Texte intégral
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, bonjour Sibeth NDIAYE.
SIBETH NDIAYE
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
En tant que porte-parole du gouvernement, vous aurez, entre autres, à coeur de défendre le plan Hôpital qui a été pwhrésenté hier par le Premier ministre et Agnès BUZYN, qui est destiné à faire baisser la température chez les blouses blanches. C'est un enjeu important pour le gouvernement. C'est un effort conséquent…
SIBETH NDIAYE
C'est surtout un enjeu important pour notre pays.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un plan qui est conséquent. Sera-t-il suffisant ? On va y venir. Mais, d'abord, une question sur le programme d'Emmanuel MACRON, qui fait une visite, elle aussi importante en tout cas en heure, il va aujourd'hui et demain à Amiens, sa ville natale, on lui fait souvent le procès d'être déconnecté au président, est-ce que le but, c'est aussi de tenter de convaincre que non ?
SIBETH NDIAYE
D'd'abord, je pense que c'est un bien mauvais procès, parce que tout au long de son action à la fois en tant que ministre de l'Economie et en tant que président de la République, il a apporté la démonstration qu'il avait évidemment non seulement de l'intérêt pour les territoires, mais qu'il agissait pour ces territoires. Moi, j'ai été sa collaboratrice quand il était ministre de l'économie, et nous n'avons eu de cesse de parcourir le pays là où il y avait des entreprises en difficulté dans les territoires, donc je crois que c'est quelque chose qui lui tient à coeur de longue date.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça lui tient à coeur d'aller à Amiens, donc sa ville natale, ça risque d'être tendu, peut-être avec les étudiants cet après-midi, sans doute, avec les salariés de WHIRLPOOL demain. Sur WHIRLPOOL d'ailleurs, voilà ce qu'il confie ce matin au Courrier Picard. On va sans doute voir une citation : je suis venu en octobre 2017, avec un projet, celui de monsieur DECAYEUX, comme eux, les salariés, j'y croyais, comme eux, j'ai été déçu. C'est un échec. Je dois maintenant écouter les salariés et relancer le dossier. C'est un échec pour lui aussi ?
SIBETH NDIAYE
Eh bien, écoutez, il faut être lucide…
ELIZABETH MARTICHOUX
Un échec personnel…
SIBETH NDIAYE
Il y a eu une entreprise, WHIRLPOOL, qui était très en difficulté, on a fait des efforts considérables pour accompagner un repreneur, le projet de ce repreneur n'a pas réussi, donc oui, c'est un échec, mais ce n'est pas l'échec du président de la République, ce n'est pas lui qui dirigeait cette entreprise personnellement, ce n'est pas lui…
ELIZABETH MARTICHOUX
L'Etat ne peut pas tout ?
SIBETH NDIAYE
Le sujet n'est pas là. Le sujet est de se poser la question : est-ce qu'on met tout en oeuvre pour que les choses soient possibles, eh oui, dans le cas de WHIRLPOOL et du site en particulier d'Amiens, nous avons tout mis en oeuvre, on a accompagné on a injecté, y compris de l'argent public. Et donc c'est…
ELIZABETH MARTICHOUX
Exactement, mais il y a un des salariés de WHIRLPOOL qui nous disait ce matin sur LCI : le président n'a pas suivi le dossier. Il a relancé, effectivement, il y a de l'argent qui a été débloqué…
SIBETH NDIAYE
Alors, le président, à titre personnel, ne suit pas tous les dossiers d'entreprises en difficulté de France. Vous vous en doutez bien. Est-ce que pour autant, ça veut dire…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il avait promis, il s'était engagé, je reviendrai, je le suivrai…
SIBETH NDIAYE
Mais bien sûr, mais d'ailleurs, c'est la preuve qu'il est revenu. Et le président de la République reçoit tous les jours le suivi de tas de sujets différents, que ce soit des sujets industriels ou que ce soit les sujets du reste de la politique de la nation…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, vous dites : il ne peut pas tout suivre personnellement, donc on ne peut pas lui faire ce reproche ?
SIBETH NDIAYE
Non, mais je vous le dis, c'est une évidence que le président de la République ne suit pas chacun des dossiers d'entreprises en difficulté de toute la France au jour le jour ; il y a des équipes qui sont dédiées pour ça, au ministère de l'industrie, il y a une secrétaire d'État, il y a des ministres pour cela…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc c'est un mauvais procès qu'on lui fait, donc on lui dira ça tout à l'heure ?
SIBETH NDIAYE
Donc, alors, évidemment que c'est un mauvais procès que de dire que le président de la République, tous les jours, n'a pas été avec le dirigeant de l'entreprise pour décider avec lui de ce qu'il fallait faire, ça n'a absolument aucun sens.
ELIZABETH MARTICHOUX
Au-delà de ça, Sibeth NDIAYE, dans ce type de dossier….
SIBETH NDIAYE
Ce qui est certain, c'est que l'Etat a accompagné ce type de dossier et ce dossier en particulier…
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que les gouvernements ne préfèrent pas, parfois, approuver des repreneurs qui se révèlent, là, par exemple, comme des mauvais repreneurs, en tout cas, pas solides, plutôt que d'être associés à un projet de fermeture forcément douloureux ?
SIBETH NDIAYE
Ecoutez, ça n'a jamais été, mais alors, jamais, la manière de faire d'Emmanuel MACRON, y compris quand il était ministre de l'économie. Il a toujours considéré qu'il fallait avoir une préoccupation, à la fois sur l'outil industriel, parce que quand on peut le préserver, il faut pouvoir le préserver, derrière, c'est du savoir-faire. Il faut se préoccuper avant tout des individus. Quand on peut faire en sorte qu'ils continuent, qu'ils aient une poursuite d'activité dans l'entreprise, oui, il faut le promouvoir, et oui…
ELIZABETH MARTICHOUX
Et là, il y a une majorité d'individus qui sont encore sur le carreau, il va annoncer, il arrive avec quelque chose ou il va simplement… bon, faire ce dialogue qu'il avait promis…
SIBETH NDIAYE
Alors, moi, je ne suis pas collaboratrice du président de la République…
ELIZABETH MARTICHOUX
Non, vous êtes porte-parole du gouvernement…
SIBETH NDIAYE
Je suis porte-parole du gouvernement. Donc je ne peux pas vous dire aujourd'hui si on a… d'ailleurs, je sais que nous n'avons pas de projet immédiat de reprise sur le site. En revanche, ce que je peux vous dire, c'est que notre préoccupation, c'est le parcours des individus, donc c'est s'assurer qu'il puisse y avoir un rebond pour chacun de ceux qui aujourd'hui sont au tapis et n'ont pas d'emploi, c'est ça notre devoir vis-à-vis de ceux qui perdent un emploi…
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous n'êtes pas frappée…
SIBETH NDIAYE
C'est faire en sorte qu'ils puissent en retrouver un…
ELIZABETH MARTICHOUX
Et votre devoir, et votre expérience aussi, depuis deux ans et demi, c'est une forme d'impuissance parfois ?
SIBETH NDIAYE
Je ne peux pas vous laisser dire ça, parce que depuis deux ans et demi, la France – ce qu'elle n'avait jamais fait depuis des dizaines… depuis au moins une dizaine d'années – a recréé de l'emploi industriel, donc oui, il y a des drames, oui, il y a des entreprises qui ferment, mais, oui, on crée aussi de l'emploi industriel, et ça n'était pas arrivé depuis bien trop longtemps dans notre pays…
ELIZABETH MARTICHOUX
Bon, à WHIRLPOOL, pour l'instant, ce n'est pas le cas. Jean-Christophe (sic) RUFFIN qui met souvent en scène son face-à-face avec le président, on rappelle, député France Insoumise, d'autant qu'il est né, lui aussi, à Amiens, a lancé sur Facebook : Bienvenue Manu ! Il nargue le président ?
SIBETH NDIAYE
Ecoutez, je pense que c'est un peu dans son habitude, on le connaît dans ses outrances, dans ses formes de happenings divers et variés, c'est sa manière de faire de la politique, ce n'est pas forcément la mienne, je le laisse à sa manière.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'ailleurs, c'est François RUFFIN, Jean-Christophe RUFIN, c'est l'académicien, qu'il me pardonne. François RUFFIN. Vous dites, c'est son style, on le lui laisse, et il n'y a pas de mal. Et est-ce que cette façon d'interpeller le président en permanence, encore une fois, d'installer une forme de dialogue très directe… il sera tout à l'heure à Amiens, il a appelé les gilets jaunes, il a appelé les WHIRPOOL, il veut perturber la visite du président, c'est une crainte ?
SIBETH NDIAYE
Mais je ne comprends même pas quel est l'intérêt de perturber la visite du président. Monsieur RUFFIN a une tribune à l'Assemblée nationale où il peut interpeller le gouvernement à tout instant en tant qu'élu de la République, c'est son droit le plus strict, puisque c'est un élu de l'opposition, et donc je ne vois pas du tout l'intérêt politique, si ce n'est de faire de l'agite propre, que de dire : je vais l'interpeller ou perturber la visite du président de la République. Moi, j'ai toujours un dialogue républicain et respectueux avec tous les partis politiques et avec tous les députés…
ELIZABETH MARTICHOUX
Manifester, ce n'est pas antirépublicain ?
SIBETH NDIAYE
Non, je ne dis pas que c'est antirépublicain, mais dire qu'on le fait parce qu'on veut perturber la visite du président de la République qui quelque part n'aurait pas le droit de se situer sur ce territoire-là, et de venir en visite à Amiens, ce qui est le sous-entendu et le sous-jacent…
ELIZABETH MARTICHOUX
Il sous-entend qu'Emmanuel MACRON n'est pas bienvenu chez lui…
SIBETH NDIAYE
Mais dans ce cas-là, pourquoi est-ce que vous perturber une visite, si vous estimez que la visite est légitime, vous ne la perturbez pas, donc si vous la perturbez, c'est qu'elle n'est pas légitime. Et donc monsieur RUFFIN estime que le président de la République n'est pas légitime à aller dans les territoires de France.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il estime qu'il a des arrières pensées électoralistes, il le conteste aussi, regardez.
FRANÇOIS RUFFIN, DEPUTE LFI DE LA SOMME
Je veux dire maintenant pourquoi il vient en vrai, ce n'est pas pour la jeunesse à Amiens, ce n'est pas pour la citadelle. Il vient pour lancer la campagne des municipales. Parce que ça la foutrait mal de perdre dans sa ville natale, tu vois !
ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, il ramène cette visite à des intérêts électoralistes.
SIBETH NDIAYE
Donc à partir de maintenant, compte tenu du fait qu'il y a des élections municipales partout en France, le président de la République n'aurait plus le droit de se déplacer en France, c'est absolument ridicule, vraiment totalement ridicule. Le président de la République se déplace sur des territoires, parfois pour mettre en valeur des politiques publiques, parfois pour aller à la rencontre des Français, c'est le cas qui va se poser à Amiens, puisqu'il rencontrera des étudiants, et sans doute sera-t-il interpellé sur les sujets de vie étudiante et de précarité. Le président de la République est aux côtés des Français, il apporte des solutions, il fait travailler un gouvernement, et tout ceci est parfaitement normal n'en déplaise au député RUFFIN.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, ce qui est moins normal peut-être, c'est quand même ce 5 décembre qui s'annonce comme un conflit dur avec un appel à la grève, qui est parti sur la contestation de la réforme des retraites, et on voit qu'il y a des ralliements, des ralliements, c'est une épreuve pour le gouvernement ?
SIBETH NDIAYE
Moi, ce que je trouve d'abord étrange danse dans cet appel à la grève du 5 décembre, c'est qu'au fond, à ce stade, nous n'avons pas posé de projets de réforme, nous avons édicté des principes, nous sommes en ce moment dans une concertation et dans des négociations qui sont importantes avec les organisations syndicales, je vais vous donner un petit chiffre…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais quand vous dites "c'est étrange", ça veut dire quoi "étrange" ?
SIBETH NDIAYE
Mais c'est étrange parce que, moi, j'ai du mal à concevoir qu'on se batte contre une réforme dont on ne nous a pas encore présenté le contenu de manière détaillée, parce que justement, ce contenu, il est en cours de négociation avec les organisations…
ELIZABETH MARTICHOUX
Tout est sur la table, Sibeth NDIAYE ?
SIBETH NDIAYE
Mais bien sûr que tout est sur la table. Tant que les négociations ne sont pas terminées, et qu'il n'y a pas des arbitrages qui ont été pris par le gouvernement, par nature et par définition, donc tout est sur la table…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous ne comprenez pas l'inquiétude dans le fond, vous ne la comprenez pas ?
SIBETH NDIAYE
Je ne dis pas que je ne comprends pas l'inquiétude, je comprends des inquiétudes dès lors qu'on a un changement profond de système, qu'on souhaite de l'universalité là où aujourd'hui, il y a 42 régimes différents, qu'on souhaite plus d'équité, là, où, aujourd'hui, il y a de l'injustice dans le système. Donc oui, je comprends que devant un changement, il y ait…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais alors pourquoi ça vous étonne, d'une certaine façon ?
SIBETH NDIAYE
Je ne dis pas que ça m'étonne, je dis que je trouve étrange, dans la scansion des choses, qu'on commence par faire grève avant qu'on ait le contenu d'un projet, mais évidemment, c'est la liberté de chacun d'appeler à manifester contre la réforme des retraites, même si son détail n'a pas encore été dévoilé, et je veux vous donner un chiffre, parce que c'est important que tout le monde l'ait en tête, entre septembre et décembre, septembre 2019 et décembre 2019, nous aurons tenu plus de 350 réunions entre le gouvernement, les organisations syndicales et les organisations professionnelles…
ELIZABETH MARTICHOUX
Bon, eh bien, il en faudra d'autres pour convaincre les Français, et surtout, pour leur faire comprendre le sens de la réforme dont vous dites vous-même qu'elle n'est pas prête…
SIBETH NDIAYE
C'est le témoignage de notre volonté de dialogue…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc comprendre quelque chose qui n'est pas encore établi…
SIBETH NDIAYE
Mais, alors, non, je ne suis pas d'accord avec vous, je ne suis pas d'accord avec vous, parce que des principes…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est effectivement compliqué par définition…
SIBETH NDIAYE
Il y a des principes qui guident cette réforme, nous les avons édictés…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais les conséquences pour chacun des Français, ça n'est pas clair…
SIBETH NDIAYE
Mais c'est normal qu'à ce stade, il y ait des choses qui sont encore en discussion, donc je ne vais pas dire le résultat d'une réforme d'une négociation, ce serait insulter les organisations syndicales. Mais il y a des principes, je veux vous en donner un exemple, aujourd'hui…
ELIZABETH MARTICHOUX
Un seul, parce que je voudrais qu'on parle de l'hôpital…
SIBETH NDIAYE
Un seul exemple, aujourd'hui, il y a une femme sur cinq qui est obligée de travailler jusqu'à 67 ans parce qu'elle a fait du temps partiel, parce qu'elle a eu une carrière heurtée, elle s'est arrêtée pour élever les enfants, etc., etc. ce que nous voulons faire avec cette réforme, c'est faire en sorte que cette femme qui, parfois, bien souvent, a été sur un rond-point en tant que gilet jaune, parce qu'elle n'arrivait pas à boucler ses fins de mois, c'est que cette femme, elle ait une meilleure retraite, parce qu'on remettra plus d'équité dans le système, c'est un exemple concret de ce que nous avons comme principe pour guider notre action, je pense que c'est plutôt positif.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, il y a des femmes enseignantes, des femmes aides-soignantes qui, elles, ont des raisons aussi objectives de s'inquiéter, parce que, pour l'instant, tel qu'on voit la réforme, elles vont y perdre, et c'est ça qui va être négocié, dites-vous, ce n'est pas encore défini. Mais cela dit, je vous repose ma question, cette date du 5 décembre, c'est quand même une date importante pour le gouvernement, c'est une épreuve ?
SIBETH NDIAYE
Mais c'est une date importante pour le pays, tout court, dès lors que…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais c'est une épreuve pour le gouvernement…
SIBETH NDIAYE
Dès lors que deux entreprises, deux grosses entreprises du ferroviaire, la SNCF et la RATP, seront malheureusement à l'arrêt, et donc, oui, ça va très fortement perturber notre pays, mais quel est notre rôle en tant que gouvernement d'ici, là ? D'abord, c'est d'expliquer…
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, quelle est votre stratégie pour faire descendre la température ?
SIBETH NDIAYE
Notre stratégie, elle est très claire, nous faisons en sorte d'avoir un dialogue avec les organisations syndicales, mais, moi, je vais vous dire une chose, quand on est une organisation syndicale responsable, en fait, on se met à la table des négociations, donc moi…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous parlez de qui, là ?
SIBETH NDIAYE
Je parle de la CGT qui refuse systématiquement d'entrer dans une négociation, ça veut donc dire que quoi que nous fassions, en fait, il n'y a pas de compromis possible…
ELIZABETH MARTICHOUX
Elle demande le retrait de la réforme, elle est contre le principe même…
SIBETH NDIAYE
Mais, donc, moi, je veux bien, sauf qu'à un moment donné, il y a des gens qui ont voté au moment d'une élection présidentielle sur un programme dans lequel il y avait une réforme des retraites…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc la CGT ne joue pas le jeu de la démocratie et du dialogue social ?
SIBETH NDIAYE
La CGT ne joue pas le jeu de la démocratie sociale, la démocratie sociale, c'est avoir un gouvernement…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça ne va pas arranger vos bilans, j'allais dire, avec cette organisation syndicale, puissante dans les transports…
SIBETH NDIAYE
Et je salue aussi le fait qu'il y ait d'autres organisations syndicales qui fassent le jeu de la négociation, et négocier, ça n'est pas sale, négocier, c'est considérer…
ELIZABETH MARTICHOUX
Qu'est-ce que vous êtes prête à faire pour les faire revenir autour de la table ?
SIBETH NDIAYE
Eh bien, d'abord…
ELIZABETH MARTICHOUX
Puisque c'est ça aussi la question…
SIBETH NDIAYE
Mais en fait, si le sujet, il est binaire avec certaines organisations syndicales et que c'est, soit, vous enlevez la réforme, soit, vous gardez la réforme et c'est la manifestation, je ne vois pas tellement comment on peut trouver une solution de compromis. Le gouvernement est ouvert au compromis, c'est la raison pour laquelle nous expliquons que tout est sur la table, mais pour pouvoir danser un tango, il faut au moins être deux. Donc pour pouvoir négocier, il faut avoir des gens autour de la table des négociations.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc vous renvoyez finalement la responsabilité d'une certaine façon du blocage à la CGT aujourd'hui ?
SIBETH NDIAYE
Mais à ce stade, ce que je vous dis, c'est que nous appelons tout le monde à la concertation et à la négociation.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais alors, pourquoi ne pas faire une conférence sociale dans le fond, effectivement, remettre tous les sujets, et discuter avec tout le monde en même temps, comme la proposition des centristes, pardon…
SIBETH NDIAYE
Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais il n'y a pas très longtemps, c'était, il y a moins d'un an, nous avons lancé le grand débat national, ça a été un moment au cours duquel il y a eu, au fond, une très, très, très large concertation. On nous a d'ailleurs reproché de gagner du temps pour ne pas faire des choses parce que nous concertions avec les Français très justement. En ce moment, nous avons lancé, à l'issue de la conférence de presse du mois d'avril du président de la République, une grande mobilisation nationale dans les territoires, pour faire en sorte que ce soit au plus près du terrain, que les syndicats puissent avoir l'opportunité de faire des Grenelle à l'échelon local…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous voulez bien qu'on reparle une seconde de la réforme des retraites, est-ce que ça ne serait pas une façon, pardon, de repartir d'un bon pied, sur cette réforme qui pour l'instant, effectivement, n'est pas comprise…
SIBETH NDIAYE
Mais enfin, je vous dis que nous avons, d'ores et déjà, des centaines de réunions avec les organisations syndicales, c'est quoi Grenelle, en fait, c'est un moment donné où vous vous mettez dans une salle pour discuter, ça fait des mois et des mois que nous sommes dans une salle pour discuter…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites aux centristes quoi…
SIBETH NDIAYE
Je dis simplement…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous proposez quelque chose qu'on fait déjà mais de façon délocalisée, on n'a pas besoin d'un grand raout …
SIBETH NDIAYE
Mais je mets en évidence le fait que des discussions, nous en avons, et qu'à longueur de commentaires, on nous reproche parfois d'en avoir trop, on nous dit : vous n'avancez pas assez vite sur la réforme des retraites…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ce sont vos amis centristes qui le proposent, ce n'est pas l'opposition, ce sont vos amis centristes…
SIBETH NDIAYE
Mais ce sont les partenaires évidemment de la majorité…
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui font une proposition de bonne volonté…
SIBETH NDIAYE
Evidemment que toutes les propositions sont bonnes, simplement, ce que je réponds, c'est qu'il y a d'ores et déjà aujourd'hui des endroits où nous faisons de la concertation et du dialogue, je pourrais vous citer la convention citoyenne sur le climat, je pourrais vous citer le débat sur les retraites, j'en mène moi-même à chacun de mes déplacements, je serai cette semaine dans la Drôme à Bourg-de-Péage pour réaliser justement un débat sur les retraites, et je vous le dis, nous discutons au quotidien avec les organisations syndicales. Et encore ce matin le Premier ministre et Jean-Paul DELEVOYE…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous reconnaissez qu'il y a encore pas mal de chemin pour convaincre les Français de la justice, de la pertinence, etc.…
SIBETH NDIAYE
Bien sûr…
ELIZABETH MARTICHOUX
De votre réforme des retraites, vous n'y êtes pas, vous n'y êtes pas pour l'instant…
SIBETH NDIAYE
Et c'est aujourd'hui ce que nous faisons au quotidien d'expliquer de quoi il s'agit, mais vous savez, quand vous avez une réforme, juste un mot, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu la mise en place…
ELIZABETH MARTICHOUX
Non, on ne va pas reprendre l'histoire de la France, je voudrais qu'on parle de l'hôpital…
SIBETH NDIAYE
Mais ce que nous essayons de faire, c'est de faire en sorte que le système que nous allons bâtir demain soit un système qui dure des dizaines d'années, donc ça n'est pas quelque chose que vous faites d'un claquement de doigts. Vous prenez le temps pour le faire. On prendra le temps pour le faire.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il y aura forcément quand même une loi cadre ?
SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, c'est quelque chose sur lequel vous ne voulez pas revenir pour l'instant.
SIBETH NDIAYE
Nous ne reviendrons pas sur la nécessité d'avoir une réforme des retraites, ne serait-ce que parce que si nous décidions aujourd'hui de tout arrêter en disant : c'est terrible, nous arrêtons tout, en fait on a un trou de 10 milliards d'euros à l'horizon 2025.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, c'est une mesure financière.
SIBETH NDIAYE
Oui, mais moi je préfère arrêter de mettre des pansements sur des jambes de bois et réformer en profondeur le système pour qu'on n'ait pas à y revenir tous les cinq ans.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est vrai que le déficit, dites-vous, vous pousse à encore plus réformer si je puis dire pour ne pas seulement faire des mesures financières.
SIBETH NDIAYE
Tout à fait.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il y aura des mesures pour combler le déficit. L'hôpital : Bruno LE MAIRE avait dit dimanche de mémoire que vous alliez mettre le paquet. Effectivement vous mettez le paquet, un milliard et demi de plus sur le budget de l'hôpital, un allégement de dix milliards de la dette et puis des mesures pour les personnels. On ne va pas toutes les détailler mais il y a jusqu'à 800 euros nets par exemple pour les infirmiers et aides-soignants de l'Ile de France. Vous n'aviez pas… Enfin, vous avez mis du temps quand même à réagir entre guillemets.
SIBETH NDIAYE
Je ne suis pas d'accord avec vous parce qu'on a fait les choses si j'ose dire…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez changé de braquet en tout cas.
SIBETH NDIAYE
Non. Si j'ose dire, on a fait les choses en bon ordre et dans le bon temps. Quand Agnès BUZYN est devenue ministre de la Santé, elle s'est attachée à mener pour le coup une concertation qui a duré près d'une année avec les professionnels de santé pour définir ce que devait être notre stratégie de réforme du système de santé.
ELIZABETH MARTICHOUX
On a tendance à penser ou on constate que, quand même, vous mettez toujours un peu de temps réagir. Les Gilets jaunes, c'était un peu tard….
SIBETH NDIAYE
Non mais attendez…
ELIZABETH MARTICHOUX
L'hôpital, pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ?
SIBETH NDIAYE
Nous avons fait le choix dès le début du quinquennat de discuter avec les professionnels de santé, de discuter avec leurs organisations représentatives, nous avons élaboré une stratégie qui s'appelle "ma santé 2022" qui a vocation à refonder en profondeur.
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui n'a pas suffi, Sibeth NDIAYE.
SIBETH NDIAYE
Est-ce que vous pouvez me laisser terminer mes phrases ?
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui.
SIBETH NDIAYE
Donc une stratégie qui permet de refonder en profondeur un système, de réarticuler la médecine de ville et l'hôpital, nous avons notamment libéré le numerus clausus. On met 10 ans pour former un médecin, et donc je comprends parfaitement qu'à un moment donné, compte tenu des réformes précédentes, de la pression budgétaire qui a été précédemment mise et depuis que ce gouvernement est en fonction, nous avons fortement augmenté les dépenses de santé et ça on ne peut pas le nier. Ce que nous disons aujourd'hui et que nous avons constaté dans ce fort malaise qui s'exprime à l'hôpital public aujourd'hui, c'est qu'il y avait en quelque sorte trop de mètres à parcourir entre la cible finale qui est partagée par l'ensemble des professionnels de santé, cette stratégie "ma santé 2022" et le moment difficile, le gap à passer. Et donc en quelque sorte, on remet du vent dans les voiles et nous avons une action d'urgence pour permettre de passer ce moment de transformation qui est compliqué à passer.
ELIZABETH MARTICHOUX
Je disais c'est conséquent, dernière question, ça n'est pas suffisant dit entre autres le collectif…
SIBETH NDIAYE
Vous savez quoi, dans le contexte actuel, je ne m'attends pas à ce que la CGT applaudisse des deux mains. Donc ce que je dis, c'est que j'appelle tous les professionnels de santé à regarder dans le détail ce que nous faisons parce qu'on ne peut pas tout dire à la télévision malheureusement et puis il y a des choses qui sont un peu techniques et que seuls eux sont à même de comprendre et de mesurer la portée de ce que ça a. Donc je dis, regardez en détail et vous verrez que nous faisons des efforts qui sont considérables à la fois pour augmenter l'attractivité de vos métiers mais aussi et surtout pour vous assurer un cadre de travail de bonne qualité.
ELIZABETH MARTICHOUX
Appel à toutes les bonnes volontés qui veulent bien regarder dans le détail le texte, vous pariez que ça en ramènera dans votre giron entre guillemets.
SIBETH NDIAYE
J'espère que nous convaincrons.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et tant pis pour la CGT, qui elle, ne peut pas dans le contexte de toute façon approuver le texte.
SIBETH NDIAYE
Je le constate, je le constate malheureusement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Sibeth NDIAYE.
SIBETH NDIAYE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2019