Interview de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État aux transports, à LCI le 25 novembre 2019, sur l'organisation des transports dans la perspective de la grève contre la réforme des retraites.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Secrétaire d'Etat aux Transports en effet au coeur de l'actualité, bonjour Jean-Baptiste DJEBBARI.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bonjour à vous.

ELIZABETH MARTICHOUX
Nous sommes à dix jours je crois vraiment de la grande grève qui s'annonce le 5 décembre. Tout le monde est au courant ou presque, je crois, qu'il y aura un mouvement dur dans les transports publics, ce que répétait hier le patron de la CGT, Philippe MARTINEZ, sur LCI.

PHILIPPE MARTINEZ, SECRETAIRE GENERAL DE LA CGT
Ça sera une journée de grève et quand il y a grève massive, il n'y a plus rien qui fonctionne. Nous, nous appelons à reconduire le mouvement, mais il y a des assemblées générales, c'est très démocratique les mouvements sociaux, il y a des assemblées générales et c'est les salariés qui décident s'ils veulent reconduire ou pas. Nous, nous appelons à ce que cette mobilisation elle puisse durer.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors est-ce qu'elle durera ou pas ? Vous nous direz à quoi vous vous préparez. Elle sera dure, elle sera massive, il dit "rien ne fonctionnera".

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi je suis d'accord avec Philippe MARTINEZ sur au moins un point, c'est qu'il s'en remet à la démocratie et moi aussi. Et je constate que la CGT, elle, refuse la réforme en bloc. La CFDT, elle soutient le principe d'un système universel de retraite et elle veut en travailler les modalités. Donc y compris dans les deux plus gros syndicats, vous en avez un, le premier, qui est en faveur d'un régime universel de retraite et l'autre, le deuxième, la CGT, qui par ailleurs défend ses bastions historiques dans les entreprises publiques, dans la Fonction publique, qui est contre toute forme de réforme. En tout cas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Enfin, être d'accord avec le gouvernement, pardon Jean-Baptiste DJEBBARI, ce n'est pas forcément être plus démocratique.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais ce n'est pas être d'accord avec le gouvernement. Vous savez, la CFDT porte cette réforme depuis 2003. Depuis très longtemps avant que ce gouvernement arrive. Et d'ailleurs Laurent BERGER a fait un congrès très courageux l'année dernière, il s'est fait réélire en partie sur le fait de mettre en place un système équitable, universel de retraite. Je crois qu'il faut le dire.

ELIZABETH MARTICHOUX
On y reviendra mais là, on parle de la CGT qui vous annonce une grève dure. Plus rien ne fonctionnera.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui. Mais Philippe MARTINEZ, ça fait deux ans et demi que je fais de la politique, ça fait deux ans et demi que je l'entends dire qu'il y aura des mobilisations massives, la convergence des luttes. Je prends tout ça très au sérieux mais je crois qu'il y a aussi beaucoup de motivation de ses troupes au travers de ce qu'il a annoncé. Moi j'observe que la CGT, nous l'avons invitée à de multiples reprises à venir échanger à la SNCF, à la RATP sur les modalités très concrètes, les garanties très concrètes à apporter aux cheminots, aux agents de la RATP d'autre part et que nous n'avons jamais vu la CGT sur ce sujet de la réforme des retraites pour l'instant. Donc j'observe ça. On a une réforme, on a des syndicats qui viennent : l'UNSA, la CFDT, la CFE-CGC avec lesquels nous travaillons de façon exigeante et la CGT ne vient pas.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il sera là demain. Il l'a annoncé hier dans cette même émission sur LCI.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il sera effectivement demain au rendez-vous du Premier ministre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il sera au rendez-vous à Matignon demain.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Absolument, mais c'est très bien. C'est très bien.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ça dément un peu ce que vous dites. Il va jouer le jeu demain de la discussion avec le Premier ministre. Est-ce que vous avez une idée de la mobilisation le 5 décembre ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, non. C'est très difficile à dire. Moi ce que je fais jusqu'au 5 décembre, c'est que d'abord je continue à recevoir les syndicats.

ELIZABETH MARTICHOUX
Quand est-ce qu'on le saura, pardon ? 48 heures avant, pas avant ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est 48 heures avant qu'on a effectivement… La loi de 2007 oblige tous les salariés à se déclarer 48 heures à l'avance grévistes. Et ça permet effectivement à la RATP et à la SNCF de construire les plans de transport. Donc nous saurons 48 heures à l'avance. Nous préparons par ailleurs les solutions alternatives : le covoiturage, le télétravail, les bus mais effectivement nous le saurons 48 heures à l'avance.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous travaillez sur un plan de transport, pardon.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour le 5 et seulement pour le 5 ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Pour le 5, le 6, le 7, le 8. L'ensemble….

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour le jeudi, le vendredi, le samedi, le dimanche…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
L'ensemble des jours possibles de grève.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ça veut dire quoi "travailler sur un plan de transport" ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ça veut dire d'abord savoir ce qu'on peut faire rouler…

(Sonnerie de téléphone)

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, c'est votre téléphone.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ça, c'est pas bien.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il faudrait effectivement, si vous voulez bien, le neutraliser.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ça veut dire savoir ce qu'on peut faire rouler notamment, vous savez dans Paris, les lignes automatiques du métro. Le 13 septembre, il y avait eu une grève très suivie ; nous avions réussi à faire rouler des métros sur les lignes 4 et 7 donc sur un trajet nord-sud. Et puis nous travaillons…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y aura, pardon, pardon sur les lignes automatiques… C'est important parce qu'on en est là : les Français cherchent à s'organiser. On est à dix jours, c'est demain. Il y aura des métros sur les lignes automatiques de la RATP ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Nous ferons en sorte, c'est ce que j'ai demandé à la RATP et c'est ce sur quoi la RATP travaille, nous ferons en sorte qu'il y ait des solutions de transport qui permettent d'emporter un nombre suffisant de Franciliens de part et d'autre de Paris, et notamment au travers des lignes automatiques du métro.

ELIZABETH MARTICHOUX
De part et d'autre de Paris. Dans Paris, il y a quoi ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Parce que vous savez que les lignes automatiques, c'est la 1 et la 14.

ELIZABETH MARTICHOUX
La 1 et la 14 devraient fonctionner.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Paris d'est en ouest.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez demandé à la patronne de la RATP.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Absolument. D'avoir, si vous voulez, un plan de transport qui permette d'offrir un niveau de service minimal pour les Franciliens et les Français de manière générale qui souhaitent se rendre au travail. Je rappelle quand même qu'ils sont des millions et des millions chaque jour et ils seront certainement des millions à vouloir se rendre au travail le 5 décembre et nous leur devons ça, que de prévoir un plan de transport minimal.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Alors quand est-ce qu'ils l'auront ce plan de transport ? Quand est-ce qu'ils auront le minimum…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Nous aurons les chiffres affinés 48 heures à l'avance. Mais évidemment, nous nous préparons aussi à mettre à disposition des solutions alternatives.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors des bus par exemple.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Du covoiturage, avoir recours au télétravail.

ELIZABETH MARTICHOUX
Dans toutes les gares de banlieue pour arriver à Paris ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui. Tout ça, est travaillé.

ELIZABETH MARTICHOUX
Partout en France d'ailleurs.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Partout en France sur le territoire. Vous savez nous l'avons, cet exercice, déjà fait à l'occasion des grèves de 2018 pour la réforme de la de la SNCF, donc nous avons un peu de pratique en la matière. Mais il est important que les millions de Français qui désirent se rendre au travail le 5, le 6, le 7, le 8 aient un minimum de solutions de transport.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Est-ce que vous pouvez qualifier, caractériser cet engagement pratique ? Est-ce que vous pouvez dire ce matin à dix jours de la grève : "vous aurez au moins un bus dans chaque gare qui permettra…" ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, c'est difficile de le qualifier d'abord parce que ça se fait aussi en lien avec les régions. Par exemple aujourd'hui, celui qui organise les transports en Ile-de-France, c'est la région, c'est ILE-DE-FRANCE MOBILITES. C'est la région. Donc ça se fait évidemment en bonne intelligence et en lien avec les autorités qui organisent les transports. Donc nous serons à même de communiquer quelques jours avant la grève, 48 heures avant.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc il faut guetter au plus tôt ou au plus tard ? Au plus tôt plutôt. 48 heures avant, ce sera précis.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais vous savez pourquoi lors des grèves, le droit de retrait et les événements qu'on a connus le mois dernier, pourquoi c'était très mal perçu ? C'est que les Français se sont habitués à avoir des informations fiables et crédibles 48 heures à l'avance.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. A propos, ça fait partie effectivement du service minimum : c'est l'engagement des entreprises à informer les voyageurs. Bruno RETAILLEAU président du Sénat (sic), veut réquisitionner les grévistes. Il dit que ce service minimum qui consiste à informer précisément les voyageurs 48 heures avant, ça ne suffit pas, il faut un service de transport minimum garanti par la loi. Vous lui dites quoi ce matin ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je dis que monsieur RETAILLEAU, il a le sens du timing politique mais que sa proposition est assez largement incantatoire dix jours avant la grève. Personne… Enfin tout le monde sait très bien ici que nous n'avons pas les moyens de faire voter une loi et qu'elle soit applicable avant le 5 décembre. Donc tout ça c'est de la communication politique. Sur le fond, des options de service minium ont été étudiées…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc la réponse c'est non. De toute façon, vous dites c'est irréaliste.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je dis, un, c'est irréaliste avant le 5 décembre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc il est incantatoire.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et deux, nous avons une loi de 2007 qui prévoit ce que vous avez dit, c'est-à-dire que les grévistes se déclarent 48 heures à l'avance et que nous puissions à la fois construire le plan de transport et informer l'ensemble des voyageurs français. Ça existe et quand la loi est respectée, ce qui est le cas la majeure partie du temps, alors ce service minimum, entre guillemets, en tout cas ce service prévisionnel peut se mettre en place.

ELIZABETH MARTICHOUX
Remboursement automatique des titres de transport si la grève dure, on va en parler, sans avoir de démarches à faire. C'est aussi ce qu'il demande et c'est ce que demande aussi Valérie PECRESSE. Est-ce que c'est envisageable ? Est-ce que vous demandez ça à la RATP et la SNCF ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je rappelle qu'aujourd'hui, c'est donc la région Ile-de-France qui organise les transports, qui a un contrat avec la RATP. A chaque fois ce sujet-là revient sur la table et c'est de l'ordre du contrat. C'est-à-dire que si ILE-DE-FRANCE MOBILITES, donc la région, estime que le contrat n'est pas rempli par la RATP, il y a des conditions contractuelles qui permettent…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous n'avez pas de levier là-dessus. C'est la patronne de la région Ile-de-France.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, parce que c'est de l'ordre des contrats.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il respecter les contrats qui sont passés entre l'entreprise publique…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites : Valérie PECRESSE, elle demande quelque chose qu'elle peut elle-même imposer.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Elle peut ne pas payer la RATP pour le service qui n'aura pas été produit. Moi mon sujet…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ce que veulent les voyageurs, c'est quelque chose de très pratique : c'est de ne pas avoir de démarches à faire pour un service qu'ils n'ont pas eu. En termes de remboursement.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Enfin là, mon sujet à moi de tous les jours, il est triple. C'est un : m'assurer, en tout cas être en dialogue constant avec à la fois les syndicats et d'ailleurs les agents directement. Je me suis rendu à la RATP la semaine dernière, j'irai à la SNCF cette semaine pour discuter directement avec les agents. Deux : préparer le plan transport avec l'ensemble des acteurs concernés y compris la région. Et puis s'assurer que sur la dimension ordre public, les choses soient respectées comme il se doit. Il n'est évidemment pas envisageable que des biens publics soient endommagés à l'occasion de ces mouvements de grève.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors on sent bien que vous voulez aider les Français à passer ce cap. Il va durer combien de temps Jean-Baptiste DJEBBARI ? Pour être honnête. C'est une question pratique et qui est importante.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, mais je crois que personne ne sait exactement dire…

ELIZABETH MARTICHOUX
Au minimum, au minimum vous dites il y aura combien de jours de grève ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Tous ceux qui ont été Oracle politique ces dernières années…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais au minimum ? Vous avez dit tout à l'heure : on prépare un plan de transport pour le jeudi, le vendredi, le samedi, le dimanche, le lundi. Au moins cinq jours.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi je suis un pragmatique. Dans le réel, j'observe que tous ceux qui ont fait des prévisions pendant les deux dernières années se sont assez largement plantés sur ce qu'étaient les mouvements de grève, sur ce qu'étaient les mobilisations sociales, ce qui est arrivé et probablement ce que personne n'avait envisagé il y a encore un an. Donc moi, je ne fais pas ces pronostics-là.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non mais c'est la réalité. Je vous dis ma conviction. Donc moi je me prépare, nous nous préparons…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous vous attendez au gouvernement à une grève de combien de jours au minimum ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
A une mobilisation suivie. Non mais ce n'est pas de la langue de bois, c'est simplement que mon sujet à moi, ça ne peut pas être de me dire "ça va durer trois jours, quatre jours, cinq jours, quinze jours." Mon sujet à moi, c'est de m'assurer que les Français qui veulent aller travailler, et ils seront très majoritaires, puissent le faire dans des conditions qui soient à peu près praticables. Que nous maintenions un discours, en tout cas des échanges de qualité, avec les syndicats avec lesquels nous travaillons plutôt correctement quoiqu'il se dise.

ELIZABETH MARTICHOUX
On va y revenir, on va y revenir.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et que nous construisions cette réforme des retraites qui, me semble-t-il, est absolument capitale pour les Français, les jeunes et l'avenir de notre système de protection sociale.

ELIZABETH MARTICHOUX
Les Français qui s'inquiètent pour leurs congés de fin d'année. Ils se demandent, s'ils ont ils ont réservé des trains par exemple, ils se demandent s'ils pourront partir. Les routiers menacent de bloquer ; vous avez des discussions avec les routiers ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Nous nous avons des discussions avec les routiers depuis deux mois et demi.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que le 5 décembre déjà il y aura des routiers qui…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a des mouvements un peu avant un peu après pour l'instant. Vous savez les routiers, nous avons…. Il y a eu beaucoup de points de crispation que nous avons tenté de lever un à un. Il y a toujours des objets qui aujourd'hui les interrogent et nous continuons à avoir des échanges très réguliers, de façon hebdomadaire avec l'ensemble des organisations.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais le 5 ils bloqueront les routes.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Pour l'instant ce que j'observe, c'est qu'il y a des points, c'est très locale c'est très localisé et nous continuerons à avoir cette discussion avec eux pour…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous discutez avec eux et vous ne voulez pas vous avancez sur les soucis qu'ils pourraient aussi pour contester la réforme des retraites.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ce n'est pas les soucis. Nous, nous avons déposé un certain nombre de garanties.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que les Français ont des raisons de s'inquiéter pour leurs départs de Noël, de congés ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais vous savez, moi tous les jours ma famille, mes proches m'interrogent sur le 5 décembre. Donc je leur dis qu'effectivement le 5 décembre, ça risque d'être compliqué et qu'au-delà… Je leur explique ce que je vous ai expliqué juste ici à l'instant. Et les Français, nous allons faire en sorte un : d'assurer, je vous l'ai dit, un plan de transport qui soit correct par rapport au niveau de mobilisation ; et deux : nous ferons en sorte que l'information soit crédible et que les moyens alternatifs soient disponibles.

ELIZABETH MARTICHOUX
On sent bien que vous marchez sur des oeufs en ce qui concerne ce conflit. Si vous êtes honnête, vous reconnaissez – et vous l'êtes - vous reconnaissez qu'il y a une ambiance un peu tendue entre le gouvernement et les syndicats depuis quelques jours ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais je crois qu'il y a réellement des positions qui sont très différentes. Vous avez des syndicats qui, et je vous le dis comme je le pense, qui refusent absolument la réforme. Avec la CGT, on a un affrontement politique sur la réforme. Eux refusent absolument ce que nous proposons.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et la CFDT est sortie furieuse du rendez-vous avec vous et monsieur DELEVOYE jeudi dernier matin.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ça c'est une lecture un peu, je vous le dis, un peu journalistique. Moi j'y étais et il se trouve que la CFDT Cheminots, je les connais…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais on les a entendus. On a entendu Laurent BERGER.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non mais attendez, moi j'étais dans ce rendez-vous qui a duré deux heures, et il se trouve qu'en plus je les connais très bien à la CFDT Cheminots. Ils ont dit plusieurs choses, et d'ailleurs il y a plein de points. Ils ont environ six à sept points de revendications. Sur les trois quarts des points, nous sommes d'accord. Ils demandent des garanties sur le système à points. L'indexation par exemple sur l'inflation et plus tard… Enfin sur les salaires et plus sur l'inflation. Nous sommes d'accord avec ça, nous sommes capables de l'écrire. Ils demandent des garanties sur les formes d'épargne collective au sein des entreprises, notamment la SNCF et la RATP. Nous sommes assez d'accord avec ça.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a un jeu de postures, c'est ce que vous êtes en train de dire.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non. Et par ailleurs, ils demandent qu'avant le 5 décembre nous ayons pris position notamment autour de la clause du grand-père, des nouveaux entrants comme il est convenu de l'appeler. Et là-dessus, nous leur avons dit que nous étions d'abord dans un calendrier qui allait au-delà du 5 décembre, que le 5 décembre en soi n'était pas une étape de la réforme des retraites, et que nous devions respecter collectivement l'ensemble des concertations qui ont lieu aujourd'hui dans l'ensemble des secteurs. Et c'est là-dessus qu'ils achoppent : eux veulent une décision, une annonce avant le 5 décembre. C'est le point d'achoppement que nous avons entre nous principalement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Effectivement Laurent BERGER hier a précisé qu'il veut des précisions sur le régime particulier avant le 5 décembre. Jean-Baptiste DJEBBARI, est-ce qu'il en aura ou pas avant le 5 décembre ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais il a aussi dit que la CFDT au niveau national continuerait à mener ce combat. Il ne s'est pas… Enfin, je vais être très clair là-dessus : il ne s'est pas positionné sur le 5 décembre. Il a dit que lui, il voulait une réforme systémique c'est-à-dire deux systèmes. Il veut aller vers un régime universel des retraites ; après il conteste certains des paramètres financiers et il aura tout loisir d'en discuter avec le Premier ministre Edouard PHILIPPE aujourd'hui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors ça c'est important, on va s'y arrêter. Effectivement il a été très clair. Sur un ton très ferme, très solennel jeudi après-midi, il a dit : "je veux que le gouvernement lève une ambiguïté. Je ne veux pas de mesures financières avant la réforme systémique", avant la grande réforme des retraites. Et Bruno LE MAIRE sur LCI jeudi soir lui a répondu. On lui a posé précisément posé dans l'émission de David PUJADAS cette question : est-ce qu'il y aura ou non des mesures financières avant la réforme des retraites ? Ecoutez sa réponse.

BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES
Je souhaite que ce soit le cas. Je vous le dis, je suis ministre de l'Economie et des Finances donc ma position de ministre de l'Economie et des finances, c'est-à-dire une position en responsabilité avec le souci de réussir cette réforme de justice, il faut partir à l'équilibre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Enfin un peu de clarté, Jean-Baptiste DJEBBARI. « Je souhaite que ce soit le cas » a dit le ministre des Finances sur LCI.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je pense que si vous construisez un système universel de retraites évidemment plus équitable, il faut aussi que celui-ci dans le temps soit équilibré sur le plan financier. Donc Bruno LE MAIRE a raison de dire que si nous construisons un nouveau système, il doit être équilibré à partir du moment où il est mis en oeuvre. Après, je crois que Monsieur BERGER conteste aussi d'autres mesures. Il dit que l'Etat n'a pas tout à fait compensé.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, non, mais là-dessus.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et je pense qu'il aura cette discussion… Là-dessus, moi je suis… Enfin si vous voulez, philosophiquement si vous construisez un système équitable dans son principe et déséquilibré sur le plan financier, à la fin de la fin ce sera un système qui n'est pas soutenable et donc qui inéquitable.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc vous dites comme Bruno LE MAIRE, il faut des mesures financières. Est-ce qu'il les faut avant la réforme ou est-ce qu'il faut dire "on en fera mais après la réforme" ? Est-ce qu'il y a deux options en termes de calendrier ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ce serait irresponsable de dire que nous construisons un système universel, équitable, et déséquilibré sur le plan financier.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais comment vous allez faire avaler ça à la CFDT qui pose ça en préalable ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors d'abord, la CFDT a rendez-vous avec le Premier ministre et je suis à peu près convaincu que ces sujets seront au coeur…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sera au coeur dans les discussions demain du rendez-vous ? Cet après-midi.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tout cas pour eux cet après-midi effectivement. Et ce sont des sujets extrêmement importants. Laurent BERGER, il a des points extrêmement précis. Il dit que l'Etat n'a pas compensé telle et telle mesure etc. Donc je ne doute pas que sur l'ensemble de ces champs il y aura discussion et j'espère consensus vers ce qu'il convient de faire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a une marge de discussion sur ce sujet ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a toujours une marge de discussion. Il y a toujours d'abord des discussions et des échanges. Et moi j'ai lu précisément ce qu'a dit Laurent BERGER sur le sujet et je trouve qu'il a des points intéressants et que je ne doute pas que les discussions seront intéressantes avec le Premier ministre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Je vous entends depuis le début de notre entretien et vous opposez beaucoup la CGT à la CFDT.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Enfin…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et hier, Philippe MARTINEZ a précisément dit ceci. Il a dit : "le gouvernement divise les Français." Il avait peut-être cette idée que vous voulez opposer les deux.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi j'observe que sur le sujet, simplement sur le sujet de la réforme des retraites, la CFDT depuis 2003 s'est positionnée pour avoir ces quarante-deux régimes fondus dans un régime universel de retraites. 2003.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, oui. Vous l'avez dit tout à l'heure.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais j'observe. La CFDT a d'ailleurs très courageusement pris des positions. La CFDT est un grand syndicat progressiste. Elle a pris courageusement des positions parfois…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous pensez que vous pouvez faire cette réforme avec la CFDT.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais moi d'abord je l'espère et puis, pour le coup, c'est une ambition partagée que d'arriver à un système plus juste, qui soit plus solide et qui notamment adresse les carrières heurtées, les femmes, les jeunes, un certain nombre de catégories professionnelles. Je prends simplement l'exemple des agriculteurs. Vous avez des agriculteurs aujourd'hui qui sont à 400, 500 euros de retraite. Demain dans le système universel, ils seront à 1 000 euros de pension nets. Rien que cela devrait pousser Monsieur MARTINEZ à regarder cette réforme d'un oeil un peu plus bienveillant.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors question, s'il vous plaît, réponse brève.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et courte.

ELIZABETH MARTICHOUX
La clause du grand-père, vous y êtes favorable ou pas ? On rappelle que ça consiste à réserver la réforme seulement aux nouveaux entrants à partir d'une certaine date.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Réponse brève. La clause du grand-père, au fond ce n'est pas le sujet de la clause du grand-père en soi, c'est le sujet du contrat moral dans l'entreprise.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a plein de façons de le faire. Il y a la clause du grand-père, il y a à travailler sur les générations à partir de laquelle… Non mais c'est important parce que c'est aussi ce que nous disent les syndicats. Donc il y a plein de façons de le faire. Le Premier ministre l'a dit : je prends toutes les propositions qui sont faites et nous trancherons avec le président de la République.

ELIZABETH MARTICHOUX
J'essaye de traduire parce que ce n'est simple à comprendre votre réponse, Jean-Baptiste DJEBBARI. Vous dites : non, je ne le prends pas uniquement pour tous les nouveaux entrants, je ne le prends pas.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non mais je dis au fond le sujet pour les syndicats, pour les agents, c'est de savoir qui est concerné et à partir de quand. Soit ce NE sont que les nouveaux entrants, soit c'est à partir d'une génération…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, c'est ce que je vous demande. Vous êtes d'accord ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi je vous dis, les syndicats eux-mêmes disent qu'il y a plusieurs solutions sur la table y compris de travailler sur les générations à partir de laquelle la réforme s'applique. Donc moi, je prends la parole des syndicats au sérieux et je ne doute pas que ce sujet sera débattu en profondeur cet après-midi également.

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà. Ceux qui ont compris la réponse pourront nous envoyer un mail. Un petit mot Jean-Baptiste DJEBBARI : chaque année la SNCF consacre trois milliards d'euros à la rénovation des voies. C'est très important.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est des enjeux de ponctualité, de services etc. Or on apprend que l'Etat qui est actionnaire à 100% la SNCF veut réduire ce budget pour 2020. Est-ce qu'il y a eu un arbitrage favorable ou défavorable ? Est-ce qu'il y aura trois milliards l'an prochain ou pas ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a une réunion vendredi et le conseil d'administration se tiendra jeudi prochain et l'Etat sera au rendez-vous de ces trois milliards d'euros. Je rappelle que nous avons dû faire effectivement, pas mal d'arbitrages parce qu'il y a eu des dépenses supplémentaires. C'est dû par exemple à des substituts pour le glyphosate ou à des… Bref, à pas mal de sujets qui se sont greffés les uns sur les autres et qu'aujourd'hui l'Etat… Je rappelle quand même qu'il y a quelques années, le budget de régénération c'était un milliard d'euros. Donc trois milliards d'euros, c'est tout à fait conséquent.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous maintenez ces trois milliards ? Trois milliards nets.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je maintiens, je maintiens…

ELIZABETH MARTICHOUX
Sans entourloupe, sans rien. Trois milliards pour la rénovation des voies.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je maintiens. Rénovation pour l'ensemble du réseau y compris en régénération et donc je maintiens que l'Etat sera au rendez-vous sur cette dimension financière.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous nous annoncez que c'est maintenu à 100%.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je maintiens que l'Etat soit au rendez-vous absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Jean-Baptiste DJEBBARI qui a beaucoup de travail d'ici le 5 décembre pour le plan des transports, le 5, le 6, le 7 et le 8 au minimum.


Source service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2019