Texte intégral
Q - Bonjour Amélie de Montchalin.
R - Bonjour.
Q - Secrétaire d'Etat aux affaires européennes. Un mot sur l'actualité à Londres avec cette attaque terroriste hier, attaque au couteau qui a fait trois morts dont l'assaillant. L'assaillant qui était lié à un groupe terroriste, sorti de prison il portait un bracelet électronique. Etait-ce une erreur de le laisser vagabonder si je puis me permettre cette expression maladroite ?
R - Les premiers mots que je veux avoir, ce sont d'abord des mots de solidarité. Le terrorisme c'est un fléau qui touche malheureusement beaucoup trop de pays dans le monde et beaucoup trop de pays européens. Ça nous montre que la vigilance qu'on est en train de construire en France depuis maintenant quelques années, avec vraiment énormément d'efforts autour des prisons, c'est ce que fait Nicole Belloubet bien sûr avec Christophe Castaner et toutes les forces régaliennes de notre pays. C'est essentiel parce que ce sont des lieux où il faut qu'on arrive à refaire de la réinsertion ; et si la réalisation n'est pas possible il faut qu'on se donne les moyens d'éviter la récidive. Donc ça nous montre qu'il faut une vigilance absolue, ça nous montre aussi que le terrorisme, ça se combat chez nous, ça se combat aussi là où sont les terroristes et les foyers, donc c'est dans notre monde malheureusement, en Syrie, au Sahel, et donc cette vigilance est partout.
Q - Vous parlez de vigilance absolue, or, à Londres comme en France, en Grande-Bretagne on venait de baisser le niveau de vigilance, passer de 4 à 5, en France on est à peu près aussi dans cette dynamique de baisser la vigilance. On a tort, donc ?
R - Vous savez, il y a les indices qui sont des choses sur les services de renseignement et puis ensuite, il y a le combat individuel qu'on a avec chaque personne qui est suivie par les services de renseignements. Donc je pense qu'il ne faut pas avoir de mauvaises polémiques, mais il faut se dire que quand le président de la République dit fortement cette semaine que notre premier ennemi, c'est le terrorisme, on en a malheureusement la preuve trop souvent en Europe. Et on voit bien que ce sont des théâtres d'opérations à l'extérieur du continent européen qui restent extrêmement difficiles ; et l'hommage qu'on rendra lundi à nos treize soldats morts en opération au Mali montre bien que c'est un conflit, c'est un combat qui n'a pas les formes habituelles mais qui crée beaucoup de victimes.
Q - L'une des conséquences de cette attaque terroriste, hier à Londres, c'est la suspension de la campagne électorale pour les élections générales législatives du 12 décembre en Grande-Bretagne. Les conservateurs sont favoris avec Boris Johnson à la tête, est-ce que vous redoutez d'ailleurs en France cette victoire des Tories ?
R - Alors moi je ne redoute rien, ces élections elles sont essentielles parce qu'elles vont permettre une clarification démocratique, une clarté pour réaligner le peuple britannique, son Parlement et son gouvernement. Vous savez que pendant deux ans et demi, on a été dans une forme d'impasse autour du Brexit, parce que...
Q - On l'est toujours un peu !
R - Parce que le gouvernement le Parlement et le peuple britannique ne sont plus alignés, ne pensaient plus la même chose. Et donc quand certains voulaient avancer, les autres reculaient. Donc cette clarification, ce moment démocratique, d'abord il est sain. Je n'ai pas autre chose à dire que c'est toujours sain d'avoir des moments démocratiques d'élections. Et ensuite, les Britanniques feront leur choix. Ce qui est important pour nous en Europe c'est toujours la même chose, qu'on ait de la clarté, qu'on puisse avoir une feuille de route et que cette nouvelle majorité qui existera à Westminster puisse nous dire très vite comment elle se situe par rapport au deal, est-ce qu'elle est d'accord ou pas d'accord, et comment nous pouvons envisager de négocier la relation future. J'étais hier avec Michel Barnier, nous sommes très clairs sur le fait que l'essentiel est désormais de pouvoir, de manière ordonnée, organiser ce moment de sortie, mais surtout de négocier quelle sera la nature de la relation future, commerciale, sociale, culturelle, universitaire, bref, tout ce qui fait qu'aujourd'hui... parce que ce pays est à 50 kilomètres de nos frontières qui fait que nous sommes proches et nous resterons proches du Royaume-Uni.
Q - Et est-ce que Paris accepterait un 4ème report de calendrier au-delà du 31 janvier prévu ?
R - Aujourd'hui, tout est fait pour que justement nous soyons dans la clarté et que nous puissions passer à l'étape suivante, qui est je crois beaucoup plus essentielle pour tous, pour nos entreprises, pour les citoyens britanniques, pour les citoyens européens qui vivent à Londres, pour les citoyens britanniques qui vivent en Europe qui est comment on pense au futur. Donc je ne vais pas faire de politique fiction, mais tout ce qu'on fait...
Q - Non, mais la position de la France aujourd'hui, c'est que rien n'est renégociable, ni le calendrier, ni l'accord sur la table ?
R - Bien sûr, on a tout sur la table, on a un deuxième accord, on a aujourd'hui des élections qui vont permettre de clarifier la position. On est à un moment où il faut qu'on avance et surtout qu'on pense au futur. Et je vous dis, on a des liens extrêmement forts, il faut qu'on puisse en trouver la nouvelle manière de s'organiser sur le sujet.
Q - Ce sera demain 1er décembre la prise de fonction de la nouvelle présidente de la Commission européenne, l'allemande Ursula von der Leyen, elle se donne 100 jours dit-elle, 100 jours pour imposer son style. Et vous au regard de ces premiers pas, comment est-ce que vous qualifiez déjà son style, le style von der Leyen ?
R - Ce que je vois, c'est que c'est d'abord une vraie rupture parce que nous avons un agenda stratégique, nous avons des priorités qui font l'unanimité. Elles font l'unanimité au Conseil européen, elles font l'unanimité à la Commission, c'est comme ça que les commissaires vont travailler et ce sont surtout des priorités qui ont été fixées par les citoyens...
Q - Allez-y sur les priorités !
R - Les priorités c'est le changement climatique, dans les 100 jours Ursula von der Leyen veut présenter un plan majeur sur le climat...
Q - Un green deal !
R - Le Parlement européen cette semaine a voté, quelque chose de majeur, a décrété l'urgence climatique... il faut qu'on soit rapide et réactif, qu'on ne s'enlise pas dans des travaux législatifs qui vont durer beaucoup trop longtemps par rapport à l'urgence.
Q - Mais ça veut dire... il n'y a pas de visée légale et contraignante !
R - Bien sûr que si, là on présente un deal et ensuite elle dit que des lois seront présentées là où il faut avoir des lois, le plus vite possible au 1er trimestre 2020. Et puis là-dessus, je tiens à le dire, il y a d'autres choses qui se passent. Des pays, notamment du V4, donc c'est la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, ont par exemple avec la France - grâce à un travail qu'on a mené avec mes homologues ministres - hier fait une déclaration commune sur le climat. Cela faisait très longtemps qu'on n'avait pas réussi à se mettre d'accord, pourquoi ? Parce qu'on sent bien qu'il y a une pression collective, qu'il faut qu'on réussisse la transition, mais il faut qu'on soit réaliste. Ces pays ont besoin d'être accompagnés, parce qu'ils ont encore beaucoup de charbon, parce qu'ils ont un modèle industriel qui est très, très loin de la transition. Et donc ça, c'est des choses qui sont positives...
Q - Vous n'êtes pas en train de nous dire tout de même que l'Europe est en train de se mettre au vert, alors qu'il y a quand même pas mal de réticences, encore ?
R - C'est exactement ce que je vous dis. Le Parlement européen a voté l'urgence climatique à la majorité. Aujourd'hui on a des pays qui bougent, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, ce ne sont pas des pays qui naturellement étaient il y a encore quelques mois dans une dynamique de construction. Aujourd'hui on peut travailler avec eux, vous voyez, sur un mécanisme d'inclusion, "Carbone aux frontières", pour que quand on importe des produits qui ont été fabriqués avec des normes climatiques bien moindres, on puisse rééquilibrer les choses, qu'on ne soit pas face à une concurrence déloyale climatique. Donc la première priorité d'Ursula von der Leyen et sa Commission, c'est le climat. La seconde c'est la protection des citoyens, c'est tout l'agenda de souveraineté. Comment on redevient crédible, comment on change notre regard sur nous-mêmes. On est une puissance mais on ne l'assume pas, donc du coup, toutes les puissances autour nous disent : c'est quand même bien étrange, vous êtes 28 pays, 27 pays, vous avez chacun une diplomatie, des armées, de l'innovation, de la recherche, vous avez des forces et quand vous vous mettez ensemble on a l'impression qu'au fond, cette puissance se délite.
Q - Cette protection du mode de vie européen, cela fera l'objet d'un commissariat spécial. D'ailleurs il y a une polémique...
R - Alors il s'appelle... il y a un commissaire effectivement qui est là pour promouvoir le modèle européen. Qu'est-ce qu'il y a derrière ? Les droits sociaux, l'accès à la protection sociale, l'accès au fait que nous ayons tous accès aux soins, à l'éducation, à l'égalité entre les hommes et les femmes. Le but ce n'est pas de se protéger, le but c'est...
Q - Ça avait fait polémique, d'ailleurs, parce que le nom a été changé, c'est un des premiers faux-pas d'Ursula von der Leyen...
R - Le mot n'était pas le bon...
Q - Protection, ça a été changé en promotion du mode de vie européen.
R - Ce n'est pas du défensif, on n'est pas défensif là-dessus, mais on voit bien qu'au fond notre identité européenne, c'est de pouvoir faire en sorte que le travail soit protégé, qu'au fond ce qu'a créé Jacques Delors sur ce modèle social, à la fois économique de prospérité, mais aussi qui respecte l'individu. Et puis Ursula von der Leyen, elle une troisième priorité qui est la création d'emplois, l'industrie, la réindustrialisation et le fait que nous devons être un continent qui retrouve le chemin de la croissance partout en Europe.
Q - Et sur cette égalité homme-femme, vous me permettrez de vous interroger sur une question justement de style de l'invité.e comme Eric le disait tout à l'heure. Moi, j'ai lu des choses pas agréables du tout sur vous, est-ce qu'on aurait dit la même chose d'un homme : autoritarisme, caporalisme. Comment est-ce que vous réagissez à cela ?
R - Quand j'étais à l'Assemblée, j'avais un rôle difficile qui était celui de faire en sorte que nous puissions nous mettre d'accord sur les textes. À un moment donné, il faut trancher, il faut arbitrer. Je pense que, vous savez, la misogynie est un mal qui est toujours très répandu ; et parfois quand on se veut s'opposer aux idées, on préfère s'attaquer à la personne. C'est quelque chose...
Q - On le fait plus vis-à-vis des femmes que vis-à-vis des hommes.
R - Oui, c'est ce que je dis, c'est ce que je dis, donc il faut à la fois être lucide et puis se dire qu'on n'est pas là pour batailler sur sa propre personne. Vous savez moi, je n'ai pas un problème d'ego, j'ai envie de réformer, envie de rendre notre pays plus efficace, envie de rendre l'Europe au fond plus unie. Quand je vais à Prague et qu'on trouve un accord avec les pays de l'Est, c'est ni par caporalisme ni par autoritarisme, c'est par envie de faire avancer les choses. Et je suis, là-dessus, à la fois lucide sur notre époque et en même temps toujours très motivée à faire que cela avance.
Q - Un mot sur le Belge Charles Michel, puisque depuis hier il remplace Donald Tusk... enfin il y a une passation de pouvoir depuis hier. Charles Michel remplace Donald Tusk à la tête du conseil européen. Charles Michel qui est souvent sur la même ligne qu'Emmanuel Macron. Par exemple, pour qu'il n'y ait plus forcément des votes à l'unanimité dans certains cas. Charles Michel est-il un nouvel atout européen d'Emmanuel Macron ?
R - Charles Michel y croit à cet agenda souveraineté. Vous savez cela fait deux ans que le président depuis le discours à la Sorbonne met en avant l'idée qu'on ne veut pas juste s'isoler, on ne veut pas créer de l'autonomie pour créer de l'autonomie, on n'est pas dans une crise d'adolescence. Mais on a besoin en Europe de retrouver les moyens de décider par nous-mêmes, de créer des moyens d'action. Et Charles Michel partage pleinement cette ambition. Charles Michel a aussi envie que le Conseil européen, cette réunion des chefs d'Etat et de gouvernement soit un moment où on prenne des choix, où on ait des résultats.
Q - Ce n'était pas le cas de Donald Tusk ?
R - Bien sûr que c'était le cas, mais cette ambition-là il faut qu'on l'ait chevillée au corps, parce qu'on n'a pas le luxe d'attendre, on ne peut pas s'enliser dans les débats. Le climat, la protection de nos frontières, les sujets industriels c'est des sujets urgents. Et rendre l'Europe plus efficace, cela demande la mobilisation de tous. Charles Michel à cette conviction et, effectivement, on travaille avec lui. Vous savez, il a un rôle assez particulier, on ne lui demande pas toujours d'avoir des avis personnels, on lui demande de créer les conditions du consensus. Et donc, c'est beaucoup de travail de fond, c'est beaucoup de méthode et je pense qu'il est pleinement dans cette ligne. Et donc nous le soutenons dans cet exercice difficile qui est de mettre d'accord tous les trimestres 28 chefs d'Etat et de gouvernement.
Q - Notre invitée ce matin, Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat aux affaires européennes. On parlait du Brexit en début d'interview, cela inquiète aussi ce Brexit. Les agriculteurs français, ils redoutent des conséquences financières sur l'agriculture européenne, et donc française, car les Britanniques partis, il y aura - disent les agriculteurs - il y aura une baisse du budget de la France, c'est ce qu'ils redoutent, donc une baisse des subventions. Est-ce le scénario probable ?
R - On se bat avec le président, avec Didier Guillaume, avec d'ailleurs 20 pays, 20 pays sur les 27 pays européens, aujourd'hui, veulent absolument conserver un budget de Politique agricole commune renforcée...
Q - Mais quels sont les leviers que vous avez pour convaincre ?
R - Vous savez à la fin, si on n'est pas d'accord on n'est pas d'accord. Un budget, c'est par consensus, donc il faut qu'on trouve un accord et ça pour nous, c'est ligne rouge. Pas parce qu'on veut faire la même chose avec le même argent, parce qu'on voit qu'il nous faut le même argent au moins pour que nos agriculteurs puissent investir, puissent transformer leur modèle, puissent s'assurer des revenus stables. Aujourd'hui, l'agriculture est confrontée à plein de nouveaux risques, le risque climatique, le risque de marché puisque les cours mondiaux bougent beaucoup et puis voilà ! Quand...
Q - Et puis le bashing, le bashing aussi !
R - Et quand on doit changer...
Q - Le dénigrement !
R - Son modèle de production pour être..., avoir moins de pesticides, être plus propre, cela crée aussi des risques, parce qu'il faut qu'on s'adapte, c'est nouveau. Et effectivement, là vous dit quelque chose qui est essentiel, c'est que les agriculteurs... ce n'est pas... si la société dans son ensemble considère que s'alimenter de produits localement qui viennent de notre continent, qui sont faits avec nos normes, c'est ensuite la raison et le prétexte d'expliquer que ces gens sont des pollueurs, ce sont des gens qui nous mettent en danger, c'est totalement inacceptable. Moi, vous savez, je viens d'une famille agricole, mes cousins, mes oncles...
Q - Mais il y a deux agricultures en France, une de proximité et une plus intensive. Et les remarques, les critiques sont généralement sur cette agriculture intensive qui existe aussi, qui est aussi polluante !
R - Vous savez, moi, je viens d'une famille où mon grand-père le soir quand il nous couchait, il nous disait : nous avons fait notre métier, nous avons nourri le monde. C'est un magnifique métier de nourrir le monde ; et en France, bien sûr, il y a des choses qu'on produit parce que c'est du maraîchage, parce que ça vient des circuits courts, mais il y a aussi des choses qu'on produit parce qu'on a des terres qui sont extrêmement fertiles ; et que notre blé, nos céréales vont dans le monde entier. Et donc il faut qu'on ait une stratégie qui marche sur deux jambes : comment on repense l'agriculture dans son environnement de proximité ; et comment on repense l'agriculture dans le monde. Et donc les agriculteurs nous disent : on a besoin pour cela de moyens, on a besoin d'investissements, on a besoin de soutien. Donc c'est pour ça qu'avec Didier Guillaume, avec le président on se bat...
Q - Ils ont demandé à être reçus par Emmanuel Macron, le seront-ils à votre avis ?
R - Le Premier ministre déjà reçoit la semaine prochaine donc les syndicats dans le cadre de la réforme sur les retraites. Le dialogue est constant, il est permanent, moi j'ai sur les sujets européens évidemment une attention très particulière, parce qu'il y a quelque chose qui me choque. Certains nous disent : en Europe, il faudrait qu'on modernise les politiques et qu'on fasse du nouveau, comme si parce que c'était ancien c'était finalement illégitime. Se nourrir avec des produits de bonne qualité, avec le fait que nos agriculteurs s'occupent de 80 % de notre surface, 80 % de la surface européenne, ce sont des champs et des forêts qui sont exploités. C'est extrêmement important que ces personnes qui sont essentielles à notre mode de vie, à notre culture ne soient pas vues comme des ennemis, ce sont des gens avec qui nous devons travailler et qui, surtout, sont essentiels à notre vie quotidienne.
Q - Autre sujet, c'est qu'au Congrès des maires vous avez proposé un état des lieux de l'utilisation des fonds européens qui ne sont pas utilisés comme ils devraient l'être, à cause d'obstacles administratifs, des démarches trop compliquées. Donc, on se retrouve avec des milliards qui finalement ne servent à rien, alors que beaucoup de gens en auraient besoin. Comment est-ce que vous comptez secouer l'administration ?
R - En fait, on est là sur un problème essentiel : si l'Europe c'est uniquement des grands discours et des textes à Bruxelles, les citoyens n'y trouvent pas leur compte. Moi je fais un tour de France de l'Europe du concret, voir où l'Europe devient projet, réalité, partout en France, vous savez à Thionville, à Douai, dans l'Hérault rural, à Charolles. Et partout en France aujourd'hui on vous dit une chose, on vous dit : l'Europe permet des choses formidables, mais qu'est-ce que c'est compliqué, qu'est-ce qu'on est dans l'absurdité administrative. Et souvent on dit "c'est l'Europe...
Q - Trois ans d'attente quelques fois !
R - Souvent on dit... on entend "c'est l'Europe qui est compliquée", mais en fait ce n'est pas le cas, en fait c'est nos normes françaises, la manière en France qu'on a choisie d'appliquer les règles européennes...
Q - La faute à l'administration ?
R - Et donc, moi, très honnêtement, je ne cherche pas de responsables, je ne cherche pas...
Q - Il faudrait savoir !
R - Mais ce qu'on va faire, c'est qu'on va trouver des solutions. Donc on va faire un audit très précis, les fonds développement rural, les fonds leaders, les fonds pour la pêche, les fonds pour que les élus locaux puissent porter des projets... Vous savez le Premier ministre a lancé un agenda rural et il dit : il n'y a pas de petits projets. Dans un village quand vous créez une Maison de services publics, cela coûte peut-être 15 ou 20.000 euros d'équipement, mais cela change la vie. Et donc moi ce que je vais faire, c'est qu'on va regarder qu'est-ce qui est du ressort de l'Etat, qu'est-ce qui est du ressort peut-être des régions, qu'est ce qui est du ressort des collectivités elles-mêmes, qu'est ce qui est du ressort de nos administrations. Et sans faire de polémique, sans faire d'invectives, se dire : si on n'est pas capable de simplifier pour que ceux qui ont envie de faire des projets grâce à l'Europe puissent le faire, vous voyez bien qu'on a un problème.
Q - Mais c'est préjudiciable pour les Français, mais est-ce que ça l'est aussi par exemple vis-à-vis d'autres pays qui se disent : mais de qui se moque-t-on puisque la France n'utilise pas les fonds auxquels elle a droit ?
R - Moi j'en ai besoin d'abord pour que la France puisse se transformer, pour que les projets se fassent, j'en ai besoin pour que le sentiment européen soit à la hauteur de ce que l'Europe permet, pas de ce que les gens ont l'impression qu'elle rend compliqué ; et puis effectivement j'en ai besoin dans la négociation. Vous savez, il y a des pays qui contribuent beaucoup au budget européen qui viennent me voir, ils disent : si vous ne consommez pas plus, les fonds on va vous en donner un peu moins. Et c'est vrai que là, on est triplement perdant. Donc effectivement ce qui est essentiel c'est que cette Europe du concret, on la rende possible. Vous savez, l'Europe, elle ne fait rien toute seule. Ce n'est pas Bruxelles qui fait des choses en France, l'Europe elle se fait par des élus locaux, par des associations, par des collectivités, des gens de terrain. Et c'est une belle vision d'ailleurs, c'est une politique qui a toujours été extrêmement, qui a toujours été déployée localement. Et donc ceux qui vous disent "l'Europe c'est élitiste, c'est loin", mais en fait si vous regardez la réalité ça se passe tout près de chez nous, donc il faut qu'on simplifie. Et donc on va travailler très concrètement avec tous ceux qui veulent travailler, ce n'est pas une lutte entre quiconque, c'est simplifier les choses pour que cela marche mieux.
(...)
Q - Merci beaucoup Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères chargée des affaires européennes. Merci et bonne journée.
R - Merci à vous.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 décembre 2019