Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN bonjour.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous ce matin. J'ai une question toute simple, que proposez-vous, que proposez-vous, pour que les grèves cessent pendant les fêtes, Noël et jour de l'An ?
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas au gouvernement de proposer quelque chose, ce n'est pas lui qui appelle à la grève, ce n'est pas le Premier ministre de la France qui appelle à la grève, mais le Premier ministre a dit que dans un conflit social, il y a manifestement un conflit social au sujet d'un grand sujet social qu'est les retraites, que son bureau restait très ouvert, que tout était à discuter, qu'il y avait des principes qu'il fallait respecter, et que par ailleurs c'était mieux de ne pas faire de chantage et effectivement de laisser les familles, dans cette trêve particulière qui est celle des vacances de Noël, pouvoir retourner entre elles, ce qui paraît assez légitime. Donc conflit social bien sûr, on le voit, discussions évidemment, ce n'est pas le Premier ministre qui appelle à faire grève, et que chaque syndicat soit responsable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais Gérald DARMANIN, d'accord, ce sont les syndicats qui appellent à la grève, pas le gouvernement…
GERALD DARMANIN
Pas tous les syndicats d'ailleurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui tous.
GERALD DARMANIN
Non mais je parle pour Noël, il y a des syndicats qui ont expliqué qu'il fallait faire une pause.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais aujourd'hui tous. Gérald DARMANIN, ça veut dire quoi, ça veut dire que, dans les discussions qui vont s'ouvrir, 14h30 demain, on commence des discussions, le Premier ministre va recevoir les syndicats, il y aura une grande réunion générale jeudi, que va proposer le gouvernement ?
GERALD DARMANIN
Mais c'est sur la table. Le Premier ministre, la semaine dernière, a fait un discours, il est allé au journal télévisé le soir même, pour le vulgariser, pour dire voilà ce qu'on va faire. On va faire ce qu'a proposé le président de la République, à la majorité parlementaire, choisi par le peuple, la retraite par points. On va atteindre l'équilibre financier et on va faire ce régime universel qui va permettre de donner plein de nouveaux droits à plein de gens, et puis demander à travailler un peu plus longtemps à d'autres, c'est vrai, notamment les régimes spéciaux, notamment, en partie, ceux qui bloquent les trains ou les métros. Il a dit c'est à négocier, puisque le projet de loi, Monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais, ça veut dire quoi c'est à négocier ?
GERALD DARMANIN
Le projet de loi, Monsieur BOURDIN, il est déposé au Conseil des ministres en janvier prochain et ensuite il va y avoir quelques mois de débat parlementaire, on n'en est encore qu'au début d'une discussion normale, de démocratie sociale, de démocratie parlementaire, pourquoi bloquer un pays alors qu'on laisse les portes ouvertes ? Moi j'ai été très choqué, je l'ai dit à Monsieur MARTINEZ sur votre plateau il n'y a pas très longtemps, qu'on continue à bloquer des trains, ou on continue à bloquer des métros, alors que la patronne de la RATP, par exemple, dit « venons discuter dans l'entreprise de ce qui va se passer, comment on peut aller dans la transition, comment on peut montrer nos accords et nos désaccords et trouver un compromis », c'est ça la discussion sociale. La CGT n'y a pas. Donc la CGT peut bloquer les métros et pas aller aux réunions avec la cheffe de l'entreprise pour essayer de sortir de cette crise. Vous trouvez ça normal, est-ce que vous trouvez ça normal de ne pas aller à une réunion ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je n'ai pas à trouver ça normal ou pas normal, moi Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Je pense que les Français qui nous écoutent ne trouvent pas ça normal.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Interrogez les Français qui nous écoutent, ou qui nous regardent, on est bien d'accord. Mais, Gérald DARMANIN, négocier, vous dites on va négocier, on est prêt à négocier, c'est ce que vous dites, on est prêt à négocier ?
GERALD DARMANIN
…Un compromis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un compromis sur quoi, sur quel point pourrait-on trouver un compromis ?
GERALD DARMANIN
D'abord il y a plusieurs principes sur lesquels le gouvernement ne reculera évidemment pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, lesquels ?
GERALD DARMANIN
D'abord on va faire un régime universel de retraite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, là pas question de discuter.
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas la question de ne pas discuter, c'est le principe même de la réforme. La démocratie ça compte, quand les gens votent ça compte, on a quand même élu le président de la République pour qu'il réforme, on va passer de 42 régimes à un seul régime, c'est-à-dire qu'on va mettre fin aux régimes spéciaux. Si la négociation c'est qu'il faut qu'on arrête les régimes spéciaux, que la RATP, que la SNCF, continuent à avoir un régime équilibré par l'impôt des Français, continuent à partir bien plus tôt que tous les Français en retraite, évidemment on ne va pas être d'accord. Mais je pense qu'il y a une grande partie de l'opinion publique qui n'aimerait pas que l'on recule là-dessus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors sur quels points vous devriez négocier ?
GERALD DARMANIN
D'abord disons les principes de la réforme. Un, on va faire un régime universel de retraite, deux on veut qu'il y ait des transitions, et le Premier ministre l'a annoncé, il a déjà fait beaucoup d'écoute, on est passé de la génération 1963 à la génération, on est en 1975, un peu plus de 10 ans, si j'ose, de déjà de négociations qu'il y a eu avec une grande partie des syndicats. Trois, on veut que cette réforme soit équilibrée financièrement, il y a une proposition du Premier ministre, il faut travailler plus longtemps, le fameux âge pivot, l'âge à taux plein à 64 ans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pivot, 64 ans.
GERALD DARMANIN
Mais il a dit, si les partenaires sociaux se mettent d'accord sur un équilibre financier différent, je les écouterai et je les entendrai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel peut être cet équilibre financier différent ?
GERALD DARMANIN
D'abord vous avez plusieurs façons d'équilibre le système des retraites, soit vous baissez les pensions, mais je crois qu'aucun syndicat ne le propose, soit vous augmentez les cotisations – j'ai entendu le patron de la CFDT-Cheminots à l'instant, il a dit ça, il a dit moi je pense qu'il faut regarder…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes prêt à accepter une augmentation des cotisations ?
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas notre proposition, parce que l'augmentation des cotisations…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas votre proposition, ça j'ai bien compris, mais est-ce que vous seriez prêt à l'accepter dans la négociation ?
GERALD DARMANIN
Voyez, Monsieur BOURDIN, c'est une question intéressante, on ne peut pas répondre par oui ou par non tout de suite comme ça, regardez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous êtes prêt à en discuter ?
GERALD DARMANIN
On est prêt à discuter de tout par définition, du moment que le régime doit être équilibré. D'ailleurs, ce qui est très intéressant c'est que, en quelques jours, on est passé à il y a un trou financier, mais ce n'est pas grave, à désormais oui, l'équilibre financier c'est important. Pourquoi c'est important ? Parce que demain et après-demain on laissera à nos enfants le soin de payer notre retraite et notre dette, c'est irresponsable. Le problème d'augmenter les cotisations, si on augmente les cotisations patronales, d'abord le patronat ne sera pas d'accord, et ce qu'a dit le Premier ministre c'est bien qu'il fallait que les partenaires sociaux, y compris le patronat, soient d'accord…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui il y a des partenaires sociaux qui ne sont pas d'accord.
GERALD DARMANIN
Non, mais j'entends bien, mais, aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il faut fâcher les syndicats de salariés ou est-ce que vous fâchez le patronat ?
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas comme ça… on n'est pas en opposition…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas comme ça, si Gérald DARMANIN, c'est comme ça, c'est la réalité.
GERALD DARMANIN
Le patronat et les salariés peuvent se mettre d'accord ensemble, ils le font plein de fois, on prend un peu de temps pour ça. Quand ils gèrent l'AGIRC-ARRCO, une caisse de retraite particulière, ils prennent ensemble, FO, la CFDT, le patronat, des mesures ensemble, d'équilibre financier. Donc, ce qu'a dit le Premier ministre, c'est que nous on met une proposition pour arriver à l'équilibre financier, c'est de travailler un peu plus longtemps, voilà. Ce qu'on dit c'est, on ne va pas baisser les pensions. Est-ce qu'il faut augmenter les cotisations ? Nous ne sommes pas favorables à ça, une augmentation de cotisations c'est moins de pouvoir d'achat pour les salariés ou plus de charges pour les patrons, ça tuerait l'économie. Est-ce qu'il y a quelque chose d'intelligent, de plus intelligent, que ce que nous constatons là en quelques secondes ? Sans doute, c'est pour ça que le travail, la concertation, la discussion…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sans doute, vous avez une idée ?
GERALD DARMANIN
Mais des idées, tout le monde en a plein j'imagine, il faut les expertiser et travailler, c'est pour ça que le Premier ministre a sa porte ouverte, que les gens vont continuer à discuter…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors j'ai une idée, elle ne vient pas de moi…
GERALD DARMANIN
Et ça c'est un point intéressant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Puisque vous parlez d'idée, j'ai une idée, mais elle ne vient pas de moi, elle vient de députés de La République en marche, qui vous disent, ces députés, ils sont une trentaine, une quarantaine, qui vous disent quoi ? Qui vous disent en février votons la partie systémique, la retraite à points, la fin des régimes spéciaux, et, sur l'âge pivot, sur la pénibilité, sur l'équilibre budgétaire, grande concertation au printemps avec les partenaires sociaux, le gouvernement et les parlementaires. C'est une bonne idée ou pas ?
GERALD DARMANIN
Non, je ne pense pas, mon avis est différent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites non ?
GERALD DARMANIN
Mon avis est différent, pourquoi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites non ?
GERALD DARMANIN
Mais mon avis est différent, moi je ne suis pas président de la République et Premier ministre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord.
GERALD DARMANIN
Vous ne me demandez mon avis, je vous le donne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y.
GERALD DARMANIN
Mon avis est différent. Si on fait les choses en deux fois, vous avez le risque de faire deux réformes des retraites dans le même quinquennat, qui peut penser un seul instant que dans 1 an nous disions aux Français "on a fait une grande réforme qui va tout régler, mais vous savez quoi, on a oublié de vous dire il fallait qu'on l'équilibre financièrement." Je pense que la marque de ce gouvernement, et la marque du président de la République, c'est le changement mais avec la responsabilité. On me dit souvent est-ce que c'est une réforme de gauche, est-ce que c'est une réforme de droite ? Je dirais que c'est une réforme de gauche avec la responsabilité, ou de droite avec le social. Donc je crois que ce qui est consubstantiel dans ce que fait le président de la République c'est d'être responsable. On ne peut pas dire à nos enfants et à nos petits-enfants, "on vous laisse financer nos retraites et par ailleurs la dette qu'on n'aura pas été capable de régler parce qu'on n'a pas eu le courage de dire la vérité aux gens." Mais moi je vois très franchement que, notamment la CFDT dit des choses pas très éloignées de ce que dit le gouvernement, tout le monde est d'accord…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La CFDT dit non à l'âge pivot de 64 ans, non.
GERALD DARMANIN
Non, ce matin, ce matin, j'ai encore lu Monsieur BERGER dans un grand journal, il a expliqué que l'équilibre financier…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La Croix.
GERALD DARMANIN
Ce n'était pas un gros mot et qu'il fallait l'obtenir. Pour l'instant on n'est pas d'accord sur la façon d'obtenir, on n'est pas d'accord pour le chemin à prendre pour atteindre le but qu'on s'est fixé, mais on est tous d'accord sur le même but, en tous cas les gens, on pourrait dire raisonnables et responsables, je pense que des gens aussi intelligents que Laurent BERGER et Edouard PHILIPPE peuvent se mettre autour d'une table et trouver un chemin de compromis. Le compromis d'une démocratie, ce n'est pas que l'un a gagné contre l'autre, c'est que les générations futures aient gagné.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le niveau de mobilisation aujourd'hui sera décisif ?
GERALD DARMANIN
On regarde toujours, bien sûr, les mobilisations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement ?
GERALD DARMANIN
Non mais, on regarde toujours les mobilisations, on regarde toujours les jours de grève, on regarde toujours tous ces Français qui sont bloqués…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Imaginons qu'il y ait plus de monde que le 5 décembre, est-ce que ça changera quelque chose ?
GERALD DARMANIN
Ce qui compte, dans une démocratie, c'est quand les gens votent, et ils votent aussi avec des représentants du Parlement qui auront à discuter une réforme qui n'est même pas déposée, pour l'instant, sur le bureau des Chambres. Ce qui compte dans une démocratie sociale, c'est aussi qu'il y ait des mobilisations sociales, elles se regardent, mais elles ne sont pas les seules décisives. Moi je pense aussi à tous ceux qui ne font pas grève, tous ceux qui… regardez ce chauffeur de tram, vous l'avez tous vue cette vidéo, ce monsieur il est peut-être minoritaire d'ailleurs au sein de la RATP, peut-être, c'est vrai, mais il a choisi de se lever le matin, d'aller travailler, de conduire des gens au travail, il se fait insulter, il se fait brocarder, même menacer, est-ce que c'est ça l'idée qu'on a du blocage et de la grève en France ? bien sûr que non. Donc moi je pense qu'il faut respecter une manifestation, moi je regarderai le nombre de personnes qu'il y a dans la rue, bien évidemment je les respecte, je respecte le droit de manifester. Je respecte les gens qui disent "je ne vais pas travailler", ils ne sont pas payés, mais ils ne vont pas travailler, j'ai beaucoup plus de mal à comprendre comment on peut bloquer des sorties de bus, comment on peut bloquer des trams, comment on peut insulter des gens qui veulent travailler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors il y a une solution, instaurer un vrai service minimum dans les transports publics, aux heures de pointe.
GERALD DARMANIN
Pardon de le dire, mais un service minimum, il fonctionne, ce chauffeur de tram il roule, simplement il a été empêché de le faire. Moi je ne suis pas pour qu'on restreigne le…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ça existe dans tous les pays d'Europe, pourquoi est-ce qu'en France ça n'existe pas ?
GERALD DARMANIN
Il y a un service minimum en France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, un faux, un faux service minimum.
GERALD DARMANIN
Non, Monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On se déclare 48 heures avant.
GERALD DARMANIN
Le principe de la grève…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'allez pas me dire que le service minimum en France est le même qu'ailleurs en Europe quand même !
GERALD DARMANIN
Il y a plein de choses très différentes en Europe, y compris le système des retraites.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord, mais pourquoi est-ce qu'on ne réquisitionne pas, en période de grève dans les transports publics, un certain nombre de conducteurs par exemple ?
GERALD DARMANIN
Moi je vais vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ?
GERALD DARMANIN
Je vais vous dire. Je ne suis pas dans la provocation au moment où les gens sont dans un conflit social…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne s'agit pas d'être en provocation.
GERALD DARMANIN
Mais si…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il s'agit de répondre.
GERALD DARMANIN
Moi j'ai entendu une partie de mes anciens amis LR qui se disaient gaullistes sociaux, et qui aujourd'hui veulent, comme vous, réquisitionner, empêcher.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne veux pas moi, je vous pose la question, moi je n'ai pas à donner mon avis.
GERALD DARMANIN
Moi je crois que les gens sont adultes, il y a des gens qui peuvent et qui savent ce qu'ils font lorsqu'ils manifestent, qui peuvent… et qui savent ce qu'ils font quand ils font grève, ils ne sont pas payés quand ils font grève, la limite du droit de grève c'est le devoir de blocage, il n'y a pas de devoir de blocage en France. Moi je ne suis pas pour qu'on restreigne la manifestation ou la grève, il y a des grèves, les Français le voient, les Français sont pris à partie, l'opinion est prise à partie par ce que fait le gouvernement et ce que font les syndicats, et ils jugent ou ils jugeront. Moi ce que je souhaite c'est que, évidemment, le plus tôt possible les choses reviennent normales, qu'on ait à la fois sauvé le système des retraites, pour nous et pour nos enfants, et en même temps que chacun reprenne le travail, bien évidemment c'est ce qu'on souhaite. Ça passe par une discussion sociale, il faut que chacun, désormais, vienne discuter avec Monsieur le Premier ministre et trouve un compromis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, la démission de Jean-Paul DELEVOYE, c'était le seul moyen de préserver la réforme des retraites, il fallait cette démission, franchement ?
GERALD DARMANIN
Ecoutez, c'est le choix de Jean-Paul DELEVOYE, il s'en est expliqué…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est sûr.
GERALD DARMANIN
Moi je vais vous dire, je n'aime pas les chasses au loup. Donc j'entends aujourd'hui d'ailleurs des gens qui disent " il aurait dû démissionner depuis longtemps ", moi je connais bien Jean-Paul DELEVOYE, c'est un honnête homme, il est de ma région, et je le connais depuis longtemps, et je peux vous dire que ce qui se passe là est quand même très démonstrateur d'une forme de mépris, aussi, sur tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à des gens qui donnent du temps pour l'intérêt général. Il a son âge, Jean-Paul DELEVOYE, il aurait pu rester tranquillement chez lui plutôt que de s'intéresser à un dossier très compliqué, où il n'y avait que des coups à prendre, d'ailleurs il a pris des coups, alors moi je voudrais avoir une pensée pour lui ce matin, il va manquer au gouvernement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a pris des coups, il faut qu'il assume les coups, pardon, je veux bien…
GERALD DARMANIN
Non, mais il a assumé lui-même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne va pas le plaindre Gérald DARMANIN, les coups, il a assumé, il est devenu Haut-commissaire, il a accepté, quand on accepte, on assume.
GERALD DARMANIN
Non mais attendez, il a démissionné lui-même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a quand même caché, oui ou non ?
GERALD DARMANIN
Mais, Monsieur BOURDIN, on va pas taper par terre un type qui est allongé… quand il a un peu de sang par terre, là, vous continuez à mettre un coup de savate pour voir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non…
GERALD DARMANIN
Moi je respecte sa famille, son nom, il a beaucoup servi la République, il aurait pu rester chez lui tranquillement à regarder la télévision et voir comment le président MACRON se débrouillait, il a choisi de retirer un peu ses manches pour travailler, il a pris des coups, il a peut-être fait quelques bêtises, il l'a dit lui-même, qui n'en fait pas ? En l'occurrence je ne pense pas qu'il y ait mort d'homme dans ce qu'a fait Jean-Paul DELEVOYE, il a choisi de démissionner, moi je respecte très fortement la personnalité de Jean-Paul DELEVOYE et je pense qu'il va manquer, aux partenaires sociaux et au gouvernement, parce que c'est un homme de grande qualité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui va le remplacer, vous ?
GERALD DARMANIN
Non, c'est le président de la République et le Premier ministre qui décident.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais vous, vous accepteriez ?
GERALD DARMANIN
C'est le président de la République et le Premier ministre qui décident.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous accepteriez ?
GERALD DARMANIN
Mais d'abord vous n'êtes pas le président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais si le président de la République vous le propose, vous accepteriez ou pas ?
GERALD DARMANIN
Avec des si on met Tourcoing en bouteille. Moi je vais vous dire quelque chose…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais, je n'ai pas envie de mettre Tourcoing en bouteille, j'ai envie d'une réponse, ce qui n'est pas pareil.
GERALD DARMANIN
Monsieur BOURDIN, je vais vous donner un scoop, ni le président de la République, ni le Premier ministre, je les ai tous deux vus hier, ne m'en ont parlé, je tire la conclusion que comme ils ne m'ont pas posé de question, je n'y réponds pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon d'accord…
GERALD DARMANIN
Et de toute façon il y a beaucoup de travail…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ne vous ont rien proposé.
GERALD DARMANIN
Mais si, attendez, je suis ministre des Comptes publics, c'est magnifique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais en parler tiens, je vais en parler.
GERALD DARMANIN
Je termine le budget avec les parlementaires aujourd'hui, on a beaucoup de travail, et je ne me sens pas du tout dans l'ennui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pendant ce temps-là le CAC40 est au-dessus des 6000 points, il a augmenté de 26 % depuis le début de l'année, c'est un record depuis 2007, il faut s'en réjouir ?
GERALD DARMANIN
Il faut se réjouir que l'économie française aille bien, je préfère que le CAC40…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle va bien ?
GERALD DARMANIN
Elle pourrait aller mieux encore, mais elle va pas mal, elle va pas mal. Je pense qu'il faut plus de redistribution, c'est pour ça qu'on force un peu le patronat à la redistribution, on l'a fait notamment lors des heures défiscalisées, la prime, mais aussi l'intéressement, la participation. Moi je crois que l'un des grands débats des prochaines années c'est comment on répartit mieux la valeur entre le capital et le travail. Peut-être qu'il y a un peu trop d'argent qui va au capital, donc ce qu'a fait le président de la République, qui était très courageux, de baisser les impôts, notamment sur le capital, ça aide, on le voit bien, l'économie française, elle va mieux qu'ailleurs, le chômage baisse, la croissance est bonne, les recettes fiscales sont plus hautes que prévu, on peut financer notre système de redistribution, mais demain il y a un système, qu'on pourrait appeler gaulliste, je l'appelle comme ça, ou rocardien, mais finalement c'est à peu près la même chose, de mieux répartir pour les ouvriers, les salariés, le fruit du bénéfice, je pense que c'est un point important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ne pas imposer dans les entreprises, enfin rendre obligatoire un plan d'épargne retraite entreprise, ça serait pas mal ça non ? C'est une idée ?
GERALD DARMANIN
Si on dit ça on va vers la capitalisation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ça vous ne voulez pas.
GERALD DARMANIN
Nous avons fait le choix de garder le système de solidarité entre générations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, le budget, deuxième lecture à l'Assemblée…
GERALD DARMANIN
Il va être voté aujourd'hui, dans la nuit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi j'ai deux, trois précisions à vous demander, à propos de ce budget. Le malus auto pourra atteindre 20.000 euros j'ai vu ?
GERALD DARMANIN
Je crois que dans la nuit le ministre de l'Economie et des Finances a discuté de ça avec les parlementaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
20.000 euros ! Est-ce que le Loto du patrimoine sera taxé ?
GERALD DARMANIN
Comme tous les lotos, comme l'année dernière.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il sera taxé.
GERALD DARMANIN
Il sera taxé, puisque, où vont ces taxes ? Ils vont à la Sécurité sociale, ils payent les médicaments des gens qui ont des difficultés, ils vont au sport, le loto paye le sport aussi, donc moi je ne fais pas de concurrence entre le patrimoine, le médicament ou la Sécurité sociale, et le sport. En revanche, comme l'année dernière, Franck RIESTER m'a demandé, et j'ai dit oui, que nous débloquions le montant des taxes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Equivalent.
GERALD DARMANIN
Même plus, puisque c'est 15 millions de taxes, 21 millions de déblocage de crédits, donc Franck RIESTER m'a demandé ça, parce que je pense qu'effectivement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous avez accepté.
GERALD DARMANIN
On l'a accepté, c'est pour ça qu'il faut, évidemment, raison garder lorsqu'on commente un certain nombre de chiffres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'article 57 du budget qui instaure la traque de la fraude fiscale sur les réseaux sociaux et les sites de commerce en ligne est très discuté, très discutée, faut-il s'inquiéter ?
GERALD DARMANIN
Il faut que les fraudeurs s'inquiètent oui, ça c'est sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les fraudeurs, d'accord, mais enfin nous qui ne sommes pas fraudeurs ?
GERALD DARMANIN
Il faut que les fraudeurs s'inquiètent. De quoi s'agit-il ? Il s'agit de permettre, pour une expérimentation, au fisc français, de pouvoir sanctionner les gens qui, par exemple, sur Facebook vendent du tabac, c'est totalement illégal. Les buralistes, ils font un métier très difficile, pourquoi les buralistes auraient une concurrence totalement déloyale de gens qui, sur Internet, vendraient, en les envoyant par colis, du tabac ? C'est illégal, ça doit être sanctionné. Les buralistes ne comprennent pas l'inaction des services publics. Faut-il accepter, Monsieur BOURDIN, que des gens qui se déclarent fiscalement domiciliés dans un autre pays que la France, qui profitent des services publics français, des grands contribuables, qui utilisent l'argent moins cher ailleurs, qui utilisent l'hôpital français, dont les enfants sont scolarisés en France, qui disent "moi j'habite en fait aux Etats-Unis", "j'habite en fait dans le Sud de l'Europe", ou… et on n'aurait pas les moyens de pouvoir prouver qu'ils ont effectivement passés les 6, 7 mois qui font qu'ils payent leurs impôts en France, que les grands contribuables ils arrêtent d'optimiser fiscalement ? Eh bien je suis très content que le fisc français, demain, il ait les moyens, comme en Angleterre, comme aux Etats-Unis, comme dans le Sud de l'Europe, de pouvoir effectivement condamner les fraudeurs. Il faut que la voiture du gendarme aille aussi vite, au moins aussi vite, que la voiture du voleur, parce que si le gendarme est dans une 2CV, avec du papier imprimé, avec un petit ordinateur, vous savez l'Amstrad CPC qu'on avait il y a 30 ans, et puis que les voleurs vont dans des Porsche cabriolets et qu'ils roulent très vite, le gendarme il ne risque pas d'attraper le voleur, et après on dira « on ne faites rien contre la fraude fiscale »…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a une voiture qui n'avance pas, c'est celle de la dépendance, et celle du financement du dernier âge.
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas vrai ce que vous dites.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A quand la réforme, à quand le projet ?
GERALD DARMANIN
Alors peut-être que les retraites prennent beaucoup de temps pour tout le monde…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien oui, ça devait être présenté en décembre, c'est urgent comme mesure, vous le savez bien.
GERALD DARMANIN
Mais justement, le texte financier du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, c'est-à-dire le deuxième texte du budget, le prévoit déjà. On a déjà prévu une première marche de 200 millions d'euros. Alors, il faut bien sûr plusieurs milliards, ça pose la question de savoir comment on le finance. Le Premier ministre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais un projet de loi devait être présenté là en décembre, il sera présenté quand ?
GERALD DARMANIN
Si on présentait le projet de loi maintenant vous nous diriez "vous nous changez l'ordre du jour parce qu'on ne veut plus parler des retraites." Madame BUZYN y travaille beaucoup, je participe à beaucoup de réunions d'Agnès BUZYN, et dans les quelques semaines, dans les quelques mois qui arrivent, en tout cas bien évidemment…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant l'été ?
GERALD DARMANIN
Il me semble, avant l'été, encore une fois je ne suis pas ministre de la Santé et des Solidarités, je peux vous dire qu'elle y a beaucoup travaillé et qu'on y a beaucoup contribué.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question pour tous les épargnants. Le taux du Livret A va passer à 0,50 ?
GERALD DARMANIN
Le Gouverneur de la Banque de France fait des propositions en janvier au ministre de l'Economie, donc on va attendre janvier, avant l'heure ce n'est pas l'heure, donc on va attendre janvier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Gérald DARMANIN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 décembre 2019