Texte intégral
SONIA MABROUK
Bonjour Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
SONIA MABROUK
L'INSEE a donc dévoilé ce matin le taux de chômage au troisième trimestre 2019, après plusieurs trimestres de baisse il repart légèrement à la hausse, +0,1 point, pour s'établir à 8,6 %, c'est bien sûr décevant, après une séquence plutôt positive.
MURIEL PENICAUD
Alors, le taux de chômage, oui, il atteint, il est sur un palier ce trimestre-là, je crois qu'il faut garder, de toute façon, la vision long terme, sur 1 an le chômage baisse quand même de 0,5 point. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que 158.000 demandeurs d'emploi ont retrouvé un emploi. Et puis, vous avez vu, il y a quelques jours, la dynamique de création d'emplois est très forte, avec plus de 260.000 emplois qui sont créés depuis 1 an. Donc, je crois qu'il faut continuer cette bataille pour l'emploi, ce n'est pas un long fleuve tranquille…
SONIA MABROUK
Ce n'est pas la méthode Coué là !
MURIEL PENICAUD
Non, ce n'est pas la méthode Coué, on n'a jamais dit que c'était un long fleuve tranquille la bataille pour l'emploi, 30 ans de chômage de masse ça ne se réduit pas en un jour, donc il faut continuer. On est très convaincu, je dirais tout le gouvernement, qu'on en a encore sous le pied. L'apprentissage, par exemple, pour les jeunes, le taux de chômage des jeunes baisse, c'est en pleine explosion. Je serai au CFA de LA POSTE tout à l'heure, sur les métiers de LA POSTE, à inaugurer, cet après-midi avec le Premier ministre sur un autre centre de formation d'apprentis, ça, ça avance.
SONIA MABROUK
Mais sur ce chiffre particulièrement, pardonnez-moi Muriel PENICAUD, comment vous l'expliquez, parce que vous vous réjouissiez, il y a quelques temps, d'une baisse, selon vous due aux réformes du gouvernement, et donc là la hausse elle est aussi due à la politique du gouvernement ?
MURIEL PENICAUD
Non, mais je… enfin, les statisticiens n'appellent pas ça une hausse, c'est un palier…
SONIA MABROUK
Ecoutez, pour les 10.000 chômeurs qui se retrouvent, voilà, c'est quand même…
MURIEL PENICAUD
Oui, c'est toujours 10.000 de trop, moi je laisse les économistes commenter, expliquer, moi mon rôle c'est d'agir, et donc d'agir ça veut dire d'être constant, cohérent dans le temps, de continuer. J'ai parlé de l'apprentissage, la formation, on investit beaucoup sur la formation, je rappelle qu'une entreprise sur deux ne trouve pas les compétences dont elle a besoin sur le marché du travail, c'est autant de demandeurs d'emploi qui n'ont pas trouvé un emploi.
SONIA MABROUK
Mais c'est un non-sens incroyable. D'ailleurs, ceux qui écoutent le journal de 8h00, les hôpitaux, le manque de personnel, alors que le chômage augmente, on marche sur la tête.
MURIEL PENICAUD
D'abord moi je crois que, je vais parler plutôt du secteur privé, il y a deux choses. Un, il y a des manques de compétences, c'est pour ça qu'on investit énormément, comme on n'a jamais fait, là cette année on va former, en 2020, on va former plus de 900.000 demandeurs d'emploi et jeunes aux métiers dont on a besoin aujourd'hui et demain. Mais je crois aussi qu'il faut que les employeurs ils ouvrent un peu leurs chakras, parce que, il faut qu'ils embauchent les seniors, les personnes en situation de handicap, les jeunes des quartiers, il y a quand même beaucoup de conformisme dans la manière de recruter, il faut recruter sur…
SONIA MABROUK
De conformisme dans la manière de recruter ?
MURIEL PENICAUD
Oui, je pense qu'aujourd'hui, et puis c'est un peu l'ancienne DGRH qui parle aussi, autant que la ministre du Travail, on en discute beaucoup avec les entreprises, on a tendance à recruter que sur le CV, il faut avoir le CV parfait, l'expérience parfait, le diplôme parfait. Il y a un plein de gens qui ont un potentiel, qui ont envie de travailler, et qui, moyennant la formation, et là nous on met le paquet sur les moyens publics pour la formation…
SONIA MABROUK
Ah, pardonnez-moi, donc l'une des raisons pour lesquelles, peut-être, ce chômage a augmenté, c'est aussi de la, peut-être de la…
MURIEL PENICAUD
Non, non, non, ce n'est pas ce que je dis…
SONIA MABROUK
Les employeurs doivent faire plus d'efforts en tous les cas ?
MURIEL PENICAUD
Non, je dis que c'est une bataille collective, on a besoin que les collectivités territoriales elles travaillent sur garde d'enfants et transport, parce qu'il y a aussi des demandeurs d'emploi qui ne peuvent pas prendre un emploi parce qu'il y a un problème de garde d'enfants ou de transport. Il y a besoin que les employeurs, j'étais en Bretagne il y a quelques jours avec un club de 200 entreprises inclusives formidables, qui eux ont décidé de recruter tout à fait différemment, eh bien il y a des succès formidables.
SONIA MABROUK
Ils peuvent faire plus d'efforts dites-vous, mais Muriel PENICAUD…
MURIEL PENICAUD
On investit 1 milliard d'euros sur l'insertion des plus fragiles.
SONIA MABROUK
Et vous, le gouvernement, j'allais dire à quel prix cette lutte contre le chômage ? La réforme de l'Assurance chômage qui est en place, avec normalement…
MURIEL PENICAUD
Oui, depuis 8 jours, elle n'a pas d'effet encore, donc on va voir après.
SONIA MABROUK
Oui, justement, les syndicats s'inquiètent de l'effet, une plus grande précarité, et perdre forcément une lutte contre le chômage accru.
MURIEL PENICAUD
C'est le contraire. Aujourd'hui il y a beaucoup de précarité, aujourd'hui 9 embauches sur 10 c'est des emplois très courts, nous on se bat contre cette précarité, et au contraire, la formation, tout ce qu'on fait pour permettre aux plus fragiles d'accéder à l'emploi, les personnes en situation de handicap, ceux qui ont eu des accidents de la vie, et là, l'année prochaine dans mon budget il y a plus d'1 milliard d'euros là-dessus, on n'a jamais fait ça, pour leur donner des opportunités d'aller vers l'emploi, moi je crois à tout ça, et l'Assurance chômage c'est la cohérence avec ça, pour encourager, et l'employeur, et les salariés, à être sur les emplois plus durables. Et donc, tout ça c'est cohérent, il ne faut rien lâcher, et puis je crois beaucoup à la formation.
SONIA MABROUK
Il ne faut rien lâcher justement, je vais vous rappeler quand même le contexte social, que vous connaissez bien, colère des étudiants, saturation des hôpitaux, anniversaire à venir du mouvement des Gilets jaunes, perspective d'une grève interprofessionnelle du 5 décembre, on peut comprendre qu'au vu d'un tel climat le gouvernement ait peur.
MURIEL PENICAUD
Moi je pense que, ce qu'attendent les Français c'est que…
SONIA MABROUK
Vous ne reprenez pas ma phrase, donc le gouvernement a peur.
MURIEL PENICAUD
Non…
SONIA MABROUK
Il y a crainte quand même, une inquiétude.
MURIEL PENICAUD
La question ce n'est pas peur ou pas peur, c'est on écoute, on entend, et je pense que ce qu'attendent les Français c'est deux choses, la première, que le président de la République, qui a été élu sur un programme, le réalise, on est en train de le réaliser, il y a quand même des premiers résultats depuis 2 ans, mais il reste beaucoup à faire. Et puis je pense qu'ils attendent effectivement que le quotidien aille mieux, que le quotidien aille mieux c'est beaucoup de choses, c'est effectivement qu'il y ait moins de chômage, parce que ça touche beaucoup de familles, ça touche beaucoup de jeunes, il y a beaucoup de précarité, il y a beaucoup de chômage. Donc on fait… on se mobilise énormément là-dessus, sur l'emploi, mais il faut aussi…
SONIA MABROUK
C'est intéressant ce que vous dites, vous dites on se mobilise, on écoute, mais ce que beaucoup vous reprochent, Muriel PENICAUD, c'est d'agir avec un temps de retard, pour les Gilets jaunes, pour les étudiants, pour les hôpitaux, d'attendre que la colère monte pour agir, et finalement, quelque part, de laisser la violence s'installer.
MURIEL PENICAUD
Non, on ne peut pas dire ça. Le pouvoir d'achat a augmenté depuis 1 an…
SONIA MABROUK
Oui, mais c'est une question de perception, vous le savez, souvent.
MURIEL PENICAUD
Non, non, le pouvoir d'achat ça se mesure, et quand vous augmentez la prime d'activité, quand vous augmentez l'allocation adulte handicapé, quand vous augmentez le minimum vieillesse, etc., heureusement ça se ressent dans le porte-monnaie, heureusement. Donc, le pouvoir d'achat a augmenté, le chômage il baisse depuis 2 ans, encore une fois il faut continuer, ce n'est pas fini…
SONIA MABROUK
Tout va bien !
MURIEL PENICAUD
Non, ça ne va pas bien, c'est une bataille, c'est une bataille pour le pays, c'est une bataille pour les Français, c'est une bataille pour l'emploi, c'est une bataille pour la jeunesse, on ne la gagne pas en un jour, elle n'est pas encore gagnée, mais on progresse, mais il faut… quand je dis rien lâcher c'est aussi il faut continuer à se mobiliser là-dessus. Un des gros sujets c'est les compétences dans notre pays, alors on est à J-7 d'un événement important, jeudi prochain, le 21 novembre, il y a 25 millions de Français, les salariés et les demandeurs d'emploi, qui vont avoir un droit nouveau, on est le premier pays au monde à faire ça, c'est très regardé par les autres pays, c'est ils iront, avec leur numéro de Sécurité sociale, sur moncompteformation, ils auront leur crédit…
SONIA MABROUK
Alors, c'est une application, je vais le préciser…
MURIEL PENICAUD
C'est une application…
SONIA MABROUK
Une application appelée moncompteformation, elle permettra à tous les salariés et demandeurs d'emploi de connaître leurs droits déjà acquis à la formation, d'accéder à l'ensemble de l'offre de formations, et de s'y inscrire en un clic. Je vais boire quand même le verre à moitié vide, Muriel PENICAUD, certains syndicats disent c'est séduisant sur le papier, mais il y a des inquiétudes, c'est-à-dire on va en un clic, c'est une démarche personnelle, ce n'est pas collectif.
MURIEL PENICAUD
Alors, d'abord je voudrais dire que, aujourd'hui, si vous êtes salarié, demandeur d'emploi, il n'y a qu'un salarié sur trois qui a accès à la formation continue, c'est une belle promesse la formation continue, mais nous on y croit, on veut la rendre réelle, et pas juste un droit formel. Et donc, là, vous pourrez accéder à toutes les formations qui existent dans le pays, on est déjà à 80.000 formations, là, qui sont prévues, et vous pourrez, si vous cherchez le CACES, ou chauffeur routier à Orléans, ou informaticien à Strasbourg, vous pourrez trouver ça, vous aurez un droit, c'est la collectivité qui garantit le droit, et on n'est pas seul, on a un conseiller en évolution professionnelle gratuit, en ligne ou physique…
SONIA MABROUK
Alors, vous avancez sur la formation, mais signe de votre grande inquiétude, quant au climat social Muriel PENICAUD, vous avez décidé de temporiser sur le travail de nuit dans le commerce alimentaire, alors que vous envisagiez initialement de le modifier dans un projet de loi, pourquoi reculer ?
MURIEL PENICAUD
On ne recule pas, mais on ne peut pas nous demander d'écouter et en même temps de ne pas écouter.
SONIA MABROUK
C'est vous qui avez envisagé de le modifier dans un projet de loi.
MURIEL PENICAUD
Je vous explique pourquoi. Le travail en soirée, c'est-à-dire dans les commerces de 21h00 à minuit, ça existe dans les zones touristiques internationales, et depuis 3 ans il y a une loi qui définit les conditions, c'est-à-dire qu'il y a des contreparties fortes pour les salariés, volontariat, double salaire, et d'autres conditions, et donc il y a une demande, de certaines enseignes de commerce alimentaire, de consommateurs qui voudraient faire leurs courses tard le soir, et de certains salariés, parce qu'on gagne plus si on travaille tard le soir, d'avoir un cadre qui permet de le faire dans les autres zones, sauf que, donc on avait envisagé de le faire…
SONIA MABROUK
Ma question c'est est-ce que vous allez vraiment faire cette réforme ?
MURIEL PENICAUD
Oui, mais…
SONIA MABROUK
A quel horizon ?
MURIEL PENICAUD
Enfin ce n'est pas une réforme, c'est un ajustement…
SONIA MABROUK
A quel horizon ?
MURIEL PENICAUD
Les partenaires sociaux, on s'est aperçu que les employeurs et les syndicats ne sont pas du tout d'accord sur les contreparties…
SONIA MABROUK
A quel horizon ?
MURIEL PENICAUD
Et donc on leur donne six mois pour une concertation pour pouvoir le faire.
SONIA MABROUK
Sinon, s'ils ne s'entendent pas comme maintenant ?
MURIEL PENICAUD
Ils vont forcément converger un peu plus, parce qu'aujourd'hui ils sont diamétralement opposés, donc on va donner le temps de la concertation pour se rapprocher.
SONIA MABROUK
Pour conclure Muriel PENICAUD, on a passé en revue ce climat social, est-ce que vous craignez, le 5 décembre, une paralysie du pays ?
MURIEL PENICAUD
Moi ce que je crains c'est qu'on ne soit pas assez rapide, et c'est difficile, dans des transformations, ce que je veux dire c'est que les Français ils attendent des transformations, même si on craint les transformations, ils veulent un système plus juste, ils veulent un système de retraite plus juste, je pense…
SONIA MABROUK
Et le temps vous est compté.
MURIEL PENICAUD
Et en même temps on peut avoir peur de quelque chose dont on estime qu'il faut le changer, et donc ce qui est difficile dans l'action politique c'est que… avec Emmanuel MACRON, avec Edouard PHILIPPE, on a décidé de faire des réformes de fond, et c'est ça qui sera utile pour nos concitoyens demain, mais il faut en même temps que le court terme…
SONIA MABROUK
Grand défi alors que les urgences…
MURIEL PENICAUD
Il faut en même temps que le court terme on l'entend, et c'est pour ça…
SONIA MABROUK
Sont plus urgentes.
MURIEL PENICAUD
On annoncera un plan très rapidement, Agnès BUZYN annoncera un plan rapidement. Il faut travailler à la fois à transformer le pays, et en même temps à répondre aux problèmes…
SONIA MABROUK
Merci Muriel PENICAUD, merci d'avoir été notre invitée ce matin sur Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 14 novembre 2019