Interview de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, à LCI le 10 décembre 2019, sur la réforme des retraites.

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  • Olivier Dussopt - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Notre débat, « le retrait de la réforme sinon rien ». Bonjour Monsieur le ministre, Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics, merci d'être avec nous sur ce plateau. Et Olivier TERRIOT, vous êtes délégué du personnel CGT RATP Bus. Vous êtes autour de ce plateau. Finalement, vous vous parlez, les deux camps ?

OLIVIER DUSSOPT
Évidemment, on se parle, enfin je le dis sous le contrôle de Monsieur mais on est ensemble sur un même plateau et donc on est là pour débattre. Peut-être que nous ne sommes pas d'accord mais nous sommes là pour débattre.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Vous êtes là pour débattre. Est-ce que vous êtes aussi ouvert à la discussion ?

OLIVIER TERRIOT
Je confirme, on n'est pas du tout d'accord surtout ! Comme ça, ça sera réglé !

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Mais est-ce que vous êtes ouvert à la discussion ?

OLIVIER TERRIOT
Mais bien sûr, on peut discuter autant que vous voulez, il n'y a pas de problème mais à un moment, la discussion …enfin, ça apporte le débat d'idées, ça apporte un débat contradictoire qui permet à chaque Français de se positionner et tant mieux. Maintenant, je ne vais pas essayer de convaincre monsieur le ministre. Enfin bon si j'y arrive vraiment, il va falloir m'embaucher après !

OLIVIER DUSSOPT
Moi, je vais essayer par contre !

OLIVIER TERRIOT
Ils sont un petit sourds quand même !

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Monsieur le ministre va essayer de vous convaincre !

OLIVIER DUSSOPT
Je vais essayer. (…)

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
La réforme est indispensable, Monsieur le ministre. C'est ce qu'a dit effectivement Emmanuel MACRON hier soir. Donc quoi qu'il arrive, quelles que soient les pressions ou les demandes, il y aura réforme des retraites ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y aura réforme des retraites, d'abord, c'est un engagement du président de la République pendant la campagne présidentielle. Pour nous, c'est une condition de justice, c'est la raison pour laquelle nous voulons construire un système universel mais aussi une raison d'efficacité. Le système actuel produit les inégalités, nous le savons, c'est su par les Français. Et il est fragile financièrement par ailleurs dans le temps. Donc nous souhaitons pouvoir le modifier, le réformer, construire un nouveau système de retraite qui permette de garantir aux générations qui viennent qu'elles auront une retraite parce que parfois, elles en doutent, qui permette de réduire des inégalités parce qu'aujourd'hui le système actuel ne fait qu'amplifier les inégalités de carrière et ne les résout pas. Donc à nous de construire ce nouveau système et d'avancer, ça avait été dit pendant la présidentielle, ça avait été dit pendant deux ans avec des concertations. Aujourd'hui, nous entrons dans une phase où cette architecture va être présentée demain par le Premier ministre avec suffisamment de détails, je crois, pour rassurer celles et ceux qui peuvent avoir des inquiétudes.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Voilà effectivement, on attend cette déclaration d'Edouard PHILIPPE demain midi. (…)

OLIVIER TERRIOT
Nous, ça fait plus de maintenant 20 mois qu'on en parle à la CGT, il n'y a aucun élément qui a été pris en compte sur ce que nous, nous pouvons dire parce que ce n'est pas de la négociation, c'est juste, on nous demande d'écouter le projet et puis d'acquiescer mais ce n'est pas possible, c'est pas notre genre.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
C'est vrai, ça, Monsieur le ministre, il n'y a pas eu d'échanges ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne partage pas, il y a eu beaucoup d'échanges, il y a eu 350 réunions dans la période récente et Philippe MARTINEZ lui-même disait avoir rencontré Jean-Paul DELEVOYE 22 fois, je crois, mais au-delà du nombre de rencontres, il y a des choses que nous entendons et il y a un certain nombre d'organisations syndicales qui n'ont pas le même positionnement que celui de la CGT. Vous êtes dans une opposition frontale à la réforme, c'est votre droit. D'autres organisations disent leurs inquiétudes et font part de leurs attentes. La CFTC dit : faites attention droits familiaux. L'UNSA nous demande d'inscrire des engagements notamment pour les enseignants dès le projet de loi-cadre. La CFDT nous dit : il faut travailler à la pénibilité et notamment la pénibilité en fin de carrière parce qu'aujourd'hui, dans le système actuel, on sait que les Français partent en moyenne à la retraite à un peu plus de 63 ans, les femmes partent plus tard que les hommes d'ailleurs et qu'il faut s'interroger sur les conditions de travail, la question de la pénibilité notamment en fin de carrière. Donc nous entendons cela.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Mais certains syndicats, vous avez renoncé à les convaincre ?

OLIVIER DUSSOPT
La question n'est pas de renoncer à convaincre mais Monsieur disait tout à l'heure, ce qui compte, c'est nous sommes en désaccord total et on veut le retrait, « retrait », vous ne l'avez pas dit sur le plateau mais j'entendais d'autres sons de la CGT. C'est évidemment plus difficile pour débattre. Par contre, nous, ce que nous souhaitons, c'est de continuer à avancer, de travailler avec toutes celles et ceux qui le souhaitent. Ca n'empêche pas d'entendre, y compris ceux qui sont les plus opposés parce que d'abord, chaque opinion est légitime et qu'il faut qu'on puisse construire pas à pas ce système qui soit plus juste. Sur les inégalités que vous trouvez au système actuel, elles existent, on le sait. Le système amplifie les inégalités entre les femmes et les hommes ; on passe de 18% d'écart de salaire à 40% d'écart de pension et c'est un système dans lequel l'Etat injecte déjà beaucoup d'argent pour tous les régimes.

OLIVIER TERRIOT
Mais enfin, il faut arrêter ! On vous a fait dix fois la démonstration que le système que vous voulez mettre en place, il est encore plus inégalitaire concernant les femmes.

OLIVIER DUSSOPT
On vous a fait dix fois la démonstration que ce n'était pas vrai.

OLIVIER TERRIOT
Non mais arrêtez ! Vous savez, moi j'en discutais avec mon taxi en venant. Il serait encore plus performant que moi sur ce plateau pour vous démonter. Sans déconner, excusez-moi, ça dépasse les mots mais vous pour dire comment il était en colère. Il était vraiment en colère. Il a dit : je ne peux pas monter parce que moi je suis trop en colère. Mais tout ce qu'il m'a dit, voilà, c'est, et je peux vous le retranscrire un petit peu plus calmement. Franchement quand j'entends monsieur DELEVOYE qui dit que les générations futures nous remercierons, mais ils nous remercieront de quoi ? De les avoir privés de retraite décente. Franchement, bravo JP ! Bravo, il faudra qu'il fasse du stand-up part parce que nous il nous fait beaucoup rire. Enfin on rit jaune très clairement. Je ne sais pas avec quel calme vous arrivez à passer quelque chose d'aussi horrible et les Français le voient.

OLIVIER DUSSOPT
Mais il n'y a rien…

OLIVIER TERRIOT
Mais vous restez posés parce qu'en fait le problème dans l'histoire, c'est que maintenant vous ne pouvez plus revenir en arrière parce que monsieur MACRON, son petit problème, c'est qu'en fait il ne faut pas qu'il perde la face. Vous voyez, là la problématique c'est que c'est un petit monsieur capricieux, un petit garçon qui se retrouve dans une difficulté et il ne veut pas céder parce que, c'est dommage jusqu'ici il a réussi à bien nous emmener avec ses petits copains de la CFDT, avec tous ses petits copains du patronat.

OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, je respecte tous les interlocuteurs y compris ceux qui ont parfois des mots assez désagréables pour le président de la République. Je respecte tout le monde. Mais il n'y a rien d'horrible dans ce que nous construisons. Vous parlez de niveau de retraite décente. Aujourd'hui quand vous avez cotisé toute votre vie, pour reprendre les expressions que j'entends chez moi, quand vous cotisez honnêtement toute votre vie, vous avez un minimum de pension qui est égal à 75 % du SMIC. On va le porter à 85 % et à 1 000 euros. Ça va améliorer la situation des femmes, ça va améliorer la situation des agriculteurs. Nous allons faire en sorte que lorsque vous cotisez, vous ayez des points dès le premier euro cotisé. Aujourd'hui quand vous cotisez parce que vous avez trouvé du travail, du travail parfois à temps partiel, parfois du travail temporaire parce que vous faites ça l'été si vous êtes étudiant ou en parallèle de vos études, si vous ne cotisez pas 150 heures par trimestre, vous ne validez pas le trimestre. Nous on va faire en sorte que chaque euro cotisé permette de rapporter des points et permette de prendre en compte le déroulement de toute la carrière. On va sécuriser ce système-là pour justement le garantir aux générations. Moi j'entends aussi les expressions que vous pouvez avoir ; je ne partage pas la manière dont vous parlez du président de la République, vous vous en doutez. Je ne partage pas non plus la manière dont vous avez parlé à l'instant de la CFDT.

OLIVIER TERRIOT
C'est au niveau du dénigrement de la façon dont il parle. Vous savez, monsieur MACRON il ne se prive pas lui pour faire des bonnes blagounettes sur son petit peuple.

OLIVIER DUSSOPT
J'ai un objectif. J'ai un seul objectif aujourd'hui et aujourd'hui et dans la semaine qui vient. C'est que le Premier ministre va s'exprimer, nous le savons. Il va donner beaucoup de détails sur l'architecture et il va permettre à toutes celles et ceux qui veulent travailler et qui veulent discuter de se retrouver autour de la table. C'est ce à quoi nous nous attachons et nous le faisons parce que nous avons la conviction que ce que nous construisons va permettre d'avoir un système plus juste. Et je ne je ne renonce pas à vous convaincre. Si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera peut-être demain et ce sera peut-être la semaine prochaine, mais à vous convaincre que ce que nous sommes en train de construire est plus juste que ce qui existe aujourd'hui.

OLIVIER TERRIOT
Nous, on ne va pas renoncer non plus. Il y en a qui ne renoncent pas. Vous parliez des blocages. D'ailleurs je voudrais corriger un petit peu. [Il s'adresse à Pascale de LA TOUR DU PIN] Vous dites que c'était un blocage fait par les grévistes, alors ce n'est pas les grévistes de la RATP qui font les blocages, ce sont d'autres corporations.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Ils n'ont pas le droit à la RATP, on l'a précisé.

OLIVIER TERRIOT
Vous savez, on a des huissiers de justice toute la journée qui nous surveillent, mais c'étaient des enseignants, des étudiants du privé, du public, des Gilets jaunes.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
On l'a dit ce matin sur LCI.

OLIVIER TERRIOT
Voilà. Mais je préfère le préciser. [A Olivier DUSSOPT] Vous connaissez la valeur du point ? Vous pouvez nous le dire ?

OLIVIER DUSSOPT
Aujourd'hui, la valeur du point tel qu'il va être construit ?

OLIVIER TERRIOT
Oui.

OLIVIER DUSSOPT
C'est le Premier ministre qui l'annoncera. Par contre ce que je peux garantir, c'est que cette valeur du point elle sera garanti et que, par ailleurs, les retraites seront indexées sur les salaires ce qui permettra aux retraites d'être plus…

OLIVIER TERRIOT
Comment vous garantissez la valeur du point ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous l'inscrirons dans la loi.

OLIVIER TERRIOT
Vous garantissez que les retraites ne vont pas baisser ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous l'inscrirons dans la loi et dans la loi-cadre. Mais en plus, nous avons associé les organisations syndicales à la gouvernance, ce qui devrait vous rassurer.

OLIVIER TERRIOT
Bien sûr. Je ne suis pas sûr. Vraiment répondez-moi : est-ce que les pensions vont pouvoir baisser ?

OLIVIER DUSSOPT
Non. Nous ne voulons pas que les pensions…

OLIVIER TERRIOT
Non, non, non, non. Ce n'est pas une question de volonté. Est-ce que les pensions pourront mécaniquement baisser ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous prévoyons… Je viens de vous dire à l'instant que nous allons inscrire dans la loi le fait que la valeur du point ne baissera pas.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
La valeur du point ne baissera pas. Ce sera inscrit dans la loi. C'est ce que dit ce matin Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
J'ai répondu à votre question et c'est un système qui est beaucoup plus rassurant que ce qui existe.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Voilà. Juste une petite question. D'après Les Echos ce matin, Monsieur le ministre, la réforme des retraites pourrait ne concerner que les Français nés après 75 alors qu'au départ c'était 63. Est-ce que c'est une piste ?

OLIVIER DUSSOPT
Chaque article de presse que je lis depuis deux jours évoque des hypothèses différentes.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Est-ce que c'est une piste ?

OLIVIER DUSSOPT
La réalité, c'est que nous travaillons autour du Premier ministre pour faire en sorte que demain il puisse annoncer une architecture très précise, des détails, apporter des réponses aux questions qui ont été posées, aux messages que nous avons entendus et faire en sorte que la discussion puisse continuer autour d'un projet arrêté.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Merci beaucoup en tout cas à vous deux d'être venus échanger dans le calme autour de ce plateau. C'est important de pouvoir discuter et on attend effectivement les annonces d'Edouard PHILIPPE demain à midi, à suivre donc sur LCI. Et demain soir, il répondra aux questions de Gilles BOULEAU sur TF1 et LCI. Merci Monsieur le ministre, merci Olivier TERRIOT d'être venus ce matin sur le plateau de La matinale


source : Service d'information du Gouvernement, le 10 décembre 2019