Interview de M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites, à RTL le 19 décembre 2019, sur l'âge pivot et la mise en place d'un simulateur en ligne dans le cadre de la réforme de la retraite.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Laurent Pietraszewski - Secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé chargé des retraites

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Bonjour Laurent PIETRASZEWSKI.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Bonjour Yves CALVI.

YVES CALVI
Merci beaucoup d'avoir choisi RTL pour votre première interview, puisque vous venez d'être nommé secrétaire d'Etat aux Retraites, autrement dit l'un des hommes les plus observés de France. Commençons par nettoyer le pont, en termes de Marine, si vous voulez bien, afin de ne pas renouveler la mésaventure de votre prédécesseur. Etes-vous certain d'être en conformité avec les règles de transparence que l'on réclame à nos ministres sur le plan de leurs revenus et de leur patrimoine ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Absolument, c'est d'ailleurs l'obligation des députés aussi de déclarer l'ensemble de leurs revenus, de leurs engagements auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, c'est ce que j'ai fait et c'est d'ailleurs parce que je l'ai bien fait qu'on m'a posé beaucoup de questions hier sur le sujet.

YVES CALVI
On a compris les liens d'amitié et même d'admiration qui vous lient à Jean-Paul DELEVOYE, le Haut-commissaire, qui, quoi qu'on en pense, a fait une sortie parfaitement digne. J'en reviens donc à cette situation, elle est parfaitement claire, vous savez que certains doutent encore au moment où nous parlons.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Je ne vois pas de quoi ils peuvent douter, très franchement…

YVES CALVI
Les interrogations portent tout d'abord sur votre indemnité de licenciement du groupe AUCHAN, de 72 000 €. Tout était justifié ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Bien sûr, c'est pour ça qu'elle est déclarée, et d'ailleurs tous les documents ont été transmis en temps et en heure à la Haute autorité. La difficulté d'ailleurs, je pense d'ailleurs dans cet exercice de transparence, qui est bon pour notre démocratie, parce que c'est bien que les élus déclarent, lorsqu'ils ont des revenus, c'est que c'est parfois difficilement interprétable lorsqu'on n'est pas concerné, et c'est pour ça qu'il y a une Haute autorité, c'est pour ça que c'est son travail de vérifier tout cela et c'est pour ça que c'est à elle qu'on écrit et c'est à elle qu'on envoie les documents.

YVES CALVI
Et donc j'insiste, vous n'avez plus aucune autre source de revenus que celles de votre fonction d'Etat désormais.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Absolument plus aucune autre source de revenus, et d'ailleurs je n'en avais pas non plus quand j'étais député, puisque mon contrat était suspendu, et ce ne sont simplement que des indemnités de licenciement que j'ai perçues, qui correspondent d'ailleurs à une carrière complète de 27 ans dans une entreprise. Tous les Français qui ont pu avoir, à un moment de leur vie, un changement d'entreprise par licenciement économique, savent bien ce que c'est.

YVES CALVI
Bon, pas de problèmes de mémoire, ni de phobie administrative…

LAURENT PIETRASZEWSKI
Aucune.

YVES CALVI
On en vient à l'essentiel, si vous le voulez bien. Je cite Laurent BERGER hier soir à la sortie de Matignon : « On n'est pas d'accord, le gouvernement reste ferme sur l'âge pivot, mais on continue à se parler ». Ça veut dire que la situation est toujours bloquée ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Eh bien ça veut dire que nous sommes dans la concertation, nous sommes dans le travail qu'il y a à faire avec les partenaires sociaux, pour construire ce grand défi au fond, ce grand projet de solidarité intergénérationnelle et interprofessionnelle dans notre pays. Donc voilà, c'est le moment des échanges, des concertations. Bien sûr on va arriver aussi au moment où on sera avec le projet de loi, c'est la volonté du gouvernement. Vous savez que le Premier ministre a donné un calendrier, mais il y a ce temps qui a été initié par le Premier ministre, et je crois qu'il faut en bénéficier pleinement.

YVES CALVI
Vous suivez ce dossier depuis longtemps, est-ce que vous avez une conviction, vous, notre nouveau secrétaire d'Etat, sur ce qui permettrait de sortir de la crise ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Eh bien je crois que le gouvernement, vous savez, il est dans l'action bien avant mon arrivée hier matin. Donc le sujet qui est posé c'est effectivement comment on peut sortir de cette crise. Je crois qu'il y a une volonté je pense notamment aux deux entreprises que sont la SNCF et la RATP, de construire des solutions en interne. Je crois que les Directions de ces entreprises ont pris la main, et c'est très bien, pour être dans les échanges et trouver les voies de sortie de crise qui faciliteront la vie des Français demain, parce qu'il faut qu'on puisse demain se déplacer à nouveau dans Paris et partout en France.

YVES CALVI
Mais vous pensez qu'on est proche d'un accord, notamment pour la SNCF et la RATP ? Le président a dit hier que... a fait dire par son entourage qu'il était disposé à améliorer sa réforme. Ça veut dire quoi précisément ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Vous savez, moi je ne fonctionne pas avec les « ouï dire » et « il a fait dire ». J'entends le Premier ministre qui est à la manoeuvre sur le sujet, et je peux vous dire, c'est qu'il y est très bien. J'étais à ses côtés hier toute la journée, et principalement bien sûr l'après-midi et la soirée. Les concertations se font franchement avec une qualité d'échanges, une qualité d'écoute réelle, y compris on se dit qu'on n'est pas d'accord, mais on se le dit en s'expliquant pourquoi, en réfléchissant sur la façon dont on peut sortir de la crise qui était votre question, et ça fait partie des échanges et des discussions qui ont lieu maintenant.

YVES CALVI
Y compris autour de l'âge d'équilibre, enfin que vous avez appelé d'équilibre et qu'on a jusqu'ici qualifié d'âge pivot ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Pourquoi l'âge d'équilibre a du sens ? Tout simplement parce que dans un système par répartition, 100 % des cotisations sont utilisées pour payer les pensions de ceux qui sont en retraite. Donc, on comprend bien que pour équilibrer ce dispositif, il faut aussi qu'on ait une notion d'âge, qui est une référence collective. Alors, il y a un débat sur ce sujet, on ne s'en est pas caché, y compris d'ailleurs avec les syndicats réformistes, il y a un débat sur ce sujet. Le Premier ministre l'a rappelé, s'il y a une proposition de la part des partenaires sociaux, pour trouver la voie de l'équilibre, autre que celle que lui a mis en discussion, eh bien cette proposition sera regardée.

YVES CALVI
Donc vous nous dites ce matin : amenez-nous une idée meilleure, sinon on passera bien par le fameux âge pivot, que vous qualifiez d'âge d'équilibre.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais je ne le qualifie pas d'âge d'équilibre…

YVES CALVI
Parce que c'est nécessaire, quoi ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
La réalité c'est que c'est l'âge où le système est en équilibre. C'est juste du sens. Moi, vous savez, je ne suis pas un spécialiste de la sémantique ou du jeu de mots, c'est, quand on discute à Armentières et qu'on boit un petit café sur la place, mes concitoyens ils ont juste besoin de comprendre ce qu'on leur dit. Donc si je leur dis qu'il y a un âge qui correspond à l'équilibre du système, ils ont bien compris. Quand on leur dit : il y a un âge pivot, ils me demandent « c'est quoi ce discours techno, Laurent ? ». Donc je crois qu'il faut parler aussi, être clair dans ce que l'on dit. Nous proposons qu'il y ait l'équilibre qui puisse se faire par l'âge, cela permet d'inscrire que le point ne baissera pas dans la loi, et vous savez qu'on veut que le point ne baisse pas dans la loi, qu'on puisse garantir le niveau des pensions, et puis, parce que moi c'est ma lecture politique, mais je l'assume, moi je ne souhaite pas qu'on puisse augmenter les cotisations, augmenter le coût du travail…

YVES CALVI
C'est ce que suggère Laurent BERGER.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais, si les partenaires sociaux...

YVES CALVI
Que lui répondez-vous ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Si les partenaires sociaux en décident autrement et qu'ils se mettent d'accord, c'est ça l'intérêt de la démocratie sociale. Moi je peux avoir, en tant que politique, une vision, et vouloir que la démocratie sociale elle existe, si elle est capable de faire une autre proposition, elle sera entendue par le Premier ministre.

YVES CALVI
Est-ce que ça veut dire que tout cela va être géré de façon, je dirais, paritaire, pour employer un terme finalement assez simple et qu'on peut comprendre, entre gouvernement et partenaires sociaux ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Eh bien, c'est le cas…

YVES CALVI
Et jusqu'à quel point ? Vous m'avez compris.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Oui, je comprends votre volonté de rassurer sans doute vos auditeurs sur le fait que nous sommes bien dans un fonctionnement de la démocratie sociale, mais sur le fond, les 7 heures de discussions qu'il y a eu hier en témoignent, nous sommes bien dans un fonctionnement démocratique. Après, que les partenaires sociaux, pour incarner la démocratie sociale, décident de se parler, de travailler ensemble, nous, nous appelons ça de nos vœux.

YVES CALVI
Philippe MARTINEZ, en sortant de Matignon hier, a dit lui : « Nous n'avons pas la même vision de la société ». Est-ce que ça veut dire qu'on est dans une guerre aujourd'hui idéologique ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Ah, vous savez, moi je ne suis pas pour le vocabulaire guerrier. Moi je pense que je suis pour la confrontation des idées et des projets…

YVES CALVI
Mais justement, la politique ça se fait avec des idées, mais c'est finalement ce que vous renvoie Philippe MARTINEZ.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Je pense qu'on peut faire une confrontation d'idées et de projets, tout en étant extrêmement pondéré et apaisé, et d'ailleurs ça permet, et d'ailleurs je vais vous dire pourquoi, parce que ça permet d'écouter et de mieux intégrer la vie de ceux qui ne sont pas d'accord avec vous. Donc moi j'entends que Philippe MARTINEZ a une autre vision, de la façon dont on doit faire fonctionner le système de retraite, j'entends bien, moi j'en ai une autre avec le gouvernement, moi je pense qu'il faut avoir une solidarité large, que cette solidarité, elle doit être interprofessionnelle, qu'il faut redonner confiance dans le système pour les jeunes générations, parce que c'est eux qui, par leurs cotisations, paient les retraites de nos aînés, et je pense que tout ça, ça se fait dans un système solide, et plus il sera large, plus on sera nombreux dans un système, plus le système sera solide.

YVES CALVI
Vous suivez la mise en place du fameux simulateur de retraite lancé aujourd'hui ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Oui, bien sûr. Eh bien oui, c'est un élément important, c'est un engagement du Premier ministre, c'est aussi une attente forte de l'ensemble de nos concitoyens, dont je parlais tout à l'heure.

YVES CALVI
Visiblement, on n'y trouve pas encore les femmes avec enfants, les fameuses carrières heurtées, ni surtout les cheminots. Alors, j'ai envie de vous dire, à ce stade-là, c'est plus une dissimulation qu'une simulation.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Il y a quand même une obligation, quand on est en responsabilité, c'est de faire les choses sérieusement. Donc, si on dit qu'on fait un simulateur, on le fait parce qu'on a des éléments. On ne fait pas un simulateur fantaisiste, on le fait avec une méthode, sur un site : réforme-retraites.gouv.fr.

YVES CALVI
Nous l'avons largement détaillé depuis ce matin.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Merci. Et refaisons-le, encore ensemble.

YVES CALVI
Oui oui, bien sûr.

LAURENT PIETRASZEWSKI
On le fait, mais sur ce simulateur et sur ce site, qu'est-ce qu'on voit ? On voit la méthode. Parce que vous savez, beaucoup de mes concitoyens, y compris ceux qui sont dans l'Education nationale, m'avaient interpellé en me disant : « Tiens Laurent, nous on est allé sur un site, où on a vu ». J'ai dit : « Tu sais comment ça fonctionne le moteur qui est derrière ce masque-là où tu saisis tes informations ? Tu sais paramètres ? ». « Ah ben non, je ne sais pas moi. On m'a donné ça ». Eh bien nous, nous faisons quelque chose de solide, de sérieux, pas quelque chose de fantaisiste, à visée d'inquiéter. Donc on verra. Le simulateur aujourd'hui, il est dans sa première étape, il va bien sûr se développer. Pourquoi il va se développer ? Parce que plus on aura des informations sur les paramètres de fin, eh bien plus on pourra rendre le simulateur riche. Donc aujourd'hui, lorsque chacun de nos concitoyens se rend sur ce site, eh bien il y a la possibilité de voir s'il est concerné ou pas par le système universel de retraite, et si oui, quelle est la part de sa future retraite qui sera concernée. Et il y a plusieurs cas type.

YVES CALVI
Alors, quand espérez-vous, je dirais, un simulateur parfaitement efficient, et avec jusqu'à combien de type de profil pour les Français qui voudront aller y faire un petit tour ?

LAURENT PIETRASZEWSKI
Dans la journée il y aura là une quarantaine de profils qui seront mis en ligne. Je pense qu'on doit être en situation lorsqu'on aura le projet de loi, et donc des éléments qui seront plus stabilisés. On aura la possibilité d'avancer un peu plus dans les simulations, et puis je crois que courant 2020, une fois que la loi sera votée, c'est d'ailleurs l'attente du président de la République, mais de tous les Français, d'avoir un simulateur individuel où effectivement, là on pourra venir saisir ses données et avoir sa pension au final.

YVES CALVI
Ce sera ma dernière question : les Français sont inquiets pour les fêtes de fin d'année, vous avez peut-être entendu Valérie PECRESSE qui intervenait à 07h45 au micro d'Alba VENTURA. Pardonnez-moi, mais il n'y a pas actuellement le moindre espoir de lever les blocages.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Ecoutez, je vous ai dit tout à l'heure que moi j'entends que dans chacune de ces entreprises de transport ferroviaire, que ce soit la SNCF ou la RATP, il y a des discussions qui avancent, il y a une volonté de la part des Directions, mais je crois aussi des partenaires sociaux, de trouver les voies de sortie. Je pense que tout cela est en construction. Il y a besoin sans doute d'un peu de temps. Mais vous savez, un dialogue social de qualité ça se fait aussi avec du temps.

YVES CALVI
Un peu de temps, c'est ce que vous nous demandez ce matin. Merci beaucoup Laurent PIETRASZEWSKI, d'avoir accordé votre première interview à RTL.

LAURENT PIETRASZEWSKI
Bonne journée à tous.

YVES CALVI
Nous aurons je le pense l'occasion de se revoir très prochainement pour évoquer cette réforme des retraites. Bonne journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 décembre 2019