Texte intégral
Monsieur le e Chancelier, cher Marcelo Ebrard,
Madame l'Ambassadrice, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord vous demander de nous excuser, Monsieur le Chancelier Ebrard et moi-même, de prendre la parole en premier et de vous quitter rapidement car nous devons rejoindre le président Lopez Obrador ce qui n'était pas prévu dans cet agenda-là, et je m'en excuse.
La question que vous avez posée, monsieur le modérateur, est centrale. C'est l'une des plus pressantes de ce XXIe siècle qui commence, qui commence dans une atmosphère de confusion et de perte de repères : c'est la question que vous avez posée, "est-ce que le multilatéralisme est en panne définitive ou est ce qu'il a un avenir, et si oui, comment le construire ?".
Parce que 75 ans après la naissance des Nations unies, force est de constater que les principes et les institutions qui portaient des institutions publiques multilatérales sont aujourd'hui remises en question d'une manière très virulente. Ces principes de base, c'est-à-dire un ordre international fondé sur le droit, ou la coopération entre Etats, la reconnaissance de la souveraineté de chaque Etat, la réciprocité dans les engagements : ces principes-là sont remis en cause au profit de la confrontation et du rapport de puissance.
Et nous constatons, quasiment mois après mois, des coups d'éclat de ceux qui pensent aujourd'hui pouvoir faire cavalier seul au mépris total de nos règles communes - chacun voit ce que je veux dire. Mais il faut aussi parallèlement se méfier des manoeuvres de ceux qui tentent de pervertir le jeu multilatéral tout en s'en proclamant pour en fait définir par derrière un nouveau jeu unilatéral - chacun voit aussi ce à quoi je pense. Et donc nous ne saurions, je pense les uns et les autres, nous résoudre à ces dérives-là : la destruction des repères, la destruction des institutions, la destruction des principes, l'apparition d'autres normes et le jeu des puissances.
Et ce qu'il y a de plus grave dans la situation que nous traversons, c'est qu'il y a aujourd'hui une contradiction au coeur du désordre international avec d'un côté une série de défis qui ne peuvent être surmontés que collectivement et en même temps le fait que l'espace d'intervention des institutions publiques multilatérales se réduit dangereusement. Jamais il n'avait fallu autant de coopération internationale pour relever les défis qui sont pour nous.
Je pense au dérèglement climatique, je pense aux inégalités mondiales, je pense aux migrations, je pense à la révolution numérique. Tous ces enjeux-là et ces défis-là ne peuvent se régler qu'au niveau de la communauté internationale et dans le respect des principes qui ont validés le droit international à la fin de la dernière Guerre mondiale, et dans le même temps jamais les processus multilatéraux qui se sont réduits, ne se sont délités pour devenir non-opérationnels.
Donc on a une contradiction majeure à un moment crucial ce qui rend le monde évidemment très dangereux, et c'est la raison pour laquelle il y a urgence à inventer des solutions collectives. C'est une priorité internationale, c'est une priorité aussi pour nos concitoyens.
C'est pour cette raison que nous avons lancé, d'abord avec mon collègue allemand Heiko Maas, et puis très vite après avec Marcelo, l'Alliance pour le multilatéralisme que nous avons pensée ensemble à New York en septembre dernier. Nous sommes donc les fondateurs.
Ce n'est pas d'ailleurs une surprise que nous soyons avec le Mexique dès le point de départ parce que nous avons depuis longtemps un engagement pour les institutions du multilatéralisme.
Mais ce qu'il y a de nouveau c'est que dans cette alliance pour le multilatéralisme nous voulons faire en sorte qu'il y ait un nouveau modèle, faire en sorte qu'il y ait une coalition d'engagement qui regroupe à la fois des puissances de bonne volonté, donc des Etats, mais aussi des sociétés civiles et des secteurs privés dans toute leur dimension pour que ces coalitions puissent aboutir à faire bouger les institutions et à créer de nouvelles normes qui correspondent aux enjeux globaux, en respectant et la réciprocité et la souveraineté des Etats et en instituant des normes qui ne sont pas des normes dictées par une puissance qui veut se servir du multilatéralisme pour dicter ses propres normes et que ce ne soit pas non plus le rapport de force qui fasse la loi, comme ceux qui veulent développer un multilatéralisme minimum.
Il y a d'une certaine manière eut des précédentes dans cette logique-là : ce n'est pas complètement une nouveauté quand je vois comment s'est créé le fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme en 2004 à l'initiative du président Chirac, mais elle a été poussée, renforcée, par des ONG, par de nombreux pays qui étaient dans la difficulté par rapport à la diffusion de ces maladies. Et tout cela a permis la création d'un fonds mondial qui aujourd'hui vient de conforter sa position lors du sommet de Lyon il y a maintenant quelques semaines puisqu'il a doublé le financement.
D'une initiative, d'une coalition, se crées une nouvelle norme et des nouveaux engagements et un nouveau multilatéralisme.
Et le sujet du jour, le sujet majeur me semble-t-il pour l'avenir, et ça sera aussi un exemple de référence c'est l'Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace. En effet, quel est l'enjeu ?
La révolution numérique a précipité l'émergence d'un espace numérique mondial. Le cyberespace offre des opportunités majeures d'innovation, de progrès économique, de développement culturel et d'accès à l'information. Mais parallèlement son développement en fait aussi un élément de nouvelles menaces, qui sont très lourdes. Que ce soit la cybercriminalité, la manipulation de l'information, l'espionnage politique ou économique, l'atteinte à la sécurité des données personnelles etc. Et ces attaques peuvent émaner ou de groupes étatiques ou groupes non-étatiques, et tout cela se joue à nos frontières.
Et donc il est crucial de créer une coalition de tous les acteurs qui ont la responsabilité de garantir la paix et la sécurité dans l'espace numérique, et il ne peut pas s'agir que des Etats. Il faut aussi que les entreprises, les ONG, la société civile y contribuent. Et à partir de la progressivement, ceux-là qui y contribuent décident de respecter les engagements qu'ils prennent et progressivement faire en sorte qu'il y ait une porosité positive qui se déclenche entre les institutions multilatérales officielles qui reprennent l'ensemble de ces données.
Je prends l'exemple de l'Appel de Paris sur la sécurité dans l'espace cyber parce que c'est une confrontation à laquelle nous sommes en permanence mis devant les faits. Et la force de cet Appel c'est qu'il y a eu aujourd'hui 1000 soutiens, dont 73 Etats, 650 entreprises, 300 ONG qui décident en amont, en appuyant l'accord de Paris, de respecter les principes et les engagements qui sont pris dans cet accord.
Voilà un exemple de coalition qui peut se mettre en oeuvre, mais il y en a beaucoup d'autres. Il y en aura une prochainement, et Delphine O et Nadine Gasman vont en parler tout à l'heure, sur l'organisation du Forum Génération Egalité 2020, qui se déroulera et à Mexico et à Paris, suite de Pékin (...) ce combat pour l'égalité au niveau multilatéral.
Tout cela nous a amené le Chancelier Ebrard et moi-même à signer tout à l'heure une déclaration franco-mexicaine pour un multilatéralisme efficace, pour faire en sorte que l'Alliance que nous constituons puisse servir de creuset, de réceptacle à l'ensemble des initiatives de coalition que l'on peut imaginer sur le sujet, proche de ce que j'avais évoqué et donc aussi y compris dans le droit humanitaire ou nous aurons la une force collective très forte qui sera d'une certaine manière une réponse à ceux qui ont l'ambition de détruire le multilatéralisme qui nous a permis de vivre en relative paix et sur des normes et des principes que nous partageons depuis la fin de la dernière guerre.
Voilà le propos que je voulais initier et sur lequel Marcelo et moi-même sommes en pleine phase.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 janvier 2020