Texte intégral
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Nicole BELLOUBET.
NICOLE BELLOUBET
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur LCI. On va parler des djihadistes français qui sont envoyés par Ankara, on va parler bien sûr de la lutte contre les violences faites aux femmes. A ce sujet, est-ce que vous irez voir le film de Roman POLANSKI « J'accuse » ?
NICOLE BELLOUBET
Alors le sujet m'intéresse beaucoup, surtout en tant que ministre de la Justice, évidemment tout ce qui touche à DREYFUS, à cette histoire-là est important. Mais comme l'a dit mon collègue RIESTER, c'est parfois difficile de dissocier la qualité d'une oeuvre et ce qu'a fait l'homme. Donc je suis hésitante.
ELIZABETH MARTICHOUX
« L'oeuvre si grande soit-elle n'excuse pas les éventuelles fautes de son auteur », c'est la phrase du ministre de la Culture !
NICOLE BELLOUBET
C'est la phrase de RIESTER, je trouve cette phrase…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça veut dire quoi, vous hésitez, vous êtes partagée ?
NICOLE BELLOUBET
Oui, je suis partagée sur l'intérêt du thème, sur la qualité du travail qui est fait par POLANSKI. Je trouve en même temps que dans une situation comme celle-là, on a forcément un arrière-plan qui empêche de se plonger complètement dans l'oeuvre. Cela étant posé…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas une question de principe pour vous, qui vous occupe beaucoup…
NICOLE BELLOUBET
Je viens de vous répondre, je viens de vous répondre sur ce sujet. Cela étant posé, justement parce qu'il y a des principes, parce qu'il y a des règles, parce qu'il y a la souffrance des personnes et un Etat de droit, il n'y a pas de condamnation. Je suis attachée à cela, au fait qu'il ne peut pas y avoir que la pression des médias, que le rôle des paroles, je crois que c'est un point important également.
ELIZABETH MARTICHOUX
Que le tribunal de l'opinion !
NICOLE BELLOUBET
Oui, que le tribunal de l'opinion !
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais dans cette affaire POLANSKI précisément ?
NICOLE BELLOUBET
Dans cette affaire POLANSKI, vous avez une personne qui a eu le courage de dire ce qu'elle a vécu, qui a eu le courage de dire sa souffrance, c'est très important. Il est aussi me semble-t-il important que la justice puisse s'exprimer, en l'occurrence ce ne sera pas possible puisque nous sommes au-delà du délai de prescription. Je crois que cet ensemble d'éléments est à prendre en compte.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais… entendu, enfin on essaie de comprendre votre position, mais arrêtons-nous sur ce délai de prescription. En effet il y a prescription, donc il ne peut pas y avoir de poursuites judiciaires. Est-ce que vous êtes pour l'imprescriptibilité des crimes que sont les viols ?
NICOLE BELLOUBET
C'est un débat Madame MARTICHOUX… c'est un débat que nous avons eu au moment de l'adoption de la loi sur les violences sexuelles en août 2018, c'est un débat qui a été posé à ce moment-là. A ce moment-là, nous avons augmenté le délai de prescription, en le faisant passer à…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui…
NICOLE BELLOUBET
Oui mais c'est un point important, en le faisant passer à 30 ans. Nous avions clairement dit alors et expliqué que l'imprescriptibilité était inconstitutionnelle. Et c'est la raison pour laquelle, nous ne sommes pas allés jusqu'à l'imprescriptibilité totale. 30 ans ça veut dire… cela joue à partir de la majorité, puisque la question alors se posait pour les mineurs, cela veut dire que jusqu'à 48 ans, une personne peut faire état des faits qu'elle a subis. Nous avons considéré qu'en agissant ainsi, nous étions et dans la possibilité de prendre en compte la souffrance et la parole de ces personnes, mais en même temps en respectant les règles de droit. Je termine juste…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un débat, la prescription – on le rappelle Madame la ministre – la prescription elle avait été adoptée par le législateur à un moment où on se disait : revenir sur des faits si anciens, ça peut troubler l'ordre public. Est-ce que ce n'est pas un raisonnement qui est aujourd'hui d'un autre âge ?
NICOLE BELLOUBET
Ce n'est pas seulement ça Madame MARTICHOUX, ça veut dire aussi que pour qu'il y ait une action judiciaire qui soit possible et qui soit effective, il faut que l'on puisse apporter un certain nombre d'éléments de preuve. Or au-delà de 30 ans, de 35 ans, de 40 ans, il est compliqué d'apporter des éléments de preuve. Et c'est la raison qui nous a conduits au fond à ne pas alimenter de faux espoirs pour les personnes qui ont déjà vécu quelque chose d'aussi douloureux et d'aussi criminel.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Vous nous avez parlé du tribunal de l'opinion, c'est une chose qui vous soucie parce qu'effectivement, ça n'est pas un tribunal qui vous semble être juste par principe…
NICOLE BELLOUBET
Non, je n'ai pas dit juste, je dis que nous sommes dans un Etat de droit, l'opinion….
ELIZABETH MARTICHOUX
Dans un Etat de droit, ça n'est pas satisfaisant…
NICOLE BELLOUBET
Dans un Etat de droit il y a des règles, il me semble important de les protéger.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous comprenez ceux qui appellent au boycott du film ?
NICOLE BELLOUBET
Je ne suis pas favorable au boycott du film, je ne suis pas favorable, je vous le dis ici. Je pense qu'il y a des règles dans un Etat de droit, ces règles doivent être respectées.
ELIZABETH MARTICHOUX
Sylvia avait 40 ans Nicole BELLOUBET, elle est morte dimanche tuée par les coups de poignard que lui a assénés son mari violent. Elle avait déposé une main courante, ça s'est passé dans l'est en Alsace, une main courante puis une plainte en octobre. Sa fille a vu mourir sa mère sous ses yeux : personne n'a voulu nous écouter, c'était son témoignage, personne n'a voulu nous aider à part des entre guillemets « portez plainte Madame ». Au-delà évidemment du caractère insupportable que tout le monde peut ressentir face à ce qui était semble-t-il une mécanique mortelle et presque inévitable, la responsable politique vous êtes dit quoi ?
NICOLE BELLOUBET
La responsable politique que je suis dit une nouvelle fois que collectivement, nous ne sommes pas à la hauteur de ce type de situation. Je ne suis pas en train de dire que nous n'avons rien fait, je ne suis pas en train de dire que les magistrats ont failli, je dis simplement que collectivement notre système ne fonctionne pas pour protéger ces femmes ; et que c'est un drame et que nous devons donc tout faire pour améliorer la situation. C'est ce à quoi nous sommes en train de continuer à travailler.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors on va être très concret, cette femme qui est morte dimanche avait porté plainte, elle porte plainte dans un commissariat en octobre…
NICOLE BELLOUBET
Absolument.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bon ! Que faut-il, est-ce qu'il faut déjà être blessé soi-même, est-ce qu'il faut déjà avoir subi des violences pour…
NICOLE BELLOUBET
Non, Madame MARTICHOUX…
ELIZABETH MARTICHOUX
Pour qu'un juge soit saisi dans l'urgence ?
NICOLE BELLOUBET
No, le juge avait été saisi, l'auteur… je ne suis pas en train vraiment d'essayer de minimiser la réalité, je dis simplement les faits. Un juge avait été saisi, une convocation avait été faite pour l'auteur des violences, il devait se présenter le 10 décembre. Donc on voit qu'il y a eu une réaction, cette réaction n'était pas à la hauteur de la violence que subissait cette femme…
ELIZABETH MARTICHOUX
En termes de délai…
NICOLE BELLOUBET
De délai de réponse et en termes sans doute d'intensité de la réponse, parce qu'il y a eu une réponse, elle ne correspondait pas à la réalité des faits. C'est cela qu'il faut arriver et à mesurer et c'est la bonne décision qu'il faut arriver à prendre.
ELIZABETH MARTICHOUX
La bonne décision, ce serait une mesure de protection en réalité !
NICOLE BELLOUBET
La bonne décision ça aurait sans doute été la… ce qui n'a pas été fait, une mesure de protection. Une mesure de protection, c'est-à-dire nous avons des dispositifs juridiques, c'est l'ordonnance de protection, une proposition de loi est en cours d'adoption au Parlement pour accélérer le délai durant lequel, cette ordonnance de protection pourra être ordonnée…
ELIZABETH MARTICHOUX
Combien de temps, combien de temps maintenant…
NICOLE BELLOUBET
6 jours !
ELIZABETH MARTICHOUX
6 jours !
NICOLE BELLOUBET
C'est un délai de 6 jours qui est indiqué dans la proposition de loi. Mais je voudrais aussi quand même dire Madame MARTICHOUX que quand une personne subit des violences, que le procureur de la République en est immédiatement à visé par les forces de l'ordre, il peut y avoir une comparution immédiate de cette personne. Et vous avez là une réponse pénale en 48 heures. Donc évidemment, tout dépend des situations qui sont soumises à la justice…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, en cas grave, mais on ne sait pas au moment où la femme vient au commissariat, c'est ça la réalité !
NICOLE BELLOUBET
Absolument, mais c'est ça la réalité.
ELIZABETH MARTICHOUX
On ne sait pas si ça va se produire, peut-être dès le lendemain !
NICOLE BELLOUBET
C'est la raison pour laquelle, l'ordonnance de protection est un outil qui doit être développé, je me bats pour ça.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, ordonnance de protection c'est la possibilité de prendre une mesure d'éloignement du mari violent…
NICOLE BELLOUBET
D'interdire le port des armes au mari violent, c'est la possibilité d'attribuer – ce sera prévu dans la loi – le logement à la victime, c'est plusieurs choses. Une ordonnance de protection, c'est un cadre que le juge remplit en fonction de la situation de la personne.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors quels sont les moyens que vous mettez pour qu'il y ait cette connexion directe entre le commissariat et le juge, vous dites 6 jours, d'abord pourquoi 6 jours, pourquoi pas 2, pourquoi pas 3 ans ?
NICOLE BELLOUBET
Parce qu'il faut le temps…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est incompressible !
NICOLE BELLOUBET
Je viens de vous répondre. Dans certaines situations, vous pouvez avoir une réponse en 48 heures, mais ce n'est pas l'ordonnance de protection là, c'est une réponse pénale qui peut conduire jusqu'à la détention, contrôle judiciaire. Sur l'ordonnance de protection qui est destinée à protéger la personne, il faut absolument que nous puissions… que le juge puisse être saisi, puisse prendre connaissance du dossier, puisse organiser la réaction contradictoire et puisse prendre les décisions, c'est indispensable, 6 jours.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, puisse, Madame la ministre la question qui vous est posée à vous, vous êtes depuis 2 ans et demi garde des Sceaux, il reste 2 ans et demi si vous restez au gouvernement, est-ce que vous serez la ministre qui aura fait…
NICOLE BELLOUBET
Je vous remercie de cette hypothèse que j'envisage aussi.
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui aura fait changer la culture judiciaire, c'est aussi une question de culture !
NICOLE BELLOUBET
Madame MARTICHOUX, depuis 6 mois nous sommes arc-boutés là-dessus, arc-boutés vraiment. J'ai saisi l'ensemble des procureurs de cette question-là, leur demandant de travailler ensemble parce que je crois que j'avais déjà eu l'occasion de vous le dire, l'une des failles de nos dispositifs c'est que les policiers et les gendarmes ne travaillent pas assez rapidement avec la justice, au sein de la justice les juges ne travaillent pas suffisamment ensemble ; et que nous ne travaillons pas suffisamment avec les associations. Nous mettons en place des protocoles pour que dans la plus grande rapidité, tous ces gens travaillent ensemble…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ce sera quand, à partir de quand ?
NICOLE BELLOUBET
Dès que le texte va être voté là, c'est-à-dire à la fin de l'année civile, nous allons développer ces protections avec les outils juridiques dont nous allons disposer…
ELIZABETH MARTICHOUX
Quel engagement vous prenez, quel engagement en termes de calendrier, est-ce qu'il faudra attendre des années qu'effectivement ça se modifie…
NICOLE BELLOUBET
Non, il ne faudra pas attendre des années, je vous dis que dès l'année prochaine, dès 2020 nous allons avoir d'une part des dispositifs, d'autre part des outils supplémentaires. Nous n'avons pas parlé des bracelets anti-rapprochement qui vont permettre, vous le savez…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous en avez, ils sont en stock d'ailleurs ? En Espagne, 1.350 personnes je crois de mémoire sont équipées…
NICOLE BELLOUBET
Mais Madame MARTICHOUX, je ne les ai pas en stock, nous n'avons pas le dispositif qui nous permettait de le mettre en place. Le dispositif il est dans la loi qui est en cours d'adoption, c'est-à-dire…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça ne peut pas s'anticiper ?
NICOLE BELLOUBET
Mais bien sûr que si, ça s'anticipe mais vous savez, nous sommes également soumis à des règles de marchés publics, j'ai honte de dire ça ici, vis-à-vis du sujet dont nous parlons. C'est l'Etat, nous fonctionnons avec des risques de marché public, mais nous avons anticipé de sorte que très rapidement ces dispositifs puissent être mis en place.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous pensez que tout ce que vous décidez est à la hauteur du sujet ?
NICOLE BELLOUBET
Ecoutez ! Je pense que le gouvernement dans son ensemble est mobilisé sur ce sujet, nous travaillons avec les associations également et c'est très important. Et je suis certain que nous aurons des résultats.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous vous y engagez pour les femmes qui sont menacées chaque jour ?
NICOLE BELLOUBET
C'est une obsession pour moi, c'est une obsession.
ELIZABETH MARTICHOUX
Nicole BELLOUBET, la Turquie renvoie des djihadistes étrangers, elle a déjà mis sa menace à exécution vers les pays d'origine de ces combattants auprès de Daesh. 11 français, 4 femmes, 7 enfants, vous confirmez ?
NICOLE BELLOUBET
Non, je ne confirme pas parce que… je ne confirme pas parce que nous n'avons pas d'information officielle sur ces chiffres-là. L'ambassade de France en Turquie ne nous a pas transmis les informations officielles.
ELIZABETH MARTICHOUX
Quand est-ce qu'ils arrivent sur le territoire français, est-ce qu'ils sont là ?
NICOLE BELLOUBET
Ah non, non pas du tout.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et quand est-ce qu'ils arrivent ?
NICOLE BELLOUBET
Je ne le sais pas, je viens de vous le dire…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne le savez pas ?
NICOLE BELLOUBET
Non, je ne le sais pas Madame MARTICHOUX…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous n'êtes pas informée ?
NICOLE BELLOUBET
Mais je ne le sais pas parce qu'actuellement, nous n'avons pas d'informations précises sur l'identité de ces personnes, sur le moment auquel elles arriveraient en France. Permettez-moi…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc on est totalement livrés finalement à la décision d'Ankara, à un moment…
NICOLE BELLOUBET
Permettez-moi Madame MARTICHOUX de vous dire que ces personnes arrivent dans les heures qui viennent ou dans les 8 jours ou dans le mois ou n'arrivent jamais, nous sommes prêts à les prendre en charge, quel que soit…
ELIZABETH MARTICHOUX
Non mais c'est impressionnant de comprendre que…
NICOLE BELLOUBET
Mais non, ce n'est pas impressionnant…
ELIZABETH MARTICHOUX
La menace a été mise à exécution pour certains et en fait nous, l'Etat français n'est pas au courant !
NICOLE BELLOUBET
Non Madame MARTICHOUX, non Madame MARTICHOUX, ces personnes étaient sur le territoire syrien, sont peut-être encore sur le territoire syrien, elles transiteront peut-être par la Turquie, c'est ces éléments-là dont nous n'avons pas aujourd'hui la certitude.
ELIZABETH MARTICHOUX
Quand elles passeront la frontière, nous le saurons !
NICOLE BELLOUBET
Nous le saurons évidemment, nous le saurons puisque vous le savez, nous avons un protocole avec la Turquie qui fait que nous sommes alertés, dès lors que ces personnes vont être renvoyées en France. Et ce qui est le plus important et que je vous dis ici, c'est que nous sommes en capacité immédiatement, dans la plus grande sécurité pour nos concitoyens, de prendre en charge ces personnes.
ELIZABETH MARTICHOUX
Si ce sont des enfants…
NICOLE BELLOUBET
De la même manière !
ELIZABETH MARTICHOUX
Et ce sont peut-être vraisemblablement les enfants qui sont avec leur mère…
NICOLE BELLOUBET
Voilà ! C'est possible !
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors ces enfants, ils sont judiciarisés quel que soit leur âge ?
NICOLE BELLOUBET
Tout dépend de leur âge et tout dépend de la situation dans laquelle ils sont. Certains sont nés là-bas, certains sont partis de France, tout dépend de leur âge en réalité. Ces enfants…
ELIZABETH MARTICHOUX
On n'a aucune indication non plus là-dessus ?
NICOLE BELLOUBET
Mais par définition puisque je n'ai pas l'incertitude… il y a des noms qui ont circulé, qui ont été cités dans les journaux…
ELIZABETH MARTICHOUX
Notamment a femme recruteuse de Daech…
NICOLE BELLOUBET
Mais bien sûr, mais nous n'avons pas la certitude que nous parlions bien de ces personnes-là, nous le saurons dès que la Turquie nous en aura avisés.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors les enfants !
NICOLE BELLOUBET
Les enfants dès qu'ils arrivent en France, suivant leur âge, s'ils ont 16 ans ou s'ils ont 2 ans, la situation n'est pas exactement la même, suivant leur âge ils sont immédiatement pris en charge. Très vraisemblablement, les mères sont judiciarisées et donc sont présentées à un juge, placées en détention. Il y a donc une phase de séparation d'avec les enfants qui se produit au moment où ils arrivent en France. Les enfants sont également pris en charge par un juge des enfants, mais qui les place dans des lieux, qu'il s'agisse de familles d'accueil, qu'il s'agisse de foyers vraisemblablement…
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que ça peut être leur famille ?
NICOLE BELLOUBET
Non…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça ne peut pas être les grands-parents des enfants ?
NICOLE BELLOUBET
Non, ça ne peut pas être immédiatement les grands-parents des enfants, parce que nous avons besoin d'un sas pour mesurer l'état physique, l'état psychologique de ces enfants. Donc il y a vraiment des examens médicaux importants qui sont faits au moment même où ils arrivent en France. Puis ils sont placés par le juge des enfants, puis après…
ELIZABETH MARTICHOUX
L'Aide sociale… par l'Aide sociale à l'enfance ?
NICOLE BELLOUBET
Ils sont placés par le juge des enfants, l'Aide sociale à l'enfance, absolument. Et ils font…
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'ils sont séparés, s'il y a des frères et soeurs ?
NICOLE BELLOUBET
S'il y a des fratries, on fait attention, on fait attention à ce que suivant leur âge, on fait attention à ce qu'il n'y ait pas de séparation entre ces frères.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ils sont séparés de leur mère !
NICOLE BELLOUBET
Ils sont séparés de leur mère, ils sont placés par l'Aide à l'enfance…
ELIZABETH MARTICHOUX
Placés ensemble…
NICOLE BELLOUBET
Dans des familles d'accueil. Ils font là l'objet, je vous l'ai dit, d'une prise en charge médicale, d'un suivi évidemment et puis ils sont ensuite suivis tout au long de leur adolescence, leur jeunesse, de leur adolescence.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ils sont suivis tout au long par le juge. Et si ce sont des adolescents par exemple ?
NICOLE BELLOUBET
Alors après, tout dépend… en réalité la plupart du temps ce sont des enfants très jeunes qui reviennent…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ils sont nés là-bas !
NICOLE BELLOUBET
Généralement moins de 5 ans. Si ce sont des adolescents, tout dépend des faits qu'ils ont commis en partant sur les territoires de combat.
ELIZABETH MARTICHOUX
Si ce sont des femmes, elles seront dans des prisons différentes ou elles seront dans les mêmes établissements… parce que le principe c'est de les disperser…
NICOLE BELLOUBET
Nous avons fait le choix… voilà ! Nous avons fait le choix en France d'une dispersion. Vous savez… enfin je vous le redis, il y a 78 établissements, sur l'ensemble de nos établissements pénitentiaires, qui sont en capacité de prendre en charge des personnes qui sont parties combattre. Ensuite, nous les prenons en charge dans les établissements pénitentiaires selon des traitements différenciés, pour raison de la nature des faits qu'ils ont commis.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que Nicole BELLOUBET, s'il n'y a pas de preuves que vous arrivez à recueillir de leur implication réelle aux côtés des djihadistes, aux côtés de Daesh, est-ce qu'ils peuvent être relâchés ?
NICOLE BELLOUBET
Actuellement…
ELIZABETH MARTICHOUX
Il ou elle ?
NICOLE BELLOUBET
Actuellement, toutes ces personnes sont d'ores et déjà judiciarisées, c'est-à-dire que toutes les personnes françaises qui sont en Syrie, que nous suivons par les services de renseignement, nous avons suffisamment d'éléments pour que s'ils rentrent en France, ils soient immédiatement pris en charge par un juge. Et donc…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais il va y avoir une enquête parce qu'après…
NICOLE BELLOUBET
Mais nous avons déjà des éléments, nous avons d'ores et déjà des éléments qui nous permettent…
ELIZABETH MARTICHOUX
Des éléments suffisamment précis pour qu'en aucun cas, on ne puisse envisager qu'ils soient relâchés ?
NICOLE BELLOUBET
Absolument, ils sont… enfin qu'ils soient relâchés au moment où ils arrivent en France. Après il y aura un jugement et une adaptation évidemment de la peine.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous êtes inquiète de la radicalisation à présent Nicole BELLOUBET ?
NICOLE BELLOUBET
Non, je ne suis pas plus inquiète que je le…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça vous préoccupe ?
NICOLE BELLOUBET
Les 2 choses… les 2 mots sont différents, je ne suis pas inquiète au sens où nous avons là encore un dispositif de suivi et de maîtrise des personnes, soit terroristes islamistes soit des personnes qui se sont radicalisées. C'est un dispositif qui est précis, qui est mis en place maintenant depuis plus de 2 ans, qui fonctionne avec l'appui des services de renseignements, donc nous contrôlons ce qui se passe. Je n'ai pas dit qu'un accident était impossible, je dis que je ne suis pas particulièrement inquiète, je suis vigilante et vraiment arc-boutée sur ce sujet-là.
ELIZABETH MARTICHOUX
Combien de djihadistes qui ont purgé leur peine ont été libérés… français ont été libérés depuis le début de l'année ?
NICOLE BELLOUBET
Alors je n'ai pas le chiffre… je crois que c'est une trentaine depuis le début de l'année, mais je pourrai… je crois que c'est une trentaine depuis le début de l'année. Il faut bien voir que les personnes qui sont libérées depuis quelque temps sont des personnes qui ont subi une condamnation, il y a plusieurs années, au moment où la sensibilité et la juridiciarisation de ces faits n'était pas aussi forte qu'elle l'est aujourd'hui. Donc ces personnes, lorsqu'elles sont libérées, là encore font l'objet d'un suivi extrêmement…
ELIZABETH MARTICHOUX
D'un suivi par les services ou d'un suivi par des contrôles et des convocations obligatoires…
NICOLE BELLOUBET
Par les services de renseignement. D'un suivi par les services… tout dépend de leur situation judiciaire, c'est-à-dire quand vous sortez de prison soit vous êtes sous contrôle judiciaire, dans ce cas-là vous devez à intervalles réguliers vous présenter, etc., soit vous êtes sous bracelet dans certains cas, soit vous n'êtes sous aucun statut de ce type-là mais les services de renseignement territoriaux vous suivent. Et là, nous faisons des points très réguliers, très réguliers entre services de renseignement, administrations préfectorale, pénitentiaire pour savoir où sont ces personnes.
ELIZABETH MARTICHOUX
Une trentaine cette année, beaucoup plus l'année prochaine que vous relâchez ?
NICOLE BELLOUBET
Beaucoup plus… pas beaucoup plus, nous sommes à peu près dans ce même ordre… dans ce même…
ELIZABETH MARTICHOUX
Pas beaucoup plus ?
NICOLE BELLOUBET
Nous sommes à peu près dans ce même étiage.
ELIZABETH MARTICHOUX
Nicole BELLOUBET, multiplication de foyers sociaux en France en ce moment, la rentrée est difficile, l'automne s'annonce chaud. Face à ces colères qui risquent de se rejoindre, c'est une hypothèse que vous regardez j'imagine avec beaucoup d'attention. Est-ce que le gouvernement doit jouer la prudence ?
NICOLE BELLOUBET
Je ne sais pas si le mot prudent c'est le mot qui est de mise, puisque nous avons toujours dit aux Français que nous voulions réformer plusieurs pans de notre société. Nous le faisons, ça a été la loi bioéthique avec la PMA, c'était la SNCF, etc., nous le faisons. Mais je pense qu'il faut travailler en accordant beaucoup d'attention aux personnes, à nos concitoyens qui eux subissent ces réformes – pour certains d'entre eux – et qui pour d'autres vraiment en sont les acteurs. Donc aux uns comme aux autres, il faut accorder la plus grande attention. Et c'est ce que nous faisons je crois chacun…
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que pour désamorcer pour finir, il faut savoir lâcher, lâcher du lest ?
NICOLE BELLOUBET
Ce n'est pas le mot que j'utiliserai, mais je pense qu'il y a une progressivité dans la mise en oeuvre des réformes. Je ne pense…
ELIZABETH MARTICHOUX
La clause du grand-père, vous êtes pour dans la réforme des retraites ?
NICOLE BELLOUBET
Je ne pense qu'il faille lâcher du lest parce que ça, c'est une forme de démission, je ne pense pas qu'il faille lâcher du lest. Je pense qu'il faut être attentif à ce que demandent nos concitoyens ; et qu'il faut savoir installer cette progressivité. C'est ce que Jean-Paul DELEVOYE pour les retraites parle de chemin de convergence, parle quand il évoque les chemins de convergence.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est l'état d'esprit que vous souhaitez ?
NICOLE BELLOUBET
Mais c'est l'état d'esprit dans lequel nous sommes tous, c'est l'état d'esprit dans lequel se trouvent le Premier ministre et le président de la République.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci Nicole BELLOUBET d'avoir été ce matin sur LCI.
NICOLE BELLOUBET
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2019