Texte intégral
HEDWIGE CHEVRILLON
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
HEDWIGE CHEVRILLON
Merci d'être avec nous. Evidemment, il y a ce mur du 5 décembre, vous voyez, c'est une expression qu'on comprend tous les uns et les autres, on va revenir là-dessus parce qu'en plus, c'est vrai que c'est les transports publics qui vont être en première ligne. Mais d'abord, bien sûr, sur les intempéries qui sont intervenues dans le sud-est, quatre morts au dernier bilan qui a été établi hier. Est-ce que vous avez une idée de l'état des routes, des lignes ferroviaires, dans quel état… une fois que l'eau sera retirée, qu'est-ce qu'on va retrouver ?
ELISABETH BORNE
Alors, moi, je voudrais tout d'abord exprimer toute ma solidarité aux familles et aux proches des victimes et à tous les sinistrés. C'est vrai qu'on a eu un épisode très violent ce week-end, vous avez vu qu'on est passé en vigilance rouge dans deux départements. Et donc, il y a effectivement des travaux importants pour remettre en état les routes, pour faire les branchements électriques, pour remettre aussi en état la voie ferrée, même si la circulation des trains a pu reprendre hier, je pense qu'il faut aussi être conscient que des épisodes de ce type-là, on en aura de plus en plus fréquemment, ils seront de plus en plus intenses. Et donc ça doit nous conduire à être encore plus performants sur la prévention de ces inondations. Moi, j'ai entendu des maires hier qui veulent aller plus vite dans les travaux, des plans d'action pour la prévention des inondations, et, moi, j'attends dans les prochains jours un rapport de l'inspection de mon ministère pour accélérer ces travaux, et puis, il faut aussi être plus performant dans le retour à la normale. Et là encore, j'ai demandé un retour d'expérience, parce que vous avez vu que dans la Drôme, les ménages ont été coupés pendant plusieurs jours, ils n'ont pas eu d'électricité. Donc il faut qu'on soit plus performant. Et je pense que ces enjeux d'adaptation au changement climatique, pour moi, c'est une priorité pour l'année 2020. Et je souhaite qu'on puisse avoir un point en Conseil de défense écologique sur la façon dont on se prépare mieux aux canicules l'été, puis, aux inondations comme on peut le voir, ces derniers jours.
HEDWIGE CHEVRILLON
Est-ce que les leçons ont été tirées parce que ce n'est pas la première fois que ça arrive, c'est arrivé, il y a quatre ans, et de manière aussi dramatique, est-ce que les leçons ont été suffisamment bien tirées, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Alors, on a des plans de prévention des risques inondations, des plans d'action pour la prévention des inondations…
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, c'est vrai qu'il y a beaucoup de plans en France, c'est l'action qui manque…
ELISABETH BORNE
Mais il faut passer à l'action plus vite. Et donc c‘est vraiment ce que j'attends du rapport qui me sera remis prochainement, qu'on pourra discuter avec les maires, voir comment on peut aller plus vite dans la prévention des inondations.
HEDWIGE CHEVRILLON
Et vous avez une idée, au-delà du bilan humain assez lourd, du bilan économique, combien il faudra pour remettre en état ?
ELISABETH BORNE
Je pense que c'est trop tôt, les assurances vont aussi se rendre sur place. Bon, on l'a vu, il y a des champs inondés, des routes coupées, donc certainement, le bilan est lourd, mais, moi je ne vais pas donner de chiffres ce matin.
HEDWIGE CHEVRILLON
5 décembre, les transports publics sont en première ligne, la RATP, la SNCF, RATP, que vous connaissez bien, on va y revenir du reste. Le Premier ministre reçoit aujourd'hui les syndicats, c'est un peu l'ultime chance pour essayer de renouer un dialogue, ce n'est pas trop tard ? La machine est lancée ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, la concertation se poursuit, et donc comme vous l'avez dit, le Premier ministre va recevoir aujourd'hui et demain les partenaires sociaux, alors, on a un mouvement qui est annoncé le 5 décembre, c'est un petit peu curieux, parce que vous voyez, les concertations ne sont pas encore terminées, on n'a pas encore de texte de loi sur la table. Donc est-ce que c'est bien raisonnable de se lancer immédiatement dans un préavis limité ou reconductible ?
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, mais c'est vous qui avez – quand je dis « vous », c'est le gouvernement – qui avez créé ce climat un peu anxiogène où on voit déjà des ministres faire le débat sur nos plateaux, tant mieux, si j'ose dire, mais en même temps, est-ce que c'est vraiment la place sur les retraites. Est-ce que ce n'est pas trop tard pour désamorcer, encore une fois ; la RATP, que vous connaissez bien, que vous avez présidée pendant deux ans, est-ce qu'il n'y avait pas un moyen d'empêcher que toute la RATP défile le 5 décembre ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi, je le redis aux agents de la RATP et de la SNCF : attention à l'image qu'ils peuvent donner, on pourrait avoir l'impression qu'ils font un peu de corporatisme…
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, mais ils sont dans le…
ELISABETH BORNE
Puisqu'on s'accroche…
HEDWIGE CHEVRILLON
Depuis des mois, des semaines…
ELISABETH BORNE
C'est le propre de la concertation, voyez, on pourrait aussi terminer la concertation et faire les annonces avant la concertation, ce n'est pas comme ça qu'on fait, enfin, le Premier ministre reçoit à nouveau tout le monde aujourd'hui et demain, et donc, voilà, on a bien en tête qu'on a à la fois un objectif qui est d'avoir un système universel, plus juste, dans lequel quand on cotise un euro, on a les mêmes droits, quelle que soit l'entreprise, quel que soit le régime qui doit donc devenir un régime unique, et on a bien en tête qu'il y a des transitions à gérer, mais tout ça fait l'objet d'une concertation, donc attendons que cette concertation aille au bout.
HEDWIGE CHEVRILLON
Est-ce que la RATP, quand même, ce n'est pas l'endroit… d'abord, pourquoi, puisque vous avez présidé la RATP, pourquoi est-ce que vous n'avez pas justement essayé de modifier, parce que la retraite fait partie de… c'est un élément de rémunération à la RATP, pourquoi est-ce que vous n'avez pas négocié avant ?
ELISABETH BORNE
Il y a eu beaucoup de discussions avec mon secrétaire d'Etat, Jean-Baptiste DJEBBARI, simplement, on n'a pas encore mis des conclusions sur la table, puisque la concertation se poursuit. Je le redis, le sens de la réforme, qui est très important, c'est un système plus juste, dans lequel on sort de ces régimes spéciaux qui ont eu leur légitimité à une époque, aujourd'hui, le monde a changé, les gens ne passent plus toute leur vie professionnelle dans une entreprise, les conditions de travail…
HEDWIGE CHEVRILLON
Combien ça coûte, combien ça va coûter de mettre justement aux normes, entre guillemets, le régime des retraites de la RATP ?
ELISABETH BORNE
Eh bien, c'est des économies, vous savez qu'aujourd'hui, c'est le contribuable qui assure l'équilibre…
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, ce sont des économies, mais en même temps, il faudra bien une compensation pour les salariés de la RATP…
ELISABETH BORNE
Mais tout ça doit faire l'objet de discussions sur combien de temps on fait une transition, qu'est-ce qu'il y a comme dispositions au sein de l'entreprise pour que les salariés ne perdent pas dans la retraite au moment de leur départ en retraite. Tout ça fait l'objet de discussions, et moi, je le redis…
HEDWIGE CHEVRILLON
Donc ils ne perdront rien, ils ne perdront rien…
ELISABETH BORNE
Je pense que ça, c'est des choses qui se gèrent sur des années et qui doivent faire l'objet à la fois donc d'une transition, et en même temps, d'un travail au sein de l'entreprise sur des régimes complémentaires, sur ce qui peut se mettre en place dans n'importe quelle entreprise pour assurer une bonne retraite aux salariés.
HEDWIGE CHEVRILLON
Cette phase de transition, c'est un peu tout l'enjeu du débat… savoir s'il faut une clause du grand-père, du petit-fils, du neveu, de ce que vous voulez, en tous les cas, on n'y comprend plus rien, hier, Gérald DARMANIN, le ministre du Budget, était notre invité à "BFM Politique", il a il a enterré la clause du grand-père en disant : non, ça ne peut pas marcher, il faut choisir une date, dire que dans 15 ans, la réforme des retraites entre en vigueur, d'abord, 1°) : quelle est votre position, parce que j'imagine que vous avez une position, non, mais surtout, vu d'où vous êtes, c'est-à-dire avec en ligne de mire, justement, la RATP, la SNCF, les régimes spéciaux sont en grande partie sous votre responsabilité…
ELISABETH BORNE
Enfin, je pense que le débat important, c'est celui que le président et le Premier ministre ont voulu avec les Français, on ne va pas faire des débats au sein du gouvernement. On a voulu dans le rapport de Jean-Paul DELEVOYE mettre toutes les hypothèses sur la table, une mise en oeuvre très rapide ou, au contraire, n'appliquer ce nouveau système qu'aux nouveaux entrants, c'est ça la clause du grand-père. On voit bien que si on veut mettre en place un système dont on pense qu'il est plus juste, retarder et n'appliquer qu'aux nouveaux entrants ne paraît pas très logique, en même temps, c'est ce que certains demandent, d'autres sont contre, allons au bout de la concertation, pour l'instant, toutes les hypothèses sont sur la table.
HEDWIGE CHEVRILLON
Cette phase de transition pour qu'elle se passe raisonnablement, Elisabeth BORNE, pour vous, c'est quoi, c'est 15 ans, c'est 20 ans, c'est 10 ans, pour vous ?
ELISABETH BORNE
Ce n'est pas moi qui vais faire ce débat…
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, mais vous avez une opinion…
ELISABETH BORNE
Ce n'est pas moi qui vais faire ce débat. Je dis qu'il faut qu'on soit attentif effectivement au fait que les salariés qui sont rentrés à la RATP et à la SNCF ont un contrat social et qu'ils attendent effectivement que ce contrat soit respecté, en même temps, on ne peut pas non plus différer indéfiniment la mise en oeuvre de la réforme, c'est ce qui fait l'objet des concertations qui doivent se poursuivre.
HEDWIGE CHEVRILLON
Que pensez-vous de l'idée avancée hier dans le Journal du Dimanche par Bruno RETAILLEAU, donc qui est le président du groupe LR au Sénat, qui demande une proposition de loi pour créer un service minimum garanti dans les transports, est-ce que ça vous paraît une bonne idée, surtout pour ceux qui vont souffrir et pâtir du 5 décembre ?
ELISABETH BORNE
Ça ne me paraît pas très sérieux d'annoncer à 15 jours du 5 décembre qu'on va se lancer dans des propositions de loi, je pense que c'est vraiment de la communication, que ça crée des crispations…
HEDWIGE CHEVRILLON
Au-delà de ça…
ELISABETH BORNE
Evidemment, le gouvernement a en tête la situation des usagers, les opérateurs RATP, SNCF se préparent pour limiter la gêne, vous avez vu que, aussi, Muriel PENICAUD a appelé les employeurs à penser au télétravail. Donc on va évidemment se mobiliser pour limiter la gêne pour les usagers, mais on ne sort pas de son chapeau à 15 jours du mouvement une proposition de loi…
HEDWIGE CHEVRILLON
Et sur le fond ?
ELISABETH BORNE
Non, mais je vous dis, on ne change pas la loi, il y a une loi qui a été votée sous Nicolas SARKOZY, que monsieur RETAILLEAU doit connaître, qui vise justement à ce que les salariés se déclarent avant de faire grève pour limiter l'impact sur les usagers…
HEDWIGE CHEVRILLON
Justement, ça sera une grève massive, en tous les cas, c'est ce qu'a dit Philippe MARTINEZ de la CGT, est-ce que vous avez déjà les chiffres sur la mobilisation du 5 décembre au sein de la RATP et de la SNCF ?
ELISABETH BORNE
Non, non, on n'a pas encore les chiffres, les déclarations, c'est 48 heures à l'avance…
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, ça, je sais, mais…
ELISABETH BORNE
Donc voilà, chacun peut montrer ses muscles…
HEDWIGE CHEVRILLON
Ça sera massif ?
ELISABETH BORNE
Je pense que… enfin, manifestement, monsieur MARTINEZ et, de fait, la CGT, ne vient pas aux réunions de concertation notamment que tient mon secrétaire d'Etat, Jean-Baptiste DJEBBARI, ce qui est quand même assez curieux, donc, voilà, je pense que, soit, on veut s'occuper du fond du sujet, d'avoir une réforme juste, de prendre en compte la situation des agents de la RATP et de la SNCF, soit, on est dans la démonstration de force, c'est ce que fait manifestement ce monsieur MARTINEZ, ce n'est pas comme ça qu'on fait avancer les sujets.
HEDWIGE CHEVRILLON
Vers la fin du nucléaire en France, c'est ce que vous voulez, Elisabeth BORNE, vous avez fait des déclarations, du reste, qui n'ont pas été très bien comprises par certains collègues de votre gouvernement ; vous avez dit, à propos d'EDF, eh bien, il faut qu'EDF réfléchisse avant de penser à construire des EPR, à un scénario 100% énergies renouvelables, est-ce que c'est crédible, est-ce que vous êtes pour la fin du nucléaire en France ?
ELISABETH BORNE
Alors, le cadre, il est très clair, c'est celui de la programmation pluriannuelle de l'énergie qui prévoit de ramener la part du nucléaire à 50% en 2035, du coup, de développer les énergies renouvelables, 40% de notre électricité en 2030, ça veut dire qu'on est vraiment très mobilisé pour développer ces énergies renouvelables, moi, j'irai tout à l'heure inaugurer un champ photovoltaïque, le plus grand en Normandie, donc on développe les énergies renouvelables, ça, c'est en 2030, 2035, il faut réfléchir au-delà. Et au-delà, ce n'est pas une lubie qui me serait venue comme ça de parler d'un scénario 100% renouvelable, là encore, il est mentionné dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, je pense que c'est important qu'on regarde tous les scénarios avec des nouveaux réacteurs nucléaires, et puis, un scénario 100% renouvelable…
HEDWIGE CHEVRILLON
Mais pour la construction d'EPR, en un mot, il nous reste une minute, construction d'EPR, vous êtes pour ?
ELISABETH BORNE
Je vous dis qu'on ne va pas le décider aujourd'hui, on met tout, tous les éléments sur la table mi 2021 pour une décision qui n'interviendra en tout état de cause qu'après le démarrage de Flamanville.
HEDWIGE CHEVRILLON
Je voulais parler de la loi Mobilités, parce que c'est important, c'est votre loi, c'est une espèce de grand machin, mais qui est très important, qui bouscule la concurrence, mais comme il nous reste peu de temps, Elisabeth BORNE, je vais peut-être poser une question sur le Black Friday, parce que vous êtes vent debout contre le Black Friday, pourquoi, cette grande fête de la consommation qui a lieu vendredi ?
ELISABETH BORNE
Eh bien, écoutez, c'est un peu une frénésie de consommation où à coups de remises, de publicités, on vous incite à acheter des produits dont vous n'avez pas nécessairement besoin, je voudrais qu'on ait en tête un chiffre, l'an dernier, au lendemain du Black Friday, c'était un million de colis livrés dans Paris, donc on ne peut pas, à la fois, vouloir baisser les émissions de gaz à effet de serre, et appeler, comme ça, à une frénésie de consommation. Moi, je pense qu'on doit surtout consommer mieux, pas forcément consommer plus, c'est vraiment le sens de la loi anti gaspillage qu'on porte avec Brune POIRSON et de la campagne qu'on lancera demain, "longue vie à nos objets" ; on peut avoir des objets qu'on garde plus longtemps, si, par exemple, tous les téléviseurs duraient non pas 8 ans, mais 9 ans, on économiserait les émissions de gaz à effet de serre de la ville de Lyon pendant un an.
HEDWIGE CHEVRILLON
Voilà une bonne idée. Merci beaucoup d'avoir été avec nous, Elisabeth BORNE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2019