Texte intégral
Bonjour,
Nous allons attaquer un conseil des ministres du commerce. Ce sera un moment naturellement important parce que nous sommes à la fois à quelques jours en principe de l'entrée en fonction de la nouvelle Commission. Cela sera aussi donc un moment pour saluer l'action que nous avons conduite ensemble avec Cecilia Malmström sur de nombreux dossiers. Et puis aussi, nous n'oublions pas que nous sommes à quelques jours de cette date du 11 décembre, vous le savez, qui concerne l'OMC, avec ce risque de paralysie de l'organe d'appel, de l'organe de règlement des différends, et donc, finalement, de cet organe central dans le commerce international qu'est l'OMC.
Finalement, je crois qu'aujourd'hui, nous allons faire la démonstration que nous Français, nous Européens, tous ensemble, nous souhaitons que l'Union européenne soit toujours unie d'une part, parce que c'est ainsi que l'on arrivera à peser face à un certain nombre d'acteurs du commerce international, je pense aux Etats-Unis, je pense à la Chine. Et surtout, que nous soyons force de propositions, ce que nous avons toujours été et continuerons à être, sur tous les dossiers importants du moment, je pense à la réforme indispensable de l'OMC. L'Union européenne a mis sur la table des propositions. Nous nous félicitons que l'ambassadeur Walker se soit saisi d'ailleurs d'un certain nombre de ces propositions, que lui-même en ait faites.
Et de la même façon, pour les relations transatlantiques avec les Etats-Unis, l'Union européenne, elle, ne cesse de tendre la main pour avancer et résoudre à l'amiable un certain nombre de sujets. Je pense au contentieux croisé Airbus Boeing et de façon générale, pour montrer que nous avons des réponses concrètes face aux préoccupations des Américains, notamment sur un certain nombre de distorsions du commerce mondial qui trouvent leur racine dans des économies pour lesquelles des règles ne sont pas les mêmes que celles qui prévalent dans nos économies.
Donc une Union européenne unie, constructive, qui fait des propositions parce qu'on est à un moment un peu critique et, face à cela, il faut aller de l'avant, il faut arriver à réinventer le cadre du commerce mondial pour qu'il réponde aux préoccupations des entreprises, des entrepreneurs, avec de la stabilité, de la visibilité et, j'ajoute, des citoyens. Parce que nous allons discuter d'études qui ont été réalisées auprès des citoyens et on voit qu'il y a ce souhait d'un commerce qui se conjugue toujours plus avec des ambitions climatiques, environnementales, de développement durable, de responsabilité sociale des entreprises et la France est naturellement très allante sur ces sujets-là. Vous le savez, par exemple, nous souhaitons que l'Accord de Paris soit une clause essentielle des accords de commerce. Donc nous allons continuer à pousser cet agenda ambitieux et déjà nous nous réjouissons que la feuille de route qu'Ursula von der Leyen a adressée au commissaire désigné, Phil Hogan, reprenne de nombreuses ambitions que nous avions mises sur la table en matière climatique mais également en matière de suivi et de mise en oeuvre des accords. C'est une chose qui doit être négociée, cela doit en être une autre de s'assurer qu'ils sont bien mis en oeuvre, et la mise en place prochainement d'un directeur chargé du suivi de la mise en oeuvre du contrôle des accords va tout à fait dans le bon sens. Voilà les sujets que nous allons évoquer, la position que la France va défendre et donc c'est un moment important effectivement dans le contexte que nous connaissons.
Q - Est-ce que le système de l'OMC peut être sauvé ?
R - Oui, je crois qu'il peut être sauvé dès lors qu'il est réformé. On voit bien qu'il y a des critiques qui existent, et des critiques qui sont portées notamment par les Etats-Unis, et certaines de ces critiques, nous, nous pouvons les comprendre et même nous pouvons les rejoindre. Il est vrai que l'organe d'appel de l'organe de règlement des différends méritait d'être perfectionné. Il y a un certain nombre de bornes qui doivent être posées. Nous avons fait des propositions très concrètes. Maintenant, les propositions elles sont là, elles répondent aux critiques des Etats-Unis et je crois qu'il est important qu'on puisse adapter cette institution, la réformer. Dans le temps, elle a d'ailleurs évolué. Souvenez-vous son ancêtre, le GATT, la transformation de l'OMC. Et donc cette OMC, elle doit, je crois, répondre aux enjeux actuels.
Il y a beaucoup de débats qui sont sur la table. Celui aussi du traitement spécial et différencié, celui de nouvelles réglementations par rapport à l'équité dans la concurrence mondiale, au contrôle des subventions industrielles. Je crois qu'il est important que les membres de l'OMC, parce que l'OMC ne peut pas le décider d'elle-même, prennent conscience que l'immobilisme n'est plus possible. Très clairement, si immobilisme il y a trop longtemps, et la conférence ministérielle de Noursoultan sera un test, eh bien, à ce moment-là, vous savez, Paul Valéry disait que les civilisations sont mortelles, les organisations aussi. Donc, il est important de se réformer pour aller de l'avant et que l'organisation garde sa pertinence.
Q - Sur le même sujet, quelles sont vos attentes pour la réunion aujourd'hui ? Est-ce que vous pensez qu'il y a suffisamment de volonté politique parmi le conseil des ministres ici pour vraiment faire progresser ces dossiers parce qu'il faut mettre la pression sur d'autres pays dans l'Union européenne ?
R - Ce que je constate c'est que les Européens sont unis, ils sont d'accord sur une feuille de route de refonte, de réforme de l'OMC. La Commission et la commissaire ont fait un très gros travail pour mettre des propositions sur la table et je crois que de ce point de vue-là, l'unité va à nouveau prévaloir. Maintenant, il faut que les autres membres concernés au sein de l'OMC puissent saisir ces mains tendues et je crois, avec pragmatisme, arriver à réformer l'organisation, faute de quoi on va aller vers ce qu'on appelle un peu le managed trade, c'est-à-dire le fait que les Etats vont se faire justice eux-mêmes. On va voir des droits fleurir énormément comme on en voit déjà depuis deux ans, et ce n'est pas cela qui va favoriser une croissance mondiale. On l'a vu, il y a déjà un ralentissement de cette croissance mondiale et donc il est important, je crois, d'adresser ce problème.
Q - Est-ce qu'il y a une autre manière de parler avec les Etats-Unis parce que vous avez dit que c'est eux qui bloquent...
R - C'est un dialogue qui est constant, que la Commission maintient. Je sais que Cecilia Malmström s'est entretenue le 24 octobre dernier avec Robert Lighthizer. Au niveau national, nous le faisons également avec Bruno Le Maire. Nous ne cessons d'essayer de démontrer combien des solutions existent, combien il faut, je crois, y aller dans un souci de fairplay et de bonne foi de part et d'autre. Maintenant, il ne nous échappe pas que les Etats-Unis sont aussi rentrés dans un cycle électoral et que cela peut peut-être être de nature à complexifier les choses.
Q - Dans ce cycle, est-ce que c'est possible d'avoir des progrès sur les accords de commerce avec les Etats-Unis ?
R - L'Union européenne a toujours montré sa disponibilité pour bâtir un accord sur des sujets industriels par exemple, mais il faut qu'il y ait un scope qui soit suffisamment large pour être compatible avec l'OMC. C'est cela la préoccupation et cet accord ne peut être que sur certains aspects, il ne peut pas être un accord global parce que les Etats-Unis se sont retirés de l'Accord de Paris et que, nous l'avons dit, nous ne pouvons pour notre part consentir d'accords commerciaux qu'avec des Etats membres à l'Accord de Paris. Voilà, cela fait partie de la cohérence qu'on doit avoir entre nos ambitions environnementales et nos ambitions commerciales. Voilà, je file et à tout à l'heure pour le débriefing. Au revoir.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2019