Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin, Jean-Paul DELEVOYE. Bonjour.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Bonjour monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Haut-commissaire aux Retraites, vous pilotez cette réforme qui sera votée en juillet 2020. Vous confirmez, c'est bien cela.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Le calendrier est confirmé. La loi sera votée en 2020.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Malgré tout, vous voyez la colère sociale se lever. Les oppositions du moins qui se lèvent ici ou là. Vous ne céderez pas sur cette réforme, on est bien d'accord. Elle ira au bout.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Vous savez, moi j'ai accepté la mission que m'a confiée le président de la République parce qu'il ne s'agit pas d'une réforme, il s'agit d'un projet de société, et qui reprend le souffle du Conseil national de la résistance de 45. Vous savez qu'en 45, l'ordonnance de 45 disait : « la protection sociale doit être mise en place pour permettre aux travailleurs de lutter contre l'incertitude du lendemain. » On a exactement aujourd'hui l'incertitude du lendemain au coeur d'un certain nombre de nos concitoyens. Deuxièmement, les Françaises et les Français demandent les mêmes règles pour tous, l'universalité. Qu'à carrière identique, salaire identique, métier identique, droits identiques, retraite identique, et aussi plus de redistribution. C'est tout ce que j'entends, moi, sur la plate-forme. C'est une demande très forte et y compris de dire : « est-ce que vous allez jusqu'au bout ? » Moi mon combat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous irez jusqu'au bout.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Oui parce que moi, vous savez, vous me connaissez, je n'ai pas de plan de carrière. Je suis quelqu'un de profondément guidé par l'intérêt général et servir mon pays et ce projet est un acte de cohésion nationale entre les générations. Il faut qu'on réembarque les jeunes. Il y a tellement eu de discours anxiogènes sur les retraites que les jeunes pensent qu'ils n'auront pas de retraite. Et si les jeunes disent : « nous ne voulons pas cotiser sur un système auquel nous ne croyons pas », c'est la rupture générationnelle et c'est la remise en cause de notre assurance retraite, maladie, chômage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que c'est la réforme la plus importante du quinquennat, Jean-Paul DELEVOYE ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
C'est une réforme essentielle pour la pérennité du pays…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous avez dit.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Et c'est une réforme qui est importante…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La plus importante du quinquennat.
JEAN-PAUL DELEVOYE
C'est une réforme qui a pour ambition de mettre en place un système de protection sociale du XXIème siècle qui tienne compte de tous les aléas économiques, de l'évolution du salaire, de l'évolution de la croissance. Personne ne peut dire - on évoquait ça à l'instant - ce que sera demain, et donc nous devons mettre en place un système qui garantit aux jeunes qu'ils toucheront une retraite, qui garantit aux retraités actuels que l'on maintiendra le niveau de leur pension et qui fasse que ça renforce la cohésion nationale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Mais le problème aujourd'hui, c'est que beaucoup, beaucoup de Français ne vous croient pas, Jean-Paul DELEVOYE. Est-ce que vous avez vous-même encore suffisamment de crédit pour conduire cette réforme ? J'ai entendu Les Républicains. Vous venez de cette famille politique. Que disent-ils ? « C'est une potiche Jean-Paul DELEVOYE, c'est devenu une potiche. » La semaine dernière, vous disiez dans Le Parisien, je vous cite : « Je ne transigerai pas sur l'objectif. » Vous dites toujours la même chose.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Je refuse de n'appliquer le système par points qu'aux nouveaux entrants sur le marché du travail. Si nous le faisons, c'est la fameuse clause du grand-père. Cela reviendrait à créer un quarante-troisième régime spécial. C'est impossible. Si on le fait, on renonce à la réforme. » Est-ce que vous dites la même chose ce matin ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Moi, vous savez, je n'ai pas l'habitude de changer d'avis. Ce qui est important, c'est le projet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites la même chose.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Attendez. Ce qui est important…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'avez pas l'habitude de changer d'avis, vous dites la même chose
JEAN-PAUL DELEVOYE
Il y a deux niveaux. Je vais vous expliquer, il y a deux niveaux. Il y a le niveau du projet auquel chacun adhère avec sa redistribution vis-à-vis des femmes, des travailleurs précaires, des retraites faibles. On aura l'occasion d'en parler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va en parler.
JEAN-PAUL DELEVOYE
C'est un projet magnifique qui peut garantir une espérance pour nos jeunes générations et un renforcement de la cohésion entre ceux qui travaillent et ceux qui sont à la retraite. Il y a un deuxième niveau, c'est « et moi dans ma profession ». Comment je passe de ma situation actuelle à ce projet ? Sous l'autorité du Premier ministre….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et du président de la République.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Et du président de la République, il y a aujourd'hui une réunion profession par profession avec les ministres concernés pour offrir à chaque profession le chemin le plus acceptable socialement, le plus en cohérence avec les principes du système universel pour offrir sur la diversité des régimes de départ une diversité de chemin pour aller vers le même point de convergence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc un régime universel par points et un régime universel par profession si j'ai bien compris.
JEAN-PAUL DELEVOYE
A partir de ce moment-là… Non, attendez, attendez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, comment ? Vous allez prendre…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Attendez, vous êtes journaliste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Oui, je suis journaliste, oui.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Au nom de quoi aujourd'hui vous puissiez garder une assiette de cotisations qui soient diminuées et des cotisations qui soient minorées parce que ça fait partie de l'Histoire ? Vous-même à titre de citoyen vous ne comprenez pas cette différence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d'accord.
JEAN-PAUL DELEVOYE
D'autant plus que vous perdez des droits. Donc ça veut dire qu'il faut que je vous offre à vous, professionnel journaliste, un chemin de convergence pour dire cette situation que vous n'acceptez plus en tant que citoyen. Comment je fais pour vous amener au régime universel ? Ça va être la même chose pour les agriculteurs. Les enseignants, je prends les enseignants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Prenons l'exemple des enseignants, tiens, puis je reviendrai sur cette réforme que vous conduisez.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Et donc il m'apparait important aujourd'hui d'avoir dans mon rapport offert au président de la République et au Premier ministre toutes les options. Est-ce que l'on part à la génération 63 ? Est-ce qu'on recule et on se donne du temps ? C'est la volonté du président de la République et du Premier ministre de dire : « Donnons-nous le temps de faire la transition car si l'on est tous d'accord sur le principe universel, la transition, la durée de transition, le mode de transition est un élément essentiel. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Et gardons cette capacité de pouvoir n'offrir cette rentrée qu'aux entrants. Cette situation, ce que j'ai dit, c'est que sa généralisation fragilise tout le projet. Son opportunité, sa capacité d'être mise en oeuvre pour certains cas, certaines professions, certaines situations est importante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Et donc le Premier ministre et le PR ont tous les choix possibles, mais lorsque la décision s'appliquera, cette décision s'appliquera à tous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A tous et à vous. Oui mais Jean-Paul DELEVOYE, ça veut dire… J'ai très bien compris. A la SNCF sont concernés par la réforme les nouveaux entrants. On est bien d'accord.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment non ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
C'est la réforme de la SNCF.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est la réforme de la SNCF.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Or, merci de porter cette précision, la retraite ne fait pas partie du statut. Sauf, c'est les CUG, où elle est écrite dans le…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon alors, Jean-Paul DELEVOYE…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Toutes les réformes de retraites ont été faites dans les lois de Sécurité sociale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que tous ceux, je résume votre pensée - vous allez me dire si je me trompe – tous ceux qui aujourd'hui ont un régime spécial, on est bien d'accord, seront concernés par la clause du grand-père. C'est cela que je comprends ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Pas du tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pas du tout ? Ah bon ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Dès le départ, dès les premiers jours, nous avons indiqué que le régime universel c'était la suppression des régimes parlementaires, la suppression des régimes spéciaux et que toute spécificité que nous gardions pour les agriculteurs, pour les commerçants, les artisans, les libéraux et les professions régaliennes dites de sécurité – militaires, policiers, etc – il fallait que nous les justifions politiquement et nous les avons assumés. Donc ça veut dire qu'à métier identique, retraite identique, la fin des régimes spéciaux est intégrée dans notre régime universel. Maintenant quelles sont les garanties que nous portons ? Moi j'ai offert des garanties du départ, est-ce qu'elles sont suffisantes ou pas ? Toutes celles et ceux qui ont suffisamment - c'est un peu compliqué - de durée, vingt-sept ans par exemple de catégorie active, peuvent partir à cinquante-sept ans. Ils gardent cet avantage parce que c'est le contrat. Le président a dit : « On peut comprendre qu'il y ait une forme de contrat d'entrée. Dans quelles mesures devons-nous en tenir compte ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ne seront concernés dans ces professions, je pense à la RATP, je pense à la SNCF, que les nouveaux entrants. On est bien d'accord.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Pas du tout, pas du tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors là, expliquez-moi.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Attendez. Nous avons offert une perspective. Nous sommes en discussions actuellement avec les syndicats de la SNCF, les syndicats de la RATP, les syndicats dits des gaziers etc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Au vu de ces négociations, il appartiendra au Premier ministre et au président de la République de choisir les meilleures conditions d'évolution du régime actuel vers le régime universel, et là toutes les options sont sur la table mais au moment donné.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, évidemment, puisqu'il y a une colère sociale qui va s'exprimer le 5 décembre, pour le président de la République c'est une poire pour la soif qu'il garde si j'ai bien compris. Les nouveaux entrants, la clause du grand-père, c'est bien cela ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Il n'y a pas une poire pour la soif, ça figure dans mon rapport. Si je commence une discussion avec vous, est-ce que je me prive des cartes de mon jeu ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, vous avez raison. Gardez vos cartes.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Donc j'offre le maximum de cartes au président et au Premier ministre. Et est-ce que vous décidez avant que les discussions soient arrêtées. Vous attendez qu'elles se terminent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si vous appliquez la clause du grand-père, vous renoncez à la réforme et la réforme sera appliquée dans quarante ans, Jean-Paul DELEVOYE. Mais oui, elle sera appliquée dans quarante ans !
JEAN-PAUL DELEVOYE
La généralisation de cette clause du grand-père effectivement pour moi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour vous. C'est une réforme qui sera appliquée dans quarante ans.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Exactement. Et donc nous avons, vis-à-vis de nos enfants et de nos petits-enfants, à assumer nos responsabilités mais aussi à respecter ceux qui sont concernés. Vous savez, il y a des évolutions qui sont une opportunité. Je pensais à la revalorisation des enseignants, je pense aussi aux infirmières qui aujourd'hui sont dans une situation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Ou aux aides-soignantes. Je pense aussi aux cheminots et à toutes celles et ceux qui se sont engagés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais prendre quelques exemples.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Et donc l'opportunité qu'offre ce régime de retraite universelle, c'est de revisiter le contrat de la nation avec ses fonctionnaires. On a trop souvent pour certains d'entre eux - pour certains d'entre eux - dit : « Ce n'est pas grave. On va vous payer de façon inférieure à la normale et vous aurez une bonne retraite. » Si vous prenez les enseignants, ils sont des cadres A.
JEAN-JACQUES BOURDIN
75 % actuellement, la retraite, du dernier traitement. On est bien d'accord pour les enseignants.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Non, attendez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Merci d'apporter cette précision. Le contrat, c'est 75 % du dernier traitement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Contrat que…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Attendez. Mais quand vous touchez 20 % de prime qui ne rentre pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il n'y a pas de prime pour les enseignants. C'est vrai pour les infirmiers, c'est vrai pour…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Attendez, vous me posez une question. La moyenne des fonctionnaires, c'est 22 % de prime et les fonctionnaires disent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je vous parle des enseignants, moi.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Non mais attendez, je reviens, je reviens. Et vous dites : « 75 % dernier traitement. » Mais si j'enlève les 22 %, les 75 affichés deviennent 50 % donc c'est une hypocrisie. Sur les enseignants, ce sont des cadres A. Le cadre A traditionnel qui n'est pas enseignant, il a 30 % de prime pendant sa carrière et in fine il a la même retraite que l'enseignant qui lui touche 20 % de salaire en moins. Vous voyez le contrat ? Les enseignants pendant toute la carrière par rapport à un cadre A dont ils font partie touchent 20 % de salaire en moins parce qu'ils ont un petit coup de pouce sur la retraite. D'où l'idée que de dire : « puisque c'est injuste pour eux, l'application sans correction du régime universel, mettons en place un système de revalorisation salariale qui permette justement de pouvoir revisiter le contrat de la nation avec les enseignants… »
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que pour faire avaler la retraite aux enseignants, vous allez les revaloriser. C'est bien cela ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Attendez, monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou augmenter les salaires. Parce que si on calcule, aujourd'hui un enseignant… Je reviens sur les enseignants : ils partent avec 75 % du dernier traitement.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les primes sont mineures pour les enseignants.
JEAN-PAUL DELEVOYE
9 %.
JEAN-JACQUES BOURDIN
9 %.
JEAN-PAUL DELEVOYE
En moyenne, en moyenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Beaucoup moins donc que pour les autres fonctionnaires.
JEAN-PAUL DELEVOYE
22 %.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors ils vont se retrouver avec votre système à la retraite avec 1,27 fois le SMIC, avec un salaire de débutant. C'est vrai ou c'est faux ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Sans correction, monsieur BOURDIN. Sans correction. Dès le départ, le président de la République l'a affirmé, le Premier ministre l'a affirmé : l'application brutale d'un régime universel aurait des conséquences négatives pour le monde des enseignants puisqu'ils ont 9 % de prime par rapport à 22 %. Et donc nous devons faire en sorte de pouvoir accompagner et revisiter le contrat de la nation avec le monde des enseignants en disant : « Nous avons besoin de vous revaloriser, parce que le système actuel est injuste. » Et tout le système est basé non pas pour un calcul électoral, je n'en suis pas là, monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas vous mais le président de la République oui.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Attendez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'il pense à 2022. C'est une réforme essentielle.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Attendez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pensez à celles et ceux qui partiront un jour à la retraite et qui vont cotiser.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Je peux vous dire que vous le connaissez mal. Parce que lorsqu'il m'a demandé de bien vouloir m'occuper de ce projet, c'était deux choses. 1/ Remettre en place une protection sociale du XXIème siècle à l'identique de ce que le Conseil national de la Résistance voulait faire au moment de 45. La deuxième chose, penser aux futures générations. Vous savez, Winston CHURCHILL disait : « La différence entre un homme politique et un politicien, l'un pense aux élections, l'autre pense aux prochaines générations. » Tout le combat du président est en train de mettre en place des politiques pour armer la France pour le futur, pour les prochaines générations. Et ce projet de régime universel, c'est aujourd'hui un projet qui consiste à renforcer la cohésion générationnelle, réembarquer la confiance des jeunes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors est-ce que vous dites ce matin… On a compris mais Jean-Paul DELEVOYE, est-ce que vous dites ce matin que tous ceux qui vont manifester le 5 décembre contre cette réforme des retraites sont des corporatistes qui défendent un système obsolète, d'un autre temps ? C'est du corporatisme ou pas ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Vous savez, j'ai dit à monsieur MARTINEZ…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, qu'est-ce que vous lui avez dit à monsieur MARTINEZ ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Je lui ai dit : c'est très curieux que j'entends le syndicaliste que vous êtes qui, à l'époque, était dans le Conseil national de résistance, aux côtés des Gaullistes, pour bâtir ce que l'on appelait la maison commune, les règles communes, l'universalité. Les Ordonnances de 45 qui ont mis en place les régimes spéciaux l'ont été à titre temporaire. Comment expliquer aujourd'hui que les syndicats, j'ai dit à monsieur MARTINEZ : j'ai l'impression qu'en vous entendant, le collectiviste, c'est moi, et le corporatiste, c'est vous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sont des corporatistes qui défendent de vieux systèmes obsolètes ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
L'équation qui est posée vis-à-vis des Françaises et des Français, voulez-vous continuer aujourd'hui à payer par vos impôts l'équilibre de systèmes qui sont inégaux par rapport à la majorité des Françaises et des Français, ou, au contraire, voulez-vous servir la cause de l'équité, accompagner notre projet, notre projet, c'est quoi, c'est de faire en sorte que celles et ceux qui sont avantagés par le système actuel fassent de la redistribution vis-à-vis des 40 % des retraités les plus faibles, c'est-à-dire ceux qui gagnent moins de 1.500 euros, qui permet de pouvoir redonner dès le premier enfant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, est-ce que vous vous engagez…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Dès le premier enfant, Monsieur BOURDIN, dès le premier enfant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce qu'il y aura un bonus…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Dès le premier enfant, une majoration qui n'existe pas aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une majoration…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Ça fait passer les femmes de trois millions à huit millions qui toucheront une majoration. Voulez-vous nous accompagner dans cette redistributivité et dans…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous dites aux syndicats…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Mais bien sûr !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui disent non pour l'instant, enfin, la plupart, pas tous, mais la plupart disent non…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Bien sûr, oui, parce que, on peut comprendre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous savez pourquoi ils disent non aussi, parce qu'ils ont peur, ils se mettent à la place de leurs salariés, de leurs syndiqués, des salariés, ils ont peur que ces futurs retraités touchent moins, parce que comment ça va être fixé la valeur du point, qui va fixer la valeur du point ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Merci, j'entends les discours selon lesquels les pensions vont baisser, c'est très curieux d'ailleurs, parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, elles vont baisser ou pas ? Vous vous engagez, vous dites ce matin : non, elles ne baisseront pas ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Elles ne peuvent pas baisser, puisque nous les garantissons sur l'évolution des prix, c'est indiqué dans mon rapport. Deuxième élément, nous améliorons la situation par rapport à la réforme de 93 de monsieur BALLADUR, puisque nous proposons à ce que les points acquis, les points acquis soient basés sur les salaires, ce qui garantit la revalorisation des droits, et donc tout le système que nous proposons, et dans mon rapport, j'ai indiqué que nous améliorons le système actuel, parce que c'est très curieux, on parle beaucoup du système que nous proposons, on a totalement oublié le système dans lequel nous vivons, et quand on fait des projections, nous améliorons le système actuel, nous corrigeons l'indice précarité en élevant de 10 à 20 % la pension moyenne des femmes, nous réduisons l'écart de pension des hommes et des femmes qui aujourd'hui est de 40 %, nous le réduisons de près de la moitié. Donc tous ces objectifs qui garantissent la reconnaissance du travail, vous avez un travail, un revenu, vous avez des points, nous corrigeons le fait que quand vous avez 10h par semaine de Smic, aujourd'hui, vous n'avez pas de droit à la retraite, dès que vous aurez un salaire, vous aurez des points, les points garantiront l'augmentation de votre pension…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pas moins de 1.000 euros de retraite, on est bien d'accord ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Et le président de la République a souhaité que nous portions le minimum contributif, le minimum de retraite à 1.000 euros.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Et les conditions de travail difficiles, comment seront-elles prises en compte, ces conditions de travail ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Ce qui est intéressant, c'est qu'à partir du moment où nous mettons des règles universelles, les mêmes règles doivent s'appliquer dans le privé et dans le public, savez-vous que quand vous avez des enfants dans le public, vous avez moins de trimestres et de droits que dans le privé, saviez-vous que quand vous êtes invalide dans le public, on vous met immédiatement en retraite anticipée, nous allons proposer, comme dans le privé, que si vous êtes invalide, on vous donne une pension d'invalidité, on vous amène jusqu'à la retraite, savez-vous qu'aujourd'hui, si vous démarrez votre retraite dans le public, vous la finissez dans le privé ou vous faites l'inverse. A revenus identiques, vous n'avez pas la même retraite. Et donc l'on voit bien qu'aujourd'hui, notre projet est un projet éminemment social, redistributif, qui corrige les inégalités…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Redistributif, on est bien d'accord…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Et qui fait que c'est la reconnaissance du travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais, redistributif, Jean-Paul DELEVOYE, certaines corporations ne sont pas d'accord, je pense aux avocats, je pense à d'autres corporations, professions libérales, qui ont des caisses de retraite autonomes qui fonctionnent très bien, qui ont beaucoup d'argent en caisse, beaucoup d'argent, plusieurs milliards parfois, est-ce que l'Etat va mettre la main sur cet argent d'ailleurs ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Les réserves seront garanties sous le regard et gérées sous le regard de celles et ceux qui les ont constituées. Ce qui est intéressant dans ce que vous dites, c'est que si vous raisonnez à court terme, il peut y avoir des stratégies de protection d'intérêts catégoriels de court terme, mais les agriculteurs avaient les mêmes démarches en 45, mais aujourd'hui, le bouleversement démographique a fait qu'ils sont financés à 85 % par l'impôt sur leur retraite. Monsieur BOURDIN, pouvez-vous me garantir dans les 15 ans qui viennent que votre profession ne va pas changer, que votre métier dans sa pratique ne va pas changer, que vous n'aurez pas les mêmes évolutions dans les professions de la santé, du droit et du chiffre ? Qui garantit aujourd'hui pour nos enfants et nos petits-enfants que la solidité de leur retraite, la pérennité de leur retraite sera basée sur la fragilité de l'avenir de leur profession, c'est à cela que nous répondons en offrant la solidité de la nation, la solidarité totale de chacun des citoyens à l'avenir de vos retraites. Et donc c'est une garantie majeure, et c'est aussi un acte de responsabilisation citoyenne. Les jeunes actifs doivent se sentir solidaires des retraités, et les retraités doivent se sentir solidaires des jeunes actifs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Jean-Paul DELEVOYE, dernière question, toute simple, toute simple, est-ce que les policiers pourront continuer à partir à la retraite au même âge oui, non ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Nous avons pris comme spécificité le fait que toutes les professions qui garantissent la protection des citoyens, est-ce que vous imaginez un militaire à 64 ans sauter à Bamako…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou un policier à 62 ans…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Et donc, la réponse, nous avons garanti pour ces professions, et nous le revendiquons politiquement, le fait qu'ils pourront garder…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Leur régime spécial…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Leur départ anticipé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Leur régime spécial…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Leur contrat anticipé de la nation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Leur contrat…
JEAN-PAUL DELEVOYE
Mais parce que nous estimons que cela, c'est la garantie pour les citoyens d'être protégés, d'être sécurisés et d'être garantis dans leur quotidien. Et en même temps, nous apportons, pour l'ensemble des Françaises et des Français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas pour les salariés de la RATP, non ?
JEAN-PAUL DELEVOYE
Nous leur offrons le cumul emploi-retraite, où, aujourd'hui, quand vous liquidez votre retraite, vous pouvez travailler sans acquisition de droits. Nous allons demain offrir le cumul emploi-retraite avec acquisition de droits. Et nous allons surtout proposer – 20 % des femmes sont obligées d'aller jusqu'à 67 ans pour annuler leur diminution de retraite – nous proposons de ramener ça à 64 ans, nous avons aujourd'hui sur le minimum de retraite, qui monte à 1.000 euros, 70 % des bénéficiaires sont des femmes. Et donc l'on voit bien qu'en même temps, c'est une interpellation, vous parliez de la place du travail, ça, c'est le vrai sujet, quelle est la place du travail dans la société française, pourquoi n'y a-t-il pas d'épanouissement au travail que la retraite sera le reflet, si le monde économique ne corrige pas l'écart des salaires entre les hommes et les femmes, les retraites des hommes et des femmes seront toujours différentes, et donc évidemment, c'est la raison pour laquelle le Premier ministre a souhaité mettre en place une mission pour l'apprentissage, pour que les jeunes soient le plus tôt possible confrontés à un salaire porteur de droits, ainsi que le travail des seniors. Et on voit bien que la retraite, le projet universel de retraite, c'est un projet de justice mais que ceci impacte totalement la place du travail, l'épanouissement au travail, le bien-être au travail. Et donc des réflexions sur la pénibilité, la pénibilité se concevant aussi sur l'épanouissement au travail, et le bonheur d'être au travail, et c'est cela qui est intéressant dans le projet de société que nous portons par rapport à un 21ème siècle qui s'annonce bouleversant, qui va remettre en cause des tas de certitudes, des tas de théories économiques, des tas d'évolutions du monde salarial, notre système est un monde adaptable pour éviter l'hystérisation des rendez-vous politiques. Et le fait que vous n'avez jamais entendu, contrairement à toutes les réformes précédentes : si on ne l'a fait pas, c'est foutu, ce climat anxiogène n'est pas au coeur de notre préoccupation, notre projet est un projet d'espérance, un projet d'équité, un projet de justice, et surtout, un projet de transparence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Jean-Paul DELEVOYE. Notre invité ce matin sur RMC et BFMTV.
JEAN-PAUL DELEVOYE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 novembre 2019