Texte intégral
ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin, c'est Jean-Michel BLANQUER. Bonjour.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci d'être avec nous. Ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse. Vous êtes avec nous pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la Presse quotidienne régionale, représentée par Christelle BERTRAND, du groupe La Dépêche. Bonjour Christelle.
CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Oriane, bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Jean-Michel BLANQUER, on va commencer avec l'ouverture aujourd'hui de ce 102ème Congrès des maires de France. Emmanuel MACRON n'était pas présent devant les maires l'année dernière, il sera là cet après-midi, il prononcera un discours. Qu'est-ce qu'il faut y voir ? Une opération séduction, une opération politique à 4 mois des municipales ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, il faut y voir a simplement un événement républicain normal. Vous savez, le lien entre le président de la République et les maires est un lien naturel en quelque sorte. On dit souvent que c'est d'ailleurs les deux catégories d'élus, avec une seule personne dans l'une des deux catégories, qui sont les plus connues et reconnues des Français, et donc il y a quelque chose d'assez naturel dans ce lien.
CHRISTELLE BERTRAND
Ça n'a pas toujours été évident, au début du quinquennat les liens étaient un peu plus distendus avec le chef de l'Etat et les maires.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, on a parfois la mémoire courte, parce que moi j'ai souvenir de quinquennats précédents ou même de septennats précédents, où ce n'était pas si simple que cela, et où il n'y avait pas cette régularité non plus d'expression devant le Congrès des maires. Donc qu'il y ait des divergences de vues, parfois ça peut arriver, mais les maires eux-mêmes ne sont pas homogènes, heureusement, vous avez quelques 35 000 maires, ils ne vont pas, ils ne pensent pas tous la même chose non plus, donc je pense qu'on ne peut pas généraliser ou globaliser, par compte il y a un climat ou une atmosphère qui est bonne, et on l'a vu au moment du grand débat, c'est-à-dire les maires, même quand ils peuvent avoir des désaccords avec le gouvernement ou avec le président, sont dans une logique républicaine qu'il faut saluer.
ORIANE MANCINI
Allez, on va parler de vos dossiers, vous aussi vous serez devant les maires, mais vous, vous y étiez déjà l'année dernière. Parmi les mesures que vous avez mises en place, il y a ce dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les zones d'éducation prioritaire, c'est une mesure qui est saluée par les élus. Est-ce que vous allez poursuivre à d'autres classes ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, et d'ailleurs le président de la République lui-même s'y est engagé à la fin du Grand débat, qui d'ailleurs était aussi un moment de grande rencontre avec les maires, ce n'était pas une rencontre, c'était de très nombreuses rencontres et des dizaines d'heures passées avec les maires. Et une des conclusions, et une conclusion qui évidemment me plaît beaucoup si je puis dire, c'est que nous allons aussi dédoubler les grandes sections de maternelle, en réseau d'éducation prioritaire, ça veut dire aussi dans 20 % des territoires, au moment même où je mets considérablement l'accent sur l'école maternelle parce qu'elle est, avec l'instruction obligatoire à 3 ans, parce que nous savons qu'elle détermine énormément de choses si nous voulons lutter contre les inégalités en milieu urbain, comme en milieu rural.
ORIANE MANCINI
Donc les grandes sections de maternelle, vous y réfléchissez pour les CE2, les CM1, les CM2 ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non non. Je pense que ce qui est très important, vous savez c'est les premières années de la vie, donc tous les efforts vont beaucoup porter sur l'école maternelle en général, petites, moyennes et grandes sections. Le dédoublement n'est pas la seule mesure imaginable, on ne va pas forcément aller plus loin que ce que l'on fait déjà, qui est énorme, puisque c'est 300 000 enfants qui sont touchés aujourd'hui, ce sera 450 000 quand on aura fait la grande section de maternelle, donc c'est déjà très conséquent. Par contre on doit améliorer le taux d'encadrement à l'école maternelle, moins d'élèves par classe en petites, moyennes et grandes sections, et aussi c'est une garantie que le président a donné et le Premier ministre et moi-même aussi bien sûr, c'est-à-dire pas plus de 24 élèves par classe, dans toute la France, tous territoires confondus, en grande section, en CP et en CE1, parce qu'encore une fois il faut bien avoir en tête que ce genre de choses c'est efficace les premières années de la vie, au moment où on doit faire faire un très bon départ scolaire à tous les enfants.
CHRISTELLE BERTRAND
Alors, un récent rapport, que vous avez vous-même commandé, souligne ne fait que 70 % des élèves qui devraient bénéficier de cette mesure, y échappent. Est-ce qu'il faut modifier la carte scolaire ? Vous avez semblé repousser un peu cette échéance, est-ce qu'il y aurait urgence à modifier la carte scolaire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
L'enjeu ce n'est pas tant la carte, parce que le problème de la carte c'est que justement vous êtes dedans ou vous êtes dehors, et même si vous êtes, et ceux qui avant moi et avant cela, dans les différentes phases précédentes, ont fait ces cartes, n'étaient pas moins intelligents que nous, simplement à partir du moment où vous faites une carte, vous avez des gens dedans et des gens dehors. Or, bien sûr qu'il y a des élèves, vous pouvez même être un élève de milieu très défavorisé, dans un établissement qui ne l'est pas, et donc vous échappez à des politiques sociales…
CHRISTELLE BERTRAND
Mais 70 %, c'est beaucoup.
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est beaucoup, ce n'est pas nouveau, on sait bien que ça a toujours été comme ça, et puis ça dépend comment on calcule, peut-être on peut s'alarmer un peu moins que ce que ce chiffre peut donner, mais en tout cas il y a quelque chose qui ne va pas, et quelque chose de beaucoup trop rigide, avec des effets de seuils. Donc on veut travailler là-dessus, notamment pour avoir des politiques sociales efficaces, pour tous les enfants qui en ont besoin, quels que soient les territoires, et notamment ne pas avoir de différence, enfin si, avoir des différences, mais ne pas oublier les territoires ruraux par rapport aux territoires urbains. Ça c'est un point majeur, c'est un des éléments du rapport. J'ai d'ailleurs commandé…
ORIANE MANCINI
Et à aujourd'hui, vous dites qu'il y a une inégalité entre ces territoires ruraux et ces directoires urbains ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, elle n'est pas en termes de moyens, il ne faut jamais justement opposer les deux, parce que par exemple les territoires ruraux ont des taux d'encadrement bien plus favorables que les territoires urbains, même en réseau d'éducation prioritaire, vous avez 14 élèves par classe en Lozère, de la petite section jusqu'au CM2, donc le sujet il est moins là, il est dans notre capacité à être qualitatif, par exemple dans un département comme la Lozère, comment est-ce que nous contribuons à ce que l'école soit tellement dynamique, l'école rurale, tellement valable que l'on a envie de s'y installer, qu'un jeune couple a envie de s'y installer, d'y avoir des enfants et d'y vivre bien. C'est tout à fait possible, ça existe. Vous avez mentionné mon déplacement en Meurthe-et-Moselle hier, dans le reportage précédent, c'est exactement ce que j'ai vu hier, à quelques dizaines de kilomètres de Nancy, où vous avez une école avec de l'allemand en immersif, des conditions de vie qui sont très bonnes, et disons que c'est cette stratégie qui fait qu'on est en alliance avec les maires ruraux d'ailleurs, en très grande alliance avec le monde rural, que nous voulons. Alors, cette éducation prioritaire, elle va effectivement évoluer, il y a encore plusieurs semaines de concertation pour arriver aux décisions que l'on prendra.
CHRISTELLE BERTRAND
Vous parlez de l'allemand en immersif, ça m'amène à une autre question : Benjamin GRIVEAUX, pendant sa campagne, a promis que les collégiens sortiraient bilingues du collège. Est-ce qu'il ne souligne pas en creux une des défaillances du système scolaire, c'est-à-dire l'apprentissage des langues vivantes ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, l'apprentissage des langues vivantes n'est pas un point fort français, on le sait tous, parfois nous le vivons dans notre chair, c'est pourquoi on a des objectifs ambitieux en la matière, là encore quantitatifs et qualitatifs. Le président avait même fait un discours sur cette question, le discours de la Sorbonne, pour la France mais aussi avec une ambition européenne, qui était que de faire en sorte que tout élève de France, et si possible tout élève d'Europe, et on en parle avec nos homologues européens, maîtrisent deux langues, ce qui entre parenthèses est bon pour le français, parce que si les…
CHRISTELLE BERTRAND
On en est très loin.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Si les Européens maîtrisent deux langues, ça veut dire qu'ils maîtriseront l'anglais et éventuellement le français, et en tout cas c'est bon pour le développement du français. A l'échelle de la France, nous souhaitons qu'une langue soit maîtrisée à la fin de l'école primaire, d'autant plus que c'est avant 11 ans que vous avez votre plus grande plasticité du cerveau, plasticité cognitive, qui vous permet d'acquérir plus facilement une langue étrangère, et puis la deuxième se consolide à l'occasion de l'enseignement secondaire. Donc nous sommes en train de prendre des mesures dans ce sens, c'était un des messages de mon déplacement d'hier, pour arriver à ce qu'on ait de plus en plus de la pratique immersive, dès l'école maternelle, avec plus d'assistants de langues, plus d'utilisation des nouvelles technologies…
CHRISTELLE BERTRAND
Parce qu'aujourd'hui les instituteurs n'enseignent toujours pas systématiquement une langue vivante.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est quand même de plus en plus systématique, parce qu'un travail a été fait depuis une vingtaine d'années, on est quand même meilleurs aujourd'hui qu'il y a 20 ans sur cette question, mais ça reste, nous restons encore beaucoup trop faibles, et donc tout ceci passe par une meilleure formation des professeurs, on l'a accentuée là, dans la réforme de la formation des professeurs. L'usage des technologies, il y a des choses merveilleuses qui peuvent être faites intelligemment avec certaines de nos technologies, nous avons même lancé des appels d'offres en la matière, dont je parlerai dans pas très longtemps. Et puis troisièmement, nous avons évidemment à travailler sur les assistants de langue, les échanges, le doublement des bourses Erasmus qui était dans notre programme aux élections européennes et qui va se réaliser avec la nouvelle Commission européenne, permettra d'avoir beaucoup plus de déplacements de professeurs. Quand vous êtes un étudiant qui se destine à être professeur, vous irez presque systématiquement, enfin il vous sera offert presque systématiquement d'aller faire un séjour à l'étranger…
CHRISTELLE BERTRAND
Ça ne sera pas obligatoire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
J'aimerais que ça le soit, en tout cas on va travailler pour que ce soit quasi systématique.
CHRISTELLE BERTRAND
D'accord.
ORIANE MANCINI
Allez, l'autre mesure que vous avez mise en place, c'est cette scolarisation obligatoire des enfants dès l'âge de 3 ans. Alors là c'est plus compliqué pour les élus, notamment les élus d'Outre-mer. Hier le sénateur la République en Marche de Guyane était à votre place sur ce plateau, là-bas 30 % des enfants de 3 ans ne sont pas scolarisés, faute de place. On va écouter ce qu'il dit.
ANTOINE KARAM, SENATEUR LREM DE LA GUYANE
Aujourd'hui en scolarisent des enfants à l'âge de 3 ans, sur tout le territoire hexagonal et dans une partie de l'Outre-mer, et qu'en Guyane et peut-être à Mayotte que beaucoup d'enfants ne sont pas scolarisés, moi je plaide pour la double vacation. Alors c'est vrai que ça fait hurler les syndicats, mais au Brésil et au Surinam chez nos voisins, faute de places dans les écoles, eh bien il y a la double vacation, une partie le matin et l'autre l'après-midi, et ça fonctionne très bien.
ORIANE MANCINI
Qu'est-ce que vous répondez, Jean-Michel BLANQUER ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Comme vous le savez, je connais assez bien ce territoire, pour y avoir exercé moi-même, et à l'époque avec d'ailleurs le président KARAM, le sénateur KARAM qui était président de région. Il soulève une vraie question. L'instruction obligatoire à 3 ans, c'est un progrès pour toute la France. Hier en Meurthe-et-Moselle j'ai vu des professeurs qui m'ont parlé par exemple d'une famille qui avait trois enfants, les deux premiers n'avaient pas été à l'école maternelle et sont entrés directement en CP, avec des retards en vocabulaire en particulier, en arrivant à 6 ans à l'école, qui sont très difficiles à rattraper ensuite, qui créent des premiers retards qui vont s'accumuler ensuite. Et la troisième, troisième enfant, avec l'instruction obligatoire à 3 ans, elle est à l'école maternelle maintenant, et elle il fait des progrès qui sont très importants. Donc c'est vraiment une mesure, notamment pour les milieux les plus défavorisés, qui parfois n'envoient pas leurs enfants à l'école.
ORIANE MANCINI
Mais vous reconnaissez que ce n'est pas facile à mettre en place partout.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, mais ce que je veux dire par là, c'est que c'est une mesure pour toute la France, et a fortiori pour la Guyane et pour Mayotte, c'est une mesure très importante sur le plan social. Il faut bien avoir en tête qu'on part de loin pour Guyane et Mayotte, du fait de la démographie très particulière de Guyane, très forte, de la Guyane et de Mayotte. Donc ce qui est important c'est de voir aussi la pente positive que nous sommes en train de prendre. Lorsque j'étais recteur de Guyane, le sujet c'était : est-ce qu'on arrive à scolariser tous les enfants dès l'âge de 6 ans ? Et on a fait de grandes améliorations depuis, mais c'était tout un sujet d'y arriver. Et donc maintenant ça devient, même s'il reste encore des problèmes, bien meilleur qu'auparavant. Maintenant, ce qu'il faut, c'est être sur la bonne pente, c'est ce que nous sommes, et d'ailleurs le sénateur KARAM le sait et le salue, on est passé de 60 % des enfants qui allaient à l'école maternelle en Guyane à 70 % grâce à cette rentrée. Bien sûr il faut arriver à 100 %, et peut-être que ça passe par la mesure qu'il préconise, il a raison en tout cas de proposer cette formule, et c'est quelque chose qu'on doit discuter localement pour voir si c'est la bonne formule pour arriver à 100 %.
ORIANE MANCINI
Mais vous ne fermez pas la porte, vous dites : ça peut être une bonne idée.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça peut être une bonne idée, oui bien sûr, ça peut l'être, en tout cas tout ce qui va dans le sens d'une scolarisation de 100 % des enfants à l'école maternelle, est bon, et nous avons fait le maximum pour aller dans ce sens, y compris d'ailleurs sur un amendement Karam lors du vote de la loi pour l'école de la Confiance, où nous avons assoupli les conditions de construction pour que ça puisse se développer en Guyane.
CHRISTELLE BERTRAND
Alors, vous parlez de la loi sur l'école de la confiance, elle a pu parfois crisper certains élus, vous allez aller au Salon des maires, au Congrès des maires aujourd'hui, quel message est-ce que vous allez leur adresser ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est un message d'union, puisque même quand il y a crispation il y a quand même accord, si je puis dire, c'est-à-dire que très souvent le discours comme le tiennent les maires, sur la question du dédoublement ou sur la question de l'instruction obligatoire à 3 ans, c'est, bon, vous nous créez un peu de contraintes supplémentaires, mais nous comprenons que ça va dans la bonne, que c'est bon pour nos administrés, pour les citoyens, pour les enfants, et donc on le fait et on le fait avec un certain bonheur en réalité.
CHRISTELLE BERTRAND
Ils ont .... des moyens.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, dans ces cas-là ma réponse est aussi que nous les aidons quand même, c'est-à-dire que l'Etat est derrière les maires pour un certain nombre d'investissements, et notamment les investissements donc pour l'aménagement des classes, est devenu un investissement prioritaire. Donc les maires ont été aidés dans ce sens. Donc en réalité on n'est pas en opposition avec les maires, ce n'est pas une mesure dont ils ne comprennent pas le sens, ils sont au contraire très heureux de la mettre en oeuvre, après c'est des conditions matérielles de réalisation de la mesure qui s'opposent au cas par cas, pour lesquelles on a souvent apporté des solutions, donc en réalité ce n'est pas un sujet de crispation très fort.
ORIANE MANCINI
Il y a quand même des inquiétudes chez les maires, c'est notamment la question des fermetures de classes. Alors Emmanuel MACRON s'est engagé à ce qu'il n'y ait plus de fermeture d'écoles sans l'aval des maires, mais il ne s'engage pas sur les fermetures de classes. Qu'est-ce que vous allez faire ? Est-ce que finalement dire : on ne fermera pas les écoles, mais on peut fermer des classes, ce n'est pas une mesure en trompe-l'oeil, ce n'est pas une promesse... ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non non. Non parce que d'abord dire qu'on ne fermera pas d'écoles, c'est une mesure considérable, c'est considérable, c'est-à-dire on garantit qu'il n'y a pas une fermeture d'écoles si le maire n'est pas d'accord avec cette fermeture.
ORIANE MANCINI
Mais si vous fermez des classes ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, mais ça veut dire quand même qu'à la fin, si c'est une école à une classe, vous ne la fermez pas s'il n'y a pas accord du maire, quand même. En revanche, personne, je dis bien personne, ne peut dire et d'ailleurs n'aurait raison de dire : je ne fermerai pas classe. Ça, ça n'est pas vrai, parce que si vous voulez, si vous avez, prenez deux écoles, une école de deux classes avec 50 élèves et une école de quatre classes, c'est le petit problème de maths du matin, une école de quatre classes avec 100 élèves. Et imaginez que l'année d'après, la première école donc qui a 50 élèves, devient une école à 75 élèves parce qu'il y a eu des déménagements, et que la deuxième école à 100 élèves perde 25 élèves et devienne elle aussi une école à 75 élèves. Vous avez donc une école de 50, une école de 100, qui sont passées à deux écoles de 75. Si vous n'avez pas fermé une classe dans l'une et ouvert dans l'autre, ça veut dire que vous créez une inégalité tout simplement, et que vous allez avoir une école avec un taux d'encadrement bien plus favorable que l'autre, ce qui n'est pas juste, ce qui n'est pas républicain. Donc il est tout à fait normal, parce qu'il y a des évolutions démographiques, d'avoir cette souplesse. Si on ne l'avait pas, ça serait un défaut. En revanche, ce qu'il faut, c'est aider les maires à ce qu'il y ait un rebond démographique dans chaque commune. Ça oui.
CHRISTELLE BERTRAND
Passons à un sujet d'actualité. Les étudiants à Lyon sont toujours très mobilisés à la suite de l'incident qu'on connaît. Vous dites que l'Etat a encore beaucoup de progrès à faire pour aider les étudiants. Est-ce que des mesures concrètes vont être prises pour les aider, et lesquelles ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est un sujet sur lequel Frédérique VIDAL s'exprime aujourd'hui même et travaille avec notamment les organisations étudiantes, donc c'est un sujet sur lequel elle doit s'exprimer, mais c'est un sujet sur lequel elle n'a pas été inerte tout au long des deux années qui viennent de passer, nous sommes un des pays qui fait le plus en matière de bourses étudiantes, je rappelle que c'est un budget de 5,7 milliards d'euros, c'est supérieur au budget du ministère des Affaires étrangères. Elle a encore augmenté ce budget à l'occasion de la rentrée, environ 45 millions d'euros. Par ailleurs il y a eu des mesures sociales importantes qui ont été prises pour les étudiants, en particulier le fait de ne plus avoir à payer la Sécurité sociale, ce qui est très important, et qui crée d'ailleurs un accès universel à la Sécurité sociale, gratuit, c'est une économie de 240 € annuels. Donc tout ceci a été quand même l'objet de progrès ces derniers temps.
ORIANE MANCINI
Mais alors hier le Sénat examinait le projet de loi de finances rectificative, il y a 322 millions de crédits qui sont prévus pour l'enseignement supérieur, qui ont été coupés, dont 35 millions pour la vie étudiante. C'est ça le signal que vous envoyez aujourd'hui aux universités ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, encore une fois les signaux qui sont envoyés c'est des signaux d'augmentation des dépenses. Ce que vous évoquez c'est probablement des mesures de sincérisation budgétaire…
ORIANE MANCINI
Sur le budget 2019.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Sur le budget 2009, donc ça n'a pas de signification sur la donne, enfin sur les augmentations qui auront lieu en 2020. Donc non, je pense qu'au contraire il y a un réel effort qui est fait. Maintenant on doit tous avoir une vision beaucoup plus systémique et complète de ce qu'est la vie étudiante, par exemple sur la question du logement, la question de construction de logements pour les CROUS, de logements accessibles à des loyers peu onéreux, c'est évidemment un sujet ultra concret, la façon de se nourrir, aujourd'hui vous payez environ 3 € un repas et si vous êtes boursier, si vous êtes étudiant boursier, c'est aussi une mesure sociale importante. Vous avez aussi beaucoup d'étudiants qui se concentrent en région parisienne, c'est un des problèmes de la France, alors même que vous avez de certaines universités dans différentes parties de la France qui pourraient en accueillir davantage, et avec une qualité de vie il faut bien le dire, bien meilleure. On retrouve cette nécessité de moins être concentré dans les grandes métropoles en France, si on veut améliorer la qualité de vie. Donc c'est un sujet à multiples facettes que Frédérique VIDAL prend évidemment très au sérieux et qui sans doute connaître encore de nouvelles évolutions.
CHRISTELLE BERTRAND
Le 5 décembre prochain, certaines catégories socioprofessionnelles se regroupent pour manifester contre la réforme des retraites. Les centristes demandent la tenue d'une conférence sociale avant ce 5 décembre. Est-ce qu'il faut la tenir selon vous ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Comme vous le savez, le Premier ministre s'exprimera demain sur ces questions et donc je lui laisse évidemment la... dire ce qu'il souhaite dire sur ces enjeux. Ce qui est certain, c'est que…
ORIANE MANCINI
Mais la grande conférence sociale, vous n'êtes pas contre. Vous pensez que c'est une bonne idée ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
De façon générale, nous ne sommes pas contre le dialogue social. Vous savez, on cherche souvent dans le débat public à opposer les uns aux autres, mais en réalité ce sujet il pourrait être un sujet consensuel dans un pays qui serait un peu plus consensuel dans ses habitudes, autrement dit les données elles sont sur la table, on a aujourd'hui le rapport du COR, il sera officiel après-demain, c'est établi par des experts, le diagnostic il est relativement clair. Donc à partir de là c'est, comment est-ce qu'on est suffisamment responsable, nous tous les Français, pour choisir la bonne formule ? Comment on étale les choses dans le temps, sur quels facteurs on joue ? Il n'y a pas d'un côté un gouvernement qui aurait un coffre-fort avec je ne sais quel argent magique, et puis de l'autre des acteurs qui chercheraient à tout prix à faire ouvrir ce coffre-fort. Ça ne marche pas comme ça. Il y a des leviers pour arriver à plus de justice dans notre système de retraite, mais il faut faire des choix de maturité démocratique.
ORIANE MANCINI
Sur ce sujet, chez les enseignants, chez les professeurs, puisque leur retraite est actuellement calculée sur les six derniers mois, désormais elle sera calculée tout au long de leur carrière, est-ce que les enseignants, les professeurs, seront les grands perdants de cette réforme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, parce qu'il a été défini à l'avance qu'ils ne le seraient pas. Autrement dit…
ORIANE MANCINI
Et comment ils peuvent ne pas l'être ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
En améliorant leur rémunération en amont de la retraite, puisque ce qui pourrait faire qu'ils soient perdants, c'est le fait qu'on ne calcule plus sur les six dernières années, mais sur la totalité de la carrière, or les débuts de carrière sont notoirement pas assez payés en réalité, mais depuis fort longtemps, même si on a un peu amélioré ça, un professeur en début de carrière à la fin de ce quinquennat gagnera 1 000 € de plus par an que c'était le cas en début de quinquennat. Donc en 2022 par rapport à 2017. Donc on fait des progrès, mais on doit en faire davantage, est c'est le sens…
ORIANE MANCINI
Mais c'est quoi les professeurs en début de carrière, pour préciser, c'est ceux qui rentrent aujourd'hui dans le système où c'est ceux qui y sont depuis déjà quelques années ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est notamment ceux qui rentrent et ceux qui rentreront dans les temps à venir, c'est notamment…
ORIANE MANCINI
Donc pas ceux qui y sont déjà et qui sont des jeunes professeurs.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça c'est le genre de choses qui se discute actuellement. Ceux qui sont déjà, bénéficient des mesures dont je viens de vous parler, on essaie d'aller plus loin, mais c'est justement le genre de choses qui se discute, et j'ai créé un observatoire des rémunérations pour avoir une idée précise de cette question, parce que vous savez il y a un million de personnels à l'Education nationale, donc les situations ne sont pas exactement les mêmes, on a besoin d'avoir une approche fine, et c'est-ce qu'on est en train de faire de manière assez précise et technique en ce moment.
CHRISTELLE BERTRAND
Et cette augmentation va compenser le nouveau calcul qui leur sera appliqué, pour la retraite ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est l'esprit dans lequel on avance. J'ai donné…
CHRISTELLE BERTRAND
Vous pouvez leur assurer aujourd'hui ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
J'ai donné une lettre aux syndicats il y a 2 semaines, à l'occasion de notre deuxième grande rencontre sur ces questions, qui donne un certain nombre de garanties sur ces questions, notamment des garanties de méthodologie, parce qu'on poursuit la même finalité, c'est-à-dire avoir des retraites justes pour les professeurs comme pour le reste de la population, et d'avoir une vision concrète et complète de la relation entre rémunération et retraite. Tout ceci est très complexe, très technique, donc c'est normal de prendre son temps, et ce qui est important c'est de partir sur des objectifs partagés, et donc de pouvoir y aller en avec une certaine sérénité, c'est ce que nous faisons en ce moment dans le domaine de l'Education nationale et je pense que c'est comme ça qu'on peut avancer.
ORIANE MANCINI
Mais quand même le malaise monte chez les enseignants, chez les professeurs, c'est une colère un peu sourde, quand on voit qu'Emmanuel MACRON décide le jour de la grande mobilisation des hôpitaux d'annoncer un plan d'urgence, est-ce que le signal envoyé ce n'est pas que finalement que pour obtenir des choses il faut descendre dans la rue ? Est-ce que du coup vous ne poussez pas les enseignants à descendre dans la rue ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, pas du tout, c'est même l'inverse. S'agissant des hôpitaux, le problème il est identifié depuis longtemps, et on sait très bien qu'il y a un problème, et ce n'est pas le fait d'être dans la rue qui change quoi que ce soit à la …
CHRISTELLE BERTRAND
Ça accéléré les choses, quand même.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non non…
CHRISTELLE BERTRAND
Ça a accéléré des annonces.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça fait 2 ans et demi que je siège au Conseil des ministres, je peux vous dire qu'il en a été question très souvent. Il y a un Plan santé 2022 qui est fait pour jouer sur les facteurs structurels de ces problèmes. Je ne vais pas m'exprimer trop sur la santé, mais si vous voulez, le problème de la santé c'est que…
ORIANE MANCINI
Non, mais sur le signal qui est envoyé, d'annonce ... plan d'urgence le jour de la mobilisation…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je vais y venir, mais, on le voit bien sur ce sujet de la santé, mais on voudrait des choses semblables pour l'éducation. Il faut distinguer le long terme, par exemple le nombre de médecins suppose, pour être augmenté, un travail qui n'a pas des effets du jour au lendemain, et puis parfois des mesures de court terme pour tout simplement faire face à la situation. A l'Education nationale on a pris aussi des mesures immédiates de pouvoir d'achat, par exemple la prime en REP+, qui maintenant est très conséquente, elle est de 2 000 € par an, elle le sera de 3 000 à la rentrée prochaine. On a pris des mesures d'augmentation du pouvoir d'achat dans ce budget, donc on fait les choses tranquillement, sans avoir besoin de pression particulière, c'est ça être aussi une démocratie sociale mûre, c'est-à-dire être capable de discuter sans avoir besoin que quiconque s'énerve, d'autant plus que sur ce sujet des rémunérations j'ai dit depuis mon arrivée dans mes fonctions que oui il y avait un sujet et qu'il méritait d'avancer et en effet on avance.
ORIANE MANCINI
Dernière question sur ce malaise des professeurs avec la réforme du bac. Il y a une partie du bac qui sera désormais en contrôle continu. Il y aura des premiers examens dès janvier. Est-ce que vous ne craignez pas que ça accentue les difficultés pour les professeurs qui pourraient être victimes de menaces voire de pression de la part des parents d'élèves ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non parce qu'une des mesures du contrôle continu, c'est que la correction elle est anonyme et elle est faite par quelqu'un d'autre que votre professeur, donc ça fait partie… Vous savez, quand on a élaboré le contrôle continu dont je rappelle le sens aussi : le sens du contrôle continu, c'est de faire qu'il y ait un travail en continu de l'élève plutôt que du bachotage notamment dans les classes de 1ère et de Terminale. Ce contrôle continu doit obéir à deux objectifs : la simplicité et l'objectivité. Et donc l'objectivité, elle passe par différentes choses. Une base de données des sujets commune à toute la France et puis une correction par quelqu'un d'autre que votre professeur, donc je pense qu'il n'y a pas de risque.
ORIANE MANCINI
Mais un professeur du même lycée.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Pas forcément. C'est souvent un professeur du même lycée mais pas forcément.
CHRISTELLE BERTRAND
Alors vous lancez une grande opération avec GOOD PLANET qui est la fondation de Yann ARTHUS-BERTRAND pour sensibiliser les jeunes au développement durable. Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Vous savez, il y a une belle tradition avec Yann ARTHUS-BERTRAND qui est d'avoir de magnifiques posters.
ORIANE MANCINI
On les voit.
JEAN-MICHEL BLANQUER
On les voit à l'écran, très bien. Et donc il sensibilise les enfants et les adolescents aux grands enjeux planétaires. On voit qu'ils le sont maintenant et d'ailleurs probablement ce qui a été fait depuis une dizaine d'années y a contribué. Nous voulons aller toujours plus loin en la matière. Vous savez qu'on a élu des éco-délégués cette année. 250 000 éco-délégués dans toute la France. Autrement dit, chaque classe de collège et de lycée normalement sont en éco-délégués et ça passe par de la sensibilisation mais aussi par des actions concrètes au service de l'environnement dans l'établissement ou aux abords de l'établissement. Et donc avec Yann ARTHUS-BERTRAND, on veut lancer cette campagne de sensibilisation des aujourd'hui, non seulement par l'affichage de ces magnifiques photos mais aussi par le développement de programmes approfondis. Puisque l'objectif n'est pas d'être superficiel en ces matières mais vraiment d'aller au fond des choses, c'est d'ailleurs le sens des nouveaux programmes du lycée. D'aller au fond des choses, c'est aussi que beaucoup de nos élèves auront des métiers qui auront un rapport avec l'environnement. Ils contribueront à faire que notre planète aille mieux parce qu'ils auront des métiers dans le domaine de l'énergie, dans le domaine du bâtiment et autres pour aller dans ce sens-là et ça passe évidemment par une sensibilisation dès le plus jeune.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup. Merci Jean-Michel BLANQUER d'avoir été avec nous ce matin.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 novembre 2019