Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à LCI le 18 décembre 2019, sur la réforme des retraites.

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Intervenant(s) : 
  • Gabriel Attal - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'être avec nous Gabriel ATTAL. Vous êtes en effet membre d'un gouvernement qui est, on va le dire, une nouvelle fois à la croisée des chemins dans ce climat social. 14ème jour de grève. Face à la mobilisation qui se poursuit, le gouvernement est confronté à un choix binaire : soit l'épreuve de force, soit la reculade. Vous préférez quoi ?

GABRIEL ATTAL
Nous, on a toujours refusé d'être dans cette logique binaire. On considère qu'il n'y aura pas de gagnant ou de perdant à l'issue de ce mouvement, on considère que des solutions elles peuvent être construites, qu'un dialogue c'est partir d'un point A pour certains, partir d'un point Z pour d'autres, mais à se rapprocher. Et le gouvernement il n'est plus au point A depuis maintenant plusieurs mois. On a annoncé des garanties, on a répondu à des inquiétudes, on a bougé sur un certain nombre de points. Il y a des opposants, notamment des organisations, je pense à la CGT, qui sont, elles restées aux points Z et qui disent : quoi qu'il arrive, on demande au gouvernement de retirer son projet. Nous, on n'accepte pas cette la logique-là…

ELIZABETH MARTICHOUX
On s'arrête là quelques instants.

GABRIEL ATTAL
C'est ça la logique binaire, et nous on considère qu'on peut construire des solutions avec des organisations constructives.

ELIZABETH MARTICHOUX
On va s'arrêter quelques instants sur votre point Z. Les grévistes qui tiennent bon, l'intersyndicale, cette nuit l'intersyndicale CGT, Force ouvrière, SUD, on va dire les plus durs, qui demandent le retrait, eh bien eux ils veulent continuer ? Ecoutez Eric BEYNEL, syndicat SUD Solidaires.

ERIC BEYNEL, CO-DELEGUE GENERAL DE SOLIDAIRES
Sans annonce du retrait, il n'y aura pas de trêve. Nous appelons à organiser des actions de grève et de manifestations partout où c'est possible.

ELIZABETH MARTICHOUX
Votre commentaire, Gabriel ATTAL. « La grève continue partout où c'est possible ».

GABRIEL ATTAL
La grève est un droit, moi je n'ai pas à le commenter en tant que tel. Je regrette cette position, du tout ou rien. Ce n'est pas acceptable. Quand on parle de dialogue social, quand on parle de compromis, on ne peut pas accepter, enfin il faut d'abord assumer qu'une réforme n'est pas chimiquement pure et que par définition chacun doit faire un pas vers l'autre. Nous on a fait un certain nombre de pas. On est prêt à continuer à en faire, c'est l'objet des discussions qui vont avoir lieu avec le Premier ministre aujourd'hui et demain. Mais on constate que certains refusent de faire des pas et qui considèrent qu'il faut retirer la réforme ou rien. Et donc, qui veulent continuer à rendre la vie très difficile à beaucoup de Français, et moi c'est aussi à eux que je veux penser.

ELIZABETH MARTICHOUX
Je voudrais parler des coupures d'électricité justement, parce que ça c'est assez nouveau, c'est intervenu à partir de lundi soir, la CGT a dit : c'est un premier avertissement, le gouvernement s'expose à des coupures massives. Il y a 170 000 foyers qui ont été touchés pour l'instant.

GABRIEL ATTAL
C'est une dérive très grave dans les modes d'action de la CGT. Ce matin ils ont encore annoncé qu'ils allaient amplifier ces coupures. C'est très grave. C'est très grave parce que, comme toujours ça touche ceux qui sont les plus fragiles, vous savez, les institutions, les préfectures, ils ont des générateurs, quand vous couper le courant dans un quartier, eux ils s'en sortent toujours. Par contre les gens, les foyers, les individus, eux ils n'ont pas ça, et eux ils se retrouvent dans la panade, comme quand vous bloquez des transports, vous savez, les puissants, ceux qui décident, ils ont toujours un moyen d'aller travailler, de se déplacer, les plus riches ils ont toujours un moyen de payer une nounou pour remplacer la crèche de leurs enfants, de prendre un taxi pour remplacer le métro. Par contre, ceux qui travaillent dur, ceux qui doivent aller travailler, eux ils n'ont pas de solution de remplacement. Et moi, ces coupures de courant, je les trouve très graves et je les trouve très dangereuses. On a des exemples de situations quand même totalement inacceptables qui se sont produites, je pense à Béziers, vous avez un hôpital qui a été touché par une coupure, heureusement il avait un générateur.

ELIZABETH MARTICHOUX
Philippe MARTINEZ s'en est défendu hier en disant : bon, il peut y avoir malheureusement, peut-être des foyers, mais ce n'est pas le but, c'est les entreprises du CAC 40 qu'on vise, c'est ce qu'il a dit hier à la manif.

GABRIEL ATTAL
Mais attendez, vous avez une entreprise, je crois que c'est à Béziers aussi, il y a eu une coupure de courant, du coup il y a des fumées toxiques qui sont sorties de l'entreprise et qui ont intoxiqué quatre salariés. Vous avez une personne qui s'est exprimée sur France 3 Régions, à Béziers, un monsieur qui est très malade, qui est sous respirateur électrique, qui était dans son lit, le respirateur s'est arrêté, il ne pouvait même pas se redresser puisque son lit est électrique. Non mais c'est aussi des situations comme ça qu'on…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est une dérive des moyens de la contestation…

GABRIEL ATTAL
Est-ce que la CGT assumerait en drame lié à ces décisions-là ? A Perpignan vous avez des feux tricolores qui ont été éteints à cause d'une coupure de…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous dramatisez.

GABRIEL ATTAL
Non, je ne dramatise pas, je mets en garde. Je mets en garde face à ces situations qui sont dangereuses. On ne peut pas tout accepter comme mode d'action. Oui le droit de grève est constitutionnel, et si des salariés veulent faire grève, ils ont parfaitement le droit de le faire, mais quand on empêche des salariés qui refusent de faire grève d'aller travailler, comme on l'a vu à Paris avec des conducteurs de bus, de tramways, qui ont été empêchés d'aller travailler par des syndicalistes, quand on coupe le courant chez les gens, on n'est plus dans le droit de grève, on est dans le blocage et on est potentiellement dans du danger pour les individus.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et c'est illégal ?

GABRIEL ATTAL
Bien sûr que c'est illégal.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sera poursuivi ?

GABRIEL ATTAL
Eh bien je le souhaite, évidemment, il faut que ça soit poursuivi.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y aura donc dépôt de plainte et des sanctions éventuellement si la justice en décide. Vous souhaitez ?

GABRIEL ATTAL
Oui, bien sûr que je le souhaite. On ne peut pas tout accepter. Et moi j'ai envie de vous dire, pour rejoindre la question que vous posiez tout à l'heure sur le retrait, moi je n''ai pas envie qu'on se retrouve dans un pays, la France c'est une démocratie, il a des institutions, où finalement on a cette prise en otage et où on est, on serait contraint de céder parce que certains se lancent dans ce type de mode d'action.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous faites comme si, quand on vous écoute Gabriel ATTAL, comme si vous n'étiez pour rien dans la situation aujourd'hui. Pardon, mais cette situation c'est aussi cette loi, cette réforme, pardon, ce n'est pas encore une loi, cette réforme qui est présentée, et pour l'instant qui n'est pas acceptée par les Français, on le voit dans les sondages d'opinion, comme si vous subissez la situation. Ce sont les Français qui subissent les effets de la grève, de la contestation de votre réforme.

GABRIEL ATTAL
D'abord, oui, on porte une réforme et on considère qu'on est fondé à le faire, d'abord parce qu'elle était dans notre programme pour les élections présidentielles et les élections législatives, et qu'on a été élu pour le faire. Ensuite parce qu'on considère, et le constat aujourd'hui est assez peu disputé, que le système de retraite tel qu'il existe, est injuste, qu'il est inefficace et qu'il risque de s'écrouler si on ne prend pas des mesures importantes. Et puis enfin, parce que quand vous parlez des sondages, il faut regarder tous les sondages. Majorité de Français dit aujourd'hui que le système actuel ne fonctionne pas, qu'il est injuste, et une très grande majorité de Français, je crois que c'est autour de 80 %, est pour la suppression des régimes spéciaux, ce à quoi s'opposent aujourd'hui les organisations syndicales qui bloquent les Français et qui disent : s'il n'y a pas de retrait du projet on va continuer à bloquer.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, parlons de l'âge pivot, parce que l'âge pivot, pardon, il n'était pas, ce n'était pas une promesse de campagne d'Emmanuel MACRON. Sur ce sujet, Laurent BERGER, qui était notre invité hier matin sur LCI a dit, je lui ai demandé : « Est-ce que ça bouge côté gouvernement ? ». Il disait : « non, ça ne bouge pas ». Il faut que ça bouge ?

GABRIEL ATTAL
Par définition vous avez aujourd'hui des réunions avec les organisations syndicales et le Premier ministre, demain encore une réunion multilatérale…

ELIZABETH MARTICHOUX
Sur l'âge pivot, qu'est-ce qui peut bouger, Gabriel ATTAL ?

GABRIEL ATTAL
Alors, le Premier ministre a été très clair sur ce sujet-là, on veut atteindre l'équilibre pour notre système de retraite, on propose pour cela l'âge d'équilibre c'est notre proposition parce qu'on considère que c'est ce qu'il y a de plus juste et de plus efficace. Si les organisations syndicales ont d'autres propositions pour atteindre l'équilibre, on les regardera. Ce qui est certain c'est qu'il faudra être très inventif et très imaginatif, parce qu'aujourd'hui les autres pistes qui sont mises dans le débat, pour nous elles sont difficilement acceptables.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous voyez à quel point vont fermez aussi la proposition…

GABRIEL ATTAL
Non.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, le point qui hérisse précisément Laurent BERGER, le patron de la CFDT, c'est que vous inscrivez le principe de l'âge pivot comme le mécanisme qui devra s'imposer si les partenaires sociaux n'arrivaient pas à trouver une solution. Donc, si vous voulez, c'est quand même compliqué pour eux d'accepter de commencer à négocier, alors qu'ils savent que le gouvernement va imposer sa solution.

GABRIEL ATTAL
Non, puisqu'on leur dit que s'ils ont une autre proposition, on la regardera, et que si effectivement elle est meilleure que l'âge pivot, en tout cas si elle adapte l'âge pivot tel qu'on l'a proposé, on la regardera avec attention. Vous savez, quand on parle de ce sujet-là, ce n'est pas un gadget l'âge pivot, on a tendance à entendre certains, séparer la réforme systémique du paramétrique…

ELIZABETH MARTICHOUX
Non mais, je vois bien, c'est par parenthèse, c'est une drôle de conception du paritarisme, pardon Gabriel ATTAL…

GABRIEL ATTAL
Mais, ce que je veux vous dire, Elizabeth MARTICHOUX, c'est qu'on ne peut pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
... c'est une drôle de conception du paritarisme, dire aux partenaires sociaux : on vous donne la main, mais dans le fond on ne vous fait pas suffisamment confiance pour ne pas envisager notre solution, c'est une drôle de conception du paritarisme, certains diraient même, c'est un paritarisme dévoyé.

GABRIEL ATTAL
Ce n'est pas ce que l'on dit, d'abord. La première chose c'est qu'ils annoncent qu'a faites le Premier ministre la semaine dernière, elles font suite à 4 mois de concertation. Le paritarisme c'est aussi ça, le dialogue social c'est aussi ça. On nous a reproché pendant 2 ans de ne pas associer suffisamment les syndicats, on l'a fait pendant 4 mois à travers une concertation. A la fin…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pas sur l'âge pivot.

GABRIEL ATTAL
A la fin il faut trancher. La question du financement du système, elle a été posée dès le départ.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non…

GABRIEL ATTAL
Eh bien si.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est tellement pas vrai que vous savez bien que quand…

GABRIEL ATTAL
D'ailleurs la CFDT a dit très tôt qu'elle était contre l'âge d'équilibre.

ELIZABETH MARTICHOUX
... Emmanuel MACRON fait sa proposition, il n'y a pas de problème de déficit, et c'est parce qu'il y a un problème de déficit, dit le Premier ministre, c'est parce qu'il y a un rapport du COR, il est récent, qu'aujourd'hui vous dites : on est obligé d'envisager la solution. Donc ne dites pas que…

GABRIEL ATTAL
Dès l'été on a parlé de la question du financement. Dès l'été la question du financement a été abordée, d'ailleurs Emmanuel MACRON c'était exprimé sur le sujet…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, parce que vous aviez déjà des éléments durables.

GABRIEL ATTAL
Le rapport est sorti. Ce que je veux dire c'est que, on a ce contexte-là, mais ce n'est pas un gadget, on ne fait pas ça par plaisir. Quand on met en place un nouveau système, qui crée de nouveaux droits, il faut financer ces nouveaux droits…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y en a qui se posent la question de la procédure.

GABRIEL ATTAL
Il faut financer ces nouveaux droits parce qu'on ne veut pas prendre aux uns ce qu'on donne aux autres. Et donc il faut les financer. Et nous, notre proposition aujourd'hui, c'est de dire : il faut travailler un peu plus longtemps et progressivement plus longtemps. Ça répond aussi à une situation que tout le monde défend aujourd'hui notre régime par répartition.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, retirer l'âge pivot, ça ne sera pas ça, ça n'est pas envisageable. Vous ne retirez pas le texte…

GABRIEL ATTAL
Je termine juste mon idée et je vous réponds.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord.

GABRIEL ATTAL
Tout le monde défend aujourd'hui les régimes par répartition. Tout le monde a raison puisque c'est ce qui permet aujourd'hui que l'on ait un régime solide, et qu'on ait un des taux de pauvreté chez les personnes âgées les plus faibles dans les pays de l'OCDE. Mais le régime par répartition c'est quoi ? C'est que les actifs financent le travail, financent la retraite des retraités. Vous aviez il y a 50 ans, quatre actifs pour un retraité, ça facilitait le financement. On va arriver là à 1,5 actif par retraité. Donc on voit bien que s'il n'y a pas plus de Français qui travaillent, donc ça veut dire quoi ? Créer des emplois c'est ce qu'on fait, mais ça veut dire aussi travailler un peu plus longtemps. Le système ne tiendra plus.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ça, par exemple, la CFDT, ce n'est pas l'Alpha et l'Oméga de la réforme, mais il se trouve que c'est un des syndicats qui ne demande pas le retrait du texte. Il admet qu'effectivement il faut un équilibre, et tout le monde a compris, les Français ne sont pas idiots, Gabriel ATTAL…

GABRIEL ATTAL
Mais ce n'est absolument pas ce que j'ai dit.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ils ont bien compris qu'il y a de moins en moins d'actifs pour de plus en plus de retraités, personne ne peut échapper à cette réalité.

GABRIEL ATTAL
Et alors, on fait comment ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sont les solutions sur lesquelles…

GABRIEL ATTAL
Oui, nous on en propose une qui est l'âge d'équilibre…

ELIZABETH MARTICHOUX
La CFDT dit…

GABRIEL ATTAL
Ce que je vous dis, c'est que si la CFDT, et d'autres organisations syndicales, en proposent une autre, qui permet de répondre à cet enjeu-là, évidemment qu'elle sera regardée.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, je reprends, pardon, ma question : retirer le texte, vous dites non, retirer l'âge pivot du texte, vous dites non.

GABRIEL ATTAL
Si les organisations syndicales font d'autres propositions qui fonctionnent mieux que l'âge pivot, eh bien on les préférera à l'âge pivot.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais là, dans la loi qui sera proposée le 22 janvier en Conseil des ministres puis soumise au Parlement…

GABRIEL ATTAL
Alors, je vais dire les choses plus clairement…

ELIZABETH MARTICHOUX
... l'âge pivot inscrit comme alternative à une solution que n'auraient pas trouvé les syndicats, ça sera dans le texte.

GABRIEL ATTAL
Je vais vous dire les choses plus clairement…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ou ça peut ne pas l'être.

GABRIEL ATTAL
Si dans les réunions qui ont lieu aujourd'hui, demain et peut-être par la suite, les organisations syndicales proposent une meilleure solution que l'âge pivot, c'est celle-là qui sera inscrite dans le texte. C'est très clair.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, vous leur donnez 3 semaines.

GABRIEL ATTAL
Ça fait déjà, ça fait 4 mois qu'il y a une concertation, que cette question du financement est posée…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, enfin jusqu'au bout on ne savait pas s'il serait…

GABRIEL ATTAL
... le texte il passe en Conseil des ministres à la fin du mois de janvier, il sera examiné par le Parlement au début de l'année.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dite aux syndicats : trouvez-nous une solution et le 22 janvier on l'inscrit dans la loi.

GABRIEL ATTAL
Faites des propositions et nous on les regardera, mais c'est aussi ça ce que vous dites, parler du dialogue social.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous, qu'est-ce que vous faites comme propositions ? Qu'est-ce que vous faites pour aussi faire en sorte qu'il y ait une... parce que le compromis, si vous voulez, ce sont deux personnes qui effectivement font un pas l'un vers l'autre.

GABRIEL ATTAL
Bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et qu'est-ce que vous faites comme propositions ?

GABRIEL ATTAL
On a fait beaucoup de pas, je rappelle, c'était la génération 63 qui étaient concernée, et c'est aujourd'hui 75, on a annoncé un certain nombre de mesures, d'évolutions, de garanties qui ont été données, je pense à la question des enseignants, je pense à d'autres... Donc on ne peut pas dire qu'on n'ait pas fait de pas. Pour répondre à votre question. Nous on a fait une proposition, moi je suis solidaire de la proposition du gouvernement qui est cet âge pivot. Maintenant, moi ce que je comprends et notamment dans les positions de la CFDT, avec qui je discute aussi, c'est que leur inquiétude avec l'âge pivot, c'est effectivement pour les Français qui ont commencé à travailler très jeunes ou qui ont une carrière pénible. Dans les propositions qu'ils pourraient faire, est-ce que, éventuellement cet âge pivot pour être adapté pour les personnes qui ont eu une majorité de leur carrière dans des conditions de pénibilité, par exemple avec un malus qui est différent de celui des autres, celui qu'on a proposé c'est 5 %, j'en sais rien, c'est-à-dire c'est des propositions qui peuvent être faites…

ELIZABETH MARTICHOUX
Un des malus différenciés, en fait.

GABRIEL ATTAL
C'est des propositions qui peuvent être faites par les organisations, réformistes.

ELIZABETH MARTICHOUX
On prend l'exemple qui est assez frappant du chômeur de 58 ans, qui épuise ses droits au chômage, donc il est au chômage à 58 ans, il a 3 ans de chômage, il se retrouve à 61 ans, il fait valoir ses droits à la retraite, et effectivement, lui, comme le dit Laurent BERGER, c'est la double-peine, puisqu'à la fois il est obligé de faire valoir ses droits trop tôt, et puis ensuite il a le malus. Pour lui, qu'est-ce que…

GABRIEL ATTAL
C'est un autre sujet qui est celui de l'emploi des seniors, qui est un vrai sujet, c'est vrai.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais avant que ce soit réglé en amont, lui, qu'est-ce que vous faites ?

GABRIEL ATTAL
Un sujet qui a quand même beaucoup progressé, je vais le dire, en 2003 le taux d'emploi des seniors c'était 36 %, aujourd'hui on est à 52 %, donc on voit qu'il y a eu un progrès. Le taux de chômage des seniors il est inférieur au taux de chômage moyen en France. Est-ce que ça veut dire que le sujet est réglé ? Evidemment non, je crois qu'il y a autour de 900 000 seniors qui sont au chômage. Donc il faut agir pour l'emploi des seniors. On le fait d'abord en créant des emplois, je rappelle quand même autour de 400 000 emplois en net, créés grâce à ce gouvernement depuis 2 ans. Il faut prendre des mesures supplémentaires, on a confié une mission à madame Sophie BELLON, la présidente du Conseil d'administration de SODEXO, qui va remettre un rapport en janvier. Il faudra prendre des mesures supplémentaires avec les entreprises pour garantir l'emploi des seniors.

ELIZABETH MARTICHOUX
Très bien. Avant que ça produise ses effets, parce que malheureusement c'est toujours un peu long après la mise en oeuvre…

GABRIEL ATTAL
La réforme ne va pas entrer en oeuvre tout de suite non plus, Elizabeth MARTICHOUX.

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, avant que des mesures pour les seniors ne produisent leurs effets, est-ce que vous par exemple vous seriez d'accord pour que ces personnes-là, qui subiront la double peine, on fasse en sorte que ce ne soit pas le cas, qu'elles soient sorties un peu du dispositif, qu'elles soient exonérées de cette peine.

GABRIEL ATTAL
Mais notre réforme, elle apporte déjà des garanties sur ce sujet-là, avec la retraite progressive, avec le cumul emploi retraite qui va être facilité. Donc ça évidemment c'est un enjeu qu'on a pris en compte et qu'on va continuer à prendre en compte. Et sans doute faudra-t-il d'autres mesures sur la question de l'emploi des seniors, par exemple un index dans les entreprises, comme on vient de le faire pour l'égalité femmes/ hommes, qui oblige les entreprises à regarder la manière dont elles gèrent l'emploi des seniors, à publier les données. Est-ce qu'il faut des conditions de cotisations sociales incitatives pour l'emploi des seniors ? Je pense que tout ça c'est en train d'être regardé par madame BELLON, ça va être proposée en janvier. Je vous rappelle que la réforme elle va se mettre en oeuvre de manière progressive, que donc là aussi un peu de temps pour l'accompagner de nouvelles mesures sur ce sujet-là de l'emploi des seniors, comme sur d'autres sujets.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous entendez l'exaspération des Français qui aujourd'hui sont épuisés d'être soumis à ce régime ? Les petits commerces, on en parlait sur LCI dans la matinale ce matin, on les a vus, les commerces à Paris qui commencent à être extrêmement fragilisés. Vous pensez qu'ils vous créditeront de votre fermeté ?

GABRIEL ATTAL
Ecoutez, nous on n'est pas dans des calculs politiques.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oh !

GABRIEL ATTAL
Non, on n'est pas dans des calculs politiques. Je vais vous dire, bien sûr qu'on se rend compte que c'est très difficile. Vous savez, on discute avec des usagers. C'est une galère absolue aujourd'hui de prendre les transports à Paris pour aller travailler. Vous avez beaucoup de Français qui se lèvent beaucoup plus tôt que d'habitude, qui rentrent chez eux beaucoup plus tard pour pouvoir prendre un métro pour aller travailler.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui.

GABRIEL ATTAL
Et moi je pense que c'est aussi à eux qu'il faut penser. Vous avez effectivement des commerces qui perdent autour de 50 % de leur chiffre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il faut… Anne HIDALGO hier, la maire de Paris d'ailleurs, a demandé à ce qu'ils soient indemnisés.

GABRIEL ATTAL
Il y a des premières mesures qui ont été annoncées notamment la possibilité d'étaler leurs charges sociales dans le temps pour ne pas que ça soit trop brutal parce qu'ils ont aujourd'hui des pertes de trésorerie. Si on se rend compte qu'il y a des situations très graves, qu'il y a des commerces qui risquent de mettre la clef sous la porte, évidemment qu'on regardera pour des mesures d'urgence. Mais aujourd'hui, c'est d'abord des mesures pour faciliter leur trésorerie qui ont été annoncées. On fait un point - quand je dis « on », c'est Bruno LE MAIRE, Agnès PANNIER-RUNACHER - tous les deux jours avec les représentants des commerçants, regarder la situation. Mais c'est vrai qu'il y a beaucoup de commerçants qui tirent la langue, que c'est très difficile aujourd'hui pour eux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc il faut les aider.

GABRIEL ATTAL
Plus de 50 %. Evidemment qu'il faut les aider.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous promettez de les aider.

GABRIEL ATTAL
On a commencé à le faire et on va continuer à le faire évidemment. Parce que c'est aussi des emplois derrière, vous savez, c'est aussi des commerces, des commerces qui perdent du chiffre. C'est aussi des commerces dont les salariés ont du mal à venir travailler parce que précisément ils ont du mal à se déplacer. Voilà, c'est toutes ces difficultés-là qui ont un impact aujourd'hui sur la vie économique du pays.

ELIZABETH MARTICHOUX
Quelques questions précises, je vous demande d'être bref. Quand est-ce qu'il y aura le simulateur qui permettra à chaque Français de se projeter ?

GABRIEL ATTAL
Aujourd'hui, vous avez un premier simulateur de cas types qui va être diffusé. Cas type, ça veut dire quoi ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Combien de cas types ?

GABRIEL ATTAL
Je crois une quinzaine.

ELIZABETH MARTICHOUX
Combien de profils ? Ça veut dire qu'il y aura quinze profils.

GABRIEL ATTAL
Une quinzaine de profils qui permettent aux Français de se projeter, de trouver le profil qui est le plus proche de sa situation, de sa carrière.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, c'est aujourd'hui.

GABRIEL ATTAL
Vous allez avoir de plus en plus de profils et de cas types qui vont être diffusés jusqu'à la présentation du texte en conseil des ministres qui est prévue le 22 janvier je crois. Vous aurez là autour de 150 profils et cas types.

ELIZABETH MARTICHOUX
22 janvier, ça peut bouger ? Ce n'est pas…

GABRIEL ATTAL
Je ne crois pas, non.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord.

GABRIEL ATTAL
Après, vous avez la question d'un simulateur individuel. C'est-à-dire je donne ma situation individuelle et je sais exactement quand est-ce que je pourrais partir à la retraite, avec combien et caetera. Par définition, c'est très difficile de le mettre en oeuvre avant que la loi soit votée puisque la loi, elle va prévoir des paramètres qui auront un impact y compris dans des détails.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc ?

GABRIEL ATTAL
Donc le simulateur individuel, il sera mis en oeuvre dans les prochains mois quand la loi sera adoptée mais en amont, ce qui a été décidé, ce qui a été demandé très fortement par le Premier ministre et le président de la République, c'est d'avoir cette batterie de plusieurs centaines de cas types qui permettent à chacun de se projeter.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Vous vous êtes aperçu un peu tard que le simulateur individuel, c'était extrêmement compliqué…

GABRIEL ATTAL
On ne s'en est pas aperçu…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et c'est au petit nouveau du conseil des ministres aujourd'hui, Laurent PIETRASZEWSKI, qui remplace au pied levé Jean-Paul DELEVOYE, qui va être chargé de ça. « Ceux qui ont un billet auront un train » a dit votre confrère DJEBBARI, Jean-Baptiste DJEBBARI ministre des Transports, secrétaire d'Etat aux Transports hier matin. Pas vraiment. C'est une bourde ?

GABRIEL ATTAL
Ce qu'a voulu dire Jean-Baptiste DJEBBARI, c'est qu'il y a 850 000 personnes qui avaient réservé un billet pour ce week-end et que la SNCF proposera 850 000 places dans les trains pour ce week-end. Et tout ce qu'on est en train de faire…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais pas forcément pour aller où on devait aller initialement, c'est ça.

GABRIEL ATTAL
Précisément ce qu'on est en train de faire, c'est de garantir que les Français qui avaient des billets puissent avoir une place dans un train qui va à la destination pour laquelle ils avaient réservé un billet. Vous avez je crois aujourd'hui dans les chiffres qui ont été communiqués par la SNCF 50 % des personnes qui avaient réservé un billet…

ELIZABETH MARTICHOUX
On en a parlé ce matin.

GABRIEL ATTAL
Qui pourront prendre leur train dans les mêmes conditions. 15 % qui sont changés de train sur la même journée pour la même destination.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et ?

GABRIEL ATTAL
Il reste une trentaine de pour cent et c'est sur ceux-là qu'on concentre nos efforts, que la SNCF concentre ses efforts ces jours-ci pour leur trouver une solution adaptée.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'était une façon de parler un peu rapide parce qu'ils auront un train effectivement mais pas forcément le jour, l'heure et la destination qui étaient prévus. On informe là-dessus de toute façon heure par heure sur LCI. Dernière question. « Le pays est passé d'un état d'ébullition sociale à un soulèvement général », déclaration de Jean-Luc MELENCHON ce matin dans Libération.

GABRIEL ATTAL
Mais vous savez, Jean-Luc MELENCHON il a envie que les choses se passent mal dans le pays. Jean-Luc MELENCHON son rêve, ce serait qu'on soit en guerre civile en France parce qu'il considère que ça sert ses intérêts très politiciens. Vous savez, moi ce que je constate par rapport à l'an dernier et au mouvement des Gilets jaunes, c'est que certes il y a aujourd'hui une opposition d'organisations syndicales notamment à une réforme qui est portée par le gouvernement, mais on est dans un cadre de démocratie sociale où vous avez organisations syndicales représentatives qui ont cette opposition à une réforme. Donc il y a aussi ce cadre-là de dialogue social qui a été retrouvé parce qu'il y a eu quatre mois de concertation, parce qu'on a fait le choix d'associer davantage - ça nous a beaucoup été reproché - aux décisions et aussi de donner cette légitimité aux syndicats pour représenter ces colères. Et ça moi, je veux y voir – j'essaye toujours d'être positif et optimiste - un progrès.

ELIZABETH MARTICHOUX
Son rêve, c'est qu'il y ait une guerre civile en France chez Jean-Luc MELENCHON ?

GABRIEL ATTAL
Ce que je dis, c'est que Jean-Luc MELENCHON souhaite en permanence aller vers le pire. Il souhaite en permanence que ça soit très difficile. Il ne cherche pas à améliorer la situation, il ne cherche pas à régler les problèmes Jean-Luc MELENCHON. Quand il dit « soulèvement généralisé », de quoi est-ce qu'il parle ? Vous avez aujourd'hui des millions de Français qui prennent leurs dispositions, je le disais tout à l'heure, pour aller travailler. Qui ont envie de travailler, qui ont envie que le pays fonctionne mieux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et d'autres, une grosse proportion, qui sont en colère contre le gouvernement.

GABRIEL ATTAL
C'est notre responsabilité d'arriver à répondre à ces colères et arrivé à rassurer et c'est ce qu'on fait au quotidien.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci Gabriel ATTAL d'avoir été ce matin sur LCI.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 décembre 2019