Interview de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, à Sud Radio le 18 décembre 2019, sur la réforme des retraites.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

CECILE DE MENIBUS
C'est le petit-déjeuner politique d'Olivier DUSSOPT qui est Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de l'Action et des Comptes publics.

PATRICK ROGER
Bonjour Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

PATRICK ROGER
Laurent PIETRASZEWSKI nommé cette nuit à la place de Jean-Paul DELEVOYE, c'est lui vraiment qui va être chargé des négociations sur les retraites ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est lui avec le Premier ministre comme depuis le début de ce dossier avec l'ensemble du gouvernement. Laurent PIETRASZEWSKI est un spécialiste des questions sociales. Il a une expérience professionnelle d'abord. Il s'est extrêmement impliqué à l'Assemblée nationale sur les dossiers relatifs au droit social. Il connaît bien le dossier pour l'avoir préparé au sein du groupe majoritaire et je pense que c'est un très bon choix. Je suis très heureux qu'il nous rejoigne.

PATRICK ROGER
Votre nom a circulé. Vous avez décliné ? C'est un dossier complexe ?

OLIVIER DUSSOPT
D'abord les dossiers complexes, j'en ai un peu l'habitude je crois, notamment sur la Fonction publique. Mais à chaque remaniement, les noms circulent et en général ceux qui font circuler les noms sont ceux qui en savent le moins.

PATRICK ROGER
Non mais c'est parce que vous êtes quand même un ministre technique, qui connaissez parfaitement les dossiers donc comme il faut être très technique, c'est pour ça que votre nom a circulé.

OLIVIER DUSSOPT
Si c'est comme un compliment, je le prends bien volontiers.

PATRICK ROGER
Oui, bien sûr. Bon, est-ce qu'il ne faut pas reprendre tout à la base quand même ? Parce que les Français n'y comprennent plus rien et ils ne sont pas les seuls. La porte-parole du gouvernement elle-même s'est emmêlée les pinceaux sur la décote pour les départs en retraite à 62 ans.

OLIVIER DUSSOPT
Non, il n'y a rien à reprendre. Le travail qui a été fait est un travail extrêmement important avec 18 mois de concertation, avec la volonté d'entendre toutes les professions et tous les corps pour la Fonction publique. Il y a un objectif qui est extrêmement simple, c'est un objectif d'égalité et de responsabilité. L'égalité, c'est faire en sorte que nous sortions d'un système totalement absurde et injuste avec 42 régimes, avec des droits qui sont extrêmement différents d'un régime à l'autre, avec un système aujourd'hui qui est incapable de résorber et de corriger les inégalités. L'exemple le plus criant, c'est celui des femmes. Lorsqu'on est en activité, l'écart de revenus entre les hommes et les femmes est d'un peu moins de 20%. Tout le monde trouve ça, et heureusement, inacceptable. Tout le monde essaye de le corriger. Et lorsqu'on part à la retraite, l'écart entre les pensions de retraite c'est 42%. Ça veut dire que notre système non seulement ne corrige pas les inégalités salariales femme-homme mais il les multiplie par plus de deux. Donc il faut un système universel et puis il faut aussi un système qui soit solide. Qui soit équilibré, qui soit pérenne pour qu'on n'ait pas à revenir tous les cinq ans, six ans, sept ans sur une réforme des retraites comme c'est le cas depuis vingt ans.

PATRICK ROGER
Oui. Alors qu'est-ce qui est négociable quand même cet après-midi ? Puisqu'il y a reprise des négociations avec Edouard PHILIPPE et puis l'ensemble des partenaires sociaux ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne dis pas "reprise" pour une raison très simple, c'est que ça ne s'est jamais arrêté.

PATRICK ROGER
Bon, d'accord.

OLIVIER DUSSOPT
Ça ne s'est jamais arrêté et les discussions ont toujours continué.

PATRICK ROGER
Vous êtes l'un des seuls au gouvernement à le dire parce qu'il y en a beaucoup qui le disent. "On va reprendre les négociations".

OLIVIER DUSSOPT
Non, non. Le Premier ministre recevait il y a encore dix jours les organisations syndicales. Les contacts sont extrêmement denses.

PATRICK ROGER
Oui. Bon alors, qu'est-ce qui est négociable ?

OLIVIER DUSSOPT
Ce qui est négociable, ce sont l'ensemble des points abordés par le Premier ministre et présentés comme tels.

PATRICK ROGER
Oui. C'est-à-dire ?

OLIVIER DUSSOPT
Comment est-ce qu'on prend mieux en compte la pénibilité ? Comment est-ce qu'on étend la prise en compte de la pénibilité dans la Fonction publique ? Comment est-ce qu'on fait pour garantir une gouvernance du système ? Une gestion de ce nouveau système de retraite par les organisations syndicales et les organisations patronales pour une raison très simple : c'est que ce futur système de retraite va être financé pour 75 par des cotisations sociales. C'est normal que les partenaires sociaux soient en gestion. Par ailleurs ils nous ont démontré qu'ils savaient le faire.

PATRICK ROGER
Les cotisations sociales au passage d'ailleurs, ce n'était pas une bonne idée de les augmenter comme l'a dit Laurent BERGER ? Il a dit "il y a cette option".

OLIVIER DUSSOPT
Lorsqu'on veut équilibrer le système de retraite, et le Conseil d'orientation l'a dit, tout le monde le sait (coupure de son) mais aujourd'hui vous n'avez pas besoin de travailler le même nombre d'heures dans le privé que dans le public pour être qualifié travailleur de nuit. Il faut harmoniser, il faut prendre en compte cette pénibilité.

PATRICK ROGER
Oui. Mais est-ce que vous n'avez pas l'impression, Olivier DUSSOPT, que la base est plus radicale que les leaders syndicaux et qu'il y a une détermination très forte sur le terrain ? Même si hier il y avait 650 000 manifestants, 1,8 million selon la CGT.

OLIVIER DUSSOPT
Et deux fois moins et demie de grévistes dans la Fonction publique que le 5 décembre.

PATRICK ROGER
Ah oui ? Il y a un essoufflement dans la Fonction publique.

OLIVIER DUSSOPT
Je ne sais pas si on parle d'essoufflement mais le 5 décembre, il y avait 26% d'agents publics en grève. Hier c'était un tout petit peu plus de 10% donc deux fois et demie moins et c'est un constat statistique que nous avons fait. La question de la base et la différence entre la base des organisations syndicales et leurs représentants, ce n'était pas au gouvernement de l'aborder. Ce n'est pas notre sujet, ce n'est pas à nous de le juger. Nous avons des interlocuteurs avec les organisations syndicales. C'est utile parce que ça permet le dialogue. C'est utile aussi parce que ça permet d'organiser les manifestations, ce qui est important.

PATRICK ROGER
Oui. Vous travaillez aussi avec donc l'ensemble des fonctionnaires. Ils vont avoir un simulateur bientôt aussi ou pas ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous sommes en train de travailler sur les simulations par rapport à ce qu'a proposé le Premier ministre. Ces simulateurs devront intégrer le fruit du dialogue et des discussions. Mais évidemment, comme c'est le cas le régime général aujourd'hui et dans les autres régimes d'ailleurs, nous souhaitons que les assurés sociaux, c'est-à-dire ceux qui contribuent à ce régime, puissent faire…

PATRICK ROGER
A partir de quand pour avoir le simulateur ?

OLIVIER DUSSOPT
Je fais attention à la date parce que ça serait un peu…

PATRICK ROGER
Il faut prendre en compte en plus tous les critères.

OLIVIER DUSSOPT
Tous les paramètres. Et d'ailleurs, je le précise, mais aujourd'hui dans le système actuel, il existe des simulateurs mais ces simulateurs ont toujours une marge d'erreur. Parce que si vous allez sur le simulateur à 40 ans, le simulateur peut être intelligent mais il n'est pas capable de prévoir les 20 ans ou 25 ans de carrière qu'il vous reste à faire.

PATRICK ROGER
Oui. Des trains à Noël, vous croyez quand même à une trêve possible, une signature cet après-midi avec la CFDT ?

OLIVIER DUSSOPT
Je l'espère. J'ai vu que Laurent BERGER avait annoncé hier qu'il souhaitait et qu'il demandait pour la CFDT une trêve pendant les fêtes. Je pense que ça serait responsable et je pense que les points de discussion, les ouvertures et les avancées, les modifications - par exemple l'année de naissance de début d'application de la réforme – toutes ces avancées faites par le Premier ministre justifient que ce mouvement s'arrête ou au moins soi suspendu.

PATRICK ROGER
Oui. Le mot de la fin Olivier DUSSOPT avec Cécile de MENIBUS.

CECILE DE MENIBUS
Gérald DARMANIN a démissionné du comité d'administration de Sciences Po Lille. Certains diront que c'est l'effet DELEVOYE. Est-ce que cette transparence à tout prix, ce n'est pas un pied dans la dictature ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas et aujourd'hui nous avons des outils de transparence qui sont certes nouveaux, renforcés. Ils permettent aux Françaises et aux Français de savoir quels sont les autres engagements que tel ou tel responsable politique, pas que les ministres : les parlementaires, les maires, les présidents de département ; c'est utile. Je pense que là où la ligne a été tracée aujourd'hui, cela permet à la fois d'assurer cette transparence tout en préservant la vie privée.

CECILE DE MENIBUS
Mais ça veut dire que là, tous les ministres et tous effectivement les représentants vont devoir faire le ménage dans leurs mandats ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne pense pas qu'il y ait de ménage à faire et nous avons les uns et les autres un certain nombre d'engagements. Pour ma part, je suis conseiller municipal de ma ville d'Annonay, de l'agglomération d'Annonay, je suis membre du bureau de l'Association des petites villes de France que j'ai longtemps présidé. Tout ça est déclaré, tout ça est transparent, tout ça est bénévole par ailleurs et tout ça sous le regard de la Haute autorité.

PATRICK ROGER
La Haute autorité qui n'a pas fait complètement son boulot, Olivier DUSSOPT. Elle n'avait pas fait son boulot dans le cas de Jean-Paul DELEVOYE.

OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est ni à moi ni à vous de juger du travail de la Haute autorité.

PATRICK ROGER
Attendez, attendez ! Non mais il y a une réalité.

OLIVIER DUSSOPT
Je crois qu'elle se réunit cet après-midi pour statuer sur ces faits et la Haute autorité, depuis sa création, a permis cette transparence tout en respectant la vie privée et c'est là l'essentiel.

PATRICK ROGER
Merci Olivier DUSSOPT, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des comptes publics, qui était l'invité ce matin de Sud Radio.

OLIVIER DUSSOPT
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 décembre 2019