Texte intégral
SONIA MABROUK
Autre ambiance à présent, ambiance sociale qui se durcit. On va en parler avec Gérald DARMANIN, le Ministre des Comptes publics. Bonjour Monsieur DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
MATTHIEU BELLIARD
On va vous demander de réagir sur une petite déclaration d'un de vos collègues du gouvernement, Bruno LE MAIRE, il y a quelques minutes.
BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES (document France 2)
L'âge d'équilibre, les modalités pour parvenir à l'équilibre financier, c'est négociable. (…)
MATTHIEU BELLIARD
A tout de suite sur Europe 1. (…) - Votre invité, Sonia MABROUK, c'est Gérald DARMANIN, ministre de l'Action et des Comptes publics.
SONIA MABROUK
Vous confirmez ce matin qu'il y a une marge de manoeuvre, Gérald DARMANIN, autour de la négociation sur l'âge pivot ?
GERALD DARMANIN
La négociation sociale est ouverte, le Premier ministre l'a dit. Le Premier ministre a dit : on va faire un système nouveau de retraites universel, équilibré mais il sera aussi responsable. On ne construit rien dans le déséquilibre. Chacun le sait et les partenaires sociaux, et singulièrement la CFDT qui est responsable parmi les partenaires sociaux, le sait davantage. Mais le Premier ministre a dit : voilà, on va construire un système de retraite équilibré. Il faut que les recettes égalent les dépenses et donc effectivement, en attendant cet objectif qu'on doit tous atteindre, il y a une marge évidemment de négociations avec les partenaires sociaux.
SONIA MABROUK
Sur l'âge pivot ?
GERALD DARMANIN
Le Premier ministre a dit : nous, on pense qu'il faut équilibrer sans baisser les pensions, sans augmenter les cotisations. On pense donc que c'est en travaillant plus qu'on y arrive. Donc effectivement il y a la question de l'âge qui se pose mais si les partenaires sociaux se mettent d'accord sur autre chose pour équilibrer le système des retraites, c'est ce qu'a dit le Premier ministre hier dans son discours, le gouvernement écoutera les partenaires sociaux.
SONIA MABROUK
Donc c'est possible d'équilibrer sans l'âge pivot. Voilà la brèche qui est ouverte. C'est possible donc de retirer si je vous comprends bien, tout en maintenant le principe de l'équilibre, cette mesure d'économie, cette mesure budgétaire.
GERALD DARMANIN
Le gouvernement ne pense pas qu'il faille baisser les pensions pour équilibrer le système de retraites Le gouvernement ne pense pas qu'il faille augmenter les cotisations patronales et salariales, parce que c'est du pouvoir d'achat en moins ou de l'emploi en moins pour équilibrer les retraites. Et donc nous, nous pensons qu'il faut travailler – c'est ce qu'a dit le président de la République, c'est ce qu'a dit Premier ministre – plus. Est-ce que c'est la durée de cotisation ? Est-ce que c'est l'âge comme l'a proposé le Premier ministre ? C'est une proposition et donc effectivement, nous sommes ouverts à la négociation. Ce qui n'est pas négociable, c'est le fait que ce soit équilibré lorsqu'on mettra en place ce système de retraite. Parce que qu'est-ce qui se passe ? Les retraites, c'est les cotisations d'aujourd'hui, chacun le sait, qui paient pour les retraites d'aujourd'hui. On ne va pas demander à nos enfants et à nos petits-enfants de payer non seulement nos retraites, Madame MABROUK, mais en plus la dette que l'on a faite. C'est-à-dire que nos enfants et nos petits-enfants ils auront double chose à payer. Personne n'est responsable… Irresponsable, pardon, au point de laisser payer nos enfants…
SONIA MABROUK
Voilà pour votre objectif, Gérald DARMANIN. Je répète ma question parce que c'est très important pour le front syndical qui est en train de s'élargir. Laurent BERGER de la CFDT ce matin vous lui dites : oui, il y a une possibilité que cette mesure budgétaire que vous ne souhaitez pas, qui constitue pour lui une ligne rouge franchie, soit retirée.
GERALD DARMANIN
Mais d'abord, ce n'est pas une mesure budgétaire. Je suis bien placé en tant que Ministre des Comptes publics pour vous dire que le gouvernement ne fait pas d'économies sur la retraite des Français. Nous ne faisons pas un euro d'économie. Nous allons même aider à la revalorisation, à l'augmentation des salaires des agents publics, singulièrement des professeurs, des instituteurs, des infirmières. Nous allons étendre la pénibilité…
SONIA MABROUK
Vous me répondez sur la qualification de la mesure mais pas sur la mesure elle-même.
GERALD DARMANIN
Permettez-moi de rectifier ce que j'entends depuis hier. J'ai entendu Monsieur BERGER pour qui j'ai beaucoup de respect dire : il y a un angle budgétaire, il n'y a pas d'angle budgétaire.
SONIA MABROUK
C'est le cas. C'est une réforme paramétrique. Vous courez deux lièvres à la fois d'ailleurs.
GERALD DARMANIN
Il n'y a pas d'économies, non. Vous savez d'ailleurs, quand on fait la réforme des retraites, on ne prend pas d'image qui consiste à courir deux lièvres à la fois. On n'est pas à la chasse. On est en train de construire quelque chose pour nos enfants et nos petits-enfants.
SONIA MABROUK
Choisissez votre image. Vous faites du « en même temps », Gérald DARMANIN. C'est une prouesse.
GERALD DARMANIN
Quand j'étais petit, il y a une expression dans le Nord qui dit que quand on veut construire et peindre ensemble la Tour Eiffel, il faut se parler. Le Premier ministre depuis quasiment deux ans désormais, on lui a beaucoup reproché même d'être un peu lent, fait des discussions sociales très importantes. Il n'y a jamais eu autant de discussions sociales. On aboutit à une réforme qui est certes compliquée parce qu'elle touche 320 milliards d'euros, tous les Français, 42 régimes, qui est né au lendemain de la guerre 1945, qu'il faut moderniser. Aujourd'hui il fait des propositions. C'est quoi ces propositions ? C'est très clair : c'est la fin des régimes spéciaux. C'est l'équilibre du système des retraites.
SONIA MABROUK
On l'a compris et je vous pose de nouveau la question pour cet équilibre. Est-ce que vous, le ministre des Comptes publics, parce que je sais que vous avez en tête déjà les pistes de ces alternatives face à l'âge pivot, est-ce que vous dites aujourd'hui avec les négociations qui redémarrent : oui, Monsieur Laurent BERGER, nous pouvons retirer cette mesure ?
GERALD DARMANIN
Mais non. Nous, nous disons : il faut que le système de retraite soit équilibré. Comment on équilibre un système des retraites ? Ce n'est pas très compliqué. Soit on baisse des pensions parce qu'on donnera moins d'argent aux retraités pour que les recettes égalent les dépenses. Ce n'est pas ce qu'on veut. On ne va pas baisser les pensions. Je crois qu'aucun syndicat ne le veut. Soit on augmente les cotisations. Des patrons, patronales mais ça tue l'emploi. Est-ce que le MEDEF est d'accord pour ça ? Ou est-ce qu'on augmente les cotisations des salariés ? Jusqu'à présent, on a plutôt supprimé les cotisations puisqu'on a redonné du pouvoir d'achat aux salariés. Ou alors on travaille plus. On travaille plus de plusieurs manières, soit on a un âge d'équilibre. C'était effectivement le fait que vous partez à taux plein avec une retraite sans toucher à l'âge légal. Le fait que vous avez le choix de partir à 62 ans. C'est la proposition que fait le gouvernement et le Premier ministre a dit : si jamais les partenaires sociaux ont une solution plus intelligente pour arriver à l'équilibre, nous les écouterons.
SONIA MABROUK
C'est important et vous le confirmez ce matin sur l'âge pivot. Combien ça va coûter, Gérald DARMANIN…
GERALD DARMANIN
Pardon de le dire, mais c'est ce qu'a dit le Premier ministre hier.
SONIA MABROUK
Oui, mais vous précisez ce matin. C'est important. Combien ça va coûter, Gérald DARMANIN, de sanctuariser le niveau de retraite des enseignants ? Est-ce que vous confirmez le chiffre de 500 millions d'euros par an dès 2021 ?
GERALD DARMANIN
Alors ça coûte entre 400 et 500 millions d'euros par an. Ça coûte évidemment à l'Etat et non pas au budget social. Les retraites sont payées par le budget social et les enseignants sont payés par l'Etat.
SONIA MABROUK
Comment vous faites ? Ça se discute dès maintenant ?
GERALD DARMANIN
Nous commencerons sans doute à partir de l'année 2021. Le ministre de l'Education nationale a été chargé d'une grande concertation sociale avec ses syndicats pour savoir comment on y arrive. Vous savez que le salaire des enseignants a augmenté ces derniers temps, notamment non pas par le point d'indice mais par ce qu'on appelle le protocole PPCR qui a été en grande partie négocié d'ailleurs par mon prédécesseur au ministère. Il y a des primes pour certains enseignants, pour des directeurs d'école, il n'y en a pas pour d'autres. Vous savez que l'une des grandes réformes de la réforme des retraites que nous proposons, c'est de rentrer les primes dans le calcul des droits ouverts pour les fonctionnaires, donc c'est un petit peu compliqué.
SONIA MABROUK
Comment vous faites ? 500 millions d'euros par an dès 2021, ça se discute maintenant ?
GERALD DARMANIN
Mais le budget de l'Education nationale, il a augmenté de quasiment trois milliards depuis que je suis ministre des Comptes publics. Cette année, il a augmenté d'un milliard d'euros, le budget de l'Education nationale. Nous avons augmenté le salaire des professeurs. On a augmenté le salaire des directeurs d'école. Ce n'est peut-être pas assez, peut-être qu'il faut en faire davantage. La réforme des retraites permet de poser justement des questions sur la façon dont les enseignants aujourd'hui travaillent. Donc ça, c'est au ministre de l'Education nationale de le faire. Nous mettrons les moyens.
SONIA MABROUK
Mais vous confirmez ce chiffre parce que je sais qu'Emmanuel MACRON à Rodez avait parlé d'un chiffre global et d'une enveloppe globale de 10 milliards d'euros.
GERALD DARMANIN
Oui, c'est à peu près ça mais ça dépend. Vous savez, le Premier ministre vient d'expliquer qu'il y avait des générations…
SONIA MABROUK
Ça va vous coûter cher d'acheter la paix sociale.
GERALD DARMANIN
D'abord… Alors, un, donner de l'argent aux professeurs pour qu'ils enseignent, ce n'est pas de la paix sociale.
SONIA MABROUK
A juste raison. Je ne dis pas l'inverse.
GERALD DARMANIN
C'est qu'on n'achète pas les gens. Aujourd'hui les professeurs sont moins bien payés que leurs collègues.
SONIA MABROUK
Vous évitez une contestation. Vous tentez d'éteindre une contestation.
GERALD DARMANIN
Non. Il n'a jamais été question que le salaire de quiconque baisse avec une augmentation de cotisation du fait de la réforme des retraites ou que la pension de quiconque baisse du fait de la réforme des retraites. Moi je dis à tous ceux qui nous écoutent que si le gouvernement n'était pas courageux comme il l'est aujourd'hui, à mettre fin aux régimes spéciaux, à équilibrer le système des retraites, à faire effectivement de la redistribution sociale pour les femmes, pour les agriculteurs par exemple, c'est votre retraite d'aujourd'hui qui n'existerait pas demain. Tous ceux qui calculent une retraite théorique qu'ils auraient dans 30 ans, c'est une promesse en peau de lapin comme aurait pu dire ma grand-mère…
SONIA MABROUK
Décidément !
GERALD DARMANIN
Vous aimez bien que je la cite. Parce qu'aujourd'hui le système, il est déséquilibré. On voit bien qu'aujourd'hui le nombre de gens qui cotisent est inférieur au nombre de gens qui cotisaient en 1950. Donc tous ceux qui disent : dans 30 ans, si le gouvernement ne faisait rien, j'aurai telle retraite, c'est faux. Puisque nous n'aurions pas les moyens de la payer.
SONIA MABROUK
Gérald DARMANIN, ma grand-mère à moi elle est comme Saint-Thomas, pardonnez-moi, elle ne croit qu'est ce qu'elle voit.
GERALD DARMANIN
Certes.
SONIA MABROUK
Où est le simulateur sur la réforme des retraites ? Est-ce qu'il sera prêt le 18 décembre, oui ou non ?
GERALD DARMANIN
Alors c'est assez formidable. On demande au gouvernement de discuter avec les partenaires…
SONIA MABROUK
Xavier BERTRAND vous l'a demandé depuis des semaines de et c'était sur Europe 1.
GERALD DARMANIN
Oui, mais nous sommes en responsabilité gouvernementale, donc on n'a pas la même voix que quand on est dans l'opposition. Lorsqu'on est aux responsabilités gouvernementales, on dit qu'on va discuter avec les partenaires sociaux notamment des critères qui vont mener : c'est quoi la pénibilité, c'est quoi le travail de nuit…
SONIA MABROUK
Mais Emmanuel MACRON, le président, le veut ce simulateur.
GERALD DARMANIN
Madame MABROUK, votre grand-mère aimerait sans doute que je termine ma phrase. Dire qu'effectivement connaître les paramètres…
SONIA MABROUK
Mais la vôtre voudrait que vous répondiez.
GERALD DARMANIN
Elle disait : mon petit loulou, encore une fois, quand tu veux construire la Tour Eiffel et la peindre, tu as intérêt à discuter avec tout le monde.
SONIA MABROUK
Répondez. Monsieur DARMANIN, pour ceux qui nous écoutent c'est important. Le simulateur.
GERALD DARMANIN
Mais bien sûr. On va discuter avec tout le monde et avec tout le monde, on se mettra d'accord sur justement les paramètres qui nous permettent de dire aux Français : voilà comment votre retraite sera calculée.
SONIA MABROUK
Ça va nous amener à la Saint-Glinglin.
GERALD DARMANIN
Mais pas du tout. Le gouvernement l'a dit et le projet de loi sera déposé en conseil des ministres fin janvier.
SONIA MABROUK
Donc le 18 décembre, le simulateur. Vous ne voulez pas me répondre mais peut-être que vous n'avez pas de date en tête, c'est tout.
GERALD DARMANIN
Mais parce qu'il faut se mettre d'accord sur les paramètres. Aucune pension ne baissera. Quand on dit qu'on mettra en place dans la loi une règle d'or qui fait qu'aucune fois le point ne baissera. Moi j'entends beaucoup de bêtises depuis ces dernières semaines. On dit : Agirc-Arrco, le point a baissé. Il n'a pas baissé le point à l'Agirc-Arrco. Et aujourd'hui, je peux vous dire quelque chose de sûr : quand le gouvernement a le courage de mettre en place cette réforme, il a le courage d'y croire. Et non seulement il a le courage d'y croire mais il va faire voter le texte avant le premier tour des élections municipales.
SONIA MABROUK
Pas de date pour le simulateur.
GERALD DARMANIN
Vous pensez sincèrement que si on n'avait pas la certitude qu'on dirait aux Français que leurs pensions vont augmenter, on irait aux élections municipales avec un projet de loi aussi courageux ? Moi ce que je peux vous dire, c'est que je suis très fier d'appartenir au gouvernement d'Edouard PHILIPPE. Hier j'étais fier d'appartenir au gouvernement d'Edouard PHILIPPE qui a eu le courage de faire la plus grande réforme des retraites depuis la Libération.
SONIA MABROUK
Il y a la fierté, il y a la confiance, pour conclure. Elle est essentielle. Jean-Paul DELEVOYE inspire-t-il encore cette confiance ? Il a touché de l'argent qu'il ne devait pas toucher, même s'il va rembourser. En cette période troublée, vous avez une ombre importante au tableau.
GERALD DARMANIN
Non, moi je ne crois pas. J'aime beaucoup Jean-Paul DELEVOYE, qui est issu de ma région, professionnellement...
SONIA MABROUK
C'est une chose d'aimer, c'est autre chose de soutenir.
GERALD DARMANIN
Alors personnellement, je le connais depuis très longtemps. Je n'ai pas de doute sur son honnêteté. Il est issu de ma région et il a le bon sens des gens de ma région, la région des Hauts-de-France.
SONIA MABROUK
Il en a manqué un peu pour oublier cela quand même.
GERALD DARMANIN
Et je vais vous dire, il a beaucoup travaillé. C'est peut-être qu'il bouscule beaucoup d'habitudes et que ça dérange. Moi je soutiens les gens quand ils connaissent quelques difficultés. Jean-Paul DELEVOYE a en tout cas toute la confiance que j'ai pour lui dans le travail qu'on a eu depuis deux ans ensemble. La République a la chance d'avoir quelqu'un qui l'aide et Jean-Paul DELEVOYE, il aurait pu rester dans sa retraite d'homme politique. Il est revenu aider son pays et moi je pense que plutôt que de lui cracher dessus, on ferait mieux de l'aider.
SONIA MABROUK
Merci Gérald DARMANIN. Merci d'avoir été notre invité ce matin sur Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 13 décembre 2019