Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, à LCI le 16 décembre 2019, sur la réforme des retraites.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER. Merci d'être avec nous ce matin, Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie. Quand on voit effectivement la situation des commerces, quand on voit la situation de ceux qui n'en peuvent plus dans les transports en commun : ça fait douze jours que ça dure, c'est un enfer, également sur les routes, est-ce que vous appelez, vous, à une trêve pour Noël ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Formellement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
J'appelle à une trêve pour Noël. Je crois que c'est ce que les Français attendent. C'est d'ailleurs ce qui se pratique dans les autres pays. Vous savez qu'en Italie, il est interdit de faire grève pendant les vacances scolaires. C'est naturel, le droit de grève il est constitutionnel dans tous les pays européens ou au moins législatif. Et en même temps, les gens aspirent à avoir un minimum de service minimal et ils ne doivent pas être bloqués dans leurs activités autant que possible. Et les deux se concilient, on le sait très bien.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
C'est le souhait aussi qu'il y ait une trêve de Noël. Est-ce qu'on peut s'attendre peut-être cette semaine, alors en milieu de semaine… Les réunions commencent quand avec les partenaires sociaux ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je comprends qu'elles commencent mercredi mais cela n'empêche pas de discuter.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Elles commencent mercredi. Est-ce que vous pensez qu'on va trouver un accord sur l'âge pivot ? C'est ce que demande la CFDT.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, il faut être deux pour négocier donc il faut voir comment les discussions se forment. Mais ce que je veux rappeler, c'est que cette question d'âge pivot elle repose sur une question majeure qui est la question de l'équilibre du régime des retraites que nous proposons. Démarrer une réforme en disant "nous avons un régime qui est soutenable, qui garantit aux plus jeunes d'avoir une retraite" et en fait en mentant aux gens c'est-à-dire rien au démarrage, il n'est pas équilibré, c'est se moquer du monde. Donc oui, on pose le sujet sur la table et on nomme les difficultés. Et ensuite on dit "mais mettons-nous autour de la table pour trouver une solution." En plus, on a écouté les syndicats. Lorsqu'on maintient un âge légal à 62 ans qui est une opportunité de partir à 62 ans…

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Avec un malus.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais pourquoi ? Parce que si vous aviez juste un âge de départ légal, vous partiriez sans malus. Vous voyez la difficulté. Et si c'est 64 ans l'âge qui permet d'avoir une retraite équilibrée, lorsqu'on met l'âge légal à 62 ans, par construction on fait un compromis pour les Français et pour écouter ce que nous disent les syndicats. Donc on ne peut pas tout vouloir, c'est-à-dire dire à la fois "il faut que les jeunes aient un système qui est financé, il faut maintenir l'âge légal à 62 ans et, coup de baguette magique, le système va s'équilibrer." Donc on est obligé d'avoir un âge pivot et c'est ça qu'on met sur la table. Donc il ne faut pas tuer le messager. Le messager, c'est notre responsabilité de nommer les problèmes et d'essayer de trouver des solutions.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Et vous en parlerez avec la CFDT. Donc a priori les réunions commencent mercredi. Ce qu'ils demandaient eux, c'était de pouvoir le négocier cet âge pivot, la CFDT qui était sur le plateau la semaine dernière. Pouvoir négocier, pas qu'on leur impose un âge pivot à 64 ans.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors d'abord, là aussi il y a eu une évolution puisqu'on avait d'abord proposé que l'âge pivot se mette… Enfin, que l'équilibre soit positionné sur 2025, on l'a déplacé à 2027. C'est plusieurs milliards d'euros de décalage lorsque l'on fait ça. Donc on a entendu les demandes de la CFDT, de l'UNSA aussi parce qu'il y a quand même des syndicats qui sont présents la table de négociations et qui font preuve de responsabilité et qui soutiennent le caractère systémique de cette réforme. Mais il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous on est inquiet sur les paramètres qui pourraient être utilisés. Augmenter les cotisations, ça crée du chômage. Alors sur le papier c'est joli, on dit "les entreprises payent", mais les entreprises il y a des hommes derrière. Donc à la fin il y a toujours quelqu'un qui paye : soit le consommateur, soit les salariés.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Voilà. Ça sera certainement négocié cette semaine, nous suivrons ça. Agnès PANNIER-RUNACHER, je voudrais aussi avoir votre sentiment sur l'ultimatum que vous a fixé la CGT.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, j'en souris.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Une semaine.

AGNES PANNIER-RUNACHER
J'en souris mais un peu jaune pour être honnête. Ce n'est pas très sérieux. Enfin, on parle d'un sujet qui est central pour tous les Français : le financement de leur retraite. On sait que notre système est à bout de souffle et on nous dit "vous retirez tout et tout le monde rentre à la maison" parce qu'on ne va pas traiter les sujets pour le confort de la CGT ? Enfin franchement, qui est le plus conservateur ? Qui est le plus conservateur entre la CGT qui veut maintenir un système de retraite qui est injuste, qui évidemment ne profite pas aux femmes – 42% d'entre elles ont une retraite inférieure à 1 000 euros - ou le gouvernement qui essaie d'affronter les problèmes ?

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Mais vous savez, Madame la ministre, les Français pensent que si la grève n'arrête pas, ne cesse pas, c'est de la faute du gouvernement. Regardez ce sondage Ifop effectivement dont nous vous parlons ce matin : une majorité de Français pensent que la balle est dans camp du gouvernement. 46%, 35% pour les syndicats.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je l'écoute, je l'entends. Mais je pense aussi que c'est notre responsabilité lorsqu'on est au gouvernement, encore une fois, d'assumer la réalité des situations. On sait que c'est une réforme difficile. On n'a menti à personne, on a mis tous les éléments sur la table, on l'a dit pendant notre campagne présidentielle. On n'a pas masqué le problème, on n'a pris personne en traite, ça fait plus de deux ans qu'on négocie. Donc quand on nous dit "vous auriez pu attendre décembre, pas descendre", pardon, mais quand on négocie pendant deux ans à un moment on arrive au moment de Noël si vous voulez. Ça, c'est assez mathématique. Mais après les faits sont là.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Donc vous n'êtes pas prêts à lâcher du lest en fait ; c'est ce que vous nous dites.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Les faits sont là, les faits sont là. Les faits que les précaires ont des retraites de misère, que les agriculteurs ont des retraites de misère, que les femmes doivent travailler pour 20% d'entre elles jusqu'à 67 ans pour avoir une retraite.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Vous pensez que vous êtes sur la bonne voie et qu'on va arriver à désamorcer le conflit ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense qu'on devrait sortir de ce conflit. Parce qu'il y a des syndicats qui sont prêts à négocier, parce que les Français soutiennent l'idée qu'il y ait un régime universel avec ce principe très simple : même travail, mêmes cotisations, même retraite.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Agnès PANNIER-RUNACHER, une chose encore, je voudrais qu'on dise un mot de Jean-Paul DELEVOYE qui a, semble-t-il, des petits trous de mémoire sur sa déclaration de revenus. Vous pensez que sa position est tenable ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je veux quand même dire deux choses. La première chose, c'est qu'il a fait une grosse bêtise en cumulant deux salaires mais il ne l'a pas masqué.

JEAN-MICHEL APHATIE
… son salaire.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non. Dans sa déclaration, il met le montant.

JEAN-MICHEL APHATIE
La première, il l'avait minorée. Il avait mis un mauvais montant.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors je n'ai pas tous ces éléments-là mais ce que je constate, c'est que…

JEAN-MICHEL APHATIE
Ils sont dans la presse depuis plusieurs jours.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui. Alors moi, je me rapporte à l'HATVP. Le premier point, c'est sur le salaire. Il a déclaré, il n'a pas caché qu'il avait ce mandat-là. Ce n'est pas bien d'avoir cumulé ; ça fait deux mois qu'il au gouvernement et c'est sur la base de sa déclaration qu'on pointe le sujet. La deuxième chose, c'est que les dix mandats qu'il remet ce sont des mandats bénévoles. Il n'est pas obligatoire de les déclarer. On vous indique dans la Déclaration HATVP que pour les mandats bénévoles il faut voir si ça peut générer un conflit d'intérêts.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN D'accord.
AGNES PANNIER-RUNACHER Lorsqu'il est auprès des diabétiques à titre bénévole, je ne suis pas sûre sincèrement que ça déclenche une situation de conflit d'intérêts.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Donc vous pensez que sa position est tenable ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne suis pas le procureur de la République donc tout ça va être regardé de très près par l'HATVP. Mais je crois qu'à un moment, il faut savoir aussi nommer les sujets, et la façon dont l'opposition s'est précipitée pour dire "regardez, il n'a pas déclaré ses mandats bénévoles, c'est inadmissible. Tout le monde se croit tout permis !" Donc ce monsieur qui passe du temps pour faire des fonctions bénévoles sur des causes qui lui tiennent à cœur et qu'on balance sur la place publique, je trouve ça assez limité. Après l'histoire de rémunération, il faut l'éclaircir.

JEAN-MICHEL APHATIE
On dit que la politique doit être exemplaire, vous trouvez que c'est une attitude exemplaire ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pose la question, Monsieur APHATIE, je pose la question de faut-il ou pas déclarer sa participation au soutien des diabétiques ? Est-ce que vraiment ça doit sur la déclaration HATPV ? Moi, ce n'est pas ma lecture.

JEAN-MICHEL APHATIE
Ou les assurances qui étaient aussi bénévoles…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non. L'assurance, c'est un organisme de formation. Là aussi on déforme.

JEAN-MICHEL APHATIE
Sa fonction était bénévole ?

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
On n'a pas le temps de rentrer dans le détail de la déclaration de Jean-Paul DELEVOYE.

JEAN-MICHEL APHATIE
Il y avait la question du conflit d'intérêts.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans un organisme de formation, Monsieur APHATIE, mettons les…

JEAN-MICHEL APHATIE
Un organisme de formation pour les assurances.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, mais de formation.

JEAN-MICHEL APHATIE
Mais de l'assurance.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Merci beaucoup, Agnès PANNIER-RUNACHER. Merci d'être venue ce matin sur le plateau de la matinale LCI.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 décembre 2019