Interview de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État aux transports, à LCI le 13 septembre 2019, sur la journée de grève à la RATP contre la réforme des retraites.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'être avec nous, bonjour Jean-Baptiste DJEBBARI.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bonjour à vous.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes secrétaire d'Etat aux Transports. Quelques petits mots pour vous présenter parce que les Français ne vous ont pas identifié encore comme membre du gouvernement, d'ailleurs vous n'avez pas l'habitude puisque vous n'avez pas fermé votre portable. Dans le civil vous êtes pilote de ligne, commandant de bord, je crois que vous faisiez surtout…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Des vols d'affaires.

ELIZABETH MARTICHOUX
Des vols d'affaires, donc ça vous donne quand même, peut-être pas une connaissance absolue, mais une petite compétence dans l'aérien, vous vous faites élire député LREM en Haute-Vienne dans la grande vague de 2017, vous vous êtes fait remarquer comme rapporteur du projet de loi de réforme de la SNCF, là ça vous a donné une connaissance du ferroviaire, et vous voilà donc bombardé secrétaire d'Etat aux transports. Et vous avez sacrifié aux people cette semaine, puisque vous êtes, on va le voir, dans Paris-Match, on vous voit – je ne sais pas si on peut voir la photo – on vous voit avec un costume en haut et en bas un short de rugbyman, parce que c'est votre passion, c'est ça ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est ma passion, c'est mon sport depuis tout petit, et puis vous savez qu'il y a une équipe au Parlement, une équipe de 15 parlementaires, qui d'ailleurs est partie hier au Japon faire la Coupe du monde des parlementaires.

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, c'était pour l'anecdote, parce qu'on va parler d'un autre match, Jean-Baptiste DJEBBARI, un match sérieux, c'est la bataille des retraites, c'est à la RATP que commence le bras de fer. D'abord, est-ce que vous avez des chiffres concernant la mobilisation depuis ce matin ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, depuis ce matin, en tout cas le plan de transport qui a été annoncé hier par la RATP est tenu, les lignes 1 et 14, qui sont automatisées, fonctionnent, et puis les lignes 4, 7, 8 et 9, ont un fonctionnement partiel, mais donc le fonctionnement est conforme à ce qu'a annoncé la RATP hier et sur lequel le gouvernement a, dans la même lignée, annoncé effectivement ce plan de transport. Et j'ajoute que 500 volontaires sont aujourd'hui dans les stations de métro pour tenter d'aide les voyageurs, pour les canaliser, pour les informer, de manière à ce qu'il y ait le moins de bouchons possible, même si la circulation, vous le savez, reste difficile, on a beaucoup de bouchons aujourd'hui notamment…

ELIZABETH MARTICHOUX
290 kilomètres au dernier pointage. Justement, vous parliez des voyageurs. Question pratique : est-ce que vous souhaitez, vous, en qualité de secrétaire d'Etat aux Transports, que les voyageurs soient remboursés, surtout les abonnés, de cette journée noire ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y aura un sujet effectivement du traitement financier, vous savez que la présidente de région, Valérie PECRESSE, a annoncé que si le contrat de la RATP n'était pas respecté, elle appliquerait, ou elle ne paierait pas la RATP. Je crois que d'abord il faut regarder quel est le niveau de service réel, et ensuite traiter éventuellement le paiement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais est-ce que vous souhaitez qu'il y ait une indemnisation, vous ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord la plupart des gens sont sur un forfait, la RATP a mis en place des dispositifs alternatifs, a fait en sorte de favoriser notamment les moyens de transport comme le covoiturage, comme les VTC, elle essaye, la RATP, d'offrir un niveau de service qui soit le plus exigeant possible, et donc pour l'instant ça me paraît être un peu tôt pour se prononcer sur le sujet du remboursement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc la réponse est plutôt non. On parlait tout à l'heure, avec François-Xavier PIETRI dans la matinale, du service minimum, on en a beaucoup parlé parce que c'est vrai qu'il y a une loi qui date de 2007, qui permettait à la fois une meilleure information des voyageurs, là il y a eu des progrès, et puis aussi un service minimum, qui, comme son nom l'indique, permet d'amortir les effets d'une grève. Elle est balayée, il est balayé, ou elle est balayée cette loi par le niveau très puissant de mobilisation des agents de la RATP, est-ce qu'il faut la toiletter cette loi, est-ce qu'il faut la revoir, est-ce qu'elle n'est pas dépassée ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Cette loi 2007 ce n'est pas tout à fait une loi de service minimum, c'est une loi qui dit, si vous êtes gréviste vous devez le dire 48 heures avant, ça permet à la RATP de construire son plan de service et de communiquer dessus, et la RATP doit annoncer son plan de service aux passagers, aux voyageurs, 24 heures à l'avance, la loi dit ça.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est la meilleure information due aux voyageurs.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est la meilleure information due aux voyageurs, et après effectivement, le contrat entre la Région et la RATP dit que vous devez faire 75 % du trafic sur la journée, et surtout vous devez passer 1 train sur 2 aux heures de pointe, c'est ça que dit le contrat, et c'est là-dessus effectivement qu'il peut y avoir des discussions entre la RATP et la Région. Mais faire une loi de service minimum réel, juridiquement c'est compliqué, je ne rentre pas dans le détail parce que ça concerne que les services de transport essentiels, et puis en fait ce n'est pas le sujet, le sujet aujourd'hui c'est le sujet des retraites, on voit bien que l'anxiété ce n'est pas tellement le fait d'avoir ou non une loi du service minimum dans 5, 6 mois, qui va faire baisser la tension chez les agents de la RATP.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais ça peut améliorer la vie quotidienne de ceux qui prennent les transports en commun, si jamais, Jean-Baptiste DJEBBARI, personne n'en sait rien encore à ce stade, si jamais il y avait, comme en 95 par exemple, vous étiez très jeune à l'époque, mais 3 semaines de grève très dures.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
J'avais 13 ans et je m'en rappelle.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous souhaitez par ailleurs, puisque justement vous parliez de Valérie PECRESSE, elle avait déposé un amendement à la loi Mobilités, que vous êtes en train de défendre au Parlement, pour que les 48 heures d'obligation d'informer du fait qu'on va faire grève, quand on est gréviste dans les transports, passe à 72 heures pour permettre encore mieux à l'entreprise de s'organiser en amont, vous l'avez rejeté cet amendement.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On l'a rejeté hier effectivement, je l'ai rejeté hier, dans la mesure où on a concerté à la fois les employeurs, les organisations syndicales, et que ce n'était une demande de personne parmi les gens que nous avons consultés.

ELIZABETH MARTICHOUX
Valérie PECRESSE était toute seule sur ce créneau-là ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ecoutez, moi je fais confiance aux discussions que nous avons pu avoir au ministère avec les différentes parties prenantes, les 48 heures permettent assez bien de savoir quel va être le niveau d'agents disponibles, et de construire le plan de service. Encore une fois, aujourd'hui le plan de service annoncé hier il est tenu, alors il est certes très partiel, c'est une journée très compliquée pour les Franciliens, mais en tout cas le plan annoncé par la RATP il est tenu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le plan est tenu, donc vous dites 72 heures ça n'aurait pas une valeur ajoutée, ça n'apporterait pas des avantages particuliers.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, ça me paraît être au désavantage des salariés, je crois que le droit de grève doit être absolument respecté et que le dispositif, dont nous disposons actuellement, me paraît à peu près équilibré.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous ne souhaitez pas ajouter cette contrainte à ceux qui, pour des raisons, ou d'autres, veulent être grévistes, c'est ça la philosophie ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je vous confirme, la philosophie c'est de dire que l'agent qui veut être gréviste doit s'annoncer 48 heures à l'avance, c'est ce qu'il fait, c'est ce qui permet de construire les plans de transport…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas la peine d'en rajouter, c'est ce qu'on comprend.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et pas la peine d'en rajouter.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pas la peine d'en rajouter comme contraintes pour les grévistes ou les futurs grévistes. A quel âge part-on à la retraite quand on est salarié de la RATP ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est très différent. En moyenne c'est 55,5 ans, c'est ce que dit la Cour des comptes, et c'est différent, vous pouvez partir à compter de 52 ans quand vous êtes conducteur, dans les métiers de l'infrastructure c'est plutôt 56 ans, et puis pour les métiers plus classiques, dans les bureaux pour le dire simplement, c'est 62 ans comme le régime général.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais si la moyenne est 55 ans, ça veut dire qu'on peut partir à la retraite, théoriquement, avant.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On peut partir avant, c'est le modèle…

ELIZABETH MARTICHOUX
A partir de ? De 52 ans, c'est bien ça ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On peut partir à 52 ans, et en moyenne, effectivement, c'est entre 55 et 56 ans l'âge de départ effectif…

ELIZABETH MARTICHOUX
Dans la vie réelle si je puis dire…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Dans la vie réelle.

ELIZABETH MARTICHOUX
On va écouter ce conducteur de la RATP gréviste. 

MOURAD CHIKH, CONDUCTEUR DE BUS ET MEMBRE DE L'UNSA 
Le contrat c'était conditions difficiles, mais vous partez un peu plus tôt, et là on nous dit non, il faudra conduire jusqu'à 64 ans.

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, il résume en quelques mots ce que ressentent beaucoup de conducteurs aujourd'hui et d'agents de la RATP, c'est-à-dire, par exemple ce que l'un d'eux dit dans Libération ce matin : « si la réforme devait passer, ça ne servirait plus à rien d'être à la RATP. »

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Deux choses. Moi d'abord je comprends…

ELIZABETH MARTICHOUX
Après la réforme, à quel âge pourrait partir ce conducteur, après la réforme ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, d'abord moi je comprends le niveau d'anxiété, j'ai eu les tracts syndicaux la semaine dernière. En fait les tracts ils ont fait quoi ? Ils ont pris le rapport Delevoye, et ils ont fait les calculs sans penser qu'il y aurait de modalités d'application spécifiques à la RATP ou aux régimes spéciaux, or ce n'est pas du tout ça le sujet. Moi je comprends que soit extrêmement anxiogène de faire un calcul et de se dire, en fait je vais travailler 10 ans de plus et toucher 20 % moins, mais ce n'est pas comme ça que ça va se passer.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça va se passer comment ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord, vous savez très bien que tous les droits acquis jusqu'à 2025 le sont, et que, après, on va construire sur un temps très long, très long c'est-à-dire 15, 16, 17 ans, on va construire avec eux les modalités de convergence vers le système universel de retraite.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour être clair, puisque vous avez travaillé là-dessus à la SNCF, ça ne concerne que les nouveaux entrants, à partir de quelle année ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Donc à partir de 1963, de l'année 63…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est l'âge de naissance.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Jusqu'à 2025, tous les droits qui sont acquis à la retraite sont préservés, et après…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est-à-dire que quand on part à la retraite, jusqu'en 2025, on aura le régime actuel…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est que, même si vous êtes aujourd'hui, et vous cotisez jusqu'en… tout ce qui est cotisé jusqu'en 2025 vous le cotisez au régime actuel, donc ça, ça ne bouge pas, et après on va construire ce régime universel. Je rappelle quand même l'objectif c'est que, aujourd'hui on a un régime de retraite, de manière générale, en France – bon, vous savez, il y a beaucoup de régimes spéciaux - mais en plus on un régime auquel, sincèrement, ma génération ne croit plus, qui est illisible, parce que je ne sais pas moi combien je vais gagner ou combien je vais toucher à la retraite, et ça je pense que c'est le cas de beaucoup de Français, qui est assez injuste, notamment pour les carrières les plus heurtées, notamment les femmes, et dans le rapport Delevoye il y a des choses qui permettent d'adresser beaucoup mieux ces régimes, et surtout qui est déséquilibré sur le plan financier.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, on pourrait avoir ce débat, mais ce n'est pas la question ce matin, parce qu'il fonctionne quand même aujourd'hui ce régime des retraites…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il fonctionne maintenant, mais il ne fonctionnera pas dans une génération, dans deux générations.

ELIZABETH MARTICHOUX
Absolument, mais c'est pour ça que les Français ne comprennent pas forcément ce que vous voulez faire. Je vous repose la question Jean-Baptiste DJEBBARI : à quel âge partira demain un agent de la RATP ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien je vous réponds qu'on va le construire avec eux, parce que je ne peux vous dire aujourd'hui que ça va être 56, 56,5, le sujet c'est qu'on va essayer de faire… l'objectif c'est qu'on veut sauver, quelque part, ce qui est au fondement du contrat social français, qui est le fait que quand vous travaillez vous avez le droit à un régime de retraite décent, ça c'est le temps très long, et je pense que si on ne le faisait pas, on serait assez irresponsable sur le plan politique, et de dire ça c'est la visée, 2040, on aura un système universel de retraite. Entre maintenant et 2040 on va construire, secteur par secteur, le régime de retraite.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour être clair, dans la loi qui sera votée, comme l'a dit le Premier ministre hier, avant l'été, il n'y aura aucune précision pour les agents de la RATP.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Si, si, il y aura des précisions, secteur par secteur, notamment les garanties…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ce sera dans la loi qui sera votée dans 1 an ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Absolument, il y aura des précisions, et par exemple une des garanties qui me paraît essentielle, les agents de la RATP disent on a des métiers qui sont difficiles, ce qui est vrai, c'est compliqué d'être agent à la RATP, d'être conducteur, vous avez beaucoup d'incivilités, bon, c'est compliqué, et le Premier ministre hier soir a dit que, évidemment, une des garanties qui serait apportée c'est de prendre en compte la pénibilité, la dangerosité.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ça sera fixé entre maintenant et l'écriture de la loi ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Dans la loi il y aura l'indication selon laquelle…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On va fixer les modalités de transition et les garanties.

ELIZABETH MARTICHOUX
Les modalités de transition…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Secteur par secteur.

ELIZABETH MARTICHOUX
Tout sera négocié dans la loi.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et c'est la raison pour laquelle nous allons commencer les discussions, en lien avec Jean-Paul DELEVOYE…

ELIZABETH MARTICHOUX
Quand est-ce que vous recevez, vous, les syndicats de la RATP ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je pense qu'on va les recevoir, en tout cas commencer la concertation courant octobre.

ELIZABETH MARTICHOUX
En ce moment même d'ailleurs, Monsieur DELEVOYE, qui est le Monsieur retraite du gouvernement, avec lequel vous allez travailler j'imagine, appelle tout le monde à se mettre autour de la table, donc vous, vous n'avez pas de rendez-vous encore fixé avec les agents de la RATP ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, non, on va se coordonner, mais effectivement l'objectif c'est de commencer l'ensemble des concertations au début du mois prochain.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Est-ce que ce régime spécial, ma question est très précise, est-ce que ce régime spécial de la RATP va être supprimé ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ce régime spécial de la RATP va converger petit à petit… non mais parce que c'est important, il n'est pas supprimé d'un coup d'un seul, l'idée c'est de faire converger l'ensemble de la…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, il y aura une période de transition.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais c'est long

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que, dans la loi, l'objectif c'est la suppression de ce régime spécial ? Aujourd'hui c'est 52, 55, jusqu'à un peu plus tard.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je dis, et les mots ont un sens, l'objectif ce n'est pas la suppression, c'est de faire converger l'ensemble des régimes spéciaux vers un régime universel, et les mots ont un sens. Ça veut dire qu'en 2040…

ELIZABETH MARTICHOUX
Les mots ont un sens à condition qu'on les comprenne. La promesse présidentielle d'Emmanuel MACRON elle était très claire, elle était intelligible, je peux vous la redire de mémoire, « nous allons supprimer les régimes spéciaux. » Il l'assumait à l'époque.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien moi je vous dis que l'objectif, parce que le mot suppression il peut être ressenti violemment, donc j'essaye de vous l'expliquer très concrètement, c'est que aujourd'hui on a un régime spécial, ce régime spécial il va durer jusqu'en 2025, en 2025 on va commencer à le faire converger vers ce nouveau système de retraire, en 2040 tout le monde sera dans un régime universel, et les modalités de transition elles seront construites avec les salariés, les agents de la RATP.

ELIZABETH MARTICHOUX
Extrême prudence dans la formulation…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais parce qu'il y a beaucoup d'anxiété, et si on rajoute à l'anxiété des mots qui peuvent paraître comme ça violents, je crois que, d'abord ce n'est pas notre intention, et l'idée c'est quand même…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais si vous voulez, les Français, et les agents de la RATP, ne sont pas des imbéciles, Jean-Baptiste DJEBBARI.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, d'abord je le sais, et en plus…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, derrière le flou…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais il n'y a pas de flou.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça nourrit aussi l'anxiété le fait de ne pas dire les choses.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Justement le fait de dire : vous avez un régime qui va fonctionner jusqu'en 2025, pas de flou, c'est clair. En 2025, on commence à faire la transition sur un temps assez long pour qu'en 2040 les Français en général, au global, aient les mêmes régimes de retraite pour des raisons qu'on a déjà dites d'équité, de lisibilité et de financement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et ce que vous nous dites, c'est que ce sera inscrit dans la loi avant la fin de l'été. Les agents RATP auront les garanties.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Les garanties, bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et les garanties, c'est des augmentations de salaire par exemple ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non. Les garanties, c'est simplement le fait de construire par exemple… Enfin, ou la prise en compte de la pénibilité, de la dangerosité des métiers et effectivement comment finement on fait la transition. C'est ça les modalités de fonctionnement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous savez combien le compte pénibilité aujourd'hui permet de gagner d'années par rapport aux 62 ans qui est la borne d'âge aujourd'hui ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, c'est plusieurs années. Je n'ai pas le chiffre.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est deux ans. Vous ne le savez pas mais c'est deux ans. Deux ans, ça fait soixante ans. C'est très loin des 52 ans ou des 55 ans de l'âge de départ des agents RATP.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais encore une fois, dans ces modalités qu'on va construire avec les syndicats, tout ça sera pris en compte.

ELIZABETH MARTICHOUX
Extrême prudence de Jean-Baptiste DJEBBARI qui aujourd'hui dit que tout reste à écrire et à négocier. Il faut qu'on parle d'AIGLE AZUR, Jean-Baptiste DJEBBARI.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Parlons d'AIGLE AZUR.

ELIZABETH MARTICHOUX
Puisque lundi, il y aura une audience au tribunal de commerce d'Evry qui sera décisive pour l'avenir.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Liquidation judiciaire ou pas, ce sera statué et acté à ce moment-là. Il y a combien de passagers qui attendent encore d'être rapatriés ou acheminés ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors on n'a pas les chiffres précis mais c'est environ onze mille passagers qui ont acheté des billets sur AIGLE AZUR et qui devront rentrer dans les prochaines semaines. Alors ce n'est pas onze mille maintenant, ça s'étale sur les semaines qui viennent. Mais depuis le début de la semaine, moi j'avais réuni les compagnies aériennes vendredi dernier au ministère pour leur demander d'accélérer le rapatriement. AIR FRANCE avait d'ailleurs joué le jeu en mettant des capacités complémentaires à la fois sur l'Algérie qui concentre la majorité des passagers concernés et le Mali. Aujourd'hui ça marche plutôt bien, les rapatriements marchent plutôt bien.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Mais ils seront remboursés ou pas ? Ils doivent acheter leur billet pour revenir ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est ça. Alors les compagnies, le principe du rapatriement, c'est que les compagnies mettent à disposition des passagers des billets pas chers, le moins cher possible, à coût marginal. Mais effectivement, il faut acheter les billets et pour le remboursement des billets, vous avez en général les assurances qui ne fonctionnent plutôt pas trop mal avec les agences de voyages. Vous pouvez voir des assurances avec les cartes bancaires.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ils seront remboursés de la différence éventuellement par des assurances…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Du billet acheté sur AIGLE AZUR.

ELIZABETH MARTICHOUX
S'ils en ont.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
S'ils en ont.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous ne pouvez pas dire ce matin qu'ils seront tous, en fait, indemnisés.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, c'est un défi. S'ils n'en ont pas, ils peuvent se rapprocher du mandataire judiciaire mais je ne vous cache pas que c'est un défi sur lequel effectivement nous essayons d'accompagner au mieux ces passagers.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et votre objectif, c'est qu'ils le soient.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Evidemment.

ELIZABETH MARTICHOUX
Rapidement, est-ce qu'il y a une solution de reprise aujourd'hui sur la table ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y avait quatorze offres présentées mercredi. Il y a aujourd'hui deux ou trois offres qui paraissent solides sur le plan financier qui sont très différentes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Où va votre préférence ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Honnêtement, ces offres elles sont différentes. Vous avez une offre de reprise de la compagnie AIGLE AZUR dans son activité un peu originelle et vous avez une offre d'intégration au sein du groupe AIR FRANCE. Moi je l'ai dit, je n'ai pas de religion sur le sujet. Il faut que ce soit une offre solide, d'abord qui reprenne le maximum de salariés, totale ou partielle très haute, et puis qui offre des perspectives d'avenir aux salariés de la compagnie et à la compagnie elle-même. Si c'est pour se retrouver dans six mois, dans huit mois, dans dix mois dans la même solution, en tout cas dans la même situation, vous voyez bien que ce n'est pas ce que nous souhaitons.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ce qu'on comprend à travers ce que vous dites…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Deux offres solides.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est que vous préféreriez que ce soit adossé à une grande compagnie comme AIR FRANCE.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non. Non, sincèrement pour l'instant ce qui a été dit au CE, c'est que l'offre de Lionel GUERIN qui propose donc de reprendre la compagnie telle qu'elle est et d'essayer de la redresser et de la refaire partir en conquête, semble être la préférence des salariés.

ELIZABETH MARTICHOUX
Résultat lundi. Si la liquidation judiciaire est prononcée, pour conclure, ça n'est pas la fin d'AIGLE AZUR. Il peut y avoir une reprise derrière.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il peut y avoir une liquidation avec continuité et le groupe AIR FRANCE a fait une proposition en ce sens.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous connaissez, vous savez, vous avez décidé qui va succéder à Guillaume PEPY à la SNCF ? Ça y est ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tout cas le processus est en cours. L'annonce est assez imminente, je pense.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que ce sera avant le conseil des ministres de mercredi prochain ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je ne peux pas m'engager à cela vu que la décision… C'est un processus, vous savez, qui permet au président de la République de proposer un candidat.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il est avancé ? Il reste combien de candidats sur la table ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il en reste quelques-uns. Deux, trois.

ELIZABETH MARTICHOUX
Deux, on va dire deux.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On va dire deux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Deux, et ce ne sera pas connu avant mercredi.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non. C'est tout à fait à la discrétion du président de la République, vous le savez.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il s'agit de ne pas faire de gaffe alors que vous venez d'arriver au gouvernement.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est très important et vous avez raison. Non mais c'est très important, par contre, de dire que la SNCF est dans un changement très profond. Vous savez que ça s'ouvre à la concurrence à compter de 2020, qu'il y a un plan de transformation très important à la SNCF et qu'évidemment l'incarnation de la nouvelle SNCF sera tout à fait essentielle.

ELIZABETH MARTICHOUX
Deux questions avant de se quitter, Jean-Baptiste DJEBBARI. D'abord de Richard FERRAND que vous connaissez bien, vous avez été parlementaire. Vous êtes au gouvernement donc vous dites comme tous les autres ministres du gouvernement qu'il doit rester à la présidence. Est-ce que vous considérez que cette… Si vous voulez, il y a une loi d'airain qui s'applique à ceux qui sont au gouvernement : ceux qui sont mis en examen, ils doivent quitter. Ça, ça ne s'applique pas à Richard FERRAND. Est-ce que c'est compréhensible pour les Français ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tout cas, c'est l'esprit de la Vème République de dire que l'élu quel qu'il soit, il est responsable devant le peuple par son élection. C'est ça l'esprit et c'est cet argument qu'a utilisé Richard FERRAND à plusieurs reprises. Moi j'ajoute que, sincèrement, la politique c'est difficile. Vous parliez du rugby en début d'interview, ça s'apparente un peu à un combat collectif et Richard FERRAND dans notre équipe, il est quand même un des piliers. Moi je lui dis à la fois mon respect, mon amitié et mon soutien personnel. Après, la justice doit évidemment passer et Richard FERRAND est un justiciable comme un autre de ce point de vue-là.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'y a pas beaucoup aujourd'hui de personnalités de la Macronie qui pourraient prendre sa place à la présidence de l'Assemblée nationale ? Il serait difficile à remplacer ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je crois qu'il serait difficile à remplacer.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est aussi une donnée du problème ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors oui, parce c'est quelqu'un qui a une vision, qui a été un grand soutien de la majorité pour mettre en place ces trois cent quinze députés qui étaient arrivés très largement inexpérimentés comme moi à l'époque. Et effectivement, c'est un pilier de la Macronie.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et pour finir, petite cacophonie peut-être sur le service minimum. Aurore BERGE, porte-parole de la République en Marche, vient de dire qu'il faudrait modifier la loi. Et vous nous avez dit en début d'interview : ce n'est pas au programme. Que dit le secrétaire d'Etat aux Transports sur le service minimum ce matin ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est sa pleine liberté d'expression mais je persiste à dire que c'est compliqué sur le plan juridique et que ce n'est pas le sujet de fond qui nous occupe aujourd'hui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ça ne va pas être un des dossiers du secrétaire d'Etat aux Transports que vous êtes.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais je sais par ailleurs que d'autres députés, y compris de l'opposition, portent cette proposition donc nous aurons à en débattre. Mais je vous donne mon sentiment personnel, le sujet aujourd'hui c'est un sujet retraite et la façon de solutionner, c'est d'apporter des réponses concrètes et précises sur ce sujet-là des retraites.

ELIZABETH MARTICHOUX
On les attend. Merci beaucoup Jean-Baptiste DJEBBARI d'avoir été ce matin sur le plateau de LCI.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2019