Interview de M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement, à Radio Classique le 16 décembre 2019, sur la réforme des retraites et la situation de Jean-Paul Delevoye, haut commissaire aux retraites.

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Intervenant(s) : 
  • Marc Fesneau - Ministre chargé des relations avec le Parlement

Média : Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Marc FESNEAU, bonjour.

MARC FESNEAU
Bonjour.

GUILLAUME DURAND
Une nouvelle fois, est-ce que vous considérez que MELENCHON doit s'excuser ?

MARC FESNEAU
Il me semble qu'il devrait en tout cas clarifier ses propos parce que, comme vient de le dire Guillaume TABARD, il y a quelque chose de flou, moi je ne vois pas du tout le lien qu'il y a entre une défaite électorale en Grande-Bretagne et le CRIF, et je trouve que cette façon d'alimenter, par des sous-entendus, parfois quelque chose qui relève en sous-jacent, je ne dis pas que Jean-Luc MELENCHON est dans cette catégorie, des relents d'antisémitisme, est toujours dangereux, donc je pense que Jean-Luc MELENCHON doit clarifier sa position, pas se positionner comme il le fait trop souvent, en situation de victime, mais bien clarifier sa situation, si Monsieur CORBYN a perdu c'est sans doute parce que cette gauche, qu'entendait soutenir Monsieur MELENCHON, n'a pas trouvé grâce aux yeux des Anglais, notamment sur la crédibilité du programme qu'il présentait.

GUILLAUME DURAND
Mais ce qui est aussi étonnant c'est qu'il fasse le lien avec la grève, comme si ce sentiment, qu'il porte en avant, était aussi un sentiment qui était partagé par les grévistes.

MARC FESNEAU
Oui, mais on sait la propension qu'a Jean-Luc MELENCHON à vouloir à chaque mouvement social, à chaque grève, à chaque contestation, essayer de s'en emparer lui-même et essayer de lier tout à tout, à force de faire des amalgames, on fait des amalgames qui sont fâcheux, le terme est faible même, qui sont dangereux, et donc moi j'invite Jean-Luc MELENCHON à prendre les sujets tels qu'ils sont et pas tels qu'il voudrait qu'ils soient, c'est la meilleure façon de faire.

GUILLAUME DURAND
Voilà, les propos sont fermes et la petite voix de Marc FESNEAU, de ce point de vue-là, est ferme. Alors question, est-ce que vous pensez sérieusement, Marc FESNEAU, qu'on peut continuer à garder Jean-Paul DELEVOYE au gouvernement, il est chargé des retraites, même s'il n'a pas le titre de ministre, il est ministre, est-ce que c'est une situation tenable ?

MARC FESNEAU
Jean-Paul DELEVOYE a beaucoup travaillé sur ce sujet des retraites, il est donc…

GUILLAUME DURAND
Mais ça personne ne le conteste.

MARC FESNEAU
Non, non, il est au coeur du sujet des retraites puisque c'est lui qui a rencontré un certain nombre de syndicats, personne ne remet en cause d'ailleurs, me semble-t-il, la capacité qu'il a eue à faire dialoguer les syndicats, il y a un certain nombre d'omissions qui ont été faites dans sa déclaration à la Haute autorité, il a rectifié de lui-même un certain nombre de ses déclarations, ou à la demande de la Haute autorité. Il me semble que, au fond, l'honnêteté de Jean-Paul DELEVOYE n'est pas en cause dans cette affaire-là, la Haute autorité…

GUILLAUME DURAND
Oui, mais est-ce que c'est tenable, dans un climat social, de parler de sa bonne foi, de son honnêteté, ce n'est pas un reproche de ma part…

MARC FESNEAU
Non, mais j'ai compris que ce n'était pas un reproche.

GUILLAUME DURAND
Vous regardez les réseaux sociaux – alors vous me direz que les réseaux sociaux c'est le déclenchement de la haine, mais enfin c'est quand même…

MARC FESNEAU
Il faut toujours faire attention aux réseaux sociaux qui ont tendance à emballer des choses qui n'ont pas lieu d'être emballées, la Haute autorité dira les choses, je crois mardi ou mercredi, pour dire ce qu'il y avait de conforme, ce qu'il y avait de pas conforme…

GUILLAUME DURAND
Absolument, mercredi.

MARC FESNEAU
Mercredi, ce qui relevait de choses qui pouvaient ne pas l'être. au fond, j'y pensais tout à l'heure en arrivant chez vous, on a essayé, au travers d'une loi, de créer ce qu'on a appelé le droit à l'erreur, Jean-Paul DELEVOYE il a le droit aussi à l'erreur, et donc c'est la Haute autorité qui dira quelles ont été les erreurs, si elles ont été bien rectifiées, et c'est comme ça qu'il faut regarder les choses et pas sous la pression permanente des réseaux sociaux et de l'actualité, réseaux sociaux, ou info continue, qui fait que, on pousse les gens dans une espèce de retranchement qui est assez désagréable.

GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'il y a un malaise dans la majorité ?

MARC FESNEAU
Moi je ne l'ai pas perçu. J'ai vu un certain nombre de députés, on a beaucoup parlé du sujet de fond qui est le sujet des retraites…

GUILLAUME DURAND
Je rappelle que vous êtes, à l'origine, un parlementaires MoDem, mais que maintenant vous êtes…

MARC FESNEAU
En charge des Relations avec le parlement, donc je suis en interaction avec les parlementaires…

GUILLAUME DURAND
Donc vous les voyez tous les jours…

MARC FESNEAU
Je les vois tous les jours, ou je les ai assez régulièrement…

GUILLAUME DURAND
Parce qu'il y a beaucoup de papiers, notamment dans Le Monde, où on voit que les députés, par exemple de La République en marche, sont complètement perdus, ils ont l'impression de ne pas avoir même d'informations sur la stratégie du gouvernement.

MARC FESNEAU
Vous êtes sur les retraites là ?

GUILLAUME DURAND
Oui, bien sûr.

MARC FESNEAU
Parce que je croyais qu'on poursuivait sur Jean-Paul DELEVOYE. Oui, sur les retraites… d'abord, le Premier ministre a, dans un discours mercredi, puis après dans un certain nombre de passages médias, me semble-t-il, clarifié ce qui était la position du gouvernement sur les retraites. On nous faisait le reproche, depuis des semaines, de ne pas être clairs, le texte est sur la table si je peux dire, en tout cas les principes de cette réforme qui sont sur la table, à chacun de s'en saisir. moi ce que j'ai perçu, dans mon département ce week-end, c'est quand même qu'un certain nombre de gens avaient perçu ce que pouvaient être les avancées sociales, j'insiste bien sur le mot "sociales", de la réforme des retraites, le minimum à 1 000 euros, le fait qu'un certain nombre de gens ne soient plus obligés de travailler jusqu'à 67 ans, etc., etc., etc., et c'est donc de ça dont il s'agit, et je ne crois pas que les parlementaires, pour répondre à votre question, soient perdus. Ce que l'on cherche, dans cette affaire-là, c'est à faire en sorte que les Français se saisissent de la question, et je pense que depuis que le Premier ministre s'est exprimé ils voient l'ensemble du dispositif retraite, qu'ils en voient à la fois les termes sociaux, et puis qu'ils en voient aussi l'équilibre budgétaire, et je pense que c'est une bonne chose. Après, ce qu'il faut qu'on essaye de faire, et le Premier ministre l'a dit, c'est de dialoguer avec les syndicats qui, pour certains, ont envie d'aller à cette réforme, pour certains défendent depuis d'ailleurs très longtemps la retraite à points…

GUILLAUME DURAND
Vous parlez de la CFDT.

MARC FESNEAU
Oui, pas seulement, parce qu'il me semble que l'UNSA n'a jamais montré de la défiance avec l'idée d'un système universel.

GUILLAUME DURAND
…ils ne veulent pas entendre parler de 64 ans, Marc FESNEAU.

MARC FESNEAU
Oui, non, c'est une question, la question de l'âge d'équilibre ou de l'âge pivot, on l'appelle comme on veut, c'est une question qui est une question de responsabilité. Alors, le Premier ministre l'a dit d'ailleurs très clairement dès mercredi, il a dit "s'il y a un système que les partenaires sociaux peuvent imaginer, qui soit de meilleure facture et qui permette d'atteindre cet équilibre…".

GUILLAUME DURAND
Mais vous savez très bien qu'il n'y en n'a pas.

MARC FESNEAU
On verra, pas forcément, mais il y a un certain nombre de syndicats qui avaient pu faire…

GUILLAUME DURAND
Tous les pays du monde, en tout cas tous nos voisins, ont augmenté, pour justement l'équilibre financier, l'âge de la retraite, donc si vous voulez…

MARC FESNEAU
Pourquoi le Premier ministre…

GUILLAUME DURAND
On leur refile la patate chaude en sachant parfaitement…

MARC FESNEAU
Non, non, on ne leur refile pas la patate chaude, parce que justement, si nous n'avions pas mis cette question au cœur aussi du dispositif de réforme des retraites…

GUILLAUME DURAND
Ce n'est pas un jugement de ma part !

MARC FESNEAU
Non, mais j'ai bien compris ; avec le principe d'universalité, mais il y a aussi un principe de responsabilité, ce matin vous me diriez "vous leur avez renvoyé la patate chaude." On a posé quelque chose, de dire pour nous cet équilibre il passe par cette mesure, mais s'il y a d'autres voies qui peuvent être empruntées, la porte est porte, et plus que la porte d'ailleurs, le dialogue, et c'est bien là-dessus qu'il faut travailler. A vrai dire, dans un certain nombre de régimes, AGIRC-ARRCO par exemple, les partenaires sociaux l'ont fait, ils l'ont fait d'ailleurs par une mesure qui tournait autour d'une affaire d'âge…

GUILLAUME DURAND
Vous nous dites, Marc FESNEAU, il reste effectivement du temps, sauf dans le calendrier des vacances, parce qu'on a entendu le sondage Elabe tout à l'heure, et on terminera par ça, qui est quand même très complexe concernant les Français, globalement ils sont pour la réforme, mais ils sont violemment – alors on est un pays particulier – contre les 64 ans, ils ne veulent pas travailler plus longtemps, c'est dans le sondage, ce n'est pas moi qui l'invente, et en même temps ils sont pour la grève ne déborde pas sur les vacances de Noël, tout ça est un petit peu contradictoire…

MARC FESNEAU
C'est le paradoxe français, je ne sais pas si c'est contradictoire, mais c'est le paradoxe français, en tout cas ce qui est important dans cette affaire c'est de dire les choses…

GUILLAUME DURAND
Mais vous imaginez le risque s'il y a une pagaille phénoménale…

MARC FESNEAU
Moi j'en appelle aussi à la responsabilité de ceux qui, pour certains d'entre eux, disent qu'ils feraient comme s'il n'y avait pas de fêtes de Noël, des fêtes où les gens se retrouvent en famille, ils prendraient une lourde responsabilité.

GUILLAUME DURAND
Là vous visez qui, MARTINEZ ?

MARC FESNEAU
Je ne vise personne parce que je ne fais pas…

GUILLAUME DURAND
Force Ouvrière, l'UNSA…

MARC FESNEAU
Il y a quand même des responsables syndicaux qui disent la trêve de Noël n'est pas une trêve, eh bien la trêve de Noël pour moi est une trêve, et je pense qu'il y a un certain nombre de gens qui devraient essayer de regarder ça avec lucidité, on ne peut pas laisser des gens…

GUILLAUME DURAND
Et si ce n'est pas le cas ?

MARC FESNEAU
On verra, nous sommes lundi, on verra en fin de semaine, moi je fais toujours confiance, par nature, à la raison des uns et des autres. Le service public ce n'est pas un vain mot, pour moi le service public, service et public, et donc quand on est dans des périodes où les gens ont, encore plus qu'à d'autres moments de l'année, besoin du service public, je pense que c'est d'une certaine façon dévoyer ce qu'est l'esprit du service public que d'essayer de bloquer des millions de gens à des moments où ils se retrouvent en famille, où ils se retrouvent entre amis, où au fond ils ont besoin aussi de tranquillité.

GUILLAUME DURAND
Mais, Marc FESNEAU, nous sommes en direct, je rappelle que vous êtes ministre des Relations avec le Parlement. La SNCF l'a dit à plusieurs reprises, il ne s'agit pas simplement que tout d'un coup, ou un accord, ou une trêve intervienne, il faut pouvoir remettre en marche la machine, et d'ores et déjà aujourd'hui ça va être extrêmement compliqué, donc si la décision intervient, c'est-à-dire si les leaders syndicaux qui sont contre le fait qu'il y ait une trêve, changent leur point de vue, mais qu'ils changent leur point de vue vendredi ou samedi, c'est cuit.

MARC FESNEAU
J'entendais un certain nombre de responsables de la SNCF dire qu'ils se mettaient en situation, espérant pouvoir faire tourner environ, pour pouvoir déplacer la moitié des voyageurs qui l'avaient prévu, avec un taux de grévistes qui est encore très élevé, donc on peut aussi avec des moyens qui sont un peu plus réduits faire tourner plus de trains. Et donc c'est tout l'enjeu, pour la maison SNCF si je peux dire, d'essayer de répondre à cette exigence-là, et puis deux la responsabilité, je crois y compris de ceux qui sont en grève, que de faire en sorte que les trains roulent à Noël. Après il y a un certain nombre de gens qui disent, ce n'est pas les détails, les contours, tel ou tel dispositif dans la réforme, c'est l'ensemble de la réforme qu'ils ne veulent pas, nous il nous semble, et les Français avec nous je crois, que cette réforme elle est bonne d'un point de vue social, elle est juste d'un point de vue de la société française, et donc il n'est pas question pour nous d'en rabattre sur l'objectif de la réforme, qui est l'objectif d'universalité.

GUILLAUME DURAND
Il est 8h26 sur l'antenne de Radio Classique, nous étions avec Marc FESNEAU qui est ministre des Relations avec le Parlement, et qui est à l'origine, donc proche de François BAYROU, est un des responsables du MoDem. Merci, bonne journée à vous.

MARC FESNEAU
Bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 décembre 2019