je travaille à améliorer la situation des hôpitaux, qui ont vu des campagnes tarifaires, c'est-à-dire des budgets, en baisse, depuis des années. D'abord je rappelle que l'année dernière j'ai réussi à construire la meilleure campagne budgétaire pour les hôpitaux, depuis 10 ans, et force est de constater qu'ils ont réduit leur déficit, et je me suis engagée, déjà, à ce que les tarifs, c'est-à-dire les budgets alloués aux hôpitaux, soient au moins aussi bons cette année que l'année dernière, et j'essaierai, évidemment, qu'ils soient en amélioration. Par ailleurs, nous avons fait un effort particulier sur la situation des urgences, avec 750 millions d'euros prévus sur 3 ans pour recruter notamment du personnel, rouvrir des lits là où il en manque, construire un système d'orientation pour les Français avant qu'ils n'aillent aux urgences…

ALBA VENTURA
Mais ce n'est pas suffisant disent-ils.

AGNES BUZYN
Ce n'est pas suffisant, évidemment, et donc aujourd'hui je travaille, au-delà de « Ma santé 2022 » qui est le…

ALBA VENTURA
Le plan stratégique.

AGNES BUZYN
Qui est le plan de structuration du système de santé qui a été mis en oeuvre, avec une loi votée en juillet, je travaille maintenant spécifiquement à améliorer la situation des hôpitaux, par un plan d'investissements, un plan d'attractivité, puisqu'il y a aujourd'hui une baisse d'attractivité des métiers, à la fois médicaux et paramédicaux, c'est-à-dire infirmier, infirmière, et autres corps de métier, et puis je travaille aussi à améliorer leurs budgets. Nous avons fait voter d'ailleurs dans la loi de financement de la Sécurité sociale, la semaine dernière, le fait que les hôpitaux auraient une vision pluriannuelle de leurs budgets, c'est-à-dire que pour la première fois ils vont pouvoir se projeter sur 3 ans, c'est-à-dire qu'ils sauront 3 ans à l'avance comment leurs budgets vont être construits.

ALBA VENTURA
Mais là, les directeurs d'hôpitaux réclament 250 millions d'euros, est-ce que c'est la somme que vous allez mettre sur la table ?

AGNES BUZYN
Aujourd'hui je suis en train de rencontrer tous les métiers de l'hôpital, évidemment les présidents des communautés médicales, les directeurs d'hôpitaux, les syndicats que je rencontrerai, je rencontre également les doyens des facultés de médecine, je suis en train de faire un tour d'horizon…

ALBA VENTURA
Vous ne pouvez pas me donner la somme ? J'insiste, mais…

AGNES BUZYN
Madame VENTURA, non, ce n'est pas ce matin que je vous donnerai évidemment la somme…

ALBA VENTURA
Non, mais c'est 200 millions, 250 millions ?

AGNES BUZYN
Je construis aujourd'hui un plan d'attractivité, un plan autour des budgets et des investissements, il sera annoncé dans le courant du mois de novembre…

ALBA VENTURA
Par le président de la République lui-même ?

AGNES BUZYN
Je ne sais pas, mais en tous les cas il est en train d'être préparé et le président de la République, vous l'avez compris, porte une attention très particulière à la situation aujourd'hui dans nos hôpitaux publics. Parce que je le répète, et je l'ai dit à l'Assemblée nationale, l'hôpital public, en France, c'est un trésor national, et nous avons tous évidemment envie, et nous avons tous une attention particulière, parce que nous souhaitons que ce modèle d'hôpital public à la française, d'excellence de la médecine française, se perpétue.

ALBA VENTURA
Perdure. Deux petites questions d'ailleurs sur l'hôpital. Est-ce qu'on pourrait faire des économies, par exemple, en régulant l'intérim ? Vous savez, il y a beaucoup de personnels de santé qui sont en intérim, alors ça leur permet de gagner plus, mais ça coûte plus cher.

AGNES BUZYN
Oui, c'est aujourd'hui un gros souci, beaucoup de gens quittent l'hôpital, alors qu'ils ont des postes temps plein à l'hôpital, ils se mettent intérimaires, et ils gagnent autant en travaillant une semaine ou deux semaines par mois, plutôt qu'un mois complet, et aujourd'hui cet intérim privé coûte énormément d'argent.

ALBA VENTURA
Donc vous allez le réguler ?

AGNES BUZYN
Evidemment, ça fait partie du plan, je l'ai annoncé lors des annonces sur les urgences, il va y avoir l'organisation d'une forme d'intérim public, où les médecins des hôpitaux, publics, auront évidemment un salaire augmenté s'ils participent à un intérim entre hôpitaux publics, pour éviter ce que certains appellent « le cannibalisme » de certains organismes d'intérim privé, qui aujourd'hui grèvent complètement le budget de nos hôpitaux.

ALBA VENTURA
Ça c'est une annonce ?

AGNES BUZYN
Non, je l'ai déjà dit au mois de septembre.

ALBA VENTURA
Est-ce qu'il faut qu'il y ait des médecins à la tête des hôpitaux, et pas seulement des directeurs d'hôpitaux qui soient des gestionnaires en fait, est-ce qu'il faut des médecins ?

AGNES BUZYN
Alors, il faut un couple directeur et président de communauté médicale, ce qu'on appelle les CME, très en phase. C'est-à-dire que, pour qu'un hôpital fonctionne, il faut que, à la fois le gestionnaire, le directeur, et la communauté médicale, soient d'accord sur les projets à porter, sur les investissements à faire. Quand ce couple-là fonctionne…

ALBA VENTURA
Et l'organisation.

AGNES BUZYN
Voilà ; quand ce couple-là fonctionne, l'hôpital est en bonne forme, quand ce couple-là est en contradiction sur les projets, évidemment ça crée beaucoup de tensions, mais les médecins peuvent être directeur d'hôpitaux, rien ne l'empêche aujourd'hui, et moi je souhaite promouvoir évidemment que certains médecins s'engagent dans des carrières de directeur d'hôpitaux, passent les concours et, évidemment, soient impliqués dans la gestion de nos hôpitaux publics.

ALBA VENTURA
Agnès BUZYN, il y a un autre domaine en crise, c'est le secteur du grand âge, notamment les EHPAD et les aides à domicile, et c'est aujourd'hui que Myriam EL KHOMRI, l'ancienne ministre socialiste, vous remet officiellement son rapport sur la façon de faire évoluer les métiers du grand âge. Vous avez quelques mesures déjà en tête ?

AGNES BUZYN
Non, j'attends d'abord qu'elle me remette son rapport. Je rappelle d'où ça vient. Nous avons vécu une crise des EHPAD, tout le monde s'en souvient, il y a à peu près 1 an, j'ai réalisé que ce secteur était en très grande difficulté et que nous n'avions rien prévu pour le défi démographique devant nous, c'est-à-dire le vieillissement de la population française, nous ne sommes pas préparés aujourd'hui convenablement à ce vieillissement de la population, qui va frapper de plein fouet en 2030, avec le vieillissement de la génération du baby-boom. J'ai demandé qu'on me fasse une orientation pour la loi Avenir, il y a eu un rapport, le rapport de Dominique LIBAULT sur le vieillissement de la population, comment mieux organiser la prise en charge des personnes, notamment à domicile, et on s'est rendu compte que si on voulait être bien préparé il fallait préparer les métiers autour du grand âge et de l'autonomie, c'est-à-dire des personnes en situation de handicap.

ALBA VENTURA
Mais est-ce qu'il faut supprimer le concours des aides-soignants par exemple ?

AGNES BUZYN
Donc, Myriam EL KHOMRI, je l'ai missionnée spécifiquement pour qu'elle travaille sur l'attractivité des métiers du grand âge, ce sont des métiers d'avenir, des métiers non délocalisables, des métiers qui ont du sens, où les gens travaillent avec le coeur, qui prennent soin des autres, et donc je veux rendre de nouveau attractifs ces métiers, les revaloriser. Elle va me faire des propositions ce matin, je ne vais faire aucune annonce, elle va me faire des propositions sur les formations…

ALBA VENTURA
Donc il faut développer l'apprentissage.

AGNES BUZYN
Je trouve que l'apprentissage est une bonne façon de rentrer dans ces métiers, ça permet de savoir si on aime ce métier ou pas, parce qu'on est tout de suite sur le terrain, on confronte la théorie et la pratique très rapidement. J'ai été visité hier le centre d'apprentissage de la Croix Rouge, c'est intéressant. Elle va me faire évidemment des propositions sur la formation également continue, comment créer des passerelles entre tous ces métiers autour des personnes âgées et des personnes handicapées, elle va également me faire des propositions sur la revalorisation de ces métiers, y compris financière, et puis sur la qualité de vie au travail, puisque ce sont des métiers…

ALBA VENTURA
Et vous avez un budget pour ça ?

AGNES BUZYN
Il y aura un budget, évidemment.

ALBA VENTURA
Je vous dis ça parce que, est-ce qu'on peut à la fois prévoir une enveloppe pour l'hôpital public, une enveloppe pour le grand âge ?

AGNES BUZYN
Ce ne sont pas tout à fait les mêmes calendriers. L'hôpital public est dans une situation d'urgence extrême, le grand âge c'est quelque chose qui doit se préparer pour les 10 ans qui viennent, puisque, je dis le défi démographique, vraiment le mur qui est devant nous, ce sera en 2030, c'est là où nous aurons des très grandes difficultés, donc nous ne sommes pas tout à fait dans les mêmes délais pour trouver des financements dédiés à ces deux secteurs, qui sont tout aussi importants pour les Français, je le crois.

ALBA VENTURA
Agnès BUZYN, ce matin dans le journal La Croix Marlène SCHIAPPA dévoile certaines pistes pour lutter contre les violences conjugales, et parmi elles elle évoque le partage du secret médical entre urgentistes, avocats et police. Est-ce que vous, en tant que médecin, vous y êtes favorable à ce levé du secret médical ?

AGNES BUZYN
Alors, les dérogations au secret médical sont aujourd'hui très strictement encadrées, la dérogation principale c'est quand on se met en danger ou quand on met en danger la vie d'autrui, donc il est possible que ça rentre, d'ores et déjà, dans le cadre de la dérogation au secret médical, donc j'attends de voir comment ces mesures ont été préparées. De toutes les façons, toute dérogation au secret médical nécessite énormément de concertations, notamment avec l'Ordre des médecins, et donc je ne peux pas évidemment, moi ministre, toute seule, décider d'une nouvelle dérogation, s'il devait y en avoir une, peut-être que le cadre actuel permettrait d'ores et déjà une meilleure circulation d'informations.

ALBA VENTURA
La grippe à présent. On sait que l'épidémie va être sévère, c'est ce que dit l'Assurance Maladie, on en est où d'ailleurs, au niveau de l'épidémie ?

AGNES BUZYN
Aujourd'hui elle n'a pas encore commencé, par contre le vaccin est d'ores et déjà disponible. Je rappelle…

ALBA VENTURA
Ça marche en pharmacies ?

AGNES BUZYN
Alors, ça marche en pharmacies, beaucoup de pharmacies se sont formées, donc dans tout le territoire national il y a des pharmaciens formés à vacciner contre la grippe les populations à risque, je rappelle que les pharmaciens peuvent vacciner uniquement les populations à risque, c'est-à-dire les personnes âgées de plus de 65 ans, les femmes enceintes, les personnes diabétiques et les personnes obèses.

ALBA VENTURA
Mais on est prêt pour la grippe ?

AGNES BUZYN
On est prêt, le vaccin a été commandé, en un peu plus grande quantité que l'année dernière, puisque l'année dernière le vaccin a bien fonctionné, on a été en difficulté au mois de janvier/ février pour que toutes les pharmacies aient suffisamment de doses, donc cette année on est prêt, et surtout on veut que les populations à risque se vaccinent. Je le dis aussi, les soignants, les soignants en EHPAD, les infirmiers, infirmières, aides-soignantes, ce sont en général des populations assez peu vaccinées, or c'est elles qui peuvent le transmettre aux populations les plus fragiles, donc, je le répète, c'est un devoir de déontologie, c'est de la bonne pratique que de se vacciner soi-même quand on est en contact de personnes malades ou fragiles.

ALBA VENTURA
Alors, c'est bientôt le Mois sans tabac, ça a marché l'an dernier ?

AGNES BUZYN
Ça marche très bien, nos concitoyens s'engagent de plus en plus dans l'arrêt du tabac. Alors, les politiques qui ont été menées depuis des années, portent leurs fruits, 1,5 million personnes se sont arrêtées de fumer entre 2017 et 2018, ce sont les paquets neutres, c'est l'augmentation du prix du tabac, c'est le fait que les substituts…

ALBA VENTURA
10 euros fin 2020, c'est ça, le parquet ?

AGNES BUZYN
10 euros à la fin 2020, c'est le seul moyen, tous les pays en sont d'accord, en conviennent, aujourd'hui le prix du tabac c'est vraiment le seul moyen d'empêcher l'entrée dans le tabagisme, des jeunes notamment.

ALBA VENTURA
Agnès BUZYN, est-ce que vous êtes un plan B pour les municipales à Paris ?

AGNES BUZYN
Non, pas du tout.

ALBA VENTURA
Pas du tout ? C'est le bruit que fait courir François BAYROU, qui estime que le duel entre Benjamin GRIVEAUX et Cédric VILLANI va faire perdre la majorité dans la capitale.

AGNES BUZYN
Ecoutez, il y a un candidat investi par En Marche, c'est Benjamin GRIVEAUX, je le soutiens, je souhaite également de tout mon coeur que Cédric VILLANI se range derrière Benjamin GRIVEAUX et que nous n'ayons plus qu'un candidat et pas de dissident pour la ville de Paris, nous avons absolument besoin d'un changement de majorité, nous avons besoin de permettre aux classes moyennes de réinvestir cette ville, de vivre convenablement, et les enjeux sont majeurs pour la ville de Paris.

ALBA VENTURA
Qu'est-ce qu'il cherche François BAYROU ?

AGNES BUZYN
Je ne peux pas répondre à sa place, je n'en n'ai pas parlé avec lui et pour l'instant je suis totalement et complètement investie sur mes dossiers, même si j'ai dit qu'un jour je me frotterai à une élection, à une candidature, mais ce n'est pas la ville de Paris.

ALBA VENTURA
Mais qu'il sorte votre nom du chapeau, vous appréciez ou pas ?

AGNES BUZYN
Je pense que ça veut dire qu'il m'apprécie et je le remercie pour cela.

ALBA VENTURA
Il apprécie moins Benjamin GRIVEAUX du coup !

AGNES BUZYN

ALBA VENTURA
Merci beaucoup Agnès BUZYN.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 octobre 2019