Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, à BFM Paris le 18 décembre 2019, sur les conséquences pour le commerce de la grève contre la réforme des retraites.

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Média : BFM

Texte intégral

THOMAS JOUBERT
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.

THOMAS JOUBERT
Vous êtes la Secrétaire d'Etat en charge du commerce et de la consommation. Merci d'être avec nous sur BFM Paris ce matin. Demain la grève va entrer dans sa troisième semaine. S'annonce donc un mois de décembre catastrophique pour les commerçants et les artisans franciliens, on en parlait à l'instant. Comment répondre à leurs inquiétudes ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors moi j'ai un point d'étape tous les deux jours avec l'ensemble des fédérations, la chambre de commerce et d'industrie et la chambre des métiers et de l'artisanat et le MEDEF.

THOMAS JOUBERT
Et qu'est-ce qu'ils vous disent ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Effectivement ils me disent sur l'ensemble de la France, la situation est très contrastée avec une vraie différence Paris/reste de la France. Parce qu'on ne le voit pas quand on vit à Paris, mais le reste de la France en réalité n'est pas du tout bloqué.

THOMAS JOUBERT
Donc c'est l'Ile-de-France qui souffre.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc c'est l'Ile-de-France qui souffre. Ce qui souffre en Ile-de-France, ce sont notamment la restauration qui souffre beaucoup, l'hôtellerie, les traiteurs. Parce qu'en fait ce qui se passe, c'est qu'avec ces difficultés de circuler, tout ce qui est fêtes de fin d'année, séminaires, et caetera sont annulés. On dit « on verra ça plus tard. »

THOMAS JOUBERT
Oui. On n'a pas forcément l'esprit à la fête aussi. C'est certain.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et puis, vous avez improvisé un restaurant avec des amis, non, ça ne va pas être possible parce que chacun vient de son bureau et, en fait, c'est trop compliqué. Donc ça, c'est très fortement touché. Et chez les commerçants, on a des situations très contrastées suivant les quartiers de Paris parce que l'accessibilité est importante et différenciée.

THOMAS JOUBERT
Donc vous avez conscience de toutes ces difficultés et qu'est-ce que vous allez leur apporter comme aide ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors c'est déjà parti. C'est déjà parti. Nous, on n'a pas attendu que certains se réveillent en disant "il faut les aider". Ça fait depuis une semaine que nous avons rouvert les dispositifs que nous avions mis en place au moment des difficultés liées aux Gilets jaunes.

THOMAS JOUBERT
Un exemple concret par exemple, Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER

Très simplement, report des échéances fiscales et sociales. Il faut les demander. Chômage partiel, ce qui permet de financer les salariés lorsque vous avez des difficultés et que vous ne voulez pas les licencier parce que vous pensez que ça va repartir. Ouverture le dimanche bien entendu, des autorisations qui permettent de se rattraper en termes de chiffre d'affaires, en particulier les commerçants attendent le mois de janvier. Et puis, nous mettrons en place ce qu'on appelle les brigades mobiles c'est-à-dire des équipes qui vont passer de commerçant à commerçant de façon à leur expliquer les dispositifs.

THOMAS JOUBERT
Pour les informer, d'accord. Alors donc, vous annoncez un report des charges pour les commerçants. Eux ne demandent pas un report, ils demandent un gel.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ce n'est pas ce qu'ils disent parce que je suis au contact. Ce qu'ils souhaitent, c'est avoir de la visibilité et ils souhaitent ne pas avoir de difficultés de trésorerie. Par ailleurs, je le redis, cette situation est due à un blocage. Un blocage qui est créé par des groupes qui empêchent les gens de travailler. Je crois qu'il faut être très conscient que pour les commerçants et les artisans qui, eux, travaillent tous les jours, dont les salariés se lèvent le matin très tôt, rentrent chez eux très tard, la situation est insupportable. Et moi je suis à leurs côtés et je veux faire en sorte qu'effectivement ils se sortent correctement de cette situation et c'est pour ça que nous les accompagnons et c'est pour ça que nous avons suivi de très près.

THOMAS JOUBERT
Donc ils peuvent bénéficier de reports de charges.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je veux donner un chiffre. L'année dernière, c'est 300 millions d'euros que nous avons reportés. 300 millions d'euros de charges sociales et 100 millions d'euros d'impôts.

THOMAS JOUBERT
Après la crise des Gilets jaunes, c'est ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc cette action, elle peut être massive. Et j'appelle les commerçants à se signaler, à se signaler aux services de l'Etat ou s'ils le préfèrent, à leur chambre de commerce ou à leur chambre des métiers.

THOMAS JOUBERT
Et ceux qui ont déjà bénéficié de ce report de charges l'année dernière, ils peuvent encore bénéficier d'un report du report suite à la grève ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il n'y en a pas tant que ça à Paris parce que, attention, on a tendance aussi parfois à gonfler. C'est des situations qui concernent individuellement un certain nombre de commerçants mais qui n'est pas réparti partout dans la France. Les 5 000 commerçants qui ont été concernés par les Gilets jaunes et qui étaient beaucoup en province, j'ai demandé à ce que nos services fassent le point systématiquement pour s'assurer qu'il n'y ait pas de problème de remboursement des échéances et pour recaler pour eux les remboursements de façon à ce qu'ils ne soient pas les victimes de cette situation.

THOMAS JOUBERT
Alors Agnès PANNIER-RUNACHER, la maire de Paris Anne HIDALGO soutient les commerçants parisiens. Elle demande aussi des aides. Je vous propose de l'écouter et on en parle avec vous juste après.

ANNE HIDALGO, MAIRE DE PARIS
Il faut des indemnisations très clairement. Alors il y a bien sûr tout ce qui concerne le chômage partiel pour pouvoir permettre à ces commerces, ces entreprises de passer le cap de cette période de grève et de conflit. Nous avons-nous-mêmes lancé une campagne d'information et de communication pour que les Parisiens fassent aussi leurs courses auprès des commerçants de leur quartier pour leur permettre évidemment de surmonter cette difficulté-là.

THOMAS JOUBERT
Vous incitez aussi les Parisiens à aller faire les courses chez les commerçants de quartier ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vais dire deux choses. La première chose, c'est que Madame HIDALGO dit qu'il faut prendre des mesures que nous avons déjà prises donc c'est bien de voler au secours de la victoire. La deuxième chose, c'est que la campagne qu'elle mentionne, c'est l'Etat qui la finance. Parce que nous avons mis 600 000 euros sur la table pour une relance commerciale à Paris donc 96 000 euros ont été mis sur cette campagne. Moi j'aimerais savoir ce qu'elle fait des 500 000 autres euros parce que le moment d'accompagner les commerçants de Paris. C'est le moment de se poser la question de la taxe sur les terrasses que payent ces commerçants. C'est le moment de se poser la question de la circulation dans Paris pour faciliter cette circulation. C'est le moment d'aller négocier avec les parkings des baisses de tarifs le week-end voire des annulations de tarifs de façon à ce que les Français puissent effectivement revenir dans les commerces. Et moi, c'est un appel que j'ai lancé il y a trois semaines aux Français d'aller faire leurs cadeaux de Noël chez leurs commerçants de proximité.

THOMAS JOUBERT
Les petits commerçants de quartier, d'accord. Sur les négociations cet après-midi sur la réforme des retraites, les syndicats sont reçus par Edouard PHILIPPE. L'intersyndicale qui réclame le retrait de la réforme, ça n'arrivera pas.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas le sens de l'histoire. De quoi parle-t-on ? D'une réforme qui est structurante et qui répond à un problème par rapport à des systèmes de retraite qui sont à bout de souffle. A bout de souffle. Et ce que nous dit l'intersyndicale, c'est "on revient en arrière" ? Mais on n'aura pas traité le sujet.

THOMAS JOUBERT
Donc l'intersyndicale poursuit la grève. Pas de trêve à Noël.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais comment on fait. Comment ma fille va avoir sa retraite si on ne le fait pas ? Pardon, soyons responsables collectivement.

THOMAS JOUBERT
Et comment est-ce que le gouvernement envisage une sortie de crise ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, nous nous sommes prêts à discuter. Nous avons mis un certain nombre de paramètres sur la table. Nous nommons les problèmes. Lorsqu'un régime est déséquilibré, il faut le dire. Et puis, on est prêt à discuter. Mais ne faisons pas comme si le problème n'existe pas.

THOMAS JOUBERT
Et pendant ce temps-là tous les Français qui souffrent. Vous vous rendez compte de ce que ça fait de ne pas pouvoir aller fêter Noël avec sa famille par exemple ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors nous avons mis en place un dispositif pour que les Français puissent partir et fêter Noël en famille. On a fait un travail absolument intense avec la SNCF notamment pour que les trains puissent partir.

THOMAS JOUBERT
53 % des trains garantis. Et après pour le reste, c'est surtout la garantie de monter dans n'importe quel train ou de trouver d'autres moyens de transport en fait.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est plus que ça. C'est plus que ça et je veux dire que nous aussi, on souffre. Moi j'ai trois enfants, ils sont tous bloqués dans les transports. Ils vont tous à l'école, ils prennent les transports en commun et je peux vous dire que tous les jours, on est comme tous les Français : on doit partir plus tôt, on doit arriver plus tard.

THOMAS JOUBERT
C'est vrai ? Les membres du gouvernement sont impactés en ce moment par la grève ? Vous en discutez ? Vous êtes tous dans vos voitures avec chauffeur ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On a tous des vies. Moi mon mari il va travailler le matin, ma fille va à ses concours à Villepinte. Vous imaginez le stress pour y arriver. Elle passe son concours de médecine. Mon fils, il a fait trois heures pour revenir de son école le 6 décembre. Donc oui, on sait ce que c'est. On est dans Paris, on vit dans Paris et on a aussi des familles qui sont impactées.

THOMAS JOUBERT
Et sur cette réforme des retraites, une dernière question Agnès PANNIER-RUNACHER, vous avez une idée, vous, de ce que sera votre retraite ? Vous êtes née en 1974 donc je pense que vous n'êtes pas concernée par la réforme.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je suis concernée par l'âge pivot.

THOMAS JOUBERT
64 ans donc avant les négociations.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce qui pour moi est franchement indifférent. Moi mon père a 74 ans, il continue à travailler. Je ne m'imagine pas ne pas travailler à 64 ans donc je suis assez indifférente à ça.

THOMAS JOUBERT
Donc prête à travailler plus.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Par contre j'ai un régime… Puisque moi j'ai cotisé neuf ans au régime de la Fonction publique et là je suis à dix ans dans le régime général donc je suis totalement exposée, comme les autres Français, à la situation.

THOMAS JOUBERT
C'est vrai qu'on ne pose jamais la question aux politiques. Merci beaucoup d'être venue sur ce plateau Agnès PANNIER-RUNACHER, Secrétaire d'Etat en charge du commerce et de la consommation. Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 décembre 2019