Interview de Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement, à France Info le 4 octobre 2019, sur l'attaque au couteau à la préfecture de police de Paris, les conditions de travail des policiers et la réforme des retraites.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Sibeth Ndiaye - Secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement

Média : France Info

Texte intégral

LORRAIN SENECHAL
Bonjour Sibeth NDIAYE.

SIBETH NDIAYE
Bonjour.

LORRAIN SENECHAL
Quatre fonctionnaires de la Préfecture de police tués au couteau hier par un de leurs collègues, un agent administratif de 45 ans, il travaillait au service informatique depuis 2003. Aucune histoire jusqu'ici. Sa femme en garde à vue semble évoquer des voix qu'il a entendues la nuit dernière. Est-ce que vous pouvez nous donner des précisions sur ce drame ?

SIBETH NDIAYE
Alors, vous avez plus d'informations que moi, parce qu'en tant que membre du gouvernement je n'ai pas connaissance du contenu des gardes à vue, donc je ne peux pas vous répondre sur ce sujet-là. Ce que je voudrais d'abord faire, c'est évidemment adresser toutes mes condoléances aux proches des victimes, à leurs familles, parce que c'est évidemment un drame terrible et je sais que le président de la République, qui a passé 2 heures sur place hier, a eu beaucoup d'échanges avec des personnels de la préfecture qui étaient vraiment traumatisées par l'événement auquel ils avaient dû faire face, donc ça je pensais que c'était important de le faire. Aujourd'hui, nous avons une enquête qui est sous l'autorité du procureur de Paris, nous n'avons pas d'indication, contrairement à un certain nombre de nouvelles, je dirais de fake news qui ont circulé sur les réseaux sociaux, nous n'avons pas d'indication sur une radicalisation éventuelle de l'auteur de ces assassinats, donc l'enquête doit se poursuivre et j'espère que nous aurons très vite des éléments qui nous permettront d'éclaircir les faits.

LORRAIN SENECHAL
Est-ce qu'il y a tout de même une piste qui est privilégiée ? On semble se profiler vers un acte de folie plutôt que, effectivement…

SIBETH NDIAYE
Alors moi, je me garderais bien de me prononcer à ce stade. Le procureur de Paris, comme le procureur du parquet anti-terroriste, sont évidemment en lien étroit, c'est à eux de décider de la qualification des faits qui aujourd'hui ne relèvent pas du terrorisme au stade des investigations.

RENAUD DELY
Vous rappeliez à l'instant Sibeth NDIAYE, qu'il n'y a pas de signe de radicalisation de cet individu au moment où on parle. On sait en revanche qu'il s'était converti à l'islam il y a à peu près 18 mois. Est-ce que ça veut dire qu'aujourd'hui la piste terroriste, à vos yeux, elle est totalement et définitivement écartée ?

SIBETH NDIAYE
Elle n'est évidemment pas écartée, d'abord je pense qu'il est important de le dire régulièrement, ça n'est pas parce qu'on est musulman qu'on est terroriste, donc le fait qu'on se convertisse à l'islam n'est pas un signe automatique de radicalisation, les faits doivent être e regardés avec précision, c'est ce que les services enquêteurs sont en train de réaliser, et donc avant que ses services enquêteurs ne nous donnent des informations, des informations qui sont tangibles et qui n sont pas des élucubrations sur les réseaux sociaux, je ne me prononcerai pas.

LORRAIN SENECHAL
Sibeth NDIAYE, pardon, mais c'est une attaque intervient tout de même dans un contexte d'épuisement, de lassitude des forces de l'ordre, c'est un symbole de la Préfecture de police de Paris qui est attaquée en son sein, est-ce que vous ne craignez pas que ce type de drame soit la goutte d'eau qui fait déborder le vase ? Sachant que les policiers se sont déjà beaucoup mobilisés ce week-end ?

SIBETH NDIAYE
Oui, les policiers se sont effectivement beaucoup mobilisés ce week-end, je crois que vous le savez, mais le gouvernement a d'ores et déjà apporté un certain nombre de réponses à ce qui fait le malaise des policiers, qui ont été très lourdement, comme les gendarmes, depuis un an et même si on remonte avec la vague d'attentats qui a frappé notre pays depuis un certain nombre d'années, ils sont très sollicités. Nous avons déjà fait un certain nombre de gestes, qui je crois sont importants, le budget de la police et la gendarmerie est en constante augmentation depuis le début de ce quinquennat, on agit sur les matériels, on agit sur la rénovation des commissariats, on fait en sorte qu'ils aient de meilleures rémunérations, c'est les l'objet d'une négociation qu'on a eu récemment.

LORRAIN SENECHAL
C'est un des mots d'ordre de ce rassemblement inédit en 20 ans, mercredi dernier plus de 20 000 policiers dans les rues de Paris. Il y a également ces millions d'heures supplémentaires qui n'ont pas encore été réglées aux policiers. On en est où sur ce dossier, est-ce que vous êtes en mesure de dire qu'elles vont être payées ?

SIBETH NDIAYE
Alors, ces heures supplémentaires, le ministre de l'Intérieur s'y est engagé, elles seront payées. Vous imaginez bien que compte tenu du stock qui a été accumulé depuis plusieurs années, bien avant le début de ce quinquennat, il est difficile de pouvoir tout payer d'un coup, donc il y aura une discussion avec les organisations syndicales pour voir comment est-ce que le paiement va pouvoir se déployer petit à petit, je ne peux pas vous donner aujourd'hui de date de début de paiement. Ce que je veux souligner c'est qu'il y a eu une augmentation mensuelle de la rémunération des policiers, d'une part, et que d'autre part nous avons, parce que nous avons la conscience que l'on a amoindri le nombre de policiers et de gendarmes en France, et dont vous nous réalisons des embauches, il y aura près de 1 400 embauches l'année prochaine qui seront réalisées.

RENAUD DELY
L'une des motivations des policiers qui sont descendus dans la rue à Paris cette semaine, c'était la remise en cause, la réforme de leur régime particulier de retraite. Le ministre de l'Intérieur Christophe CASTANER a confirmé il y a quelques jours que ce régime spécial de retraite des policiers sera réformé. On l'écoute.

CHRISTOPHE CASTANER, MINISTRE DE L'INTERIEUR – EXTRAIT 4V
Il y aura une modification de leur régime, comme pour tous les Français, mais il y aura la prise en compte de la dangerosité du métier de policier. Elle est liée au fait de devoir porter une arme, elle est liée au fait par exemple, quand vous êtes policier, de dire à votre enfant : ne dis pas le métier que je fais.

RENAUD DELY
Aujourd'hui les policiers, il faut préciser, disposent d'un régime particulier qui fait que pour cinq années travaillées, ils ont une année de bonification. A l'issue de cette réforme, tous les policiers ne bénéficieront plus de cette disposition, alors qu'on l'a vu encore hier avec ce drame de la Préfecture de police de Paris, le métier de policier est particulièrement dangereux et exposé.

SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr. Ce qu'il faut bien comprendre c'est que d'abord nous souhaitons construire un régime, le président Emmanuel MACRON était hier, peut-être qu'on en parlera dans cette interview…

LORRAIN SENECHAL
Bien sûr !

SIBETH NDIAYE
... était hier à Rodez pour avoir un dialogue avec des Français autour de ce que serait un futur régime universel de retraite. On voit bien aujourd'hui qu'il y a une perte de confiance, une forme de défiance dans le système, et donc on souhaite un système universel. Mais on souhaite aussi que la pénibilité ou la particularité d'un certain nombre de métiers, soient reconnues, en l'occurrence, pour les policiers qui appartiennent à ce qu'on appelle une catégorie d'actifs, c'est-à-dire des policiers qui sont sur le terrain, qui effectuent des missions, qui sont des missions qui ont trait à la dangerosité notamment de leur métier, on souhaite évidemment que ça puisse être pris en compte dans le cadre de la retraite.

RENAUD DELY
Est-ce que toutes les missions des policiers ne sont pas par définition marquées par cette dangerosité ? On l'a vu encore une fois hier, les policiers qui ont été assassinés à la Préfecture de police de Paris n'étaient pas sur le terrain en mission. Donc, est-ce que tous les policiers ne pourraient pas continuer de bénéficier…

SIBETH NDIAYE
Alors, le quotidien d'un policier, même quand il est à la BAC, il n'est pas d'être exclusivement sur le terrain, il y a du travail administratif, donc il y a des temps dans la journée d'un policier, quand bien même il appartient à une catégorie d'actifs qui…

LORRAIN SENECHAL
Ce que veut dire Renaud, c'est que ce sont des cibles, quoi qu'ils arrivent, y compris quand ils sont chez eux.

RENAUD DELY
Tous les policiers pourraient conserver ce système, ce régime spécial de retraite.

SIBETH NDIAYE
Alors, il faut être prudent parce qu'aujourd'hui on ne connaît pas exactement les circonstances dans lesquelles le drame qu'on a connu hier s'est déroulé. Si c'est un drame, j'allais dire personnel, il aurait pu arriver ici à France Info. Donc, pour autant il n'y a pas de catégories d'actifs à France Info. Vous voyez ce que je veux dire ? Et donc aujourd'hui, moi comme je ne veux pas qu'on fasse le lien avec ce qui s'est passé hier, tant qu'on n'a pas de certitude sur les circonstances de ce qui s'est passé hier et sur le fait que ça aurait pu se passer ailleurs, mais que ça s'est passé malheureusement dans cet environnement de travail là.

LORRAIN SENECHAL
On va continuer en tout cas, Sibeth NDIAYE, si vous le voulez bien, de discuter de cette réforme des retraites, vous allez nous expliquer en détail quelle est la voie qui a été choisie par le gouvernement, en tout cas en l'état, juste après l'info.

LORRAIN SENECHAL
Sibeth NDIAYE, la porte-parole du gouvernement est l'invitée de France Info ce matin. On évoquait cette réunion d'Emmanuel MACRON hier soir devant plus de 500 Français à Rodez dans l'Aveyron pour évoquer cette réforme des retraites. C'est la première étape d'une sorte de Grand débat consacré uniquement à la réforme des retraites, Emmanuel MACRON qui n'a pas vraiment expliqué concrètement vers où nous allions. Et quand il a été interrogé sur le fait que certains journaux, par exemple, avaient mis en place des sortes de simulateur pour que les personnes, les Français, les citoyens, puissent savoir à peu près à quel montant, à quelle sauce elles allaient être mangées, voici la réponse que leur a fait Emmanuel MACRON.

EMMANUEL MACRON – HIER SOIR A RODEZ
Le simulateur individuel, il faut qu'on ait fixé les paramètres, donc d'abord je vous le dis, quand je vois parfois des simulations qui sont faites, il y a des journaux qui en ont sorties, des gens qui font des sites, c'est de la pipe complète, c'est des trucs, c'est des gens qui mettent des hypothèses, non mais qui n'existent pas, elles ne sont pas fixées.

LORRAIN SENECHAL
Donc rien n'est fixé, on a l'impression de ne pas vraiment savoir où on va Sibeth NDIAYE.

SIBETH NDIAYE
Ecoutez, il y a des grands principes qui ont été fixés. Les grands principes qu'on a souhaité fixer c'est d'abord l'universalité du régime, c'est le fait que ce soit un régime qui soit plus juste, qui soit plus transparent et qui soit plus lisible. Ça peut apparaître comme un slogan mais c'est important de savoir finalement vers quoi on veut tendre.

LORRAIN SENECHAL
Ce n'est pas très concret.

SIBETH NDIAYE
Ça ce n'est pas très concret, mais vous pouvez pas en même temps dire : il faut qu'il y ait de la concertation, il faut qu'il y ait du grain à moudre, il faut qu'on puisse avoir des éléments où on doit décider, et en même temps attendre du président de la République au premier débat, le premier jour de ce grand débat qu'on a souhaité sur les retraites avec les Français, qui vous donne toutes les réponses. Il y a quelque chose qui est un peu paradoxal. Donc en fait c'est normal, là on est au stade où il y a des grands principes, il y a des discussions avec les organisations syndicales qui vont porter sur le régime futur, qui vont porter catégories professionnelles par catégories professionnelles, sur le chemin à parcourir pour rentrer dans ce régime universel. Donc on est au début d'une discussion, on ne peut pas attendre déjà le résultat de cette discussion.

RENAUD DELY
Vous évoquez les principes, il y a un principe clair qui est posé, c'est qu'il faudra travailler plus longtemps pour toucher une retraite à taux plein.

SIBETH NDIAYE
Tout à fait. Exactement. Ce que je veux vous dire, et c'est important de l'avoir en tête, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il y avait quatre actifs qui cotisaient pour assurer la retraite d'une personne retraitée. Aujourd'hui, il y a à peu près 1,5 actif qui cotise pour assurer la retraite du même retraité, et donc on voit bien que comme on a une courbe démographique qui fait qu'il y a de plus en plus de retraités, il y a deux solutions, il y a au fond trois solutions possibles. Soit vous considérez que la cotisation du peu d'actifs qui doivent cotiser, elle augmente, je ne crois pas que ce soit le choix qu'on ait envie de faire, soit vous considérez que la pension de retraite elle diminue, le président de la République l'a dit très clairement, ça n'est pas le choix que nous voulons faire, et donc pour pouvoir répondre à cette équation, il faut allonger la durée du travail.

LORRAIN SENECHAL
Est-ce qu'on est en mesure de dire combien de temps ? On a parlé d'un âge pivot à 64 ans, aujourd'hui ça n'a plus l'air d'être l'objectif d'Emmanuel MACRON.

SIBETH NDIAYE
C'est justement l'objet des négociations qu'on va avoir avec les organisations syndicales. Nous on souhaite qu'il y ait un âge minimal légal de départ à la retraite, c'est 62 ans. C'est 62 ans aujourd'hui, ça restera 62 ans, après on souhaite évidemment regarder avec les organisations syndicales, ce qu'est le moment du taux plein, c'est-à-dire le moment où vous pouvez partir à la retraite en ayant un taux plein. Ce moment-là on le calculera et on verra ça avec les organisations syndicales, peut-être en se basant sur un âge, peut-être en se basant sur une durée de cotisation, peut-être en faisant un mixte des deux, mais aujourd'hui je ne peux pas vous le dire, parce qu'il faut qu'il y ait une négociation.

LORRAIN SENECHAL
Mais est-ce que vous, au gouvernement, vous avez une piste privilégiée tout de même ?

SIBETH NDIAYE
Eh bien le président de la République s'est exprimé au mois d'août, après le G7 à Biarritz, en indiquant qu'il avait une préférence pour l'allongement de la durée de cotisation. Il y a d'autres organisations syndicales qui ont exprimé la même préférence, certaines ne l'ont pas du tout exprimée de cette manière-là. Donc maintenant il faut qu'on se mette autour de la table et qu'on en discute.

RENAUD DELY
On pourra continuer à partir à 62 ans, dites-vous, mais avec une décote, donc avec moins d'argent.

SIBETH NDIAYE
Exactement. Tout à fait.

RENAUD DELY
Donc on sera perdant si on part en retraite à 62 ans.

SIBETH NDIAYE
Mais après, c'est à chaque Français de pouvoir évaluer, est-ce que la perte qui est anticipée est importante ou pas ? Moi, en fonction de la carrière que vous avez eue, en fonction du patrimoine que vous avez accumulé, du patrimoine peut-être que vous aviez déjà dans votre famille, vous n'avez pas finalement la même vie, vous n'anticipez pas les choses de la même manière à votre retraite.

RENAUD DELY
Vous évoquez des catégories de Français plutôt privilégiées, ceux qui ont déjà un patrimoine ou un héritage effectivement dans leur famille.

SIBETH NDIAYE
Vous savez, la moitié des Français à peu près qui sont propriétaires par exemple, donc je ne sais pas si c'est évidemment quelque chose qu'on a en plus par rapport à l'autre moitié qui ne l'est pas, mais je pense vraiment que c'est une réforme qui doit donner la liberté et qui doit donner la capacité à anticiper. Il faut effectivement que, avec cette réforme par points, on puisse mieux anticiper les choses, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

RENAUD DELY
Vous dites que le président de la République ne veut pas, évidemment que le niveau les pensions baisse, à terme ça va être donc l'instauration d'un système par points, universel. Ce point, comment garantir son coût de façon durable ? Est-ce qu'il sera indexé sur l'inflation justement pour ne pas que ce point baisse en cas de crise ?

SIBETH NDIAYE
Ça fait aussi partie des discussions. Il faut, enfin, pardon…

LORRAIN SENECHAL
Tout est sur la table mais pour l'instant rien n'est tranché, si j'ai bien compris.

SIBETH NDIAYE
Mais pardon, on est au début…

RENAUD DELY
Si l'objectif c'est que le niveau des pensions ne baisse pas, il va bien falloir l'indexer sur l'inflation, ce point.

SIBETH NDIAYE
On est au début d'un processus. Moi je ne sais même pas aujourd'hui qui va effectuer la gouvernance du point, c'est-à-dire qui va... quelles seront les parties prenantes autour de la table pour discuter, et suivant quelles modalités et à quel rythme elles vont le faire, qui vont discuter de, au fond combien vaut le point. Donc je ne peux pas vous dire : le point va être indexé sur ceci ou cela. Vous voyez bien…

LORRAIN SENECHAL
Mais vous pouvez nous dire comment le gouvernement prévoit que ce point sera calculé. Vous avez bien un plan.

SIBETH NDIAYE
Vous voyez bien que dans l'état actuel de la discussion, il faut que nous ayons des échanges avec les organisations syndicales. Si tout d'un coup Jean-Paul DELEVOYE m'écoutait à la radio et entendait une ministre du gouvernement dire : alors tout est calé, donc voilà comment on va calculer les choses, je ne sais pas ce qu'il raconterait à Yves VEYRIER ou à Philippe MARTINEZ derrière, en négociations, ça n'a absolument aucun sens de faire ça. Donc on a un chemin pour négocier, ce chemin on doit l'emprunter, et on a du grain à moudre, ce n'est pas une négociation pour de rire.

RENAUD DELY
Vous dites qu'aujourd'hui vous ne savez pas Sibeth NDIAYE, qui gouvernera donc ce point et son évolution…

SIBETH NDIAYE
Justement, il faut discuter…

RENAUD DELY
Ça ne sera pas forcément le gouvernement.

SIBETH NDIAYE
Ah ben non, il y aura évidemment le gouvernement, mais nous on souhaite qu'il puisse continuer à y avoir une gouvernance qui implique les organisations syndicales. Donc il faut…

RENAUD DELY
Ça peut être confié aux partenaires sociaux.

SIBETH NDIAYE
Donc il faut voir, il faut voir les modalités de gouvernance du point, ça fait partie des discussions qui sont sur la table.

LORRAIN SENECHAL
Mais encore une fois, qu'elle est là la priorité qui serait donnée par le gouvernement ? Edouard PHILIPPE par exemple a parlé de cette autorité indépendante pour gérer ce point. C'est ça que le gouvernement met sur la table ?

SIBETH NDIAYE
Ce que nous mettons sur la table, c'est le fait que le gouvernement ne soit pas le seul à décider, parce qu'on voit bien la crainte qui s'exprime autour du fait que l'on pourrait, que des gouvernements futurs pourraient à loisir discuter et décider de la valeur du point et donc on voit bien que c'est important que les organisations syndicales puissent continuer à être impliquées. Après, les contours des autorités indépendantes ou de ceux qui seront amenés à la gouvernance du point ne sont pas encore définis, mais je vous le dis encore une fois, si on rentre dans un débat…

LORRAIN SENECHAL
D'accord, mais c'est le principe d'indépendance qui doit…

SIBETH NDIAYE
Si on rentre dans un débat en considérant qu'en fait le gouvernement à un plan caché, qu'il a tout décidé et que finalement c'est de la pipe, pour reprendre une expression qui désormais à beaucoup de succès, je crois qu'on se tromperait lourdement.

RENAUD DELY
Vous connaissez vos classiques en citant Emmanuel MACRON. Alors, restons-en au calendrier, le calendrier c'est quoi, jusqu'à quand ces discussions et quand le texte sera-t-il présenté en Conseil des ministres ?

SIBETH NDIAYE
Alors, déjà sur le débat avec les Français, on sait qu'il se poursuivra jusqu'à la fin de l'année 2019, donc jusqu'au moins de décembre.

LORRAIN SENECHAL
C'est quoi la prochaine étape ?

SIBETH NDIAYE
La prochaine étape, c'est-à-dire le prochain…

LORRAIN SENECHAL
Le prochain Grand débat avec les Français.

SIBETH NDIAYE
Alors, d'abord il y a eu cette semaine l'ouverture d'une plateforme internet qui permet aux Français de contribuer au débat, qui leur permet aussi de poser des questions, et donc Jean-Paul DELEVOYE s'est engagé à répondre aux questions qui recueilleront chaque semaine le plus de voix en quelque sorte. Ça c'est un élément du débat. Il y aura des réunions qui sont organisées et nous on appelle les élus, les parlementaires, évidemment des ministres participeront à ces débats autour des retraites. Je pense que c'est important, en quelque sorte, que les élus puissent se saisir aussi de ce…

RENAUD DELY
Et le texte en Conseil des ministres, ce sera avant les élections municipales de mars ?

SIBETH NDIAYE
Et le texte en Conseil des ministres, je n'ai pas encore de date donnée, mais de toute façon vous savez, le fait que le texte soit présenté ou pas, avant ou après les élections municipales, pour moi a assez peu d'importance, parce que…

RENAUD DELY
Donc ça peut être... Donc ça sera avant.

SIBETH NDIAYE
Parce qu'on voit bien que le débat public et politique est largement installé, et la discussion qu'on a ce matin montre bien que tous les éléments du débat sont dans l'atmosphère, et que donc le fait que l'on pose le texte qui viendra au Parlement avant ou après les municipales, n'a au fond que peu d'importance.

RENAUD DELY
Ce sera en 2020.

SIBETH NDIAYE
Ce sera évidemment en 2020, bien sûr.

LORRAIN SENECHAL
On continue de parler de cette réforme des retraites, avec vous Sibeth NDIAYE, porte-parole du gouvernement, dans un instant juste après l'info.

LORRAIN SENECHAL
Sibeth NDIAYE, la porte-parole du gouvernement, est l'invitée de France Info ce matin. Vous le disiez, cette réforme des retraites, elle va se faire avec les syndicats, certains sont d'accord avec vous, c'est ce que vous disiez, d'autres pas du tout. Par exemple dans le secteur des transports, la RATP a déjà été au coeur d'un grand mouvement de grève en septembre dernier ; et un prochain mouvement est annoncé déjà pour le 5 décembre, ça s'annonce déjà très suivi. Vous, le 12 septembre dernier, à la veille de ce mouvement, vous avez adressé aux usagers des transports publics le message suivant :

SIBETH NDIAYE
Demain matin, j'utilise ma voiture de fonction comme tous les jours, donc je serai de coeur avec tous les Franciliens qui galéreront dans les couloirs du métro.

LORRAIN SENECHAL
Est-ce que c'est le même message que vous adressez aux Français pour le 5 décembre prochain ?

SIBETH NDIAYE
La formulation était peut-être maladroit mais vous savez quoi, moi je n'ai pas l'habitude de mentir. Donc je ne vais pas dire aux Français qu'un jour de grève, les ministres du gouvernement empruntent les transports en commun parce que c'est faux. En revanche, j'ai été nommé le 31 mars, jusqu'au 31 mars et toute ma vie, j'ai utilisé mes deux pieds, un bus et un métro. Peut-être que dans une semaine je ne serai plus ministre, peut-être que se sera dans un mois, peut-être que se sera dans un an, mais je jour où je ne serai plus ministre, je n'aurai plus de voiture de fonction et comme tous les jours de ma vie jusqu'à maintenant et avant que je ne devienne ministre, j'emprunterai à nouveau les transports en commun…

LORRAIN SENECHAL
Donc ce que vous dites…

SIBETH NDIAYE
Parce que par ailleurs, je n'ai pas le permis de conduire…

LORRAIN SENECHAL
C'est que vous savez ce que c'est que d'être…

SIBETH NDIAYE
Mais évidemment que je sais ce que sais. Et vous savez quoi, les gens pourraient remonter mon fil Twitter et regarder les fois où j'ai tweeté dans la ligne 13 qui est la bétaillère, comme chacun sait de la RATP, le nombre de fois où vivant en Seine-Saint-Denis et empruntant cette ligne pour me rendre à mon travail, j'ai pris les tweets en montrant que c'était vraiment la galère. Donc honnêtement, ce genre de polémique est insupportable, c'est une manière au fond d'essayer… je ne suis pas sûre que ça arriverait à tout le monde qui aurait prononcé ces paroles, mais enfin bon !

LORRAIN SENECHAL
On comprend bien que vous savez ce que c'est que d'être dans ces difficultés, dans le cadre de mouvements de grève suivis massivement, ça sera le cas le 5 décembre. Comment on fait quand on est au gouvernement comme vous l'êtes aujourd'hui, pour désamorcer ce type de conflit pour ramener les syndicats notamment à la table des négociations ?

SIBETH NDIAYE
Ecoutez ! Pour danser le tango en quelque sorte, il faut être deux, donc il faut qu'il y ait une volonté de part et d'autre de participer à la négociation, ça c'est le premier élément. On souhaite évidemment très vivement qu'il puisse y avoir une discussion avec ces organisations syndicales ; et on voit bien que le mot d'ordre est lancé pour le 5 décembre on est aujourd'hui au tout début du mois d'octobre, donc on a au moins un mois devant nous pour discuter, ça c'est la première chose. La deuxième chose, il y a des éléments qui sont de nature à rassurer les personnels de la RATP. Cette réforme, elle ne concerne évidemment pas ceux qui sont déjà à la retraite, elle ne concerne pas ceux qui sont nés avant 1963, donc on voit bien qu'il y a déjà un certain nombre de garanties qui sont de nature à un peu apaiser la situation. Après, moi je ne sais pas expliquer aux Français pourquoi quelqu'un qui conduit un métro à Paris part avec quasiment 10 ans d'avance à la retraite par rapport à quelqu'un qui conduit le même métro…

LORRAIN SENECHAL
Donc il y a un déséquilibre…

SIBETH NDIAYE
Dans les mêmes conditions ailleurs. Donc…

LORRAIN SENECHAL
Il y a une injustice qu'il faut réparer d'après vous !

SIBETH NDIAYE
Il y a de ce point de vue-là effectivement un déséquilibre que je ne sais pas expliquer. Quand je ne sais pas expliquer les choses, en fait je suis en général mal à l'aise. Donc je pense qu'il faut avoir du dialogue, on voit bien par exemple à la SNCF que dès lors que le statut… les gens ne sont plus recrutés au statut…

LORRAIN SENECHAL
De cheminot qui a été supprimé par votre gouvernement…

SIBETH NDIAYE
De cheminot qui a été supprimé dans le cadre de la réforme de la SNCF pour la préparer à l'ouverture à la concurrence, on voit bien que des changements sont possibles, qu'ils peuvent être acceptables. Il faut le faire en bonne intelligence et en avançant tranquillement.

RENAUD DELY
Cet âge de départ pour vous aujourd'hui à la RATP, c'est un privilège qui est dépassé ?

SIBETH NDIAYE
Moi, je considère aujourd'hui que quand on… il faut regarder aussi l'histoire des entreprises. Si cet âge-là a été décidé, c'est parce qu'à un moment donné le métier le nécessitait compte tenu de sa pénibilité. Les conditions d'exercice du métier ont changé, il faut qu'on puisse s'adapter à ça. Ca ne veut pas dire et je tiens à dire que dans le cadre de la réforme, si des personnels de la RATP comme d'autres salariés du privé sont exposés à des conditions de travail pénible, ça ne veut pas dire qu'elles ne seront pas prises en compte puisque nous prendrons en compte la pénibilité du travail.

RENAUD DELY
Alors un autre dossier Sibeth NDIAYE, c'est celui de l'explosion… de l'incendie de l'usine du Lubrizol de Rouen, une semaine après cette catastrophe des élus de l'opposition continuent de reprocher au gouvernement de ne pas faire toute la clarté sur les conséquences sanitaires. Il y a notamment des élus normands qui continuent de réclamer que le gouvernement déclare l'état de catastrophe technologique. Pourquoi est-ce que ce n'est toujours pas fait, il faut un délai maximal de 15 jours pour déclarer cet état de catastrophe technologique, est-ce que le gouvernement va le faire ?

SIBETH NDIAYE
Alors je pense que c'est important de savoir en fait de quoi ça relève, cet état de catastrophe technologique, ce qui aujourd'hui conduit à ce que le gouvernement n'ait pas l'entière certitude que ça serve à quelque chose. L'état de catastrophe technologique, il résulte d'une loi qui a été votée après la catastrophe d'AZF. Cette catastrophe, ça a été une explosion, des logements qui ont été fortement endommagés, c'était 26 000 logements de mémoire qui ont été endommagés, dont une partie qui a été rendue totalement inhabitable. Et donc il s'agissait de faire en sorte que les assurances sans franchise puissent prendre le relai des habitants pour réparer leurs logements.

LORRAIN SENECHAL
Donc il y a eu des dégâts, ce qui ne serait pas le cas avec l'incendie de l'usine…

SIBETH NDIAYE
En fait, la première lecture qu'on a juridique de cet état de catastrophe technologique, c'est qu'en fait il faut qu'il y ait des destructions dans les logements et qu'ils soient de ce fait rendus inhabitables.

RENAUD DELY
Aujourd'hui, il n'y a pas de nuisance à Rouen pour les riverains ou les habitants dans d'autres régions qui justifierait cette déclaration de catastrophe technologique ?

SIBETH NDIAYE
Non mais je vous dis ce qu'il y a d'écrit dans la loi, moi je ne peux pas… soit on change la loi, soit on dit…

LORRAIN SENECHAL
Ça veut dire que ça ne s'applique pas par exemple pour les agriculteurs dont les champs ont été touchés par les suies, ça n'entre pas…

SIBETH NDIAYE
Non, ça n'entre pas du tout…

LORRAIN SENECHAL
Dans le cadre de cet état de catastrophe technologique.

SIBETH NDIAYE
Dans ce champ-là. Donc en fait, c'est bien d'agiter des mots et je pense que le mot de catastrophe technologique – qui correspond bien à ce qu'on a ressenti sur place parce que ça a été une terrible catastrophe industrielle, ça rentre en résonance dans l'imaginaire collectif – mais après il faut voir de quoi il s'agit concrètement. Et en l'occurrence, il nous semble en première lecture juridique que ça ne pourrait pas s'appliquer avec efficacité dans le cas qui nous préoccupe.

LORRAIN SENECHAL
Donc on n'en prend pas la direction, a priori ?

SIBETH NDIAYE
Donc, on n'en prend pas la direction. Après, le Premier ministre a demandé aux services compétents d'avoir une expertise juridique pour voir si ça avait un intérêt de le faire, c'est en train de se dérouler en ce moment. Et puis on avisera en fonction de cette expertise juridique.

RENAUD DELY
Alors qui paiera les indemnisations à venir, est-ce que ce sera l'Etat, est-ce que ce sera l'usine Lubrizol et comment est-ce que ce montant des indemnisations va être déterminé et dans quel calendrier ?

SIBETH NDIAYE
Alors il y a plusieurs types d'indemnisation en fonction du régime juridique du point de vue duquel on se place, évidemment l'entreprise ne pourra pas s'exonérer de responsabilité puisqu'il s'agit là d'un site classé qui opère dans un régime juridique très particulier, qui conduit évidemment les industriels à être responsables des conséquences de ce qui arrive sur leur site.

RENAUD DELY
Lubrizol paiera ?

SIBETH NDIAYE
Et donc moi ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a aujourd'hui des enquêtes administratives et judiciaires qui auront lieu, qui vont déterminer aussi des responsabilités. Et c'est en fonction de cela qu'on pourra voir qui devra payer quoi, à qui et dans quels délais. Et ce que je veux dire aussi pour les agriculteurs qui, aujourd'hui, se voient empêcher de commercialiser leurs produits compte tenu du principe de précaution qu'on a activé, c'est qu'évidemment l'Etat va se tenir à leurs côtés, que nous examinerons après avoir eu les résultats sanitaires sur les cultures et sur les produits, les oeufs, le lait, etc., on regardera comment est-ce qu'ils peuvent être accompagnés, indemnisés par rapport au préjudice immédiat qu'ils ont subi dans l'urgence.

LORRAIN SENECHAL
Et ces analyses, est-ce qu'on sait – juste très rapidement – quand est-ce qu'on aura le résultat ?

SIBETH NDIAYE
Alors je pense qu'on aura une première vague qui va arriver d'ici au week-end. Mais après la difficulté qu'on a, c'est qu'il y a près de 400 produits qui ont brûlé ensemble, c'est difficile…

LORRAIN SENECHAL
On ne connait pas encore le résultat de ce cocktail…

SIBETH NDIAYE
Et même, il faut aller chercher les résultats qui… les produits qu'il faut analyser.

LORRAIN SENECHAL
Merci à vous. Sibeth NDIAYE, porte-parole du gouvernement…

SIBETH NDIAYE
Merci à vous.

RENAUD DELY
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 octobre 2019