Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin, Christophe CASTANER, ministre de l'Intérieur. Christophe CASTANER, bonjour.
CHRISTOPHE CASTANER
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. 107 tombes du cimetière juif de Westhoffen, dans le Bas-Rhin, profanées. Vous allez vous rendre à Westhoffen, en fin de matinée ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, je m'y rends ce matin, d'ailleurs, j'ai invité Jean-Louis DEBRE, ancien président du Conseil constitutionnel, l'homme politique que chacun connaît, à m'accompagner, parce qu'une partie de sa famille est enterrée là. 107 tombes profanées avec les croix gammées, la haine à l'état pur, c'est-à-dire qu'aller chercher les morts jusque dans leur tombe pour leur faire payer le fantasme de celui ou de celle ou de ceux qui ont insulté, insulté leur mémoire et trahi ce que nous sommes en allant profaner le cimetière.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Geste ignoble, scandaleux, révoltant, disait hier soir Jean-Louis DEBRE, insulte à la mémoire à ces femmes et ces hommes qui ont honoré la France. Est-ce qu'on a une idée des auteurs de ce crime ?
CHRISTOPHE CASTANER
Non, on a une enquête, j'ai mis en place une cellule d'enquête spécialisée de la gendarmerie nationale sur l'Alsace, où, depuis quelques mois, on a une multiplication de tags racistes, antisémites ou de mise en cause du préfet, qui s'appelle Jean-Luc MARX, qui n'est pas juif et qui pourtant, du fait de son patronyme, est mis en cause parce qu'on le considère comme juif ; la bêtise, la bêtise à l'état pur, qui est marquée ainsi. Donc l'enquête se poursuit, et ce matin, je demanderai à ce qu'on me fasse un point précis sur cette enquête, c'est insupportable…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas de piste sérieuse pour l'instant ?
CHRISTOPHE CASTANER
Non, je suis honnête avec vous, il n'y a pas de piste sérieuse pour l'instant, et on voit bien que se sont quelques individus qui, régulièrement, vont dans ces lieux déserts au milieu de la nuit, il n'y a pas de vidéo protection, et ça n'est pas forcément souhaitable, quand on est en train de se dire qu'il faudrait de la vidéo protection pour protéger des cimetières, on voit où la folie de certains peut nous conduire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Christophe CASTANER, l'antisémitisme est un crime, et nous le combattons, c'est ce que disait le président de la République, Emmanuel MACRON. Les députés ont condamné hier l'antisionisme aussi l'antisionisme, est-elle l'une des formes de l'antisémitisme ?
CHRISTOPHE CASTANER
Alors, je voudrais vous corriger, parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, allez-y !
CHRISTOPHE CASTANER
Parce qu'en fait, l'article unique de la PPR, qui a été présenté hier, ne parle pas ni de l'antisionisme ni même de l'Etat d'Israël, mais du détournement que l'on pourrait faire de la critique de l'Etat d'Israël, parce que juif, et donc c'est une définition internationale que nous avons adoptée hier, que j'ai présentée et approuvée au nom du gouvernement pour éviter qu'on détourne par la critique d'Israël, par la critique des juifs au sens large, de l'antisémitisme pur, et donc c'est une façon supplémentaire de renforcer notre arsenal de pensées de pensées justement et de combat, contre l'antisémitisme rampant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc l'antisionisme n'est pas un crime ?
CHRISTOPHE CASTANER
On peut critiquer Israël, et on peut parfaitement critiquer Israël, et d'ailleurs la définition qui a été votée vise la possibilité de critiquer Israël dans sa politique étrangère dans sa politique nationale, à condition que ce soit du même niveau de critique que si on décide de critiquer les Etats-Unis ou la France, or, on voit bien, et c'est la particularité d'Israël, que certains masquent derrière la critique d'Israël de l'antisémitisme primaire. Et on l'a vu récemment, je pense à Alain FINKIELKRAUT, la façon dont on lui dit : espèce de sioniste, rentre dans ton pays, on sait bien qu'en réalité, ça n'est pas la référence à Israël, mais c'est la référence au fait qu'il soit juif. J
EAN-JACQUES BOURDIN
Christophe CASTANER, demain, grève, manifestations dans toute la France, combien de rassemblements prévus, 200, 300 défilés rassemblements…
CHRISTOPHE CASTANER
245, hier soir, avaient été déclarés auprès des services de la préfecture, et donc il est important de préciser cela, c'est une journée nationale…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, 245 rassemblements et défilé ?
CHRISTOPHE CASTANER
Tels qu'ils sont enregistrés au moment où je vous parle, enfin, hier soir, mais, je ne pense pas que cette nuit, il y en ait beaucoup plus, partout en France, à Paris évidemment, mais partout en France dans les grandes villes de province, dans les préfectures départementales, ce sont des journées nationales d'action contre le projet de réforme du système de retraites, nous allons en parler, mais ce sont des journées qui sont organisées par les syndicats, les partenaires sociaux, qui ont une certaine expérience de cela, et avec lesquels nous avons travaillé pour les préparer au mieux ces manifestations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Christophe CASTANER, à Paris, rassemblement donc jusqu'à la place de la Nation, j'ai vu 55 forces lourdes, CRS et gendarmes mobiles déployés, c'est cela, ça veut dire quoi…?
CHRISTOPHE CASTANER
Non, je ne vais pas confirmer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, j'ai vu des chiffres…
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, mais je ne vais pas confirmer ces chiffres…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien d'hommes ; alors combien d'hommes ?
CHRISTOPHE CASTANER
Plusieurs milliers, plusieurs milliers, et je ne rentre pas dans cette comptabilité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
7, 8.000 hommes, dit-on…
CHRISTOPHE CASTANER
Nous savons qu'il y aura beaucoup de monde, beaucoup de monde dans les manifestations, et nous connaissons les risques. Nous savons aussi que des Black Blocs, des gilets jaunes radicaux ont décidé de se joindre aux manifestations, à Paris, mais pas qu'à Paris…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le savez déjà, il y aura des Black Blocs ? Vous le savez déjà, il y aura des Blacks Blocs et des radicaux !
CHRISTOPHE CASTANER
Mais ils l'ont annoncé, les gilets jaunes par exemple l'ont annoncé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien, vous les estimez à combien ?
CHRISTOPHE CASTANER
En fait, il y a Paris et il y a le reste de la France. Moi, je m'occupe de la totalité du territoire national. Donc ce sont quelques centaines de personnes supplémentaires à Paris, mais vous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur toute la France…
CHRISTOPHE CASTANER
A Paris, et peut-être quelques milliers sur l'ensemble du territoire national. Mais ce que nous savons, c'est qu'en réalité, le vrai problème, c'est quand vous avez 200 personnes qui viennent pour casser au milieu de 5.000 et qu'elles se mélangent à la foule, c'est très difficile de gérer cela. Et donc, nous avons mis en place un dispositif à Paris, sous l'autorité du préfet de police à qui j'ai demandé d'ailleurs de s'exprimer cet après-midi auprès de la presse pour présenter le dispositif, mais je demande aussi aux préfets de jouer la transparence dans notre organisation parce que nous la devons cette transparence aux Français et aux journalistes qui nous sollicitent, pour faire en sorte que nous fassions face à ce risque-là, il y aura une mobilisation importante syndicale, et il y aura aussi des risques, nous devons faire face à ces risques, et j'ai demandé, que systématiquement, dès qu'il y aura des désordres, des émeutes urbaines, des violences, nous puissions interpeller tout de suite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il paraît qu'à Paris, seront mobilisés 50 % des effectifs disponibles en France, c'est vrai ou pas ?
CHRISTOPHE CASTANER
Non, d'abord parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? J'ai lu, ça moi, j'ai lu beaucoup de choses, Christophe CASTANER…
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, mais, parce qu'il faut distinguer les forces mobiles, c'est-à-dire les CRS et les escadrons de gendarmerie nationale, de l'ensemble des forces qui sont mobilisées sur le territoire. Vous savez, chaque jour de grande manifestation, ce sont plusieurs dizaines de milliers de policiers et de gendarmes que nous mobilisons sur tout le territoire. Et sur Paris, en moyenne, c'est 4, 5.000 pour les grandes manifestations, donc ça n'est pas la moitié. Par contre, il y a des spécificités sur Paris où il est beaucoup plus difficile de défendre certaines rues, certains axes, certaines institutions, mais vous avez des forces qui sont mobilisées…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous craignez que certains aient envie de marcher vers l'Elysée, sur l'Elysée ?
CHRISTOPHE CASTANER
Ecoutez, on l'a vu à certains moments de manifestations, mais là, la journée nationale d'action…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On a pris des précautions pour ça ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais nous les prenons toujours les précautions pour cela, mais pas que sur les institutions de la République, nous protégerons aussi, quand il y a des menaces, le siège de BFM TV, et c'est normal.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Autant de policiers que le 8 décembre 2018 à peu près ?
CHRISTOPHE CASTANER
Non, nous ne sommes pas dans le même étiage…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas dans le même étiage.
CHRISTOPHE CASTANER
Et surtout, nous sommes dans un schéma différent, c'est que nous sommes là aujourd'hui sur – je vous l'ai dit – 235 lieux de mobilisation sur lesquels nous devons être présents.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Tout le monde s'interroge à propos des Black-Blocs, on ne peut pas savoir qui ils sont, les arrêter en amont ?
CHRISTOPHE CASTANER
Eh bien, non, parce qu'on arrête les gens quand ils commettent des délits, et ensuite, on les met à la disposition de la justice…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la loi ne le permet pas.
CHRISTOPHE CASTANER
Vous savez qu'il y a quelques semaines, il y a quelques mois, nous avions porté une loi, c'était une proposition de loi d'ailleurs d'un parlementaire de l'opposition au Sénat, le président du groupe Les Républicains, et j'ai porté cette loi qui prévoyait la possibilité pour les préfets d'interdire de manifestations des gens dont on avait identifié la semaine précédente par exemple des comportements à risque, pour faire simple. Cet article a été cassé par le Conseil constitutionnel, donc, moi, ministre de l'Intérieur, j'essaie d'appliquer la loi le mieux possible, et donc je ne fais pas d'arrestations préventives qui ne sont pas autorisées par la loi, et je ne fais pas d'interdictions préventives qui ne sont pas autorisées par la loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Christophe CASTANER, samedi, une nouvelle manifestation des gilets jaunes à Paris, ailleurs, ça vous inquiète aussi ?
CHRISTOPHE CASTANER
Vous savez, depuis un peu plus d'un an maintenant, tous les samedis, il y a des manifestations de gilets jaunes, même au coeur de l'été, même si on n'en a pas parlé, ce sont quelques milliers de personnes qui se rassemblent un peu partout en France, et qui nous obligent d'ailleurs, parce qu'ils sont de plus en plus radicaux, de plus en plus violents, et on l'a vu pour leur journée anniversaire le 17 novembre, il y a un peu moins d'un mois, nous sommes obligés de mettre en place des forces. C'est très consommateur de forces de sécurité. Et objectivement, je préférerais que ces forces de sécurité, elles soient la nuit dans les quartiers auprès des Français plutôt que le samedi mobilisées pour empêcher quelques centaines de personnes de casser, parce qu'on voit bien que ceux qui restent se sont radicalisés et pratiquent la violence instantanée, le 17 novembre, place d'Italie, la manifestation devait partir à 14h, dès 10h du matin, ils sont venus, ils ont commencé par neutraliser le système de vidéosurveillance, de vidéo protection de la place d'Italie, et ils ont tout de suite cassé. Mais nous les interpellons aussi, et vous avez en tête ces images de celui qui cassait la stèle hommage au Maréchal JUIN, il a été arrêté depuis, il a été mis à disposition de la justice.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des caméras d'ailleurs tactiques, dites tactiques, ont été installées à certains endroits.
CHRISTOPHE CASTANER
Comme à toutes les manifestations, là, on en a parlé, mais à toutes les manifestations, là où il n'y a pas de caméra de vidéo protection, nous mettons des caméras indépendantes directement gérées par la préfecture de police.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Christophe CASTANER, l'usage des LBD, des grenades de désencerclement, des grenades explosives, sera-t-il, à l'avenir ou pour ces manifestations-là, plus strictement encadré ou pas ?
CHRISTOPHE CASTANER
Alors, des grenades explosives, je ne sais pas ce dont il s'agit, mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin, grenades de désencerclement…
CHRISTOPHE CASTANER
Mais elles sont déjà… tous ces outils, qui sont des moyens de défense de nos forces de sécurité, sont déjà utilisés et très encadrés. Mais vous savez, le LBD par exemple est utilisé chaque jour, chaque nuit, pour protéger nos policiers et pour éviter, quand ils sont attaqués, d'utiliser leur arme administrative, c'est-à-dire leur revolver, mais aussi pour neutraliser quelqu'un qui cherche à s'enfuir, tous les jours, toutes les nuits, nous l'utilisons, et dans les manifestations, de façon très réglementée, nous devons le faire, mais, puisque je suis au micro, j'en profite pour rappeler vraiment toutes les forces de sécurité intérieures, à l'usage adapté et réglementaire de cette force, cette force, la police…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui veut dire que l'usage n'a pas toujours été adapté ni réglementaire ?
CHRISTOPHE CASTANER
Il a pu y avoir des fautes, quand il y a des fautes, il y a des enquêtes, elles sont ensuite clôturées et mises à disposition de la justice, vous savez qu'il y a 330 enquêtes de l'IGPN depuis le début du mouvement des gilets jaunes. Mais ramenons ce chiffre, 330, à 55.000 manifestations, ramenons ce chiffre à la réalité de la violence que les forces de sécurité intérieure ont subie presque à toutes les manifestations de façon systématique et extrêmement violente, des cocktails Molotov et de nombreuses autres armes par destination utilisées, donc voilà la réalité aussi. Mais on n'est pas dans un combat entre deux bandes, il n'y a pas d'un côté la bande des policiers, et de l'autre, la bande des casseurs, non, la police, la gendarmerie sont les seules dans ce pays, habilitées à utiliser la force pour protéger les Français et pour protéger les institutions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le régime spécial ou particulier des policiers sera maintenu ?
CHRISTOPHE CASTANER
Ce n'est pas régime spécial, c'est un régime qui reconnaît…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, j'ai dit ou particulier…
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, oui, c'est un régime qui reconnaît la particularité de ce métier, on n'est pas un policier jusqu'à 62 ans, aujourd'hui, il y a un âge anticipé de départ, et donc il nous faut maintenir ce système anticipé de départ…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il sera maintenu ?
CHRISTOPHE CASTANER
Il sera maintenu pour prendre en compte la dangerosité de ce métier, je connais peu de métiers aussi dangereux, je l'ai dit aux partenaires sociaux, ils le savent, le président de la République et le Premier ministre ont affirmé aussi le fait que nous prendrons en compte la dangerosité pour calculer l'âge de départ à la retraite…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, le système particulier, il est simple…
CHRISTOPHE CASTANER
De nos policiers…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand on est policier, on a droit à une annuité de cotisations offerte tous les cinq ans. On est bien d'accord, avec un plafonnement à cinq annuités, est-ce que ce système-là sera conservé ?
CHRISTOPHE CASTANER
Le principe du système doit être conservé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le principe, c'est-à-dire, moi, j'aime bien, les détails ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais, moi, je vais être concret aussi, cher Jean-Jacques BOURDIN, aujourd'hui, vous avez un calcul par trimestre, dès lors qu'on n'est plus dans un calcul par trimestre, et qu'on est dans le système universel que nous voulons porter, il faut du coup que l'employeur cotise pour l'employé, donc pour le policier, et donc, on n'est plus dans une comptabilité de trimestres, mais nous arriverons au même résultat pour ceux qui sont dans des positions sur lesquelles nous prenons en compte la dangerosité, et c'est normal…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Uniquement pour les policiers qui sont confrontés à la dangerosité, mais tous les policiers sont confrontés à la dangerosité, non ?
CHRISTOPHE CASTANER
Ça peut se discuter pour quelqu'un qui fait des tâches administratives au siège, place Beauvau, au ministère de l'Intérieur…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au Ministère intérieur, peut-être, mais dans un commissariat, vous pouvez être tout à coup, parce qu'il y a une urgence, tous les policiers, même ceux qui sont dans les bureaux…
CHRISTOPHE CASTANER
Mais là, je pense que vous cherchez à convaincre les auditeurs, pas moi, je suis convaincu comme vous. J
EAN-JACQUES BOURDIN
Bon, alors, d'accord, non, mais je cherche à protéger les policiers, enfin, à les protéger…
CHRISTOPHE CASTANER
Mais moi, vous savez, je passe beaucoup de temps à les défendre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je me fais leur porte-parole…
CHRISTOPHE CASTANER
Mais je vous en remercie parce qu'il m'arrive de devoir le faire moi-même parce qu'ils sont souvent attaqués par les journalistes, je ne parle pas pour vous, Jean-Jacques BOURDIN. Et donc ils savent que je les défends. Je les défends pour leur honneur, je les défends pour leur façon de travailler, et je les défends aussi pour leur retraite, comme je les ai défendus pour leur pouvoir d'achat en négociant avec eux une augmentation de salaire moyenne d'un peu plus de 100 euros opérationnelle, nette, par mois. Comme je les ai défendus quand je change les cycles horaires pour qu'ils puissent avoir un week-end sur deux de repos à passer avec leur famille alors qu'ils étaient à un week-end sur six, comme je les ai défendus en étant le Premier ministre de l'Intérieur qui paye enfin les heures supplémentaires, alors que depuis 2005, certaines n'avaient pas été payées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, pour avoir une annuité de cotisation offerte, on est bien d'accord, il faut être un policier qui prend des risques, si je comprends bien.
CHRISTOPHE CASTANER
On doit prendre en compte la dangerosité, pas forcément le statut, mais je considère que 90, 95 % de nos policiers, aujourd'hui, sont engagés dans des fonctions de dangerosité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ça veut dire que 95 % des policiers vont garder ce régime particulier ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, et je travaille actuellement avec les policiers pour que nous déterminions cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord, 95 % des policiers ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais c'est mon objectif de défendre cette dangerosité et de défendre nos policiers, et nos gendarmes aussi, qui ont un statut différent, mais que nous devons défendre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tiens, à propos des gendarmes, pourquoi est-ce que les CRS n'ont pas le même temps de repos que les gendarmes ?
CHRISTOPHE CASTANER
J'ai bien entendu Yves LEFEVBRE tout à l'heure…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez entendu, mais il a raison, ce n'est pas normal, non ?
CHRISTOPHE CASTANER
C'est une question qu'il m'a posée la semaine dernière, je l'ai reçu la semaine dernière, avec les autres organisations syndicales, et je lui ai promis un groupe de travail spécifique, je lui ai même écrit sur ce sujet, donc il a oublié d'en parler, peut-être que la lettre n'était pas arrivée ce matin, et donc au mois de décembre nous aurons un groupe de travail pour que nous prenions en compte cette spécificité-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les heures supplémentaires, pour y revenir encore une fois, une partie…
CHRISTOPHE CASTANER
Mais on peut y revenir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une partie versée avant la fin de l'année, on est bien d'accord ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel pourcentage ?
CHRISTOPHE CASTANER
50 millions d'euros qui ont été dégagés dans le budget…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais ça fait quoi ?
CHRISTOPHE CASTANER
3,5 millions d'heures, en fait c'est la totalité des heures qui ont été générées en 2019, et j'anticipe d'ailleurs d'ici la fin de l'année, qui ont été payées, et je vous le dis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et avant ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais… alors, c'est une vraie question, il faut prendre le temps. D'abord, je rappelle que je suis le premier ministre de l'Intérieur qui honore cette dette, pour certains qui a commencé en 2005. Ensuite j'ai fait en sorte que non seulement nous puissions apurer le stock d'heures supplémentaires, mais que nous puissions éviter qu'il se reproduise et qu'il soit payé l'année prochaine. L'année prochaine, pour la première fois, dans le budget du ministère de l'Intérieur, nous avons prévu 26,5 millions d'euros pour payer les heures supplémentaires qui seront générées en 2020, c'est une première, et il nous faudra poursuivre l'apurement du stock, c'est une dette, c'est une dette que nous avons vis-à-vis de nos policiers, et je m'honore d'être celui qui la paye.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Christophe CASTANER, « le combat contre l'islamisme une priorité », c'est une circulaire que vous avez envoyée aux préfets, moi je veux bien, une priorité, mais que vous permet la loi, pas grand-chose.
CHRISTOPHE CASTANER
Non, la loi nous permet beaucoup de choses, et au contraire, plutôt que de m'emballer sur l'idée de faire une nouvelle loi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais par exemple une association, dans une association vous avez, je ne sais pas, le président d'une association qui prône la charia, vous faites quoi contre lui ?
CHRISTOPHE CASTANER
Je peux évidemment le poursuivre, parce que s'il prône la charia c'est une faute pénale et je dois le poursuivre, et en fait l'idée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous pouvez dissoudre l'association ?
CHRISTOPHE CASTANER
Dans certains cas, si les faits sont caractérisés oui, mais l'idée c'est d'utiliser toutes les armes du droit commun. S'il faut une loi, à un moment donné, je suis prêt à faire une loi, moi je ne suis pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais je ne suis pas un ministre qui veut une loi qui porte son nom, on a des outils, et je le sais d'autant plus…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous souhaitez une loi qui permettrait quoi, s'il faut une loi, qui permettrait quoi ?
CHRISTOPHE CASTANER
Moi je veux dire, avant de vouloir une nouvelle loi, commençons par bien appliquer toutes les lois dont on dispose. Depuis février 2018…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire qu'elles ne sont pas appliquées.
CHRISTOPHE CASTANER
Pas assez, en fait on peut faire de l'entrave en utilisant tous les moyens, et c'est ce à quoi j'ai invité les préfets, surtout que depuis 1,5 an nous travaillons sur 15 quartiers identifiés, qui ont été identifiés notamment parce que ce sont des quartiers où, en France, on a eu le plus grand nombre de jeunes qui sont partis faire le Jihad, la guerre en Irak ou en Syrie, et sur ces 15 quartiers ont a demandé aux préfets, à toutes les autorités, de travailler ensemble, et d'utiliser tous les moyens possibles pour lutter contre l'islamisme. Attention, l'islamisme ce n'est pas l'islam, l'islam c'est une religion, c'est une culture, que je respecte et que je défends, l'islamisme c'est un système politique, d'hommes pour l'essentiel, qui considère qu'il y a des valeurs supérieures à la loi de la République, c'est le texte religieux et c'est la religion, ce que nous condamnons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ils pourront continuer à le considérer, librement, et même à véhiculer ces idées-là.
CHRISTOPHE CASTANER
Mais je vais donc finir ; dans ces 15 quartiers nous avons, par exemple, fermé près de 133 commerces, parce que nous savions qu'ils étaient liés à l'islamisme rampant, nous avons fermé 13 lieux de culte, parce que nous savons qu'ils se pratiquaient, en son sein, des prêches qui n'étaient pas conformes aux valeurs de la République. Nous avons fermé quatre écoles, huit associations, des clubs de sport, des associations prétendument culturelles, en gros nous avons mis tous les moyens dont nous disposons pour faire en sorte que l'islamisme recule et que la République revienne, et c'est cette méthode-là que j'ai demandé aux préfets, en les réunissant tous, jeudi dernier, à Beauvau, je leur ai demandé de l'appliquer partout en France. Parce que le risque de l'islamisme rampant, c'est-à-dire de femmes, et d'hommes surtout, qui veulent imposer une loi qui n'est pas la loi de la République, qui contestent par exemple le principe fondamental de l'égalité entre les femmes et les hommes, il est partout en France, pas de façon spectaculaire, pas de façon massive, mais nous devons l'empêcher de se développer. J'ai posé le principe que l'islamisme, c'est-à-dire ce régime politique qui veut se heurter, qui veut remplacer la République, est mon adversaire et doit être l'adversaire de tous les préfets, de tous les recteurs, de tous les acteurs de l'Etat. Et on doit combattre, mais on doit construire aussi. Quand j'ai réuni les préfets j'ai invité Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Education nationale, parce que l'école c'est majeur, et la déscolarisation, dans ces quartiers, on la constate, elle est réelle, donc il faut que l'école soit omniprésente. Il faut aussi construire, aménager. Julien DENORMANDIE, ministre de la Ville, était aussi à mes côtés pour agir, la garde des Sceaux, Marlène SCHIAPPA, nous avons la volonté de mener un combat tout azimut, dans ces quartiers, pour la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Christophe CASTANER, l'enquête sur Mickaël HARPON, où est-ce qu'on en est, terroriste ou schizophrène, la question est toujours posée. Quel était le degré de radicalisation de l'auteur de la tuerie de la Préfecture de police de Paris ?
CHRISTOPHE CASTANER
Je pense que vous savez que je ne vais pas répondre à votre question, parce qu'il y a une enquête judiciaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais je vous la pose quand même.
CHRISTOPHE CASTANER
Elle est placée sous l'autorité du procureur antiterroriste, et elle n'est pas close, donc quand elle sera close le procureur aura l'occasion de communiquer sur ce sujet. Par contre, ce que je sais, c'est que nous avons renforcé, le préfet de police a renforcé les moyens de détection de tout signe de radicalisation, comme nous le faisons déjà à un haut niveau dans la police, dans la gendarmerie, nous devons le faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien de signalements de radicalisation dans la police aujourd'hui, on en est à combien, vous avez des chiffres ?
CHRISTOPHE CASTANER
Alors, on a une plateforme de signalement, vous savez, il y a même une plateforme en France, Stop-Djihadisme, qui existe avec un numéro vert…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais.
CHRISTOPHE CASTANER
Evidemment, après l'attentat à la Préfecture de police nous avons très fortement augmenté les signalements, mais attention, un signalement n'est pas un signe de radicalisation. Ensuite, dans la police, à peu près 40 cas ont été signalés, ont fait l'objet d'une enquête, et tous ne sont pas considérés, au terme de l'enquête, comme étant des radicaux qui présenteraient un risque. Et selon les cas, pour une bonne moitié, on a fait en sorte qu'ils ne soient plus dans la police, on a utilisé, là encore, tous les moyens à notre disposition, et je dis, nous, parce que ça a débuté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Radiés, exclus ?
CHRISTOPHE CASTANER
Avant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Radiés, exclus, un peu plus de 20 policiers radiés, exclus ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, qui sont partis, à qui on a fait des départs aidés, on a utilisé tous les moyens possibles, et on a la possibilité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et combien de gendarmes ?
CHRISTOPHE CASTANER
Sur des gendarmes, plusieurs – je ne vais pas rentrer dans le détail – ont été écartés de responsabilités à risque, et certains – je peux vous dire que la gendarmerie c'est aussi y faire quand elle veut écarter quelqu'un qui serait considéré comme présentant un risque – et donc, nous n'hésitons pas, et je ne souhaite pas qu'on hésite, parce qu'il s'agit de la sécurité, d'abord des policiers et des gendarmes eux-mêmes, mais des Français derrière.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La mort de Steve à Nantes, le commissaire chargé de l'enquête a-t-il été muté ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, il n'est plus dans ses fonctions où il était précédemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est fait, sanctionné ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui… après ma décision il n'a pas repris son poste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sanctionné ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui. Il ne souhaitait pas partir, j'ai fait en sorte qu'il parte, c'est normal, il fallait, sur ce sujet, où des fautes sont apparues, de discernement dans l'analyse, il était nécessaire d'apaiser aussi la situation, et puis je pense aussi aux parents de Steve MAIA CANICO, je pense à ses amis, à ses proches, il est mort dans le cadre d'une intervention policière, et je ne sais pas si c'est lié, l'enquête le dira, alors qu'il venait faire la fête, c'est insupportable, et donc il était nécessaire que nous agissions, j'ai agi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Christophe CASTANER d'être venu nous voir ce matin sur RMC et BFM TV.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 décembre 2019