Interview de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État aux affaires européennes, à RMC le 12 décembre 2019, sur la réforme des retraites.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Amélie de MONTCHALIN, je suis content de vous recevoir, vous connaissez bien les questions budgétaires, la réforme, je regarde le sondage Elabe que nous avons, « au global diriez-vous que vous êtes favorable ou opposé à la réforme des retraites telle qu'annoncée par Edouard PHILIPPE ? » 50% favorables, 49% opposés. Les Français sont favorables au passage progressif au régime de retraite universel, donc là les Français disent oui à 63% contre 36 qui sont opposés. En revanche, la mise en place d'un âge pivot à 64 ans ça ne plaît pas aux Français qui sont majoritairement contre cet âge pivot. Mais pourquoi avoir occulté une partie de votre réforme, la partie systémique, pour nous imposer cet âge pivot, pas à moi parce que je l'ai dépassé mais aux Français ?

AMELIE DE MONTCHALIN
En fait, Monsieur BOURDIN, il faut regarder ce qui se passe aujourd'hui, aujourd'hui on parle de surcote et de décote, tous les Français le savent, il y a un moment où on a un taux plein, il y a un moment avant où on n'a pas le taux plein puis il y a un moment après où on a plus que le taux.

JEAN-JACQUES BOURDIN

Mais les Français pensent qu'à 62 ans ils vont partir à la retraite puisque c'est l'âge légal !

AMELIE DE MONTCHALIN

Oui sauf que quand ils font leurs calculs ils arrivent à d'autres conclusions puisqu'en moyenne aujourd'hui les salariés partent à 63 ans et demi. Il y a même des gens qui sont obligés d'attendre 67 ans, 120.000 personnes par an dont 80.000 femmes attendent 67 ans pour pouvoir partir parce que sinon…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'ils ont des carrières incomplètes.

AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement, donc qu'est-ce qu'on est en train de dire ? La surcote, la décote ça existe, personne n'y comprend rien, il y a des gens c'est 63, des gens, 64, des gens c'est même 67, et donc ce qu'on propose dans ce système c'est de rendre les choses d'abord plus simples, 64 ans avant un petit malus, après un bonus et surtout d'arrêter avec ce système qui fait qu'il y a des gens notamment des femmes qui travaillent jusqu'à 67 ans et qu'on supprime cela. Parce que quand j'entends dire qu'on a des carrières heurtées, des carrières hachées, en fait c'est un mot très agressif pour dire que ce sont des femmes qui ont eu des enfants.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que quelle que soit sa carrière on partira à 64 ans avec une retraite pleine avec ce nouveau système…

AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement, ça veut dire que l'âge d'équilibre, le taux plein c'est 64 ans, si on part avant on part avec un peu moins, si on part après on part avec plus et comme ça c'est lisible et que cette histoire d'âge de 67 ans qui aujourd'hui fait que, je vous rappelle, 120.000 personnes chaque année ont en fait un âge pivot mais qui n'est pas 64, qui est à 67, on supprime ça parce que c'est très inégalitaire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais ça va obliger certains à travailler plus longtemps l'âge pivot à 64 ans !

AMELIE DE MONTCHALIN
Ça n'oblige personne à travailler plus longtemps.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour toucher une retraite pleine, si !

AMELIE DE MONTCHALIN
Oui mais aujourd'hui c'est déjà le cas, aujourd'hui, je peux vous le dire, les mécanismes qui existent dans le système actuel de surcote et de décote font que la moyenne des gens dans le privé par exemple font leurs calculs et ils partent à 63 ans et demi alors qu'ils auraient la possibilité de partir dès 62 ans. Ça veut donc bien dire qu'on a un système qui ressemble beaucoup mais dont personne ne parle et finalement les Français quand il faut leurs calculs ils ont bien vu que ça existait mais on ne l'a pas fait pour tout le monde. Et dans notre système universel pourquoi c'est important d'avoir ça ? Parce que c'est le même âge, c'est le même mécanisme, c'est le même système pour tout le monde, ça veut dire que tout le monde pourra se dire « 62 ans je peux partir, je fais mes calculs, combien je gagne si je pars avant et combien je gagne si je pars après ? » Ce qui compte pour moi, vous savez, cette réforme est faite pour les jeunes, elle est faite pour les actifs qui ont moins de 44 ans puisqu'on a dit que c'était la génération 75, c'est des gens qui ont comme moi une perspective sur la vie, sur les retraites qui est très simple, depuis qu'on est né on a entendu tous les jours qu'il y avait un trou dans les retraites, qu'il n'y avait plus d'argent, que ce n'était plus à l'équilibre, qu'il fallait faire une réforme tous les cinq ans, que tous les cinq ans il y avait des grèves. Nous on veut je pense quand on a mon âge un système clair et surtout solide parce que ce qui est sûr aujourd'hui c'est que si on ne fait rien dans quelques années il n'y aura plus de retraites.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, Amélie de MONTCHALIN, est-ce que ça veut dire, parce que j'ai entendu le Premier ministre, j'ai entendu Laurent BERGER qui sera mon invité tout à l'heure à huit heures et demie, neuf heures, la négociation n'est pas complètement terminée.

AMELIE DE MONTCHALIN
Elle n'est évidemment pas terminée !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Si j'ai bien compris, sur l'âge pivot le Gouvernement est prêt à négocier !

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qu'on dit c'est que si les syndicats nous trouvent une manière qui est la leur, qui est peut-être quelque chose à laquelle on n'a pas pensé, il faut être humble là-dessus, qui permet de donner de la lisibilité et de créer un équilibre, c'est-à-dire que les gens comprennent, et qu'on équilibre le système et qu'on explique aux gens comment ça marche, on est tout à fait prêt à en parler. Il n'y a pas de tabou, ce qu'on veut nous c'est un système pour les jeunes et pour les femmes, pour les agriculteurs, pour les commerçants, pour les indépendants qui soit juste et on pense que pour ça il faut un système pareil pour tout le monde, universel, général. On a posé des principes, on a créé des nouveaux droits, tout ça ça coûte de l'argent, si les syndicats proposent, le Premier ministre a proposé un an, une année de négociations pour que s'il y a un meilleur modèle on puisse bien sûr en parler. Parce que vous imaginez bien, comme vous le dîtes, c'est un système qui concerne tous les Français, il y a un aspect démocratique, il y a une loi à voter, et puis il y a un aspect paritaire, les syndicats doivent pouvoir s‘exprimer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Amélie de MONTCHALIN, la grève va durer au moins jusqu'à mardi, il y a une grande journée de manifestations, de mobilisation demandée par les syndicats, est-ce qu'ensuite vous appelez à une trêve pendant les fêtes, à une trêve de Noël ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi ce que j'appelle surtout c'est qu'on puisse discuter avec les syndicats qui soutiennent la réforme puisqu'ils veulent un régime universel et qui ont manifestement des choses à nous dire sur un des points particuliers de à la fois comment on y va…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un appel lancé à Laurent BERGER !

AMELIE DE MONTCHALIN
…et comment on fait cette réforme. Donc je pense que s'il y a des négociations, qu'elles se font de bonne foi, quels vont assez loin pour que chacun puisse bien comprendre ce que fait l'autre je pense qu'à un moment donné si la négociation part sur des bases qui sont concluantes on peut peut-être arrêter la grève. Mais ce n'est pas à moi, vous savez, ni de faire les préavis ni de faire les appels.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord mais vous pouvez appeler tout le monde à une trêve pour Noël.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais moi j'appelle d'ailleurs tout le monde à rejoindre la table des négociations, discuter sur le fond et donc bien sûr…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi vous ne dîtes pas « j'appelle maintenant les syndicats à une trêve pour Noël » ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Parce que si je le faisais…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je pense aux Français moi !

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais bien sûr que j'appelle à une trêve, je peux vous le dire, sauf que ce n'est pas mon rôle, ce n'est pas moi qui fais ni le préavis, ni qui organise la grève !

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord mais vous êtes au Gouvernement !

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je suis donc au Gouvernement et je peux vous dire que la position du Gouvernement c'est qu'on veut négocier, on veut discuter, d'ailleurs 70% des Français sont pour un régime universel, donc il faut qu'on le fasse ! Maintenant il faut qu'on le fasse de manière ordonnée pour que notamment les choses se fassent dans le dialogue.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, nous prendrons Patrice et David tout à l'heure parce que c'est le moment d'expliquer les choses, merci Amélie de MONTCHALIN d'être venue nous voir.

AMELIE DE MONTCHALIN
Je vous remercie.

JEAN-JACQUES BOURDIN Il y a des élections en Grande-Bretagne aussi aujourd'hui, en Algérie évidemment.

AMELIE DE MONTCHALIN Il y a aussi surtout aujourd'hui un grand Conseil européen, je pars avec le président à Bruxelles puisque nous avons aujourd'hui un test pour l'Europe, c'est le début de la nouvelle Commission, c'est le début des nouvelles institutions…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est vrai !

AMELIE DE MONTCHALIN
…est-ce que nous oui ou non on arrive à sortir de cette espèce de crise où on n'arrive à rien dire sur le climat, où on n'arrive à rien dire sur le budget européen, les négociations d'aujourd'hui sont clés, elles sont clés pour nos agriculteurs, elles sont clés pour la défense européenne, elles sont clés pour le climat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le début des négociations !

AMELIE DE MONTCHALIN
On a aujourd'hui parce qu'on est au début d'un nouveau cycle on a Ursula von der LEYEN, on a Charles MICHEL, on va donc travailler avec les ministres, avec les chefs d'Etat pour créer des majorités. Parce que, vous savez, l'Europe ce n'est pas de la diplomatie, l'Europe ça crée des choses très concrètes chez nous, ce n'est pas des grands discours entre des gens très lointains, ça fait qu'en France les agriculteurs, notre protection à tout ça avance ou ça n'avance pas. Et sur le climat on a hier une présentation très intéressante, très importante, le climat est la première priorité de la nouvelle Commission européenne, maintenant il faut qu'on mette ça dans les actes.

JEAN-JACQUES BOURDIN

Il faudra mettre les moyens.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et il faut qu'on mette l'unanimité sur le sujet. J

EAN-JACQUES BOURDIN
Merci Amélie de MONTCHALIN, merci


source : Service d'information du Gouvernement, le 13 décembre 2019