Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, à CNews le 18 novembre 2019, sur les agro-carburants, le glyphosate et les seuils d'émissions de gaz à effet de serre.

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Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire

Média : CNews

Texte intégral

GERARD LECLERC
Bonjour Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour Gérard LECLERC.

GERARD LECLERC
L'écologie devait être l'une des grandes priorités de la deuxième partie du quinquennat. C'est ce qu'avait dit Emmanuel MACRON mais comme Sœur Anne, on ne voit rien venir pour l'instant.

EMMANUELLE WARGON
C'est parce que vous ne regardez pas assez bien. Parce qu'en fait, on avance. On avance sur les sujets énergie, on n'a jamais eu autant d'énergie solaire et éolienne en France qu'en ce moment et on avance sur la fermeture des centrales électriques à charbon. On avance sur les sujets industrie. Le Premier ministre avec Bruno LE MAIRE a présenté ce qu'on appelle le Pacte productif. C'est comment notre industrie se met dans un objectif de production sans émission de gaz à effet de serre. On avance sur les sujets bâtiments puisqu'avec Julien DENORMANDIE, vous savez qu'on porte un changement très important de la rénovation des bâtiments.

GERARD LECLERC
On va en parler tout à l'heure.

EMMANUELLE WARGON
Voilà. Pour pouvoir répondre aux besoins des Français. Et puis on avance à la fois nationalement et localement. Moi je travaille avec beaucoup de communes au plan local dans des projets écologiques locaux. J'ai été signer ça à Rochefort il y a une dizaine de jours, j'étais à Arles vendredi dernier et là ce sont des projets très concrets. Vous voyez à Arles, on va récupérer la paille du riz de Camargue et cette paille de riz, elle va rentrer dans des matériaux isolants pour la rénovation. Donc c'est à la fois à l'échelle nationale et puis à l'échelle locale que ça se passe tous les jours.

GERARD LECLERC
Alors vous dites on avance mais sur d'autres questions, on a l'impression qu'on fait du sur-place voire même qu'on recule. Alors il y a cette affaire de l'huile de palme. L'huile de palme, c'est un peu un scandale. C'est responsable de la destruction de forêts notamment en Indonésie. Or jeudi, des députés ont décidé de repousser à 2026 la sortie de l'huile de palme pour les agrocarburants. Vingt-quatre heures après, ils ont changé d'avis. On ne comprend plus rien !

EMMANUELLE WARGON
En tout cas, le sujet c'est : pas de déforestation à l'autre bout du monde.

GERARD LECLERC
Donc il faut interdire l'huile de palme.

EMMANUELLE WARGON
On s'est d'ailleurs engagé, la France s'est engagée à lutter contre ce qu'on appelle la déforestation importée, c'est-à-dire le fait que quand on achète des produits, en réalité on créé de la déforestation à l'autre bout du monde, en Asie du sud-est.

GERARD LECLERC
Alors pourquoi on continue d'autoriser l'huile de palme qui est transformée à La Mède dans une entreprise pour faire de l'agrocarburant ?

EMMANUELLE WARGON
En fait ce que dit l'entreprise, c'est qu'elle veut un délai pour adapter ses pratiques. Moi je crois qu'il faut qu'on regarde avec elles si c'est possible d'acheter de l'huile de palme qui ne déforeste pas. Il y a des certifications sur l'huile de palme comme sur d'autres produits, des certifications données par des ONG, par des organisations internationales. On a donc dit qu'on allait ouvrir un groupe de travail avec l'entreprise pour voir si c'est possible. Mais en tout cas pour moi, le message est clair : pas de signal à la déforestation.

GERARD LECLERC
Alors autre sujet, le glyphosate. Il y a des maires qui l'interdisent dans leur commune parce que c'est supposé être cancérigène, et la justice elle tranche dans un cas en leur faveur ou en leur défaveur.

EMMANUELLE WARGON
D'abord c'est très symbolique, parce qu'il existe une loi qui s'appelle la loi Labbé, qui date de quelques années et qui interdit le glyphosate chez les particuliers et le glyphosate dans les espaces publics gérés par les mairies. Donc ça veut dire qu'à peu près 95 % de l'utilisation du glyphosate en ville est déjà interdite. Il reste des cas particuliers : les copropriétés, les abords de voies de chemin de fer par exemple mais c'est marginal. Donc c'est vraiment plus des décisions pour en parler qu'autre chose. Après, le glyphosate, on s'est engagé à en sortir le plus vite possible, maximum en cinq ans, de préférence en trois ans d'ici 2021 et on le fait avec les filières. C'est ce que dit Didier GUILLAUME, le ministre de l'Agriculture, parce que la question c'est de trouver des alternatives. De ne pas laisser les agriculteurs sans solution quand on sort du glyphosate.

GERARD LECLERC
Oui, mais justement là il y a un vrai sujet puisqu'on nous avait dit que ce serait interdit en 2021, puis il y a un rapport parlementaire qui dit : mais ça va être beaucoup trop compliqué, ça va coûter beaucoup trop cher aux agriculteurs donc il faudrait sans doute repousser encore. Alors qu'est-ce qu'on va faire ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, ce que dit ce rapport c'est que c'est difficile de sortir du glyphosate. Ce n'est pas une surprise, on le savait. On est le seul pays à s'être lancé aussi vite. Maintenant l'Allemagne nous rejoint en disant qu'elle aussi elle veut sortir d'ici à 2023. C'est difficile parce que c'est un produit qui est rentré dans les pratiques agricoles et il faut trouver autre chose. Donc ce que dit ce rapport, c'est, continuons à accompagner les filières qui ont une chance d'y arriver, notamment la viticulture. Trouvons des solutions alternatives et puis délimitons les endroits où il faudra des dérogations pour qu'on puisse les anticiper. Notre objectif, c'est 70, 80 % d'ici à 2021 et puis la fin d'ici à 2023.

GERARD LECLERC
Ce n'est pas une façon de repousser le problème ? L'idée, c'est bien 80 % vous dites en 2021 ?

EMMANUELLE WARGON
Alors on n'est pas au centième de pourcentage près. Ce n'est pas un objectif quantifié comme ça. C'est le plus possible en 2021. Ce que ce rapport dit et ils ont raison, c'est que c'est difficile. Ce n'est pas une surprise que ce soit difficile parce qu'il y a le principe et puis il y a la possibilité de l'appliquer. Et pour ça il faut des solutions avec la recherche, notamment l'INRA, le grand institut de recherche agro-agronomique, il faut qu'on arrive à trouver des solutions alternatives. Je vous donne un exemple. Il y a une agriculture qui est une agriculture positive pour la planète qui s'appelle l'agriculture de conservation des sols. Ça consiste à labourer beaucoup moins les sols pour laisser les sols respirer, laisser les sols se régénérer et leur permettre à la fois d'accueillir plus de vie - plus d'insectes, des vers de terre - et puis de séquestrer plus de carbone. Cette agriculture, elle utilise un petit peu de glyphosate et, pour l'instant, on n'a pas d'alternative. Donc on la cherche et j'espère qu'on la trouvera d'ici 2021 ou 2023.

GERARD LECLERC
Alors il y a également la question des émissions de CO2. Là on a quand même le sentiment, excusez-moi de vous le dire, que les constructeurs automobiles se moquent du monde. Dans un premier temps, ils ont un peu triché avec les contrôles et puis maintenant, ils font la promotion des SUV qui sont plus lourds, qui consomment davantage. Bruno LE MAIRE a dit qu'il fallait déplafonner, en tout cas il propose de déplafonner les malus qui sont limités pour l'instant à 12 500 euros et d'assortir la publicité pour les SUV d'information. Il a raison, non, il faudrait le faire.

EMMANUELLE WARGON
Alors moi, je trouve que c'est une bonne proposition. Ça montre aussi qu'il n'y a pas que le ministère de la Transition écologique qui se préoccupe de ces sujets mais que ça concerne tous les ministères, y compris le ministère de l'Economie et des Finances. C'est vrai qu'on est en train de durcir le malus automobile pour l'année prochaine. On baisse les seuils d'émissions de gaz à effet de serre qui déclenchent le malus, on est plus dur. Pourquoi ne pas aller un cran plus loin et le déplafonner ? Et puis je trouve… Moi je crois aussi au sujet information des consommateurs parce que, finalement, le consommateur il a vraiment le pouvoir de choisir l'impact qu'il veut avoir sur la planète. C'est vrai pour les voitures, c'est vrai pour l'alimentation, c'est vrai pour les vêtements, c'est vrai pour plein de choses. Et donc que le consommateur sache que quand il choisit tel modèle plutôt que tel autre, voilà l'impact que ça au moment de la publicité et pas seulement au moment de l'achat quand on voit la facture et le malus, je trouve que c'est intéressant. Après on n'a déjà pas mal durci parce qu'évidemment il y a un rapport entre le poids de la voiture et le CO2 qu'elle émet puisque plus elle est lourde, plus elle consomme de l'essence ou du diesel, donc plus elle va émettre du CO2 par kilomètre, donc on est déjà dans cette direction-là. Et puis enfin, je trouve qu'il y a un point intéressant qu'on ne mentionne pas toujours. Il y a des normes européennes avec des amendes qui vont être infligées aux constructeurs si la moyenne des voitures neuves qu'ils mettent sur le marché à partir de 2021 est supérieure aussi à un plafond de CO2. Donc on peut travailler sur le malus, on travaille sur les normes, pourquoi pas travailler sur l'information, et puis enfin on a toujours la prime à la conversion. Je le rappelle, plus de 500 000 primes à la conversion déjà atteintes ; notre objectif maintenant, c'est un million de primes à la conversion c'est-à-dire de l'argent que l'Etat vous donne quand vous décidez de mettre au rebut une vieille voiture, un diesel, et d'acheter une voiture qui pollue moins.

GERARD LECLERC
Une voiture moins polluante. Donc vous reprenez quand même ces deux idées de Bruno LE MAIRE. La rénovation énergétique des bâtiments, vous avez fait un tour de France avec Julien DENORMANDIE. Vous allez aujourd'hui faire le bilan, vous allez annoncer des mesures. Quel type de mesure ?

EMMANUELLE WARGON
Oui, parce qu'on a vraiment amélioré le système mais je voudrais vous raconter une rencontre parce qu'elle m'a beaucoup marquée. J'étais en fin de semaine dernière dans les Alpes-de-Haute-Provence à côté de Digne et plus je tenais une permanence citoyenne. Et j'ai rencontré une dame de quatre-vingt-onze ans, Juliette, en pleine forme, qui m'a expliqué qu'elle n'avait trouvé personne qui pouvait l'aider à savoir comment faire pour changer sa vieille chaudière au fioul. Elle avait quand même écrit au ministère, au Premier ministre, au préfet, à peu près à tout le monde et comme il n'y a pas aujourd'hui dans les Alpes-de-Haute-Provence des espaces info énergie, d'endroit où les gens peuvent aller ou téléphoner pour se renseigner, on l'a renvoyée sur un numéro à Marseille qui, en plus, ne répondait pas. Et donc ce qu'on essaie de faire et la raison pour laquelle on a fait un tour de France avec Julien DENORMANDIE, c'est pour trouver une solution pour cette dame, Juliette et toutes les autres, parce qu'à quatre-vingt-onze ans quand on habite Digne, on ne va pas aller à Marseille, c'est-à-dire un service de proximité porté par les mairies, par les communes ou les départements avec l'aide de l'Etat et puis par les régions, pour qu'on puisse enfin donner des informations de qualité. Donc on change tout : les aides, ce service public et cet après-midi on fera le point sur ce tour de France et, ça y est, on va avoir des services de proximité partout. Les régions nous suivent, nous accompagnent là-dedans - c'est vraiment un partenariat entre l'Etat et les collectivités locales - pour qu'on puisse dire : oui, on a amélioré le quotidien des gens et c'est bien normal.

GERARD LECLERC
Les suites de la COP21. Il y aura une COP25 bientôt à Madrid en Espagne. Le seul problème, c'est que tous les pays du G20 dont la France ont augmenté - peut-être pas la France - tous les pays ont augmenté quasiment leurs émissions de CO2 en 2018. Donc la COP21 n'a servi à rien ?

EMMANUELLE WARGON
La France a baissé ses émissions de CO2 de 3 % l'année dernière. Après, ça reste insuffisant. C'est-à-dire qu'on a besoin d'être en moyenne sur un rythme de baisse de 4 % par an pendant les vingt prochaines années. Donc on avance, on est dans la bonne direction, il faut qu'on intensifie. Mais en fait, c'est tout notre modèle de production de consommation qu'il faut qu'on change donc c'est une forme de révolution qui prend un peu de temps mais la France avance.

GERARD LECLERC
Comme vous dites, oui, on ne progresse pas. On continue d'émettre de plus en plus de CO2.

EMMANUELLE WARGON
Non, moins 3% la France, on progresse. C'est aussi pour ça que c'est bien de continuer les rendez-vous internationaux. Ce ne sont pas que des grand-messes, c'est aussi le moment où on met chaque pays devant ses responsabilités.

GERARD LECLERC
Emmanuel MACRON annonce qu'il va participer en janvier à la convention citoyenne sur le climat. Il y a cent cinquante citoyens français tirés au sort qui doivent réfléchir à des solutions. On a une idée des solutions auxquelles ils pensent et qui pourraient être mises en oeuvre ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, c'est un processus démocratique très intéressant et on a…

GERARD LECLERC
Oui, mais il faut que ça débouche sur quelque chose parce que c'est bien d'en discuter mais il faut…

EMMANUELLE WARGON
On a une idée de ce qu'ils proposent parce que tout est en ligne en fait. Il y a un site, convention citoyenne pour le climat. C'était leur troisième week-end ce week-end. Ils commencent à faire des propositions atelier par atelier, thème par thème.

GERARD LECLERC
Par exemple ?

EMMANUELLE WARGON
Par exemple sur la rénovation du bâtiment, ils nous disent : fusionner toutes les aides dans une aide unique, et d'ailleurs c'est ce qu'on est en train de faire. Ils nous disent aussi : il faut essayer de baisser au maximum la consommation d'énergie des bâtiments publics et privés. Ça, c'est la question de savoir si on laisse les façades allumées par exemple, la publicité en cours. Ils nous demandent aussi en général sur la consommation de réguler la publicité et d'améliorer l'information des consommateurs. Donc finalement des choses qui sont assez convergentes avec la vision collective. C'est bien que le président aille les voir, ils ont invité le président de la République à participer à la convention. Le président a répondu ce week-end qu'il irait. C'est un processus très important parce qu'il faut qu'on trouve le compromis entre l'urgence, l'ampleur de la transformation et ce qui est acceptable.

GERARD LECLERC
Bien, on suivra ça. Merci beaucoup Emmanuelle WARGON. Bonne journée, bonne semaine.

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous.


Source service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2019