Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur l'industrie automobile, à Paris le 2 décembre 2019.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Journée de la filière automobile

Texte intégral

Monsieur le Président de la Plateforme automobile, cher Luc Chatel,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,


Je suis heureux de vous accueillir à Bercy pour cette journée dédiée à l'industrie automobile française.

Peut-on imaginer la France sans son industrie automobile ?

Sans ses 800 000 emplois directs chez les concessionnaires, chez les constructeurs, chez les sous-traitants.

Sans ses créateurs de génie et ses entrepreneurs un peu fous qui ont écrit les plus belles pages de l'histoire industrielle française : André Citroën, Armand Peugeot, Fernand et Marcel Renault.

Sans ses modèles iconiques qui nous ont fait rêver enfant et sans ses innovations qui continuent, aujourd'hui, à nous faire rêver.

La France est un grand pays industriel automobile depuis plus de 100 ans, elle doit le rester.

Elle doit le rester face aux révolutions technologiques les plus importantes depuis la création de l'automobile au début du 20ème siècle.

La révolution du véhicule autonome.
La révolution du véhicule électrique.

Ces révolutions interviennent dans un contexte international difficile marqué par :
Une guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine et les Etats-Unis et l'Europe.
Un ralentissement du marché automobile européen.
Et des prévisions incertaines pour le début de l'année 2020 qui anticipent des baisses de demandes de 10% à 20%.

A ce contexte international s'ajoute les faiblesses structurelles des sous-traitants automobiles français.

La Banque de France m'a remis, la semaine dernière, une étude sur la situation économique et financière des entreprises sous-traitantes.

Elle a pointé 3 faiblesses.

L'obsolescence de l'appareil de production provoquée par des investissements trop faibles.
Le poids démesuré du besoin en fonds de roulement notamment dû à une hausse des délais de paiement chez leurs clients.
Un financement à court terme, c'est-à-dire à moins d'un an, pour plus de la moitié des sous-traitants. La conséquence est simple : si le marché fléchit près de la moitié des sous-traitants auront des difficultés à obtenir des financements pour 2020.

Nous devons réagir. Notre industrie automobile est menacée par un risque de déclassement productif.

En 2011, la France était le 2ème pays de production automobile d'Europe. Aujourd'hui, elle est le cinquième derrière l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni est l'Allemagne.

Nous n'acceptons pas cette situation. L'industrie automobile française doit rester une des industries les plus performantes au 21ème siècle. C'est le combat que nous menons dans le Pacte productif.

Pour cela nous allons mener plusieurs actions.

1ère action : faire le pari de la voiture propre

Beaucoup a été fait depuis près de 3 ans.

D'abord, nous avons encouragé la demande. Nous avons maintenu les aides directes en 2019 et nous avons doublé la prime à la conversion pour les ménages plus modestes.

Nous allons continuer en 2020 : l'enveloppe dédiée au bonus automobile pour les véhicules électriques augmentera de 50%.

Ces aides sont un succès : 300 000 Français ont bénéficié d'une prime à la conversion en 2018. Et ce nombre sera dépassé en 2019.

Ensuite, nous donnons de la visibilité à la filière. Nous avons entendu votre demande. Nous vous accompagnerons dans la durée pour développer les véhicules électriques en France. Un calendrier sera fixé sur trois ans et sera annoncé très prochainement par Elisabeth Borne.

Enfin, nous électrifions le territoire, avec un objectif : atteindre 100 000 bornes et 1 million de véhicules en 2022.

Nous avançons à bon rythme pour maintenir un ratio d'une borne pour 10 véhicules. Aujourd'hui, il y a environ 230 000 véhicules en circulation et près de 28 000 bornes.

Mais beaucoup reste à faire.

Sur les technologies de rupture liées à l'automobile.

Aujourd'hui avec la filière européenne de batteries électriques que nous sommes en train de construire avec l'Allemagne et la Pologne. Elle va nous permettre de produire dès 2022 des batteries européennes.
Demain, avec la technologie hydrogène que nous avons identifiée comme une technologie stratégique dans laquelle investir dans le cadre du Pacte productif.

Sur les véhicules les plus polluants, ceux qui émettent plus de 172 grammes de CO2 par kilomètre.
C'est une question de justice : il n'y a pas de raison que certains Français fassent des efforts en achetant des véhicules hybrides ou électriques et qu'en même temps les rejets de CO2 augmentent car le nombre de véhicules les plus émetteurs se multiplie.

De plus, ces véhicules ne sont ni construits en France, ni construits par nos constructeurs nationaux.

Nous avons proposé avec Elisabeth Borne, d'avancer sur 3 solutions :

Mieux informer le consommateur sur les dégâts pour l'environnement des véhicules les plus émetteurs de CO2.
Ouvrir un débat à l'échelle de l'Union européenne pour voir si les avantages d'émissions de CO2 attribués aux véhicules lourds ont encore un sens aujourd'hui. Nous allons écrire dans les semaines à venir à la Commission européenne pour lancer ce débat.
Et déplafonner le malus pour les véhicules émettant plus de 172 grammes de CO2. Les ressources obtenues – 50 millions d'euros - permettront de soutenir les sous-traitants dans les mois à venir.

2ème action : accompagner les sous-traitants.

Un premier plan est mis en oeuvre depuis 2017 pour accompagner la filière diesel.

Nous devons aujourd'hui lancer des actions plus larges pour que tous les sous-traitants puissent réussir leur transition dans un contexte international dégradé.

D'abord, pour accompagner la transformation écologique de la filière, nous allons augmenter les financements. 25 millions d'euros des recettes du déplafonnement du malus abonderont un fonds dédié aux sous-traitants. Il les accompagnera pour réussir la transition écologique, identifier les meilleures opportunités de diversification et investir dans de nouvelles lignes de production.

Ensuite, pour faire face aux difficultés conjoncturelles qui s'annoncent, nous allons mettre en place un fonds de garantie des prêts. Si l'activité doit diminuer dans le secteur automobile en 2020 comme certains l'anticipent, nous devons tout mettre en oeuvre pour que les sous-traitants puissent continuer à financer leur activité. Nous allons donc dédier 25 millions d'euros de fonds publics pour générer jusqu'à 200 millions d'euros de prêts garantis.

Enfin, nous allons anticiper les risques de défaillances d'entreprise pour les éviter. Le dispositif signaux faible lancé par les équipes du ministère permettra d'identifier grâce des algorithmes d'intelligence artificielle les risques de défaillances en amont. Les Commissaires aux Restructurations et à la Prévention des difficultés des entreprises seront mobilisés pour suivre les entreprises les plus à risque et accompagner grâce à la médiation d'entreprise.

3ème action : restaurer la compétitivité pour produire en France.

Les groupes automobiles français génèrent un chiffre d'affaires plus important à l'étranger qu'en France.

Qu'est-ce que cela veut dire ? Nous produisons et nous assemblons au Maroc, en Slovaquie en Turquie pour réimporter en France à des fins commerciales.

Je ne me satisfais pas d'un modèle où les deux véhicules les plus vendus en France – la Clio et la 208 – ne sont plus produits en France.

Ce modèle de développement est un échec.

Un échec économique car il a conduit à délocaliser notre production et à détruire des emplois. La France est le pays d'Europe qui a le plus délocalisé son industrie automobile durant la dernière décennie.

Un échec écologique car il a conduit à l'augmentation des émissions de CO2.

Nous ne voulons plus de ce modèle. C'est un modèle où l'Etat a soutenu l'innovation et la demande sans jamais obtenir de contreparties sur la production en France.

Nous voulons rapatrier la production en France en améliorant notre compétitivité. C'est ce que nous faisons depuis près de 3 ans.

Nous avons baissé l'impôt sur les sociétés et nous allons continuer à le baisser pour atteindre 25% en 2022.
Nous avons pérennisé le Crédit impôt recherche.
Nous avons créé un suramortissement de deux ans pour robotiser et numériser les sites industriels.
Nous avons baissé le coût du travail en transformant le CICE en allègement de charges. Et depuis le 1er octobre, il n'y a plus de charges patronales au niveau du SMIC.
Nous allons continuer dans les mois à venir à restaurer la compétitivité française en baissant les impôts de production.

Je veux que les impôts de production commencent à baisser durant le quinquennat et que nous tracions une trajectoire de baisse sur 10 ans.

Mais nous ne pouvons pas nous engager à baisser les impôts de production si vous ne vous engagez pas à maintenir l'activité en France. Nous voulons de la visibilité sur le niveau de production en France.

Nous allons donc confier à un expert de l'automobile, Hervé Guyot, la mission d'évaluer dans les mois qui viennent avec les constructeurs les conditions pour maintenir et relocaliser l'activité en France d'une part, et améliorer les relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants d'autre part. Il remettra ses premières conclusions en début d'année prochaine, pour alimenter le Pacte productif, et son rapport final au printemps prochain.

4ème action : Consolider notre industrie.

Une course au rapprochement et aux partenariats stratégiques s'est engagée. Elle fera des gagnants et des perdants.

Dans le camp des perdants, il y aura les constructeurs qui n'auront pas su nouer des accords de rapprochement.

Dans le camp des gagnants, il y aura les entreprises alliées ou fusionnées qui auront la masse critique pour être compétitives et être à la pointe de l'innovation.

Les constructeurs français ont choisi de faire partie du camp des gagnants.

L'alliance Renault-Nissan s'est renforcée. Notre seule priorité en tant qu'Etat est de préserver la force de l'alliance.
La volonté de rapprochement de Fiat Chrysler et PSA va permettre de donner naissance au quatrième groupe automobile mondial avec près de 9 millions de véhicules produits par an.

Ces deux groupes permettent à la France d'avoir 2 constructeurs parmi les 5 plus grands constructeurs mondiaux.

L'industrie automobile française a tout pour être une des industries automobiles les plus performantes au monde au 21ème siècle.

Oui, les révolutions sont les plus importantes que l'industrie ait connues.

Oui, le contexte international est dégradé.

Mais nous avons tout pour réussir : pour être à la pointe de ces révolutions, continuer à croître et à créer de l'emploi.

Nous avons des constructeurs réputés parmi les 5 plus grands constructeurs mondiaux.
Nous sommes en pointe sur la certification des véhicules autonomes. J'ai inauguré il y a quelques mois un des premiers circuits de certification de véhicules autonomes au monde dans l'Essonne.
Nous construisons une filière européenne des batteries, et demain nous ferons de même sur l'hydrogène.
Et nous protégerons avec ce plan que je viens d'annoncer les compétences qui font la richesse et la force de notre industrie.


Merci à tous.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 3 décembre 2019