Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, bonjour.
BRUNO LE MAIRE
Jean-Jacques BOURDIN, bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre de l'Economie, merci d'être avec nous ce matin, Bruno LE MAIRE. Réforme des retraites, douzième jour de grève notamment dans les transports. Avant d'entrer dans d'éventuelles négociations, discussions avec les syndicats dits réformistes, Bruno LE MAIRE, j'ai une question toute simple. Les Français ne comprennent pas pourquoi avoir choisi le 11 décembre pour présenter la réforme ? Avant Noël ? En sachant qu'elle allait provoquer des grèves et qu'elle allait mettre de nombreux Français dans la difficulté ?
BRUNO LE MAIRE
Il n'y a jamais de bon moment pour porter une réforme de cette importance. Elle suscite des réactions, des oppositions. Vous auriez fait ça au mois de juin, ç'aurait été les départs en vacances d'été. Vous auriez fait ça au mois de septembre, ç'aurait été la rentrée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au mois de janvier par exemple on pourrait faire ça, non ?
BRUNO LE MAIRE
Vous auriez fait ça au mois de janvier, il y aurait eu d'autres obstacles. Là ce qui compte maintenant, c'est que cette transformation… Ce n'est pas une réforme, c'est une refondation du système de retraite français. Il a été fondé en 1945, il repose sur la solidarité. Là nous faisons une refondation de ce système pour qu'il soit plus juste, plus simple, plus équitable et je crois que le jeu en vaut sacrément la chandelle. C'est une magnifique réforme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous demandez demander une trêve pour Noël. Le gouvernement le demande et chacun se rejette la faute. La CGT dit « non, vous êtes responsable s'il n'y a pas de trains à Noël » et vous dites à la CGT « non, vous êtes responsable s'il n'y a pas de trains à Noël. » Il va falloir sortir de ce "à toi, à moi".
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas à la CGT que je m'adresse Reprenons le fil de ce que nous faisons : nous refondons le système de retraite. C'est l'intérêt de tous. C'est l'intérêt des femmes qui ont des carrières hachées ; c'est l'intérêt des familles nombreuses ; c'est l'intérêt de tous ceux qui ont un petit niveau de qualification et qui multiplient les métiers. Qui vont travailler 120 heures, 130 heures dans le trimestre au niveau du SMIC. Ils cotisent, ils ne touchent pas de retraite. Demain ils cotiseront et pour chaque heure travaillée, ils toucheront une retraite. C'est l'intérêt de tous. Donc je souhaite vraiment du fond du coeur que nous retrouvions la voie de la négociation et la voie de la discussion. Les blocages des trains, moi c'est aux cheminots que je m'adresse. Ce n'est pas à la hauteur de l'histoire des cheminots, ce n'est pas à la hauteur de l'histoire de la solidarité des cheminots. Que les cheminots puissent empêcher des millions de Français de partir en vacances dans les fêtes de Noël alors que certains ont réservé leur billet de train depuis des mois ; qu'ils se font une joie de retrouver leur famille, leurs grands-mères, leurs parents et qui vont devoir rester chez eux ou prendre une voiture et faire des heures de déplacement de galère. Mais je dis à chaque cheminot qui m'écoute : ce n'est pas à la hauteur de votre histoire, ce n'est pas à la hauteur de ce que vous êtes et ce n'est pas à la hauteur de ce que sont les chemins de fer français. Donc pendant la période de Noël, les trains doivent circuler. Ils doivent circuler pas pour le gouvernement, pour la CGT ou pour qui que ce soit, ils doivent circuler pour les Français. Parce que les trains c'est la France et que pendant la période de Noël, pendant cette période de fêtes familiales, tous les trains doivent circuler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais qui est responsable de la situation actuelle franchement ?
BRUNO LE MAIRE
Je crois qu'on n'en est plus à chercher la responsabilité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes coresponsables.
BRUNO LE MAIRE
Non mais Jean-Jacques BOURDIN, je crois l'heure n'est pas à chercher les responsabilités des uns ou des autres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Peut-être mais on voit les conséquences.
BRUNO LE MAIRE
L'heure est à chercher une voie de sortie parce que les conséquences, elles sont lourdes. Elles sont lourdes pour toutes les familles qui s'inquiètent : est-ce qu'elles vont pouvoir retrouver leurs familles à Noël et passer les fêtes ensemble ? Elles sont lourdes pour les commerçants, pour les artisans, pour les restaurateurs, pour tous ceux qui ont monté un spectacle, des spectacles de théâtre qui sont à moitié vides aujourd'hui, et elles sont lourdes pour chaque Français. Parce que je vais vous dire ma conviction : ce conflit pèse sur le moral des Français. Il ne pèse pas uniquement sur l'économie, il pèse sur le moral de chaque Français qui en ont assez de voir ces tensions, qui en ont assez de devoir marcher. Tous ces salariés qui sont épuisés parce qu'ils font des heures de voiture dans les bouchons pour retrouver leur travail, ou qui doivent marcher, ou qui doivent attendre sur les quais. C'est épuisant ! Et la France mérite mieux. Je pense que la France devrait être capable de porter une transformation de cette importance : la refondation de son système de retraite par répartition et par solidarité qui fait la fierté de notre pays. Elle devrait être capable de porter cette transformation dans le dialogue et pas dans le conflit. Et c'est ce que je souhaite du plus profond de moi-même : que nous retrouvions la voie du dialogue.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, aménagement - c'est une parenthèse - pour les commerçants ? Je ne suis pas sur le paiement de leurs cotisations sociales. Les commerçants qui souffrent.
BRUNO LE MAIRE
Tout ce qui est nécessaire sera fait, je le dis aux commerçants, je le dis aux restaurateurs, je le dis aux hôteliers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme l'année dernière pour les Gilets jaunes, même chose ?
BRUNO LE MAIRE
Même chose que l'année dernière pour les Gilets jaunes : étalement des charges sociales et fiscales, prise en charge du chômage partiel pour tous ceux qui sont obligés de fermer leur commerce pour responsabilité sans faute. Nous prendrons ça aussi en charge. Je les reverrai très rapidement. Je les ai déjà vus il y a une dizaine de jours avec Agnès PANNIER-RUNACHER, ma secrétaire d'Etat. Nous serons à leurs côtés. Nous l'avons été il y a un an pendant la crise des Gilets jaunes, nous le serons à nouveau pendant cette grève parce qu'ils ne doivent pas payer les pots cassés pour les autres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. La réforme : demain, il y a cette grande journée de manifestations et de mobilisation de tous les syndicats. Je dis bien de tous les syndicats j'ai une question toute simple à vous poser. Le gouvernement va-t-il retirer ou reporter - je dis bien retirer ou reporter - l'âge d'équilibre à 64 ans destiné, dites-vous, à rétablir l'équilibre des comptes du régime de retraite.
BRUNO LE MAIRE
Le gouvernement, le Premier ministre l'a dit très clairement, engagera le dialogue très vite, le plus vite possible. Et je me réjouis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Engager le dialogue quand ?
BRUNO LE MAIRE
Le plus vite possible. Demain, il y a une journée de grève.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc dès mercredi matin le dialogue ?
BRUNO LE MAIRE
Le plus tôt sera le mieux. C'est au Premier ministre de décider. Je note que Laurent BERGER… Laurent BERGER a saisi la main tendue.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Il était là jeudi matin. Il l'a dit.
BRUNO LE MAIRE
Retrouvons le chemin de la discussion et le plus tôt sera le mieux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais le plus tôt ? Depuis jeudi j'entends ça : le plus tôt mais nous sommes lundi.
BRUNO LE MAIRE
C'est ce que décidera le Premier ministre. Pour moi le plus tôt, c'est dès mercredi. Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dès mercredi, rencontres avec les syndicats.
BRUNO LE MAIRE
C'est ce que souhaite le Ministre de l'Economie et des Finances. Nous verrons ce que décideront les syndicats et le Premier ministre dans leur grande sagesse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vois bien la différence : « c'est ce que souhaite le ministre de l'Economie et des Finances » !
BRUNO LE MAIRE
Le Ministre de l'Economie et des Finances ne souhaite qu'une chose, que nous sortions - et je pense que mon message est clair - que nous sortions vite du conflit. Que nous puissions adopter cette transformation majeure qui refonde notre système de retraite et que nous sortions du conflit qui épuise nos concitoyens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Alors la CFDT demande la suppression… Le retrait de cet âge d'équilibre ou le report ; ce n'est pas impossible. Vous seriez favorable à un report ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a deux piliers dans cette réforme des retraites. Le premier c'est l'universalité. Nous supprimons les régimes spéciaux et nous passons de 42 régimes à un seul. Ça, c'est un premier pilier fondateur : un seul régime au lieu des 42 régimes qui existent et plus de régimes spéciaux. Le deuxième pilier, c'est l'équilibre financier. Parce qu'on on ne serait pas responsable si on disait aux Français « on fait la refondation du système de retraite mais on part avec 8, 10, 12 milliards d'euros de dettes et puis on verra bien comment ça se passera. » Comment est-ce qu'on parvient à cet équilibre financier ? Nous, nous avons retenu l'âge pivot. 64 ans. Cet âge pivot, c'est à partir de 2027. Ce n'est pas tout de suite. Et quand on voit aujourd'hui l'âge auquel partent les salariés du privé, en moyenne autour de 63 ans, ce n'est pas un effort considérable. Donc nous avons retenu cet âge pivot, 64 ans en 2027. Qu'est-ce que ça veut dire âge pivot, parce que c'est un mot difficile à comprendre ? Ça veut dire que si vous partez avant, il y aura une décote sur votre retraite ; si vous partez après les 64 ans en 2027, vous aurez une surcote.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que je vais être obligé de travailler deux ans de plus
BRUNO LE MAIRE
Vous, Jean-Jacques BOURDIN, vous serez très heureux de travailler plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, pas moi. Pas moi. Mais si j'ai 50 ans, je suis obligé de travailleur deux ans de plus.
BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire que si en 2027 vous avez 64 ans, vous travaillerez effectivement deux ans plus si vous voulez pas partir avec votre retraite pleine.
JEAN-JACQUES BOURDIIN
Vous travaillerez plus, que les choses soient claires.
BRUNO LE MAIRE
Les choses sont simples, elles sont claires. Elles sont aussi cohérentes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas de report, pas de négociation.
BRUNO LE MAIRE
On part plus tôt… On rentre plus tôt, pardon, dans la vie active. On vit plus longtemps donc tout ça nous paraît cohérent. Est-ce qu'il y a ensuite d'autres solutions pour parvenir à cet équilibre ? Ce qui est fondamental, c'est le principe de l'équilibre financier. Les modalités elles se discutent. L'âge pivot, il peut se discuter dans…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, « c'est discuté » ?
BRUNO LE MAIRE
C'est discuté, c'est-à-dire que si les syndicats arrivent à la table de travail en disant « nous l'équilibre financier, on ne discute pas ; c'est vrai qu'il vaut mieux partir avec un système qui soit à l'équilibre financier pour qu'il soit solide pour les générations qui viennent, mais on a une meilleure idée. Nous, nous vous proposons ceci ou cela. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour l'équilibre financier ?
BRUNO LE MAIRE
La CFDT nous a dit par exemple sur l'âge pivot qu'il était important de tenir compte de la difficulté des carrières, des carrières longues, de la pénibilité. Mais regardons si on peut discuter de tout cela. Vous voyez qu'il y a beaucoup de sujets qui peuvent être ouverts à la discussion. En revanche les deux principes fondateurs sur lesquels il serait, à mon sens, pas responsable de bouger c'est l'universalité : nous supprimons les régimes spéciaux, et l'équilibre financier : nous refusons de partir avec des milliards d'euros de dette.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais l'équilibre financier si j'ai bien compris, on peut l'assurer différemment...
BRUNO LE MAIRE
On peut voir des idées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et on peut peut-être reporter.
BRUNO LE MAIRE
On peut avoir des idées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai – vous allez être franc, je le sais…
BRUNO LE MAIRE
Je le suis toujours.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'êtes toujours, Bruno LE MAIRE. lors justement, est-il vrai que vous n'étiez pas favorable à inscrire cet âge pivot dans la réforme ?
BRUNO LE MAIRE
Moi j'ai toujours été favorable à l'équilibre financier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord.
BRUNO LE MAIRE
J'ai toujours été favorable à l'équilibre financier à tel point que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pas à l'inscription de l'âge pivot dans la réforme.
BRUNO LE MAIRE
Mais l'âge pivot est une solution qui est raisonnable. Parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement vous y étiez favorable ? Ce n'est pas vrai, Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Je défends la solution que nous avons retenue. Cet âge pivot, c'est dire aux Français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous m'avez fait la remarque…
BRUNO LE MAIRE
C'est dire aux Français en 2027, c'est-à-dire dans sept ans, il faudra partir à 64 ans pour avoir son taux plein et si vous partez plus tôt, vous aurez une décote, si vous partez plus tard vous aurez une surcote. Mais je ne voudrais pas que cet âge pivot, qui est une simple modalité d'équilibre financier, efface toutes les avancées sociales majeures de cette transformation des retraites.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce qui se passe. C'est pour ça que vous ne vouliez pas que cet âge pivot soit inscrit dans la réforme.
BRUNO LE MAIRE
Je regrette que cet âge pivot éclipse aujourd'hui les avancées sociales majeures que comporte cette réforme des retraites.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors n'est-ce pas la remarque que vous aviez faite ? Franchement, franchement ? N'est-ce pas la remarque que vous aviez faite au gouvernement et au Premier ministre ?
BRUNO LE MAIRE
Les remarques que je fais aux uns ou aux autres dans le cadre du gouvernement n'ont aucune espèce d'importance. D'abord elles restent secrètes et elles n'ont aucune espèce d'importance. Aujourd'hui il y a un gouvernement qui porte une transformation majeure du système de retraite sous l'autorité du Premier ministre. Il a fait des choix. Ces choix, je les soutiens et notamment cet âge pivot qui permet de savoir pour chacun qu'il faut travailler un peu plus longtemps, comme c'est le cas dans tous les autres pays d'Europe, comme c'est le cas dans tous les pays développés. Nous avons trouvé cette modalité. Si on peut l'améliorer, que les syndicats nous fassent des propositions et nous les accepterons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Simulateur. Un simulateur demandé par beaucoup, beaucoup de Français pour bien comprendre. Parce que beaucoup de Français ne comprennent pas ce qu'ils toucheront quand ils partiront à la retraite. Mi 2020 j'ai vu, un vrai simulateur pour chaque Français.
BRUNO LE MAIRE
Là aussi le plus tôt sera le mieux. C'est très compliqué techniquement. Vous avez des dizaines et des dizaines de milliers de cas différents. Mais plus vite les Français pourront se faire une idée de ce que ça leur apporte, de la manière dont ça va fonctionner, plus vite on pourra dissiper certaines inquiétudes. Là j'entends encore des discussions sur le point, certains qui disent « le point va baisser ». Non. Il y aura une règle d'or dans le projet de loi qui indiquera que le point ne baissera pas, qu'il sera indexé sur les salaires et que les partenaires sociaux participeront à la discussion sur le point.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le point indexé sur les salaires et la pension indexée sur l'inflation.
BRUNO LE MAIRE
Le point indexé sur les salaires. Les pensions par définition, elles varieront en fonction de l'inflation comme vos salaires varient en fonction de l'inflation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le point que j'accumule, la valeur du point sera revalorisée sur les salaires, on est bien d'accord ?
BRUNO LE MAIRE
Tout à fait. Sur la moyenne des salaires et ça paraît très juste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je suis à la retraite. Ma pension sera indexée sur…
BRUNO LE MAIRE
Sur les salaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aussi.
BRUNO LE MAIRE
Votre point de retraite définira la valeur de votre retraite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ma retraite aussi sera indexée… Attendez, ma retraite aussi sera indexée, on est bien d'accord.
BRUNO LE MAIRE
Le point qui définit la valeur de votre retraite sera indexé sur les salaires. Qu'est-ce que ça garantit ? Une fois encore ce qui est au coeur de notre système : la justice. C'est-à-dire que lorsqu'il y a une revalorisation des salaires, que les salaires progressent, les retraites progresse également. Et la justice, c'est ce qu'il y a au coeur de cette transformation que nous portons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Jean-Paul DELEVOYE doit-il démissionner ?
BRUNO LE MAIRE
Il a reçu le soutien du Premier ministre. Il a fait une erreur, il a corrigé son erreur. Il a démissionné de ses mandats dont la plupart, je le rappelle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bénévoles.
BRUNO LE MAIRE
Bénévoles. Et il a remboursé les sommes qu'il devait. Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Il a remboursé les sommes qu'il devait mais enfin ces sommes qu'il devait, il ne les avait pas déclarées. Il ne les avait pas déclarées, Bruno LE MAIRE. Pardon mais…
BRUNO LE MAIRE
Mais je vous le dis avec la même franchise : je n'ai rien de plus à dire. Il a fait une erreur, il l'a corrigée, il a remboursé et il a été confirmé par le Premier ministre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment pourra-t-il défendre la réforme des retraites devant le Parlement ? Mais franchement Bruno LE MAIRE, franchement ?
BRUNO LE MAIRE
Je veux bien vous répéter 50 fois la même chose, j'ai peur que ça ne lasse nos auditeurs. Je n'ai rien de plus à dire sur le sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Vous êtes prudent sur le sujet.
BRUNO LE MAIRE
Non, je suis clair. Je n'ai rien de plus à dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Rien de plus ?
BRUNO LE MAIRE
Rien de plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il est en train de plomber cette réforme. Est-ce que sa présence, lui qui est en charge de cette réforme…
BRUNO LE MAIRE
Je reviens sur ce que je vous disais tout à l'heure, je trouve malheureux qu'au moment où nous refondons ce qui fait la fierté nationale, un système de retraite par répartition, il n'y a pas beaucoup de pays dans le monde qui peuvent dire « ceux qui travaillent payent les retraites de ceux qui ne travaillent plus. » C'est ce qui garantit l'unité de la nation. Ce qui fait la force de la France par la singularité de son modèle. C'est ça dont nous discutons. Nous allons engager une réforme qui permet d'avoir une retraite garantie de 1 000 euros minimum par mois. Qui va permettre aux femmes qui ont des carrières hachées d'avoir enfin des niveaux de retraite dignes. Qui va permettre aux agriculteurs d'avoir enfin des pensions qui soient dignes. Qui va permettre à ceux qui ont des niveaux de salaires plus élevés au-delà de 120 000 euros de cotiser 2,8 % pour les autres. Ça, c'est des changements absolument fondamentaux et c'est ce qui fait la force de cette réforme. Et on est train de parler des erreurs des uns, des modalités techniques de l'âge pivot. Moi je vous dis que sur l'âge pivot, les choses sont ouvertes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on est d'accord. BRUNO LE MAIRE Et je vous dis que sur Jean-Paul DELEVOYE, il a fait une erreur, il l'a corrigée. C'est sa décision, c'est sa décision.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, la croissance pour 2019 ? Quelle sera la croissance ?
BRUNO LE MAIRE
J'espère qu'elle sera… Enfin j'espère… Aujourd'hui les instituts de l'INSEE, de l'OCDE nous confirment dans nos prévisions : il y a un ralentissement pour 2020 qui s'annonce. C'est très clair. Parce qu'il y a des crises commerciales, il y a une tension entre la Chine et les Etats-Unis. Raison de plus pour nourrir l'activité, poursuivre les transformations économiques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la croissance pour 2019, elle sera de combien ?
BRUNO LE MAIRE
1,3.
JEAN-JACQUES BOURDIN
1,3 ?
BRUNO LE MAIRE
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pour 2020 ?
BRUNO LE MAIRE
Nous verrons ce qu'elle sera au moment où nous aurons les chiffres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Croissance 1,3 et l'inflation pour 2019 ?
BRUNO LE MAIRE
L'inflation est très faible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très faible ? Bon. Il n'y aura pas de coup de pouce au SMIC. Rien.
BRUNO LE MAIRE
Que des salaires, notamment les plus modestes, soient insuffisants et qu'il faille leur donner des coups de pouce, mais nous notre façon de donner des coups de pouce ce n'est pas le SMIC. Nous notre façon de donner les coups de pouce et de soutenir les salaires les plus faibles c'est quoi ? C'est la prime d'activité : 100 euros de plus par mois au niveau du SMIC. C'est la défiscalisation des heures supplémentaires. Ça, c'est des instruments qui sont puissants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la prime Macron.
BRUNO LE MAIRE
Puisque vous parlez de tous ces instituts et de tous ces économistes, ils disent tous que la prime d'activité est plus efficace que le coup de pouce du SMIC. Pourquoi est-ce que le coup de pouce du SMIC, je ne crois pas que ce soit la bonne solution ? C'est que tout simplement vous donnez un coup de pouce au SMIC et vous donnez aussi un coup de pouce au chômage. Moi je préfère donner un coup de pouce à tous ceux qui ont un niveau de salaire faible par la prime d'activité, par l'intéressement et par la défiscalisation des heures supplémentaires.
BRUNO LE MAIRE
La prime Macron, près de 5 millions de salariés l'ont touchée l'année dernière. 401 euros en moyenne, un peu plus d'ailleurs dans les petites entreprises que dans les grandes.
BRUNO LE MAIRE
Oui, ça a très bien marché effectivement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça a très bien marché. Cette année les entreprises doivent mettre en place un plan d'intéressement.
BRUNO LE MAIRE
Un accord d'intéressement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, un accord d'intéressement. Mais enfin dans une TPE, chez un commerçant, dans une petite PME, on n'a pas de comptable, on n'a pas de DRH, comment fait-on ?
BRUNO LE MAIRE
Ce que nous voulons faire, c'est une vraie amélioration durable du niveau de rémunération de ceux qui ont les salaires les plus faibles. Et je dis bien durable, dans le temps long. Pas simplement une prime qui serait accordée une année puis refusée une autre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, alors ?
BRUNO LE MAIRE
Une prime d'activité, c'est durable. La défiscalisation des heures supplémentaires, c'est durable. Et sur l'intéressement, c'est une manière d'associer le salarié aux résultats de l'entreprise de façon durable. Les PME me disent, les TPE me disent, les commerçants me disent « c'est trop compliqué, c'est trop lourd. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui.
BRUNO LE MAIRE
Je le simplifie de trois manières. Première manière, ils pourront signer, les chefs d'entreprise des entreprises de moins de 11, salariés un accord d'intéressement pour un an. Normalement c'est trois ans. On leur dit « vous voulez essayer, vous avez peur, ce sera pour un an pas trois ans. » Deuxième chose, l'accord tel qu'il est disponible sur Internet sera simplifié. Troisième chose que je vous annonce ce matin, un entrepreneur qui signe pour la première fois un accord d'intéressement et qui est un peu inquiet à l'idée de signer un accord d'intéressement, qui se dit c'est trop compliqué, il faut que je consulte mes salariés, il faut que je les fasse voter » pourra le faire sous forme de déclaration unilatérale de l'employeur. C'est-à-dire qu'il suffira qu'il dise « je sors mon accord d'intéressement, je le décide et je le mets en oeuvre. » Pour un an ou pour trois ans comme il le souhaite, mais il pourra le faire de façon unilatérale. Il n'aura pas besoin de consulter ses salariés. C'est une avancée majeure, une simplification radicale des accords d'intéressement. Et j'espère que tous les entrepreneurs qui nous écoutent, tous ceux qui ont des entreprises de moins de 11 salariés se diront « si on n'a pas à consulter nos salariés, si on peut le faire par nous-mêmes, si c'est simplifié comme ça et si ce n'est que pour un an, ça vaut le coup de se lancer. » Et tous ceux qui auront signé cet accord du coup pourront verser une prime à leurs salariés totalement défiscalisée. Enfin, le jeu en vaut la chandelle. Et donc j'appelle tous les entrepreneurs qui nous écoutent : maintenant que vous pouvez le faire sous forme de déclaration unilatérale et que ce n'est que pour un an et que l'argent que vous versez va être défiscalisé, faites-le. Faites-le pour le pouvoir d'achat de vos salariés. Faites-le pour récompenser les salariés grâce auxquels vos entreprises marchent bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question sur Boris JOHNSON et sur la Grande-Bretagne. Imaginons qu'il installe une zone de libre échange aux portes de l'Europe, genre de Singapour sur Tamise. Ce serait catastrophique, non ?
BRUNO LE MAIRE
Boris JOHNSON fera bien ce qu'il veut. Ce qui compte pour moi c'est que nous sécurisions le marché unique européen. C'est-à-dire que les produits qui rentrent sur le marché unique européen obéissent aux mêmes règles de fabrication sociales, fiscales que celles qui s'imposent à tous les produits sur le marché européen. Donc nous allons négocier cet accord avec la Grande-Bretagne, je crois que c'est notre intérêt de garder de très bonnes relations avec la Grande-Bretagne mais ça doit se faire avec une ligne rouge absolue : préserver le marché unique européen.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et j'ai une dernière question. L'endettement des entreprises américaines qui inquiéterait les milieux financiers et les milieux économiques, c'est vrai ?
BRUNO LE MAIRE
Oui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai que l'économie mondiale est menacée par cet endettement ?
BRUNO LE MAIRE
Il y une inquiétude sur ce niveau d'endettement. Il y a eu aussi une inquiétude sur le niveau d'endettement des ménages sur l'immobilier, donc j'ai pris la décision avec le gouverneur de la Banque de France quand nous voyions que se multipliaient les crédits au-delà de 25 ans avec un taux d'effort de plus de 33%, c'est-à-dire plus de 33% de votre revenu consacré à l'achat de votre bien immobilier, nous nous sommes dit "la machine est en surchauffe, il faut ralentir les choses et éviter le surendettement des ménages." Donc nous avons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De restreindre les crédits.
BRUNO LE MAIRE
Dans le cadre du Haut Conseil financier de restreindre les crédits au sens où nous voulons éviter que des ménages s'endettent trop lourdement sur une durée trop longue parce que ça fait exploser les prix de l'immobilier et que ça menace les ménages. Donc vous voyez que nous veillons à ce que notre économie qui aujourd'hui marche bien, tourne bien, est solide avec une croissance qui est une des plus fortes de la zone euro ne soit pas menacée par des chocs de surendettement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Bruno LE MAIRE d'être venu nous voir.
BRUNO LE MAIRE
Merci Jean-Jacques BOURDIN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 décembre 2019