Interview de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, à BFMTV le 15 novembre 2019, sur le plan pour l'hôpital et le réforme des retraites.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Olivier DUSSOPT, bonjour.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes chargé de la Fonction publique, les fonctionnaires, ça tombe bien, on va beaucoup en parler. Olivier DUSSOPT, un mot. Vous êtes élu du Nord de l'Ardèche, Annonay, il a beaucoup neigé, 15 centimètres, ça fait partie des régions touchées et beaucoup de foyers privés d'électricité ce matin.

OLIVIER DUSSOPT
Beaucoup de foyers privés d'électricité, 15 centimètres en plaine, plus sur les plateaux, et puis des services publics, vous parliez de la fonction publique, mais les services communaux, des services de l'Etat, qui sont sur les routes, qui sont mobilisés, tant pour porter secours, que pour déneiger, pour retirer des arbres, qu'il faut saluer ce matin, ils travaillent depuis quelques heures, au milieu de la nuit et dans le froid.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, les fonctions publiques justement, ça gronde dans la fonction publique, vraiment, franchement. Je rappelle qu'il y a trois fonctions publiques…

OLIVIER DUSSOPT
Trois versants, oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Fonction publique d'Etat, Fonction publique Territoriale, et la Fonction publique Hospitalière. Nous allons commencer avec la troisième, la colère dans l'hôpital public. « On a besoin de pognon », c'est ce que j'entends, c'est ce que vous avez entendu hier, est-ce que vous allez donner du pognon ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est une réalité, c'est une réalité et le gouvernement fait déjà des efforts. Depuis que nous sommes arrivés en responsabilité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux plans qui n'ont servi à rien, surtout pas à calmer la colère !

OLIVIER DUSSOPT
Permettez-moi d'en dire un mot. Premier plan, Ma santé 2022, présenté fin 2018, qui se traduit dans une loi, qui se met en oeuvre, deuxième plan sur les urgences, avec 750 millions d'euros. Il y a un gouvernement, qui parallèlement à tout ça, augmente ce qu'on appelle l'ONDAM, qui est l'indice d'augmentation des dépenses médicales, nous l'augmentons plus que ce qui a été fait dans la période précédente.

JEAN-JACQUES BOURDIN
2,1 %.

OLIVIER DUSSOPT
2,3, dont 2,1 pour la partie hospitalière.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, moi je parle de l'hôpital, 2,1.

OLIVIER DUSSOPT
Oui, soyons précis, et faisons des comparaisons, c'est plus que les dix dernières années. Il faut ajouter à cela une nouveauté, qui n'avait pas eu lieu depuis presque 10 ans, le fait qu'Agnès BUZYN, ma collègue ministre de la Santé et des Solidarités, a en 2019, pour la première fois depuis 10 ans, augmenté ce qu'on appelle la tarification des hôpitaux, pour leur donner du souffle. Est-ce que ça suffit ? La réponse est visible : non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je m'arrête là, ça suffit ? Non. Vous me donnez des chiffres, moi je vais vous en donner d'autres. Combien d'économie a-t-on demandé à l'hôpital public depuis 2005, le montant ?

OLIVIER DUSSOPT
Plusieurs milliards, beaucoup trop.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Plusieurs milliards, près de 10 milliards, près de 10 milliards Olivier DUSSOPT, première chose. Quelle est la dette des hôpitaux publics ?

OLIVIER DUSSOPT
Trente milliards.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Trente milliards d'euros, parce qu'il fait quand même comparer les chiffres.

OLIVIER DUSSOPT
C'est le cas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors maintenant, maintenant que nous avons comparé les chiffres, j'ai entendu Emmanuel MACRON, vous aussi, qu'annonce-t-il ? Un plan d'action renforcé, des investissements plus massifs dans notre système de santé. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que l'Etat va annoncer un effort financier en direction des hôpitaux mercredi prochain, on est d'accord ?

OLIVIER DUSSOPT
On va annoncer un effort financier, mais pas seulement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais, vous allez annoncer un effort financier.

OLIVIER DUSSOPT
Nous allons annoncer un effort financier, mais pas seulement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'un montant de combien ?

OLIVIER DUSSOPT
Une précision si vous me permettez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'un montant de combien ? Attendez, attendez…

OLIVIER DUSSOPT
Oui, je sais votre appétence pour les chiffres et je vais y répondre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non, mon appétence pour l'information Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Un chiffre est une information, nous en sommes d'accord.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y.

OLIVIER DUSSOPT
Tout à l'heure vous avez dit, nous avons demandé, collectivement, depuis 2005, et hier dans les débats au Sénat le président de la commission des Affaires sociales disait lui-même que c'était quelque chose qui s'était accumulé au fil du temps. Quand on dit 10 milliards d'économie, ce n'est pas 10 milliards de dépenses en moins, c'est simplement, mais malheureusement, parce que les moyens qui sont donnés aux hôpitaux augmentent moins vite que les besoins auxquels les hôpitaux doivent répondre, et donc c'est une économie en tendance, mais c'est une économie, c'est un effort énorme, on parle de régulation budgétaire et on fait face à une situation de crise qui est née de l'accumulation pendant des années et des années. Vous parliez de chiffres, pour 2020 par exemple, rien qu'avec le budget de la Sécurité sociale tel que nous le présentons, sans tenir compte des annonces que le Premier ministre fera, à la demande du président, mercredi prochain, l'augmentation des moyens pour l'hôpital public c'est 1,6 milliard d'euros, auxquels vont s'ajouter les annonces. Le montant des annonces de mercredi prochain n'est pas encore totalement défini puisque, je ne suis pas là dans le rôle qui est le mien, pour dire ça va être X…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais de l'argent, 1,6 milliard aujourd'hui…

OLIVIER DUSSOPT
C'est déjà prévu.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est déjà prévu, au moins le double.

OLIVIER DUSSOPT
Je ne sais pas si on peut dire le double ou pas le double, parce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
De l'argent en plus.

OLIVIER DUSSOPT
De l'argent en plus, évidemment…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et de l'argent qui se chiffrera en milliards, ce n'est pas 200 millions d'euros que vous allez donner !

OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, quand on parle d'hôpital, quand on parle de Sécurité sociale, quand on parle d'un montant de dépenses qui atteint 450 milliards d'euros par an, on parle uniquement en milliards, cela pèse lourd, mais c'est utile.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on est à 1,6 milliard, on va passer à quoi, 3 milliards, 4 milliards ?

OLIVIER DUSSOPT
Permettez-moi d'apporter une précision…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais, Olivier DUSSOPT, environ, je ne vous demande pas le chiffre exact, mais environ, 3, 4 milliards.

OLIVIER DUSSOPT
Je ne sais pas dire à ce moment, et ça serait maladroit et imprudent de ma part.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai que Bercy veille.

OLIVIER DUSSOPT
Bercy, j'y suis, avec Gérald DARMANIN, avec Bruno LE MAIRE…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais selon les étages, on veille.

OLIVIER DUSSOPT
Et nous avons évidemment un souci de dépenses publiques, mais nous avons aussi le souci de répondre aux besoins de l'hôpital et des usages.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc de l'argent, et pas que de l'argent.

OLIVIER DUSSOPT
Pas que de l'argent, justement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, de l'argent on est d'accord…

OLIVIER DUSSOPT
Et pas que de l'argent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y en aura ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y en aura évidemment, mais pas que de l'argent, parce qu'il faut réorganiser, il faut revoir la gouvernance et il faut revoir l'attractivité des métiers. L'attractivité des métiers c'est convaincre, confirmer…

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'abord, la première attractivité c'est le salaire ! Vous allez augmenter les salaires ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est le salaire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez augmenter les salaires des aides-soignantes, des infirmiers, des… vous allez augmenter ou pas ?

OLIVIER DUSSOPT
Mais, attendez, juste prenons un peu de recul. Agnès BUZYN a déjà fait un certain nombre d'annonces pour répondre aux besoins de telle ou telle catégorie, là aussi est-ce que c'est suffisant ? Nous nous posons la question et nous le regardons. Mais quand on parle…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est suffisant ou pas ?

OLIVIER DUSSOPT
La réponse est dans la rue, nous voyons bien qu'il y a des difficultés…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est insuffisant. Donc il y aura un effort en direction des salaires ?

OLIVIER DUSSOPT
Il faut un effort en direction des carrières et en direction des agents.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et des salaires ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est déjà le cas Monsieur BOURDIN, c'est déjà le cas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas d'effort supplémentaire sur les salaires, si je comprends bien.

OLIVIER DUSSOPT
Attendez, laissez-nous aussi le temps de travailler et de finaliser les mesures. Vous m'avez arrêté quand je parlais de gouvernance et de réorganisation. Agnès BUZYN, qui s'occupe de ce secteur-là, a une grande particularité, une grande qualité, c'est qu'elle est elle-même médecin de l'hôpital public, et elle disait hier devant le Sénat que depuis 2000, avec les modifications de rythme de travail, avec la loi HPST, la gouvernance a été changée, il y a trop de place pour l'administratif, pas assez pour le médical, il faut faire en sorte que l'acte médical redevienne la priorité des soignants, il faut faire en sorte de réorganiser les urgences, avec la médecine de ville, pour qu'elles soient désengorgées et que les conditions de travail soient meilleures. J'ai dit tout à l'heure qu'elle avait annoncé un plan spécifique pour les urgences, avec 750 millions d'euros, avec la possibilité, là aussi, de travailler sur une meilleure organisation des flux, tout ça ne se fait pas en claquant dans les doigts, et les praticiens, les médecins, les aides-soignants, les personnels hospitaliers, le savent pertinemment, cela prend un petit peu de temps, il faut le mettre en oeuvre, et il faut le suivre de très près.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça prend du temps, mais là il y a urgence.

OLIVIER DUSSOPT
Il y a urgence. Ok, il y a urgence, prenons justement une des difficultés qu'on peut rencontrer. C'est Agnès BUZYN et notre gouvernement, c'est nous qui avons supprimé le numerus clausus, pour permettre la formation de plus de médecins, sauf qu'entre le moment – tout le monde l'attendait – entre le moment où on supprime le numerus clausus et le moment où les médecins arrivent à l'hôpital il faut aussi du temps et de la formation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vue les salaires pratiqués dans l'hôpital public, les médecins n'iront pas dans l'hôpital public, Olivier DUSSOPT !

OLIVIER DUSSOPT
C'est une des questions qu'il faut traiter, effectivement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah ben oui, ça c'est sûr, ça c'est sûr, parce que vous avez un problème, et nous avons un problème de recrutement dans l'hôpital public.

OLIVIER DUSSOPT
De recrutement dans l'hôpital public, et on peut même…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ? Parce que le travail est très lourd, parce que les salaires sont insuffisants, et parce qu'on travaille dans de mauvaises conditions. Eh ben oui !

OLIVIER DUSSOPT
Je partage le constat, je ne vais pas vous dire le contraire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on est d'accord, mais il faut répondre à ce constat.

OLIVIER DUSSOPT
Mais si je vous dis que nous y répondons en 24 heures c'est un mensonge et c'est se moquer du monde, et les premiers qui le savent ce sont les soignants.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien nous verrons mercredi.

OLIVIER DUSSOPT
Après le Conseil des ministres.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez que la colère, vous le savez mieux que moi, la colère sociale est grande, là j'élargis le débat. Le 5 il y a cette inquiétude générale qui va s'exprimer, vous craignez ces mouvements ?

OLIVIER DUSSOPT
Le 5 c'est une manifestation par rapport à la réforme des retraites, donc nous écoutons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais il n'y a pas que la réforme des retraites.

OLIVIER DUSSOPT
Nous écoutons ces inquiétudes, nous apportons des réponses. Nous avons dit, nous répétons, que la réforme des retraites que nous portons, et qui sera présentée début 2020, ne concerne évidemment pas les retraites actuelles, elle ne concernera pas celles et ceux qui, lorsque la loi sera votée, seront à moins de 5 ans de leur départ à la retraite. Il y aura, c'est dit, c'est annoncé, des mesures de compensation et d'accompagnement dans le temps, pour que celles et ceux qui aujourd'hui, par leur situation, par leur déroulement de carrière, je pense par exemple aux enseignants, ne soient pas les perdants de la réforme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir.

OLIVIER DUSSOPT
Ça prend du temps, et il faut aussi savoir le penser à l'échelle d'une transition.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous préparez, avant le 5, un grand sommet social, avant le 5 décembre ? Est-ce que le gouvernement prépare ça, le Premier ministre ?

OLIVIER DUSSOPT
Le gouvernement travaille et fait en sorte, dans une concertation avec les organisations syndicales, le Premier ministre va les recevoir dans les tous prochains jours…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y aura pas un grand sommet social ?

OLIVIER DUSSOPT
Il n'est pas prévu à nos agendas. Est-ce que c'est une réponse ou pas ? Est-ce qu'un sommet suffit à répondre à des inquiétudes ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais au moins à répondre à des questions.

OLIVIER DUSSOPT
Nous répondons aux questions. Le ministre de l'Education a, par exemple, adressé, dans les dernières heures, un courrier pour confirmer que la mise en place de la réforme serait accompagnée de mesures de compensation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la réforme ne s'appliquera qu'aux nouveaux entrants ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est une des hypothèses, ça s'appelle « la clause du grand-père » pour reprendre cette expression. Le Premier ministre a dit qu'il souhaitait que la concertation qui est menée par le Haut-commissaire jusqu'au 15 décembre, puisse aborder, regarder, l'ensemble des scénarios possibles. Dans le rapport qu'a présenté Jean-Paul DELEVOYE au mois de juillet, c'est un scénario qui préconise une date de naissance comme génération entrant dans le nouveau système, 1963 dans le rapport, et une mise en oeuvre progressive pour que les 42 régimes que nous connaissons puissent converger, à leur rythme, vers un système universel. Le Premier ministre a précisé les choses, il a dit début 2020, après les concertations. Nous prenons une loi cadre qui définit ce que doit être l'architecture du nouveau système universel de retraite, ce que j'appelle moi, parfois, « la maison commune », et qui dit quels en sont les principes, quels en sont les principes y compris d'application en termes de calendrier, et ensuite on regarde, régime par régime, il y en a 42, comment est-ce qu'on organise la convergence de chaque régime. Le Haut-commissaire, à la demande du Premier ministre, en lien avec lui, a dit aux syndicats qu'il était ouvert à des discussions sur la question de l'année de référence, qu'il était ouvert à la question et au débat sur les modalités de transition. Aujourd'hui les concertations sont en cours, dire qu'il faudrait privilégier une disposition ou une autre serait les préempter.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends Olivier DUSSOPT, mais je vous pose une question toute simple, est-ce que « la clause du grand-père » est un choix que vous faites, à titre personnel vous ? Est-ce que la réforme ne doit s'appliquer aux nouveaux entrants, qu'en pensez-vous ?

OLIVIER DUSSOPT
Je pense que la réforme doit s'appliquer de la même manière à toutes les catégories, et que si par exemple…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'aux nouveaux entrants ?

OLIVIER DUSSOPT
Attendez, si par exemple « la clause du grand-père », d'ailleurs cette expression est un peu étonnante, mais si elle était retenue, il faut que ça s'applique à tous, salariés du privé, salariés du public. Si nous avons d'autres dispositions de transition il faut les faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais si la clause s'applique, il faut l'appliquer à tout le monde, public et privé.

OLIVIER DUSSOPT
Je vais vous dire mon sentiment. Je pense que, lorsqu'on appartient à un gouvernement, engagé dans une réforme aussi importante…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, essentielle.

OLIVIER DUSSOPT
Aussi compliquée, essentielle, qui va prendre du temps…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Essentielle pour la réélection d'Emmanuel MACRON aussi.

OLIVIER DUSSOPT
Essentielle pour les Français, essentielle pour l'égalité des futurs retraités ; et parfois je me dis qu'on ne devrait pas parler de réforme du système des retraites, mais de construction d'un nouveau système, tellement les modifications sont importantes. Il y a un devoir…

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'entends ça tous les jours, à chaque fois que j'ai invité, c'est un élément de langage, la construction d'un nouveau système.

OLIVIER DUSSOPT
C'est une conviction. Il y a une responsabilité, quand on est membre d'un gouvernement, c'est de ne jamais ajouter de la cacophonie, de ne jamais ajouter à la confusion et de faire en sorte que le travail soit le plus collégial possible, pour qu'ensuite la décision soit appliquée par tous.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes prudent.

OLIVIER DUSSOPT
C'est de la prudence, mais c'est aussi de la responsabilité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, la retraite des fonctionnaires, les retraites des fonctionnaires. Je vais prendre les enseignants, on pourrait prendre des agents des impôts, quoi que non, parce que chaque cas est bien différent.

OLIVIER DUSSOPT
Vous avez raison de dire qu'il y a une grande hétérogénéité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment. Retraite calculée sur les six derniers mois de salaire actuellement, pour un enseignant, alors avec la réforme l'ensemble de la carrière sera prise en compte, vous prenez en compte les primes, il n'y en a pas beaucoup chez les enseignants…

OLIVIER DUSSOPT
C'est une des difficultés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une des difficultés, il va falloir compenser, on est bien d'accord, ça va coûter une fortune à l'Etat, parce qu'il va falloir aussi augmenter les salaires des enseignants, on est d'accord ?

OLIVIER DUSSOPT
J'attendais que vous finissiez votre question pour préciser.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, le coût ?

OLIVIER DUSSOPT
Aujourd'hui vous avez, dans la fonction publique, et vous l'avez dit, des situations très différentes. En moyenne, et je dis bien que c'est une moyenne, la part des primes dans le salaire, dans le traitement d'un agent public, c'est 23%, et cette prime…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas chez les enseignants !

OLIVIER DUSSOPT
Non…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est beaucoup moins.

OLIVIER DUSSOPT
C'est plutôt 5, 6% et parfois zéro. Cette part de prime, de 23% en moyenne, ne compte pas, ou quasiment pas pour la retraite, un des objectifs c'est que cela compte pour la retraite, et c'est un progrès pour les fonctionnaires. Par contre, il y a des enseignants, il y a d'autres corps de métiers, qui n'ont pas de primes ou très peu de primes, et donc ceux-ci, si nous appliquions les préconisations du rapport de mon collègue Jean-Paul DELEVOYE, de manière automatique et brutale, pourraient être les perdants de la réforme. Nous avons déjà dit, nous avons déjà dit et répété, et le ministre de l'Education l'a à nouveau dit et écrit aux organisations syndicales de l'Education nationale cette semaine, il faut qu'il y ait des compensations, il faut qu'il y ait des compensations et que nous puissions revaloriser…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelles compensations ?

OLIVIER DUSSOPT
Revaloriser la carrière, et donc la rémunération des enseignants, pour qu'ils ne soient pas perdants. Là où il faut que l'on regarde…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Entre 5 et 23%, vous revaloriserez de 10%, je ne sais pas moi…

OLIVIER DUSSOPT
Là où il faut que l'on regarde comment nous faisons les choses, c'est dans le temps, la réforme des retraites ne s'appliquera pas avant 2025. Les enseignants, mais quand je dis les enseignants c'est le cas de tout le monde, ceux qui partiront en 2026, par exemple, n'auront que 1/42e de leur pension calculée sur les nouvelles modalités, les 41, 42e, par rapport au nombre d'années de cotisation, calculés sur les anciennes, donc il faut qu'il y ait des compensations et qu'elles soient progressives. Il y a des pistes qui sont mises sur la table, ça peut être une revalorisation de ce qu'on appelle le régime indemnitaire, c'est le terme exact plutôt que prime, ça peut être une révision des grilles de salaires à l'échelle d'une carrière, puisque vous l'avez dit, aujourd'hui les enseignants ont une carrière avec une progression de salaire qui est assez linéaire, qui s'accélère quelque peu en fin de carrière, et ce qu'on appelle un taux de remplacement, qui est relativement bon, puisqu'il est calculé sur les six derniers mois. Prenons le temps de modéliser, mais la modélisation, pardon pour le terme technique, de la compensation, ne peut être véritablement définie que lorsqu'on connaît les arbitrages définitifs sur les générations qui sont concernées, sur les modalités de la transition, et sur les grands arbitrages.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va falloir faire tourner les ordinateurs là !

OLIVIER DUSSOPT
Ils tournent déjà pour que nous soyons prêts, que nous puissions apporter les réponses nécessaires.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça j'imagine. Si j'ai bien compris, il y a 42 régimes spéciaux…

OLIVIER DUSSOPT
Il y a 42 régimes différents.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Différents, régimes différents, chaque régime, vous allez à la carte, si j'ai bien compris, appliquer en fonction du taux de prime, vous allez appliquer un système à la carte pour chaque régime.

OLIVIER DUSSOPT
Je ne partage pas l'expression, mais je la reprends. Quand vous dites à la carte, je veux bien le reprendre, sur un point, c'est sur la transition. Aujourd'hui nous avons 42 régimes qui sont très différents, et avec des inégalités qui sont importantes, et au sein de ces régimes il y a des hommes et des femmes, il y a des catégories de population qui sont encore plus mal traitées, celles et ceux qui ont des carrières hachées , ou non linéaires, souvent les femmes, avec des taux de remplacement, des décotes qui sont importantes, notre objectif c'est d'aller vers un régime qui garantisse que pour 1 euro cotisé vous ayez la même pension. Quand vous partez de 42 situations différentes, pour aller vers une situation commune, il est normal que la transition soit au rythme de chacun des 42, l'essentiel c'est le point d'arrivée, et le point d'arrivée c'est un régime universel.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Vous allez créer 400 maisons de Service Public en France un peu partout en France, enfin 50 nouvelles…

OLIVIER DUSSOPT
Nous allons créer 2000 à l'échelle du quinquennat, dont 400 qui seront labellisées aujourd'hui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors ça, ça permettra à chacun de venir remplir ses formulaires, par exemple, pas trop loin, il y en aura au moins une dans chaque département.

OLIVIER DUSSOPT
Non, au moins une par canton.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Par canton même, holà holà…

OLIVIER DUSSOPT
Quand je parle de 2000…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, 2000, c'est vrai, à terme.

OLIVIER DUSSOPT
A terme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes à Bercy, vous cherchez de l'argent, évidemment, toujours, à Bercy on chercher toujours de l'argent.

OLIVIER DUSSOPT
Toujours, vous savez que c'est notre défaut.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi j'ai une idée pour vous.

OLIVIER DUSSOPT
Dites-moi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
100 millions d'euros.

OLIVIER DUSSOPT
Ah, si vous avez 100 millions d'euros, je peux les prendre, mais ça dépend si c'est acceptable…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez refusé de les prendre.

OLIVIER DUSSOPT
Dites-moi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez pourquoi ? Vous connaissez l'huile de palme ?

OLIVIER DUSSOPT
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'huile de palme, quand on fabrique un biocarburant à base d'huile de palme on a droit, toujours, depuis hier soir, parce que les députés l'ont voté, à un avantage fiscal de 100 millions d'euros.

OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas nouveau.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas nouveau, ce n'est pas nouveau, mais l'huile de palme, compte tenu des dégâts que ça provoque, on aurait peut-être pu supprimer, non, cet avantage fiscal, versé à TOTAL, et vous auriez récupéré 100 millions d'euros dans les caisses de l'Etat.

OLIVIER DUSSOPT
Je vais vous répondre en deux points. Je sais que cet amendement, qui a été adopté hier soir par l'Assemblée nationale, fait débat, y compris d'ailleurs au sein de la majorité, ce n'est pas une situation nouvelle et le gouvernement travaille à cette transition, y compris dans le temps puisque…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a même pas eu de débat.

OLIVIER DUSSOPT
L'exonération, que vous évoquez, prend fin en 2025, 2026, d'après le vote de l'amendement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
2026, on est en 2019.

OLIVIER DUSSOPT
Oui, je dis 25, 26, parce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sept ans.

OLIVIER DUSSOPT
Par contre, ce qu'il faut dire aussi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sept ans de destruction forestière.

OLIVIER DUSSOPT
C'est une vraie difficulté et je vous le répète, cet amendement fait débat, et je pense que le débat va continuer, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, par contre il ne faut pas que cet amendement cache le travail qui est fait pour la transition d'une part, et cache le travail que nous faisons en matière de rationalisation, de recherche d'efficacité, sur les niches fiscales, sur les niches sociales, sur la lutte contre la fraude fiscale. Vous évoquiez les 100 millions d'euros…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais c'est une niche fiscale ça.

OLIVIER DUSSOPT
Vous évoquiez les 100 millions d'euros…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je croyais que vous alliez à la chasse aux niches fiscales.

OLIVIER DUSSOPT
C'est ce que nous faisons.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas vraiment !

OLIVIER DUSSOPT
C'est ce que nous faisons, et non seulement nous allons à la chasse aux niches, mais nous allons aussi à la chasse à la fraude.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais TOTAL est puissant.

OLIVIER DUSSOPT
Je vais vous donner un chiffre, parce qu'il est important, et je pense qu'il vous intéressera. Sur l'année 2019, nous allons battre un record, le record que nous allons battre en 2019 c'est le record des sommes encaissées en matière de lutte contre la fraude fiscale. Depuis toujours il était communiqué sur le montant notifié, nous nous communiquons sur le montant encaissé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bravo, mais vous auriez pu faire mieux.

OLIVIER DUSSOPT
Au 30 septembre c'était presque 6 milliards d'euros, et ça va continuer à monter d'ici la fin de l'année. Il y a 1000 champs qui sont ouverts, 1000 chantiers qui sont ouverts, vous en avez cité un, mais il y en a beaucoup d'autres, pour que les dépenses fiscales, puisque quand on parle de niches fiscales, de niches sociales, nous sommes dans le registre de la dépense fiscale, soient les plus efficaces et les plus justes possibles.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est juste, si j'ai bien compris c'est juste d'accord 100 millions d'euros…

OLIVIER DUSSOPT
L'Assemblée l'a voté et on est dans une période transitoire, vous trouvez qu'elle est trop longue, j'ai bien compris.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Olivier DUSSOPT d'être venu nous voir.

OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2019