Texte intégral
SONIA MABROUK
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
SONIA MABROUK
Europe 1 a dévoilé ce matin un rapport de l'ONG Oxfam sur les investissements pas du tout écologiques de certaines grandes banques françaises, en cause leurs investissements, source importante de pollution. Vous partagez ce constat ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, j'avais vu Oxfam en début de semaine, qui m'avait annoncé ce rapport, que je n'ai pas encore lu. C'est clair que les banques ont une très grande responsabilité dans les investissements qu'elles font. L'ONU nous l'a encore dit en début de semaine, on n'est pas sur la bonne trajectoire pour contenir le réchauffement climatique, en dessous des 2°. Donc il faut évidemment beaucoup d'investissements, publics, mais aussi privés, et donc il faut évidemment que les banques prennent des engagements pour orienter leurs investissements vers des investissements favorables à la transition énergétique et à la transition écologique.
SONIA MABROUK
Le PDG de la SOCIETE GENERALE, Frédéric OUDEA, au micro de Matthieu BELLIARD, affirme que c'est faux, que les banques françaises sont les premières à accompagner la transition énergétique. Vous en doutez alors.
ELISABETH BORNE
Alors, en tout cas, ce qui est clair c'est que la France est le premier pays à avoir imposé une transparence, sur à quoi est utilisé l'argent de votre épargne. Et quand vous avez, vous voulez placer de l'épargne, le banquier est obligé de vous proposer des produits qui justement, par exemple financent des énergies renouvelables. Ensuite, comment les banques aujourd'hui, enfin se sont réorientées vers ces investissements, je vais regarder le rapport, vous savez qu'il y a une réunion avec Bruno LE MAIRE le 20...
SONIA MABROUK
Oui mais pardonnez-moi, sur ce qu'a dit monsieur OUDEA, les banques françaises sont les premières à accompagner la transition énergétique. Est-ce qu'il a raison, est-ce qu'il a tort ?
ELISABETH BORNE
Je pense que les banques françaises réorientent leurs investissements. Ensuite, est-ce qu'elles le font au bon rythme ? On va regarder ce qu'il y a dans le rapport et puis il y a une réunion demain...
SONIA MABROUK
Vous en doutez, sur le rythme.
ELISABETH BORNE
Enfin, il faut vérifier, et il y a une réunion demain avec Bruno LE MAIRE, justement sur la finance climat, donc je suis sûre que les banques auront à cœur de prendre des nouveaux engagements.
SONIA MABROUK
Il y a aussi la méthodologie de cette ONG, Oxfam, certains dénoncent une ONG antimondialiste, anticapitaliste, muée par des visées politiques et idéologiques, dont les cibles sont les grandes banques et les grands Etats.
ELISABETH BORNE
Enfin, je pense qu'Oxfam a effectivement des convictions, qu'il faut faire cette transition énergétique.
SONIA MABROUK
Toujours vis-à-vis des mêmes peut-être.
ELISABETH BORNE
Enfin, ils pointent les responsabilités. En tout cas je pense que c'est très bien qu'on ait des rapports qui font parler et que ce soit l'occasion pour les banques de nous répondre sur la façon dont elles vont accompagner encore mieux demain la transition énergétique.
SONIA MABROUK
Ce rapport qui fait parler, comme vous dites, Elisabeth BORNE, dénonce aussi votre incapacité, en tous les cas celle de l'Etat à réguler ces investissements de ces banques Est-ce qu'il faut recourir à la régulation, à la coercition de la part de l'Etat pour encadrer le financement de projets à forte empreinte carbone ?
ELISABETH BORNE
Moi je le redis, la France est le premier pays à avoir imposé une transparence sur le bilan climat des investissements.
SONIA MABROUK
Ça c'est une intention, c'est incantatoire.
ELISABETH BORNE
Non, mais écoutez, ça a aussi un effet, vous savez que CREDIT AGRICOLE sort du charbon, qu'AXA a pris des engagements. Donc maintenant c'est aussi l'opinion publique qui a toutes les cartes en main, et je pense que les banques seront sensibles aussi à la façon dont l'opinion publique peut juger leur action.
SONIA MABROUK
Si je vous pose la question, c'est parce que vous faites preuve ailleurs d'interventionnisme. Vos propos dénonçant le Black Friday, cette vaste journée de promotions, ont suscité une vague d'indignation, de réactions des commerçants. Une ministre ne devrait pas dire ça.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi j'assume totalement d'avoir ouvert ce débat. Je vois ces réactions et ça montre qu'il y a un sujet. Alors, certains voudraient faire croire qu'en critiquant le Black Friday on voudrait empêcher les Français de consommer, ou on s'en prendrait aux petits commerçants...
SONIA MABROUK
Un peu, vous nous dites, Elisabeth BORNE, comment on doit consommer, presque comment s'habiller, comment on doit manger.
ELISABETH BORNE
Non mais pas du tout, en fait moi je suis évidemment consciente que c'est important pour beaucoup de Français d'avoir des promotions, et si des petits commerçants profitent du Black Friday eh bien j'en suis ravie, mais la vérité c'est que c'est d'abord une énorme opération commerciale des grandes plateformes en ligne. Vous savez, l'an dernier, au lendemain du Black Friday on a multiplié par 10 le nombre de colis qui a été livré en France.
SONIA MABROUK
Mais à qui pensez-vous d'abord ? Est-ce que vous ne pensez pas d'abord à nos commerçants qui ont été fortement impactés par la crise des Gilets jaunes, par des semaines et des semaines, eh bien, de manque à gagner ?
ELISABETH BORNE
Mais évidemment que si les petits commerçants profitent de ce Black Friday, j'en suis ravie. Je dis que les grands gagnants de cette opération, de cette énorme opération commerciale, c'est des grandes plateformes en ligne, donc je ne pense pas que ce soit les amis des petits commerçants, et qui par ailleurs donc vont livrer au lendemain du Black Friday, des millions de colis partout en France, avec tout ce que ça pose comme problèmes d'embouteillages, de pollution et d'émissions de gaz à effet de serre, donc c'est ça le Black Friday.
SONIA MABROUK
Elisabeth BORNE, est-ce que vous vous parlez ? Est-ce que vous vous parlez avec vos collègues du gouvernement ?
ELISABETH BORNE
On se parle beaucoup, on se parle, oui oui.
SONIA MABROUK
Est-ce que vous vous parlez avec Bruno LE MAIRE ?
ELISABETH BORNE
Non non, mais Bruno LE MAIRE soutient la consommation...
SONIA MABROUK
Il a affirmé hier, oui, oui, il s'est dit ravi que les Français consomment et donc on entend bien son message, il n'est pas d'accord avec vous.
ELISABETH BORNE
Moi, je suis ravie que les Français consomment et qu'on soutienne le petit commerce. Je dis : le Black Friday, ce n'est pas ça, c'est une énorme opération commerciale des grandes plateformes de commerce en ligne, qui transportent des millions de colis, qui multiplient par 10 nombre de colis livrés, au lendemain du Black Friday, et ça, ça ne me semble pas compatible avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
SONIA MABROUK
Et la prochaine fois, vous nous direz : attention, la Saint-Valentin, attention la fête des mères, jusqu'où ça peut aller ?
ELISABETH BORNE
Non, mais je pense que maintenant on a l'impression que le Black Friday ça fait partie de notre histoire. Il ne faut quand même pas, enfin voilà, il ne faut pas tout mélanger. Evidemment les Français, je le redis, ils peuvent profiter des promotions, en particulier dans leurs commerçants de proximité, quand il y en a, il faut soutenir ce petit commerce de proximité, mais je pense que l'objectif ce n'est pas de toujours plus consommer, c'est aussi de consommer...
SONIA MABROUK
Et l'objectif ce n'est pas au gouvernement de nous dire quoi faire.
ELISABETH BORNE
Non mais c'est notre rôle aussi d'éclairer les Français sur le fait qu'on n'est pas obligé...
SONIA MABROUK
D'aller vers une société où c'est l'Etat ?
ELISABETH BORNE
Non, de donner des informations...
SONIA MABROUK
C'est étonnant.
ELISABETH BORNE
... sur la façon dont on peut aussi changer ses modes de consommation, pas toujours plus, mais mieux, enfin pas uniquement j'achète, je consomme, je jette, mais aussi, je consomme, je répare, je réutilise, c'est le sens de la campagne qu'on a lancée en début de semaine, longue vie à nos objets. C'est le sens aussi de ce que l'on met dans la loi...
SONIA MABROUK
Et longue vie peut-être à nos commerçants, comme ça vous faites un « en même temps », hein, Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Mais bien sûr, de proximité, de proximité.
SONIA MABROUK
On consomme, on essaie aussi de se déplacer, mais ça va être compliqué le 5 décembre et les prochains jours. Qu'est-ce que vous avez prévu comme plan face à cela, pour nous éviter de grandes perturbations ?
ELISABETH BORNE
Alors, la RATP et la SNCF sont bien sûr sur le pont pour réduire la gêne pour les usagers. Je précise aussi que le dialogue se poursuit avec les organisations syndicales, et moi je souhaite aussi qu'il se poursuive. Ce mouvement de grève, il est un peu bizarre, alors même qu'on n'a pas encore fini les concertations, il y a une place pour du dialogue, le Premier ministre...
SONIA MABROUK
Et c'est peut-être pour cela, Elisabeth BORNE, parce que vous entretenez, c'est ce que disent beaucoup de syndicats et au-delà, la grande confusion autour d'une réforme, et que vous alimentez un climat anxiogène aujourd'hui en France.
ELISABETH BORNE
Le Premier ministre a dit très clairement qu'on est déterminé à mettre en place un système de retraite universel, plus juste, mais qu'on est ouvert sur les modalités, et notamment dans le rythme de...
SONIA MABROUK
En même temps, droit dans ses bottes mais souple dans ses bottes, il faut le comprendre.
ELISABETH BORNE
On est ouvert sur les modalités, notamment sur le rythme de mise en œuvre. Il faut des périodes de transition et il y a une place pour discuter de ces périodes de transition, de leur durée, avec les organisations syndicales.
SONIA MABROUK
Précisément, je reviens sur les blocages. Vous ne m'avez pas répondu pour le 5 décembre, ceux qui nous écoutent et qui prévoient des déplacements en travail et puis au-delà, est-ce que le gouvernement, au-delà de ce que fait la SNCF, est-ce que vous avez prévu des solutions alternatives et un plan d'urgence ?
ELISABETH BORNE
Alors, ce sont d'abord les opérateurs qui pourront mettre en place le meilleur service quand on aura connaissance des grévistes, c'est 48 heures à l'avance. Ensuite, le gouvernement encourage le télétravail, encourage les employeurs à proposer du télétravail. Moi j'encourage aussi chacun, quand il le peut, à faire du covoiturage, je pense que le covoiturage c'est une très bonne solution, que moi je souhaite qu'on développe, et c'est le sens du plan qu'on présentera tout à l'heure avec Jean-Baptiste DJEBBARI, c'est aussi une solution pour se déplacer les jours de grève, et puis de façon générale toute l'année, parce que ça permet à la fois d'avoir d'autres solutions que la voiture individuelle quand on est dans des zones où il y a pas de transports en commun, et qu'en même temps, quand on est dans des grandes villes où il y a beaucoup d'embouteillages, c'est aussi une bonne solution. Donc c'est bon pour la planète et pour le porte-monnaie.
SONIA MABROUK
Elisabeth BORNE, qu'est ce qui s'est passé hier peu avant 22h00 ? Une coupure d'électricité a plongé dans le noir près de 200 000 foyers en région parisienne, incident technique à la centrale électrique de Cergy-Pontoise. Quel est le degré de gravité ?
ELISABETH BORNE
Donc il y a eu un problème sur un poste de RTE, donc un poste haute tension. Moi je vais demander ce matin des explications à RTE sur ce qui s'est passé hier.
SONIA MABROUK
Vous n'en savez pas plus.
ELISABETH BORNE
Je ne peux pas vous dire ce matin ce qui s'est passé.
SONIA MABROUK
Rien sur le degré de gravité.
ELISABETH BORNE
Je pense que manifestement ça n'a pas été très grave, puisque la coupure a duré 10 minutes, mais effectivement ça n'est évidemment pas normal et je demanderai des explications ce matin.
SONIA MABROUK
Pour conclure, nous étions tout à l'heure à la frontière avec la Belgique, mobilisation des transporteurs routiers avec des blocages à la frontière. Ils s'inquiètent de la prochaine suppression de l'avantage fiscal sur le gazole. Vous n'avez pas retenu les leçons des Gilets jaunes ?
ELISABETH BORNE
Il y a une réduction de 2 centimes...
SONIA MABROUK
Ah, la nuance.
ELISABETH BORNE
D'un avantage fiscal, et ils savent que c'est pour financer...
SONIA MABROUK
Elisabeth BORNE, pardonnez-moi, 2 centimes, 2 centimes pour une PME moyenne, c'est une fiscalité qui peut lui faire perdre 100 % de sa rentabilité.
ELISABETH BORNE
On a prévu que les entreprises peuvent répercuter, il ne s'agit évidemment pas de mettre en difficultés les transporteurs routiers, ils savent aussi qu'on a besoin d'investir beaucoup plus pour entretenir nos routes, et je pense que c'est logique qu'ils participent au financement de l'entretien des routes.
SONIA MABROUK
Attention, attention, une taxe, une hausse de taxe sur le carbone... sur le carburant, vous savez où ça peut mener.
ELISABETH BORNE
Je le redis, ils peuvent répercuter, on est très attentif à la situation des petits transporteurs routiers.
SONIA MABROUK
A suivre donc. Merci Elisabeth BORNE, merci d'avoir été notre invitée ce matin sur Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 2 décembre 2019