Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions sur la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense : évaluation du déploiement du plan famille voté en 2018 et réflexion sur son éventuelle évolution.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Nathalie Elimas.
Mme Nathalie Elimas. Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, je tiens avant tout à saluer le courage et l'abnégation des hommes et des femmes de notre défense, qui font la fierté de la France. Je veux également rendre hommage à ceux qui sont morts pour notre pays, et toutes mes pensées vont vers nos soldats blessés. Dans ce combat pour la démocratie et la liberté, nous ne devons pas oublier les familles de nos militaires, dont le sacrifice est immense.
C'est pourquoi nous avons salué la mise en place d'un ambitieux plan famille dès la fin de 2017. Il vise à soutenir la cohésion des familles dont au moins l'un des parents est militaire et qui connaissent des contraintes importantes. Ce plan a pour objectif d'améliorer leur quotidien et de permettre une meilleure conciliation entre vie de famille et vie militaire, en leur apportant le soutien que nous leur devons collectivement.
C'est un chantier qui me tient particulièrement à coeur, puisque je suis rapporteure de la mission d'information sur l'adaptation de politique familiale française aux défis du XXIe siècle. Au coeur de la politique familiale se trouve bien évidemment la garde des enfants, question d'autant plus pressante pour les familles de militaires soumises à l'absence opérationnelle et à la mobilité géographique. C'est sur cette question, qui constitue le premier axe du plan famille, que je souhaite vous interroger.
Madame la ministre, pouvez-vous dresser un point d'étape sur l'objectif d'augmentation de 20 % de l'offre de places en crèche pour la défense ? Pouvez-vous également détailler l'élargissement des offres de prestations sociales pendant l'absence en mission ? Enfin, votre méthode itérative, à l'écoute des familles et des commandants de base, a-t-elle permis de faire émerger des solutions innovantes et alternatives ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. La garde des enfants constitue effectivement une question importante pour les plus familles de militaires. Elle l'est pour toutes les familles, mais particulièrement pour celles-ci, notamment lorsque les militaires sont soumis aux sujétions et à la mobilité. Comment, alors, trouver des solutions ?
Le ministère s'est engagé, de longue date, à développer une offre de garde d'enfants en crèche, soit dans des crèches ministérielles, soit par la réservation de berceaux dans les crèches publiques ou privées. Cette action vient en complément de l'offre locale développée par les collectivités et, bien sûr, de la garde par des assistantes maternelles.
Les services d'action sociale examinent chaque besoin nouveau exprimé par les bases de défense et proposent la solution, l'offre la plus pertinente.
Dans le cadre du plan famille, notre action dans ce domaine s'est organisée autour de plusieurs axes. L'objectif était notamment d'augmenter de 20% l'offre « défense » pour les enfants de 0 à 3 ans, ce qui représente 400 berceaux supplémentaires sur la période du plan. Nous avons atteint cet objectif en deux ans, ce qui est tout à fait exceptionnel : nous sommes passés de 2 122 places à la fin de l'année 2017 à 2 555 places aujourd'hui, soit un peu plus de 400 places supplémentaires. Cet effort, très important pour les familles, est à saluer. Il faut y ajouter les conventions que nous avons passées – au nombre de 3 154 à ce jour – avec des assistantes maternelles. Ces deux éléments mis en perspective montrent bien que les familles disposent de certaines ressources.
Certes, ce dispositif est incomplet et peut paraître imparfait. Nous travaillons sur la question des horaires atypiques et sur la création de nouvelles crèches dans des emprises militaires. Mais je pense que les questions suivantes porteront aussi sur les crèches : nous pourrons donc y répondre de façon plus approfondie.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cubertafon.
M. Jean-Pierre Cubertafon. Au service de la nation, les militaires sont des citoyens qui remplissent une mission exceptionnelle dans des conditions difficiles pouvant les conduire au sacrifice suprême. Si ces circonstances pèsent sur nos soldats, elles pèsent aussi sur leurs familles. Ce sont elles qui, les premières, connaissent ces difficultés et partagent les contingences de la vie militaire. Parmi ces contingences, l'absence opérationnelle du militaire est l'une des plus sensibles, notamment quand il est engagé en opération extérieure ; elle affecte les équilibres familiaux, l'organisation de la vie courante et est parfois difficile à supporter psychologiquement. Être enfant, conjoint ou parent de soldat en opération, c'est redouter chaque jour une annonce terrible.
Nous le savons : nos armées ne pourront être tout à fait sereines que si elles savent leurs familles protégées et accompagnées durant leur absence du sol national. Consciente de cette réalité, madame la ministre des armées, vous avez intégré au plan famille 2018-2022 un axe visant à « mieux prendre en compte les absences opérationnelles » du militaire, qui prévoit notamment une évaluation du suivi moral et psychologique des familles opéré sur marché public.
Aussi, madame la ministre, je souhaite avoir votre avis sur l'état d'avancement de cette démarche d'évaluation annoncée en 2018. A-t-elle rendu ses premières conclusions ? Quel est l'impact de ces conditions sur le renouvellement du marché public en 2019 et, plus généralement, sur l'évaluation du plan famille ? L'ouverture de la plateforme téléphonique « écoute défense » aux familles a-t-elle permis une amélioration de la prise en charge ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Il est vrai que l'accompagnement psychologique des familles est extrêmement important. Comme on le dit souvent, il n'y a pas de soldat fort sans famille heureuse. Cet accompagnement n'est pas nouveau ; le plan famille a cherché à le renforcer et à le pérenniser.
La plateforme « écoute défense » reçoit environ 650 appels chaque année : un tiers de ces appels proviennent de familles de militaires. Cette plateforme assure une réorientation et un suivi, via notamment le service de santé.
Des séances collectives sont également proposées aux familles avant que le militaire ne parte en projection ou en mission à l'étranger. Elles permettent de préparer psychologiquement les familles à l'absence, puis au retour du militaire et à la réinsertion de ce dernier au sein de la cellule familiale, si je puis dire.
J'ajoute que les enfants qui en ont besoin peuvent consulter dans les hôpitaux des armées.
Il est important d'assurer un suivi de tous ces dispositifs. Un groupe de travail a donc été constitué à cette fin. Au cours du premier semestre 2020, en lien avec la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, la sous-direction de l'action sociale, le cabinet Eléas, que vous avez mentionné, et le service de santé des armées, il conduira une évaluation de l'ensemble de ces dispositifs d'information et de sensibilisation.
Les quelques mesures que j'ai citées s'inscrivent dans un ensemble plus vaste, puisque le plan famille vise aussi à simplifier la vie des familles au quotidien, en particulier pendant cette période du déploiement où le ou la militaire est absent. Il s'agit, par exemple, de faciliter l'accès aux emprises militaires en l'absence du soldat, de faciliter l'établissement de procurations pour les actes de la vie quotidienne ou encore de permettre l'utilisation de la carte « famille militaire » de la SNCF par l'ensemble de la famille du militaire, sans que la présence de ce dernier soit nécessaire – c'est une mesure emblématique qui a été très appréciée, mais je m'arrêterai là, monsieur le président, d'autant que nous aurons certainement l'occasion d'en reparler.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Baudu.
M. Stéphane Baudu. Les informations transmises par le ministère et les réponses apportées à nos questions montrent que de nombreux dispositifs nouveaux ont été mis à disposition de nos militaires et de leurs familles. Vous avez également mis en place des systèmes d'évaluation visant à améliorer ces dispositifs. Si une politique publique peut produire tout un ensemble d'effets bénéfiques concrets, peut-elle pour autant être véritablement considérée comme bonne lorsque ses effets ne sont pas bien perçus par ses principaux bénéficiaires ?
En 2018, l'armée de terre a ouvert un dispositif d'évaluation de la perception de l'effectivité des mesures prises en faveur des familles de militaires. Ce réseau « Terre plan famille » procède à une évaluation trimestrielle auprès des commandants de formations et des conjoints de militaires ; 104 commandants de formations et 1 500 conjoints y ont répondu et ont manifesté à 68% leur satisfaction.
Vous-même, madame la ministre, avez lancé le 7 mars dernier une large concertation interarmées au plus près du terrain, s'appuyant sur des réunions de commissions participatives locales, de conseils de la fonction militaire, de comités sociaux, ainsi que sur l'espace numérique collaboratif « plan famille et territoires ». Ce sont 170 formations qui se sont exprimées dans l'armée de terre et la marine, tandis que dix-sept réunions se sont tenues sur les bases aériennes.
Dès lors, je souhaite vous interroger, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, sur les premiers retours qui vous sont parvenus. Comment les nombreuses mesures mises en oeuvre pour améliorer la vie familiale de nos militaires sont-elles perçues par les militaires eux-mêmes et leurs familles ? Comment ces évaluations sont-elles prises en compte par le ministère pour adapter le plan famille aux besoins exprimés par nos soldats et leurs proches ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Vous l'avez dit, monsieur le député, l'évaluation est importante – je pense surtout à l'évaluation par les utilisateurs, car c'est ce qui nous permettra d'évoluer et de faire en sorte que le plan famille colle encore mieux aux besoins des intéressés.
Avec Florence Parly, nous allons régulièrement sur le terrain et nous intégrons à chaque déplacement une séquence « plan famille », au cours de laquelle nous rencontrons des jeunes, des familles et interrogeons sur place le commandement. Les situations sont très diverses selon les territoires français, car les problèmes ne sont pas les mêmes : ils dépendent de nombreux facteurs différents, propres à chaque territoire, qu'il s'agisse de la garde d'enfants, de la santé, du logement ou de l'hébergement.
Une grande consultation locale a été menée au printemps dernier, associant les comités locaux, les représentants des conseils de la fonction militaire de chacune des armées et les commandants de bases de défense, pour apprécier la pertinence du plan famille. Cette consultation montre que le plan est « bien né », c'est-à-dire qu'il est particulièrement apprécié et bien mis en valeur dans toutes les unités, dans chaque armée, que les attentes sont réelles et qu'il faut accélérer dans certains domaines.
Je pense par exemple au domaine de l'hébergement, évoqué dans l'axe 6 du plan famille, où l'on constate un écart important entre les attentes et les réalisations. Pour tout dire, Florence Parly a pris la décision d'accélérer le plan hébergement : 300 millions d'euros supplémentaires y seront dévolus, pour une dotation totale de 1 milliard d'euros sur la durée de la loi de programmation militaire.
Je pense aussi à la mobilité, dans tous ses aspects, parmi lesquels la problématique, concrète, du déménagement. Des plateformes ont été créées, dont 80 % des utilisateurs ont apprécié les résultats. Je crois néanmoins que nous avons encore besoin de développer ce service important, de même que nous devons mieux prendre en compte les jeunes enfants.
M. le président. Merci, madame la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Cette consultation nous permet donc de montrer que le plan famille est apprécié et de le faire évoluer en fonction des besoins.
M. le président. La parole est à Mme Josy Poueyto.
Mme Josy Poueyto. « Mieux vivre la mobilité » est l'un des axes du plan famille qui concentrent les attentes des personnels. L'un des objectifs fixés consiste à améliorer la visibilité de la mutation pour ne pas pénaliser l'organisation familiale, dans les limites, bien sûr, de l'intérêt du service. L'une des actions annoncées devait déboucher sur l'édition des ordres de mutation cinq mois avant la date d'affectation. Dans quelle proportion les directions des ressources humaines ont-elles réussi à atteindre cet objectif ?
Disposez-vous par ailleurs d'éléments d'appréciation sur l'expérience – très innovante pour les armées – des bourses d'emploi, engagée par l'armée de terre en suivant des logiques de bassin d'activité dans le but d'échanger des postes à l'échelle d'une région ? D'après les premières évaluations communiquées en juin dernier à la commission de la défense nationale et des forces armées, 10 à 15% des besoins du plan annuel de mutation de l'armée de terre avaient trouvé des réponses par le biais de ce dispositif innovant. Ces résultats sont-ils confirmés aujourd'hui, et vous paraissent-ils satisfaisants ?
Enfin, toujours en lien avec l'enjeu de la mobilité, je veux appeler votre attention sur l'intérêt des opportunités de postes auxquels pourraient prétendre les conjointes et les conjoints. Des conventions devaient être discutées avec les différents ministères. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Tous les ministères adhèrent-ils à ces conventions, et, si tel n'est pas le cas, pour quelles raisons à vos yeux ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Madame la députée, vous avez raison de souligner que la mobilité sur ordre est l'une des grandes spécificités de l'état militaire, lequel emporte un certain nombre de contraintes qui pèsent non seulement sur le militaire lui-même, mais aussi sur toute sa famille. C'est pour cette raison que nous avons voulu consacrer, dans le plan famille, un axe entier à cette question de la mobilité. Il s'agit de faciliter la vie tant du militaire que de sa famille et de limiter, dans la mesure du possible, la gêne occasionnée par ces déménagements à répétition. Oui, il s'agit de faciliter la vie de la cellule familiale. En 2020, 2,5 millions d'euros seront consacrés à cette politique.
Mme la secrétaire d'État a évoqué tout à l'heure les mesures décidées, par exemple, pour faciliter les déménagements : une plateforme de services accessible propose un produit complet dans ce domaine, avec plusieurs entreprises qui offrent leurs services.
L'accompagnement des conjoints est un sujet fondamental. Les militaires sont des personnes comme les autres, et l'immense majorité des conjoints et conjointes sont actifs. Cela crée une nouvelle contrainte, si je puis dire, dans la gestion de la mobilité à l'échelle de la cellule familiale. Pour les conjoints qui travaillent d'ores et déjà dans la fonction publique et qui relèvent en particulier du ministère de l'éducation nationale, nous avons donc conclu une convention visant à mieux prendre en compte les mutations des personnels qui suivent leur conjoint militaire. Il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause les règles de mutation qui prévalent pour l'ensemble des enseignants, mais de faire en sorte que les rectorats ne laissent pas systématiquement en bas de la pile ces dossiers aux enjeux très concrets pour les familles.
M. le président. La parole est à Mme Sarah El Haïry.
Mme Sarah El Haïry. Mon intervention portera sur une mesure du plan famille qui me tient particulièrement à coeur, celle qui consacre la reconnaissance de l'engagement associatif auprès de la communauté de défense.
Je reviendrai donc sur les mesures de soutien à l'engagement associatif, et plus précisément sur les initiatives au profit de la communauté militaire et de défense, en particulier au niveau local. Aujourd'hui, le ministère des armées apporte déjà son soutien à ces associations, notamment en mettant à leur disposition des biens meubles ou immeubles, mais aussi au travers d'aides financières et de subventions.
Ce soutien permet à de nombreuses associations liées à la communauté de défense d'agir dans des domaines fondamentaux – je pense évidemment à la promotion du rôle des femmes au ministère des armées, mais également à l'allocation de bourses d'études aux orphelins de guerre ou encore à la pratique sportive chez les militaires et les civils. Ces associations assurent une solidarité et un lien fort entre les militaires et leurs proches, ainsi qu'un soutien tant moral que matériel envers une large communauté. Elles sont la preuve que la fraternité n'est pas un vain mot au sein de nos armées.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, le plan famille vise donc à soutenir ces associations, et plus particulièrement à renforcer le soutien financier aux associations à caractère social en défendant des conventions pluriannuelles que je souhaite saluer.
Selon notre collègue Claude de Ganay dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2020, et plus précisément sur le volet « logistique et soutien interarmées », les subventions versées aux associations ont connu une hausse de plus de 50 000 euros, ce qu'il faut saluer, portant le budget à 490 000 euros à la fin de 2019.
Pouvez-vous, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, me donner plus d'informations sur ces subventions : qui les a touchées ? Selon quels critères ? Des locaux sont-ils mis à disposition par le ministère ? Plus largement, comment continuer à soutenir les initiatives du monde associatif en faveur de nos armées ? Comment inciter plus de gens à s'engager ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. La question est importante, car la communauté militaire est riche d'un tissu associatif dense, qui oeuvre pour soutenir les plus fragiles et développer les liens au sein d'une garnison, d'un régiment ou d'une base aérienne.
Ce soutien passe aussi, vous l'avez dit, par l'engagement financier prévu par le plan famille. En 2018, deux nouvelles associations ont bénéficié de subventions, dont l'association Avec les femmes de la défense, qui mène une action de proximité importante. L'association nationale des femmes de militaires, l'ANFEM, la fondation des oeuvres sociales de l'air, la FOSA, ou encore Solidarité défense ont bénéficié de 50 000 euros de subventions supplémentaires, ce qui signifie des capacités d'action plus importantes.
En 2019, la ressource budgétaire abondée en 2018 est reconduite, pour un total de 1 million d'euros pour l'année écoulée, dont une grande part revient à la Fédération des clubs de la défense, association très importante en ce qu'elle assure un véritable maillage des unités, bien souvent avec la participation des familles, voire des extra-militaires, ce qui permet de nouer des liens sur un territoire important. Tout cela se fait aussi grâce à la mise à disposition des infrastructures sportives se trouvant sur les emprises.
Le soutien associatif est indispensable, et nous comptons le pérenniser.
M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.
M. Joaquim Pueyo. Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, nous ne pouvons que nous retrouver autour des ambitions affichées par ce plan famille présenté en octobre 2017. Sa mise en place doit s'étaler sur la période 2018-2022 et permettre une meilleure coordination entre l'engagement des hommes et des femmes de nos armées et leur vie familiale. Je salue plusieurs avancées, notamment la mise en place d'une plateforme facilitant les déménagements, l'amélioration des aides à l'emploi en faveur des conjoints ou l'effort fait pour augmenter significativement la garde des enfants.
Je tiens cependant à revenir sur un point, celui toujours complexe des logements. Pour préparer l'examen du projet de loi de finance pour 2020, la commission de la défense a mené un grand nombre d'auditions. Nous avons notamment entendu les membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire, le CSFM. Nous avons pris conscience de l'effort consenti dans le cadre de votre plan famille. J'ai pris connaissance des chiffres que vous nous avez fait parvenir, notamment sur la création de logements neufs. Le ministère des armées indique ainsi qu'au 31 octobre 2019, 391 logements ont été commandés et 371 logements neufs livrés. Nous pouvons tous saluer cet effort.
Cependant, comme je l'avais souligné lors du débat budgétaire, l'opération budgétaire « Soutenir les familles » affichait une baisse alors même qu'elle vise « la réservation, l'acquisition et la rénovation de logements familiaux, afin de proposer aux ressortissants du ministère, notamment aux familles les plus modestes, des solutions de logement attractives, tout particulièrement dans les zones de fortes tensions locatives ». Je souhaite donc, madame la ministre, que vous nous indiquiez très concrètement si cette baisse était compensée par la création de logement déjà opérée. Dans le cas contraire, qu'est-ce qui justifie sinon cette diminution budgétaire ?
Je souhaite enfin rappeler la nécessité d'adopter dans les prochaines années, voire les prochains mois, des mesures concrètes et rapides pour augmenter la rémunération des personnels – je sais que si cette question ne figure pas dans le plan famille, c'est parce que vous comptez lui consacrer un dialogue spécifique.
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Vous avez raison d'insister sur cette question particulière de l'hébergement et du logement des militaires et de leurs familles, monsieur le député. Nous avons effectivement pu mettre en oeuvre, dans le cadre du plan famille, des mesures de relativement court terme qui produisent d'ores et déjà des résultats, mais nous savons tous que construire ou réserver des logements est une action de longue haleine.
C'est vrai, nous ne vous avons pas facilité la tache, la présentation budgétaire pouvant cette année susciter des malentendus. La baisse des crédits que vous mentionnez n'est en effet qu'apparente, étant le résultat d'une réallocation des crédits immobiliers entre les différents programmes. Nous avons réparti les crédits immobiliers dans trois programmes différents, dans l'objectif de donner plus de responsabilité financière aux échelons locaux et de leur permettre ainsi d'être plus réactifs et plus flexibles. Si l'on veut bien additionner les divers crédits qui contribuent à cette politique, on constatera que les moyens sont en réalité en hausse. Ainsi, l'opération "Soutenir les familles", qui finance le logement familial, bénéficiera de 91 millions d'euros en 2020, contre 76,6 millions en 2019, soit une augmentation de 15 millions en autorisations d'engagement. Tout cela s'inscrit dans un programme plus large, relatif à l'entretien et au maintien en condition des infrastructures, qui bénéficiera globalement de 540 millions d'euros.
Vous avez raison cependant : il faut que le ministère continue cet effort, d'autant plus que les attentes sont immenses et les délais de réalisation parfois un peu longs.
M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Le plan famille, qui vise à concilier les contraintes de l'engagement militaire avec une vie familiale épanouie, se justifie pleinement compte tenu de l'investissement remarquable de nos militaires dans des opérations extérieures de plus en plus nombreuses et périlleuses, dans des entraînements de plus en plus exigeants et pointus, dans des missions de soutien au service public ou dans des stages de formation. Je pense aussi aux missions essentielles de protection de nos concitoyens dans le cadre de l'opération Sentinelle, que je veux évoquer en cette journée d'hommage à la mémoire des victimes de l'attentat terroriste survenu il y a cinq ans contre la rédaction de Charlie Hebdo.
Mon collègue Joaquim Pueyo vient d'évoquer la question primordiale du logement des militaires ; je veux aborder une question tout aussi importante : celle des blessés. Même si le plan famille ne comprend pas de mesures spécifiques en faveur des blessés, le point d'étape évoque la publication d'un guide du blessé et la mise en place d'un portail numérique en septembre 2018, ainsi que la majoration des aides financières destinées aux associations d'entraide. Pouvez-vous nous dire si d'autres mesures d'aide aux familles des blessés hospitalisés sont prévues ?
Enfin, le plan famille aborde les questions éducatives, culturelles et associatives. Vous connaissez mon attachement au sport en tant que coprésident du groupe de travail sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 à l'Assemblée nationale. Je souhaite donc vous interroger sur le soutien du ministère au Centre national des sports de la défense, en particulier sur le développement des parasports comme outils de reconstruction des grands invalides militaires et des blessés en opération. En cette année olympique et paralympique, pouvez-vous détailler les actions du plan famille visant à développer la pratique sportive de l'ensemble de la communauté militaire ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Ce sont deux questions différentes. Nous avons mis en oeuvre un parcours du blessé visant la prise en charge des blessés à court, moyen et surtout à long terme, jusqu'à la reconstruction la plus aboutie possible et aux évolutions professionnelles que la blessure peut entraîner. Il y a donc un soutien aux blessés, assorti d'un schéma bien précis.
Les familles des blessés sont bien sûr soutenues et prises en charge. Elles bénéficient de possibilités d'hébergement leur permettant d'être au plus près du blessé, de possibilités de déplacement leur permettant de rendre visite au blessé en soin au cas où elles ne peuvent pas être en permanence à son chevet. Ce soutien est particulièrement important, qu'il s'agisse des tarifs SNCF pour les militaires ou des aides au logement.
S'agissant ainsi de l'extension des tarifs SNCF pour les militaires aux familles de militaires blessés, elle a bénéficié à 1 500 familles. À cela s'ajoutent des mesures d'accompagnement telles que l'élargissement du bénéfice de l'aide aux familles et aux proches, avec une durée de prise en charge portée de 21 à 56 jours calendaires ou la forfaitisation des remboursements des repas et des transports.
S'agissant du sport, nous allons acheter 184 installations sportives de type mini-stade pour un montant de 1 million d'euros.
M. Régis Juanico. Très bien !
M. le président. Merci, madame la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Ces installations seront destinées à la préparation physique opérationnelle sur les sites isolés, les théâtres d'OPEX et au profit des unités de la mission Sentinelle. Cinquante-trois sont déjà en place. Tout cela sera développé pour permettre à chacun de faire du sport où qu'il se trouve, y compris en mission. (Mme Josy Pueyto applaudit.)
Mme Danielle Brulebois. Excellente idée !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
Mme Nicole Sanquer. Le plan famille comporte des avancées concrètes pour nos militaires : une carte SNCF utilisable par la famille lorsque le militaire est en opération, des possibilités d'hébergement pour les enfants de parents militaires divorcés et des aides à la garde d'enfants. Nous ne pouvons que nous réjouir des efforts consentis pour que l'État prenne soin de la famille de nos militaires partis en mission.
L'armée connaît une réelle crise de fidélisation. On peut d'ailleurs lire dans le rapport d'information sénatorial du 10 juillet 2019 sur la condition militaire que "les militaires interrogés ne se projettent guère, pour la plupart, au-delà de trois ou quatre ans, ce qui constitue la période qu'ils estiment nécessaire pour tirer le meilleur profit de leur expérience au sein des forces". On peut également lire, dans le même rapport, que le taux de renouvellement du premier contrat des militaires du rang s'élève à 85% dans la marine, quand il n'atteint que 58 % dans l'armée de l'air, traduisant des disparités substantielles selon les corps d'armée.
On comprend donc que la formation qu'offre l'armée est attractive ; elle est un gage de qualité, et les entreprises l'ont bien compris. Toutefois, nous ne pouvons continuer à offrir une formation exigeante et de qualité à de jeunes gens sans qu'ils s'engagent plus longtemps au service du pays.
Pour pallier la fuite de nos jeunes militaires, il convient de répondre à leurs aspirations : une rémunération à la hauteur de leur engagement et de leurs sacrifices, l'accompagnement et la considération de leur famille. Le plan famille est donc un très bon moyen pour atteindre ce but.
Compte tenu du fait que 70% des mesures du plan famille ont été mises en oeuvre dès 2018, pouvez-vous nous présenter un premier bilan de la mise en place de cette politique publique, notamment sur l'attractivité des métiers de l'armée et sur la fidélisation de nos militaires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Vous avez raison, madame la députée, de souligner que le plan famille est l'un des éléments qui contribuent à l'attractivité et à la fidélisation de nos militaires ; mais ce n'est pas le seul, et il n'est pas forcément aisé de distinguer les effets propres du plan famille de ceux des autres mesures qui contribuent à la fidélisation. Celle-ci dépend d'abord de la mission proposée aux militaires ainsi que de la qualité des équipements, notamment individuels, sujet auquel nous nous sommes attaqués dans le cadre de la loi de programmation militaire. Cela dépend également de l'organisation du temps et de la rotation des missions de différentes natures, mais aussi de la situation relative du marché du travail dans le secteur privé et de ce que peut proposer le secteur public.
Nous avons mis en oeuvre, dans le cadre de la loi de programmation militaire, différentes mesures qui ont toutes pour objet d'améliorer la fidélisation de nos militaires. En effet, dans un pays dont l'économie se porte mieux et où le chômage diminue, il est mécaniquement plus difficile d'attirer de l'ordre de 25 000 à 26 000 jeunes chaque année.
Je puis donc vous confirmer que le plan famille contribue à cette fidélisation, sans pouvoir évaluer de façon précise l'impact, en cette matière, de chacune des mesures qu'il contient. Nous devons en avoir une évaluation globale, et être très attentifs au bon déroulement de sa mise en oeuvre.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Sanquer.
Mme Nicole Sanquer. Le 14 février dernier, à l'occasion des questions au Gouvernement, je vous ai interrogée, madame la ministre, sur les discriminations que subissaient les engagés du Pacifique. Auparavant, je vous avais déjà sensibilisée à cette question à de multiples reprises.
Si les militaires des départements d'outre-mer bénéficient d'une indemnité d'installation en métropole, il n'en est pas de même pour les engagés du Pacifique et les engagés mahorais. Cette indemnité est indispensable pour les militaires du Pacifique qui, bien souvent, posent pour la première fois le pied dans l'Hexagone et vivent un changement radical. Il convient de les aider à s'installer et d'accompagner leur famille dans une optique d'insertion sociale et professionnelle.
Les armées ont toujours tenu un rôle important dans le Pacifique, plus particulièrement en Polynésie française. Très récemment, au sein même de notre statut d'autonomie, nous avons reconnu la mise à contribution de la Polynésie française pour la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et la défense de la nation. Cinq cents jeunes Polynésiens se sont engagés l'année dernière, soit autant qu'à La Réunion où la population est pourtant trois fois plus nombreuse. Le service militaire adapté affiche quant à lui un taux d'insertion professionnelle de 79%.
Madame la ministre, vous n'entendez pas résoudre cette inégalité dans le plan famille, mais plutôt dans le cadre d'une réorganisation globale des régimes indemnitaires des militaires. Si, techniquement, cette problématique relève bien de la diversité des régimes indemnitaires, des centaines d'engagés pâtissent de cette situation chaque année, et autant de familles vivent dans la souffrance. Au vu du nombre croissant d'engagés du Pacifique, cette inégalité de traitement ne saurait persister. Où en est ce dossier ? Pouvez-vous nous communiquer un calendrier ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Madame la députée, je crois vous avoir déjà répondu à l'occasion d'une question orale. L'indemnité d'installation est versée aux militaires dont le centre des intérêts moraux et matériels est situé dans un département d'outre-mer, lorsqu'ils sont désignés pour servir en métropole à la suite de leur entrée en service. Il n'existe pas de dispositif similaire pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, situation qui résulte du prolongement de la différenciation des régimes de rémunération appliqués aux agents publics en service dans les départements d'outre-mer d'une part, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française d'autre part.
Comme vous l'avez souligné, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie sont des territoires de recrutement très dynamiques pour nos armées, et nous y sommes particulièrement attachés. Nous devons donc envisager une adaptation du dispositif indemnitaire relatif à l'installation des militaires ultramarins en métropole. Nous sommes disposés à revoir globalement cette indemnité, quel que soit le territoire ultramarin concerné. Toutefois, cela ne pourra s'inscrire que dans une révision générale des régimes indemnitaires des militaires en rapport avec l'outre-mer, que nous souhaitons lancer le plus rapidement possible, dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires prévue par la loi de programmation militaire. Nous sommes donc conscients de cette iniquité et oeuvrons à la faire disparaître.
M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec Becot.
M. Yannick Favennec Becot. Nous savons les exigences de l'engagement militaire, pour celui qui y souscrit mais aussi pour son entourage. Cette dimension longtemps occultée, sinon minimisée, est au coeur du plan famille 2018-2022 qui vise à mieux concilier l'engagement avec une vie familiale épanouie. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Comme j'ai eu l'occasion de le souligner lors de la discussion du projet de loi de programmation militaire, le plan famille propose des améliorations sensibles dans certains domaines. Dans d'autres, en revanche, elles sont plus limitées. C'est le cas des aides à l'accès au logement des militaires.
Comme l'observe le rapport de notre collègue Claude de Ganay, seuls 34 % des militaires sont propriétaires de leur résidence principale, contre 58% des Français en moyenne. L'écart est encore plus important pour les jeunes militaires. Il s'explique évidemment, mais en partie seulement, par une mobilité élevée. Afin de remédier à cet écart, le plan famille prévoit de porter le montant du prêt à taux zéro de 20 000 à 25 000 euros, et sa durée de remboursement de dix à quinze ans. Cette mesure semble aller dans le bon sens, mais son efficacité se heurte aux réalités du marché du crédit immobilier. Les établissements bancaires proposent en effet un taux d'intérêt moyen de 0,91% sur quinze ans, là où l'institution de gestion sociale des armées impose des frais de gestion à hauteur de 1%. L'intérêt du dispositif s'en trouve annihilé.
Par ailleurs, un militaire locataire peut bénéficier d'une majoration pour charge militaire et d'une aide au loyer, même si celui-ci est inférieur au marché, alors qu'un militaire souhaitant devenir propriétaire ne peut obtenir ni aide à la pierre ni majoration.
Ma question est donc double : le ministère des armées entend-il proposer une offre réellement favorable à l'accès au logement des militaires ? Prévoit-il de mener une réflexion sur les mutations qui touchent plus particulièrement les officiers et rendent toujours plus difficile l'achat de leur résidence principale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. J'ai déjà eu l'occasion de souligner combien la question du logement était aiguë, tant les attentes étaient considérables et les délais de livraison longs. Comme vous le rappelez à juste titre, le rapport du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire pointe des difficultés d'accès à la propriété pour les militaires. Le prêt à taux zéro constitue une première réponse. Nous avons revalorisé son montant dans le cadre de la loi de programmation militaire, le portant de 20 000 à 25 000 euros, et avons allongé sa durée de remboursement. Cette première réponse est utile à un certain nombre de familles – elles ont été plus de cinq cents à en bénéficier en 2019 –, car elle abonde leur apport initial et couvre divers frais associés aux prêts bancaires qu'elles souscrivent.
Nous devons néanmoins aller plus loin. C'est dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires – que M. Joaquim Pueyo appelait de ses voeux il y a quelques instants – que nous pourrons y procéder. Nous devrons en effet refondre l'ensemble des indemnités liées au logement dans la rémunération des militaires. Aujourd'hui, le système est complexe, peu lisible et insuffisamment efficace. Notre projet – qui n'est pour l'heure qu'un projet – vise à refondre les indemnités existantes en une indemnité unique qui serait versée à tous et calculée en fonction du lieu d'affectation, pour les locataires comme pour les propriétaires.
M. le président. La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani. Le déploiement du plan famille est à saluer, car il répond à une demande du terrain. Il y a quelques années déjà, les chefs d'état-major des trois armées appelaient l'attention des parlementaires sur la situation des familles, qui constituent la base arrière du militaire et favorisent son équilibre, sa sérénité et donc l'accomplissement de ses missions. En cela, les mesures prévues par le plan famille répondent aux besoins. Pour remplir leurs ambitions, elles devront néanmoins être poursuivies et améliorées dans les années à venir.
Parmi ces nombreuses mesures, je souhaite me concentrer sur l'accès au wifi. Sa généralisation représente un coût élevé, soit 23 millions d'euros consacrés à l'amélioration de la couverture dans le projet de loi de finances pour 2019, auxquels s'ajoutent 15 millions pour 2020. L'extension de la couverture se poursuivra et concernera l'outre-mer et l'étranger dès cet été. Madame la ministre, alors que le déploiement du wifi s'avère parfois compliqué – nous le constatons au quotidien dans nos régions –, quels moyens financiers et techniques avez-vous déployés pour assurer aux familles un accès permanent à cette technologie ?
L'accès au wifi soulève par ailleurs des enjeux de sécurité. Lors d'une opération extérieure, comment s'assurer que le pays dans lequel se trouve notre armée n'est pas susceptible de couper l'accès au wifi, en cas de tension diplomatique ? Comment prémunir les soldats contre une intrusion extérieure dans le réseau des forces françaises à l'étranger ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Je vous remercie, monsieur le député, d'avoir souligné que l'objectif de déploiement du wifi était pratiquement réalisé. Aujourd'hui, grâce à une connexion gratuite et sécurisée, les militaires ont accès à ce vecteur de communication indispensable pour entretenir un contact avec leur famille, qu'ils se trouvent en France ou en opération extérieure. Cet objectif est atteint pour 117 000 militaires. Initialement, le wifi était accessible à titre onéreux dans environ 60% de l'hôtellerie et 70 % de l'hébergement. En métropole, le wifi à très haut débit et gratuit couvrait 85% du périmètre initial de déploiement à la fin de 2019, et son déploiement sera achevé à l'été 2020. En outre-mer, des difficultés techniques ont freiné sa progression, mais celle-ci se poursuivra en 2020 et 2021. En outre, des dispositifs de wifi port-base équiperont les bâtiments de la marine nationale à quai – progrès indéniable pour les marins.
Monsieur Castellani, vous m'interrogez par ailleurs sur la sécurité liée au wifi. Sans être une technicienne de ce moyen de communication, je peux affirmer avec certitude que nos équipes installent le wifi dans des conditions de sécurité drastiques : le wifi ne saurait représenter une source d'intrusion, tout particulièrement en opérations militaires. Ce sujet est travaillé par nos techniciens supérieurs, nos ingénieurs et tous ceux qui déploient le wifi, afin qu'il soit utile pour les militaires et sécurisé pour nos armées.
M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière. Ces dernières années, nos forces armées ont connu un niveau intense de mobilisation. Les contraintes qui pèsent sur nos soldats, déjà nombreuses par définition, s'en trouvent considérablement aggravées. Ce constat, nous le partageons tous, et la présentation du plan famille par votre gouvernement en a tenu compte. C'est un progrès, dont je me réjouis : il constitue un changement de cap salutaire, attendu de longue date par les soldats. Nous devons garder à l'esprit que la réalité du métier des armes est soumise à des embûches et à des pressions. Jalonné de mobilités pénibles et de mutations fréquentes, le quotidien des soldats est tout sauf commun et commode. À mon sens, la décision des militaires de s'engager ne doit jamais se traduire par un effacement du souci de soi au profit du don de soi et de l'intérêt général. Bien au contraire, il nous incombe de concilier ces deux exigences pour assurer des conditions de vie dignes aux militaires.
Une attention toute particulière doit être portée au quotidien des soldats dans le déroulement des opérations extérieures. Lors d'un déplacement que j'ai effectué en 2018 à la base de Niamey, au Niger, j'ai pu observer le "parcours du combattant" que représentait le contact des soldats avec leur famille. Le forfait wifi, qui s'était alors réduit comme peau de chagrin à 2 gigaoctets, était loin de leur permettre d'entretenir un dialogue régulier avec leurs proches. Des efforts ont été accomplis depuis, et je tiens à vous en remercier, madame la ministre. Je n'y reviendrai pas.
En revanche, une mesure manque à l'appel. Il semble qu'à la suite de leurs mutations – qui sont récurrentes et normales au cours de leur carrière –, les militaires se trouvent souvent dépourvus de médecin référent. Ils ne bénéficient par ailleurs d'aucun accompagnement. Pour y remédier, pourquoi ne pas imaginer un partenariat entre les ministères des armées, de l'intérieur et de la santé ? Madame la ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous déployer pour traiter ce problème ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Monsieur le député, je répondrai directement à votre question, qui, si je ne m'abuse, porte sur les difficultés que rencontrent, dans le cadre de leur mobilité, notamment lorsqu'ils doivent changer de région, les militaires et leurs familles pour accéder aux soins, en particulier aux soins primaires et à un médecin généraliste référent.
Tout d'abord, c'est un problème pour tous les Français – or les militaires sont des Français comme les autres. En raison de la démographie médicale actuelle – que vous connaissez –, il arrive souvent que les médecins généralistes ne veuillent pas accueillir de nouveaux patients parce qu'ils sont déjà surchargés. Il s'agit d'un réel problème.
Avec les centres médicaux des armées – CMA –, où l'on trouve des médecins militaires du service de santé des armées, nous avons tout de même une grande chance. Il y en a dans toute la France, en métropole et aussi outre-mer. C'est une possibilité qui est offerte en premier recours, quand une famille arrive, ou en cas d'urgence. En outre, ces établissements maillent le territoire et entretiennent des relations étroites avec les médecins locaux ; ils peuvent donc aider les militaires à trouver des médecins référents susceptibles de prendre en charge leur famille. Cela ne suffit certainement pas, mais, en attendant que la suppression du numerus clausus permette d'accroître le nombre de médecins en France et que des médecins généralistes s'installent dans tous les territoires, cela nous permet de faire le dos rond en apportant un soutien aux familles des militaires, lesquelles peuvent aussi bénéficier de consultations prioritaires dans tous les hôpitaux, notamment les hôpitaux militaires.
M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière, pour une deuxième question.
M. Alexis Corbière. Je ne reviendrai pas sur le contenu général du plan famille que j'ai pu aborder lors de ma première question. Je souhaite cette fois vous interroger sur la mise à disposition de places en crèches pour les enfants de nos soldats.
La loi de programmation militaire dont nous débattons s'est fixé pour objectif un nombre de 2 556 places en crèche à l'horizon 2022, soit une augmentation de 20% en quatre ans. Cela témoigne indiscutablement d'une prise de conscience quant à l'importance que revêtent ces structures dans la vie quotidienne des militaires.
Toutefois, au-delà du nombre de places créées, la vraie question est celle de leur juste répartition sur l'ensemble du territoire national. Il est vrai que des structures existent déjà, mais celles-ci sont trop souvent concentrées dans les grandes agglomérations, comme Paris, Lyon, Marseille ou Lille, aux dépens des autres collectivités. Les demandes ne sont pourtant pas moins fortes dans les villes moyennes et les centres périurbains.
Dès lors, pourquoi ne pas envisager des partenariats entre le ministère des armées et les structures de crèches afin d'assurer une répartition plus égalitaire des places disponibles ? Ce serait une première étape. Il est évident qu'assurer un vivier de places en crèches pour les enfants de nos soldats permettrait de faciliter leur vie familiale en tenant compte des impératifs et des astreintes liés à leur métier.
Madame la ministre, que comptez-vous faire pour améliorer le maillage territorial des places en crèche mises à la disposition des soldats et de leurs familles ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Monsieur le député, cette question est évidemment très importante pour la vie quotidienne des familles. Je vous remercie d'avoir rappelé l'objectif que nous nous étions fixé d'augmenter de 20% le nombre d'offres de garde d'enfants. Cet objectif a été atteint en deux ans, puisque nous avons accru l'offre de 400 berceaux supplémentaires et atteint l'objectif de 2 556 que nous nous étions fixé.
Toutefois, se pose la question de la répartition de ces berceaux sur le territoire national. Nous devons chaque fois nous efforcer d'analyser les besoins et les capacités d'accueil existantes, tout en tenant compte du fait que, dans un port tel que Toulon, où la présence militaire est importante, tous les militaires n'habitent pas dans la commune : ils sont répartis sur un grand nombre de communes, y compris de petites communes. L'objectif est par conséquent de prendre en considération l'ensemble de l'offre, et pas seulement celle qui existe à Toulon, que celle-ci dépende du ministère des armées ou de la collectivité territoriale, afin d'essayer de coller au plus près des besoins et d'éviter les déplacements inutiles d'enfants.
La création de nouveaux berceaux n'est donc pas toujours la meilleure réponse. Il faut pouvoir s'appuyer le plus possible sur l'offre proposée par les collectivités territoriales au plus près des lieux d'habitation des familles.
À cela s'ajoute une autre solution, qui est le développement des assistants maternels – ceux-ci étant insuffisamment nombreux pour tous les Français. Dans le plan famille, nous avons essayé de développer cette offre particulière, notamment en incitant les conjoints de militaires à développer des activités de ce type et en proposant une aide financière pour que les familles puissent y recourir plus facilement, notamment dans le cadre d'horaires décalés, les heures de nuit étant bien évidemment facturées à un prix plus élevé que les heures de jour.
Voilà ce que nous essayons de faire, monsieur le député.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Ma question porte sur la réforme des retraites des militaires, en relation avec les déclarations faites le 20 décembre dernier en Côte d'Ivoire par le Président de la République.
La volonté de mieux tenir compte de la situation familiale des militaires et des conditions d'exercice de leur mission passe par une claire connaissance de leurs parcours professionnels au sein de l'armée, ainsi que de leurs conditions de sortie. Comme l'a dit le Président de la République, les pensions militaires ne constituent pas seulement un système d'assurance vieillesse, il s'agit aussi d'un mécanisme de gestion des entrants au sein de l'armée, dans un objectif de rajeunissement constant, notamment afin de garantir la condition physique des militaires ; d'un système qui doit permettre d'accompagner dans leur reconversion des femmes et des hommes qui disposent de compétences très spécifiques dans le domaine militaire et ne correspondant pas directement à des besoins sur le marché du travail ; et d'une marque de reconnaissance de la nation pour un engagement qui peut s'effectuer au péril de la vie.
Aussi les militaires ne se satisfont-ils pas de vagues affirmations sur des dérogations d'âge ou sur le maintien de leur niveau global de pensions. Ils attendent des réponses précises sur les conditions de leur intégration à un éventuel régime universel par points.
Madame la ministre, pourriez-vous nous faire un point sur la concertation en cours et indiquer quelles garanties seraient apportées aux militaires s'agissant du niveau des cotisations, de celui des pensions dans le cadre d'un système qui serait soumis à un arbitrage annuel concernant la valeur du point, du calcul des bonifications d'annuités et de la prise en compte des opérations extérieures ?
D'autre part, des mesures spécifiques sont-elles à l'étude au profit des conjoints et conjointes, étant donné les difficultés particulières d'accès ou de maintien dans l'emploi que ceux-ci rencontrent du fait de la mobilité imposée aux militaires ?
M. Jean-Paul Dufrègne. Excellente question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Monsieur le député, merci beaucoup pour votre question qui anticipe sur la discussion, qui aura lieu prochainement dans cet hémicycle, du projet de loi mettant en place un système universel de retraite. Comme vous l'avez souligné, le système des pensions militaires n'est ni un régime spécial ni une assurance vieillesse, mais un dispositif répondant à l'impératif opérationnel de conserver une armée jeune, qui soit en permanence apte à répondre aux engagements militaires du pays.
La majorité de nos militaires sont des contractuels aux durées de service limitées, ce qui leur permet de partir à la retraite à un âge pouvant leur ouvrir une deuxième carrière professionnelle. Aujourd'hui, les militaires peuvent donc liquider leur pension de retraite de façon anticipée, après dix-sept ou vingt-sept années de service.
Ce système est commun à la plupart des grandes armées occidentales : c'est donc qu'il répond à une nécessité opérationnelle. Par conséquent, conformément aux engagements pris par le Président de la République, le système universel de retraite, qui s'appliquera aux militaires comme à tous les Français, préservera les besoins propres à notre outil militaire. Les principales dispositions qui organisent les départs anticipés, lesquels sont nécessaires au maintien d'une armée jeune, seront maintenues, tout comme seront maintenus l'octroi de bonifications et le niveau des pensions grâce à la transposition dans le nouveau système de la prise en compte des sujétions particulières qui existent aujourd'hui.
Quant à la concertation, elle a bien évidemment commencé ; j'ai participé à une session du Conseil supérieur de la fonction militaire fin décembre et celui-ci sera consulté dans les prochains jours sur le projet de loi.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour une seconde question.
M. André Chassaigne. Elle porte sur l'application du plan famille.
La présentation de ce plan, en octobre 2017, s'est fait en amont de la préparation de la loi de programmation militaire pour 2019-2025, et la consultation des militaires dans leurs unités n'est intervenue que dans un second temps, au début de l'année 2019. En tant que parlementaires, nous ne disposons pas encore des remontées enregistrées à l'occasion de cette consultation, et cela alors que nous sommes en train d'évaluer la mise en oeuvre de ce plan et, surtout, de préparer la suite des actions à mener en vue d'améliorer la vie quotidienne des militaires et de leurs familles.
Les éléments que nous avons à notre disposition confirment néanmoins l'existence de contraintes particulièrement sensibles – déjà évoquées lors des questions précédentes.
La première concerne les structures d'hébergement des militaires et l'accès au logement dans les zones tendues – qui reste une priorité. Vous nous avez apporté des précisions concernant le montant des crédits inscrits au titre des hébergements militaires ; qu'en est-il de leur engagement ? Où en sommes-nous, concrètement, dans la volonté d'accroître l'offre d'hébergement des militaires et de leurs familles, en particulier dans les zones tendues ?
Autre question majeure, celle de la garde des enfants. Vous nous avez répondu au sujet de l'augmentation annoncée de 20% des places en crèche. Encore faudrait-il signaler que c'est loin de répondre aux besoins exprimés, puisqu'une telle augmentation ne profiterait qu'à quelque 4 300 enfants ; seule 7% de la population des 0-3 ans de la communauté militaire pourrait être accueillie. Il reste donc beaucoup à faire.
Puisque le sujet a déjà été traité, j'aborderai une question en particulier : celle de l'offre de garde à domicile par des assistantes maternelles. Observe-t-on des avancées en la matière ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Pour ce qui est du logement, nous en avons déjà parlé, monsieur le député : en nous rendant dans les emprises militaires, nous nous sommes rendu compte, Florence Parly et moi-même, qu'il y avait beaucoup à faire. C'est pourquoi il a été décidé d'augmenter de 300 millions d'euros le budget dédié à la production et à la rénovation d'hébergements dans les emprises militaires, pour le porter à 1 milliard d'euros sur la durée de la loi de programmation militaire, ce qui est un effort considérable, quoique nécessaire. Ces travaux s'inscrivent de surcroît dans le cadre des efforts que doit fournir l'État, tout comme les particuliers, en vue de la rénovation thermique des bâtiments. Étant donné le nombre de bâtiments concernés, il s'agit d'un objectif environnemental important – outre le confort que cela apporterait à nos militaires.
S'agissant de la garde d'enfants, cela a été dit, il y aura une augmentation du nombre de berceaux en crèche, ainsi que de berceaux réservés au sein des crèches collectives des collectivités, une augmentation du nombre d'assistantes maternelles, l'octroi d'une formation d'assistant maternel aux conjoints de militaires qui le souhaiteront – ce qui est une perspective intéressante pour eux – et, bien sûr, le développement de plages horaires atypiques. Toutes ces questions sont en cours de traitement, et cela de façon très dynamique. Chaque unité travaille main dans la main avec les collectivités locales avec lesquelles elle est en relation, ce qui permet de donner du sens et de renforcer le lien entre l'armée et la nation ; en général, les problèmes se trouvent plus facilement réglés lorsqu'on réussit à établir un échange avec les maires ou les présidents d'intercommunalité : ceux-ci font tout pour nous aider.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumas.
Mme Françoise Dumas. La famille, on le sait, est la véritable base arrière du militaire. Elle favorise son équilibre, sa sérénité et, par conséquent, l'accomplissement de sa mission, qui provoque le plus souvent une forte mobilité et de nombreuses absences. Ce constat est à la base du plan famille que vous avez présenté le 31 octobre 2017, et dont l'objectif principal est de permettre aux militaires de concilier un engagement exigeant avec une vie privée épanouie. Votre ministère a publié un point d'étape, qui traduit à la fois votre volontarisme et l'attention que vous portez à la concrétisation de chaque mesure.
Plus de 80% des actions planifiées ont connu des réalisations concrètes en 2018, et l'effort s'est poursuivi en 2019 de manière très active. Les mesures déjà en place constituent une bonne illustration de la diversité des actions : déploiement du wifi gratuit en garnison, portail de l'action sociale du ministère, nouvelles places en crèche, meilleure prise en charge des familles des blessés, amélioration des conditions de logement, soutien à l'emploi des conjoints… En outre, le plan famille permet aux militaires de mieux appréhender leurs mutations et leur carrière, ce qui constitue une simplification administrative.
Les auditions de la commission de la défense ont permis de faire remonter à la fois les attentes accrues qu'a suscitées la mise en place de ce plan et les premières opinions, positives, au sujet des mesures prises. Mes questions portent donc sur le maintien et l'intensification des efforts engagés.
Madame la ministre, comment assurez-vous le suivi du plan famille pour contrôler l'atteinte de ces objectifs, la mise en oeuvre de ces actions et la satisfaction des principaux intéressés ? Quelles solutions avez-vous retenues pour éviter un centralisme excessif des diverses mesures ? Enfin, sur le fond, comment entendez-vous mieux prendre en compte le problème grandissant, notamment avec le travail des conjoints, du célibat géographique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Lorsqu'on lance un plan de cette nature, il faut effectivement en assurer le suivi, d'abord pour être certain de répondre aux besoins des militaires. Dans le cadre du document qui vous a été communiqué, le suivi de chacune des quarante-huit mesures, assuré par la direction des ressources humaines et par le directeur de projet ici présent, nous a permis d'établir que vingt-trois d'entre elles ont été intégralement exécutées ; les vingt-quatre autres sont en cours d'exécution ; nous avons renoncé à la dernière, car elle ne répondait à aucun besoin.
Par ailleurs, nous avons souhaité vérifier, année après année, que nous étions toujours dans le vrai. C'est la raison pour laquelle, au printemps dernier, nous avons lancé une vaste consultation afin de faire remonter les problèmes, mais aussi de recueillir d'éventuelles suggestions. Qui peut connaître la réalité des besoins des militaires mieux que les militaires eux-mêmes ? Or ces besoins varient d'une unité à l'autre, d'un territoire à l'autre, voire d'un pays à l'autre, puisque nous avons des forces déployées à l'étranger. Nous avons ainsi reçu 800 propositions, ce qui prouve la vitalité du processus dans lequel nous nous sommes engagés.
Il faut accompagner ces mesures d'une déconcentration des moyens. Ce sera fait à partir de cette année : les commandants de bases de défense recevront la capacité de prendre l'initiative de petits investissements pour répondre aux demandes locales.
Enfin, le célibat géographique, qui résulte de choix personnels, est loin d'être un fait nouveau. Le plan famille prévoit par exemple que la carte SNCF soit accessible à l'ensemble de la famille même en l'absence du militaire qui ouvre les droits. Une autre réponse consiste dans l'amélioration des conditions d'hébergement offertes aux militaires en garnison, qui sont en bonne partie des célibataires géographiques.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gouttefarde.
M. Fabien Gouttefarde. Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, vous avez pris les rênes du ministère des armées avec pour ambition majeure d'améliorer la vie quotidienne de nos soldats et de leurs familles, qui sont bien évidemment leurs premiers soutiens. C'est tout à votre honneur. En 2017, madame la ministre, vous disiez lors de la présentation du plan famille : « Il n'y a pas de soldats forts sans familles heureuses. » Il était en effet urgent de mieux prendre en compte les besoins et les contraintes propres à ce quotidien familial.
Je souhaitais donc vous interroger au sujet du déploiement des espaces ATLAS – Accès en tout temps, tout lieu, au soutien. Cette mesure du plan famille remédie au sentiment d'éloignement, voire de déshumanisation, que les militaires ont pu ressentir depuis la création, il y a une dizaine d'années, des groupements de soutien de bases de défense, les GSBDD.
Développés par le service du commissariat des armées, les espaces ATLAS rassemblent dans un lieu unique et connecté tous les services nécessaires au quotidien du personnel du ministère des armées : formalités administratives, retouches d'habillement, prise de rendez-vous chez le coiffeur, billetterie SNCF, etc. Ils rapprochent le soutien des forces et s'adaptent aux besoins des militaires pour leur permettre de se consacrer pleinement à leur activité opérationnelle.
Sauf erreur, il existe aujourd'hui 25 espaces ATLAS, dont un dans ma circonscription, sur la base aérienne d'Évreux. Les objectifs, ambitieux, sont de 180 espaces ATLAS à la fin de cette année, plus de 200 sur les sites employant plus de 600 personnes d'ici à la fin du plan famille, en 2022. Comment anticipez-vous ce déploiement rapide ? Comment avez-vous établi les priorités d'implantation, et est-il envisageable que les emprises militaires de moins de 600 personnes soient concernées dans un second temps ? Ces espaces ont-ils vocation à être accessibles aux familles ? Enfin, quels sont les premiers retours dont vous disposez à leur sujet ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Vous l'avez dit, monsieur le député, les espaces ATLAS sont en définitive des espèces de guichets uniques pour l'ensemble des services utiles au quotidien des militaires et, autant que possible, de leur famille. C'est un peu la « maison France Services » du militaire.
Les lieux d'implantation initiaux ont été choisis afin de couvrir une large gamme de besoins sur le terrain. Nous avions trois critères : le maillage du territoire ; une répartition équilibrée entre les armées, compte tenu des contraintes d'infrastructures ; le seuil des 600 militaires dont vous avez parlé, et qui reste pertinent, même si nous n'écartons pas la possibilité, en fonction des besoins signalés, de faire bénéficier d'espaces ATLAS une population plus réduite. Peut-être faudra-t-il aussi revoir le mode de fonctionnement de l'ATLAS, qui nécessite des personnels pour répondre à tous les besoins, et l'adapter en fonction des demandes.
Tous les ATLAS ne pourront pas être ouverts aux familles, mais ceux qui pourront l'être le seront. Ces espaces seront personnalisés ; chaque coin de France aura son ATLAS, en quelque sorte unique, parce que les besoins diffèrent selon les territoires et les unités, bien que les services propres au ministère des armées soient bien sûr les mêmes partout.
Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que notre offre de services sera enrichie par des partenariats avec des tiers, mairies, associations, afin de faire des ATLAS non seulement un lieu de services, mais un lieu où se noueront de vrais liens entre armée et nation, où le militaire pourra se renseigner au sujet des gardes d'enfant, des écoles, des clubs sportifs, des activités culturelles ; un lieu pour le militaire, pour sa famille, mais aussi une interface avec l'extérieur.
M. le président. La parole est à Mme Anissa Khedher.
Mme Anissa Khedher. Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, j'aimerais vous remercier et souligner l'attention que vous accordez en personne aux conditions d'exercice des militaires comme à l'accompagnement de leurs proches. La considération que vous avez pour les soldats et leur famille est une marque de reconnaissance appréciée, un honneur qui récompense leur dévouement à la France.
Au cours de la mission d'information parlementaire sur le suivi des militaires blessés, dont j'étais corapporteure, j'ai pu évoquer avec les militaires et leurs proches la mise en oeuvre de certaines mesures du plan famille ; je pense notamment au déploiement de la plateforme e-social des armées, à la mise à jour du guide du parcours du militaire blessé et de sa famille, à l'instauration de l'aide aux familles des blessés hospitalisés. À Fontenay-le-Comte, j'ai pu constater le renforcement de l'accompagnement des conjoints de militaires par Défense mobilité, qui permet à ces conjoints d'envisager plus sereinement les mutations.
Un autre instrument en rapport direct avec le plan famille m'a particulièrement marquée : il s'agit du "kit OPEX", ou "kit Enfants de mili". Créé par deux femmes de militaires, ce kit distribué à 20 000 enfants contient des outils pédagogiques permettant de mieux appréhender l'absence d'un parent parti en opération extérieure. Il a été salué par les militaires engagés dans l'opération Barkhane avec lesquels j'ai eu la possibilité d'échanger lors de mon déplacement au Sahel.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, je sais que vous portez un vif intérêt à ce dispositif, qui s'inscrit pleinement dans la logique du plan famille. Aussi, je souhaiterais savoir si vous envisagez de pérenniser et de généraliser ce kit et si, dans le même esprit, d'autres actions tournées vers les enfants sont en cours d'élaboration.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Nous avons lancé le kit OPEX en 2018 ; il était destiné à de jeunes enfants, pour l'essentiel de 3 à 6 ans. Ce kit, qui permet aux enfants de raconter à leur façon, notamment par des activités manuelles, comment ils vivent cette période d'absence de leur parent, a en effet connu un très grand succès. Nous l'avons donc reconduit en 2019. Pour 2020, nous avons souhaité étendre la tranche d'âge concernée de 3 à 11 ans, ce qui suppose de disposer de kits adaptés à des enfants plus âgés ; nous avons donc lancé une consultation en vue de passer un marché public. Cette année, ce sont ces nouveaux kits qui seront distribués ; les moyens consacrés au dispositif ont été augmentés de 600 000 euros.
Par ailleurs, nous avons créé en 2019 les "clés USB Story Enjoy" – pardon pour l'anglicisme : 5 000 clés ont été distribuées à des militaires qui allaient être projetés en opération extérieure, afin de leur permettre d'enregistrer par avance des histoires qu'ils lisent à leur enfant et que celui-ci découvrira chaque soir en leur absence. ("Bravo ! " sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Lejeune.
M. Christophe Lejeune. Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, voilà deux ans que vous avez lancé le plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires pour la période 2018-2022. Ce plan était très attendu par l'ensemble des militaires et civils de la défense.
Ses mesures, qui représentent 300 millions d'euros de crédits nouveaux sur cinq ans, répondent de manière concrète et visible aux difficultés inhérentes à la vie militaire. Elles visent principalement à soutenir les militaires, qui assurent l'engagement opérationnel, ainsi que leurs familles, qui en supportent les contraintes. Avec le plan famille, vous faites des conditions d'exercice du métier des armes l'une de vos priorités : c'est même l'objet du premier chapitre de la loi de programmation militaire.
Le bonheur des familles passe dans un premier temps par l'épanouissement professionnel des conjoints. Or force est de constater que l'emploi salarié des conjoints de militaires est longtemps resté un problème.
Je prendrai l'exemple de la base aérienne 116 de Luxeuil-Saint-Sauveur, en Haute-Saône, base dont vous avez annoncé en juin dernier le renforcement par des escadrons de Rafale. Trente pour cent des militaires qui y servent vivent à plus de 50 kilomètres de Luxeuil, principalement en raison du manque de perspectives professionnelles pour leur conjoint, alors même que nous sommes interpellés par toutes les entreprises locales, confrontées à des difficultés de recrutement.
La mesure du plan famille permettant aux conjoints de bénéficier de l'aide de Défense mobilité, associée à l'augmentation des moyens de cet organisme, a-t-elle favorisé l'accès des conjoints de militaires et de civils de la défense à un emploi proche du lieu d'affectation de ces derniers ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Vous connaissez les obstacles que doit parfois affronter le conjoint d'un militaire affecté dans une garnison ; même si celle-ci n'est pas isolée, le fait de devoir quitter un emploi et en trouver un autre peut constituer une véritable difficulté. Le plan famille a permis de favoriser l'accès à l'emploi des conjoints de militaires.
Par ailleurs, Défense mobilité, qui est l'agence de reconversion de la défense, a développé une offre de services propre aux conjoints de militaires et complémentaire à l'action de Pôle emploi afin que les conjoints accèdent aux prestations d'accompagnement à la validation des acquis de l'expérience et au financement des cycles d'enseignement et de formation professionnelle nécessaires à leur projet professionnel. Ce projet professionnel pourrait être dessiné, d'ailleurs, en fonction des besoins du territoire.
Le bilan des actions menées par Défense mobilité en faveur des conjoints est très satisfaisant. Plus de 2 000 conjoints ont ainsi été accompagnés en 2019 et 1 500 ont été reclassés. Ces résultats impressionnants sont supérieurs de plus de 20 % à ceux de l'année antérieure. La proportion des conjoints reclassés dans des emplois pérennes augmente considérablement. En 2020, une nouvelle offre d'accompagnement et de formation à distance sera lancée pour préparer le retour d'une affectation en outre-mer ou à l'étranger des conjoints éloignés des centres de formation.
Nous sommes vigilants et nous travaillons avec Défense mobilité pour répondre aux attentes des familles.
M. le président. La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme.
Mme Aude Bono-Vandorme. Selon le dernier rapport relatif à la gestion des ressources humaines du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire, 10% des mutations étaient précédées d'un préavis de plus de six mois, 31% d'un préavis compris entre trois et six mois, 5 % d'un préavis inférieur à trois mois. Le Haut Comité s'en inquiétait d'autant plus que, entre 2008 et 2017, la part des mutations dont la durée du préavis était inférieure à un mois était passée de 9 à 30%.
Le cas de la gendarmerie nationale demeure singulier, car le taux de préavis inférieur à trois mois y demeure très élevé – 78 % en 2017. Cette particularité s'explique notamment par l'étalement des relèves durant toute l'année, le nombre élevé d'unités et l'organisation générale du service qui impose un très faible taux de vacance des postes.
La pérennisation d'une telle situation empêche les militaires et leurs familles de faire face, décemment, aux contraintes de la mobilité, notamment pour ce qui concerne l'emploi du conjoint, la scolarisation des enfants ou le logement.
Vous l'avez d'ailleurs bien compris, puisque votre plan famille apporte des réponses concrètes à ces problèmes.
Je salue l'objectif ambitieux que vous vous êtes fixé : éditer 80% des ordres de mutation cinq mois avant la date d'affectation. Le succès du plan famille dépendra de la qualité du suivi de son déploiement dans les délais prévus, mais également de la bonne articulation entre les échelons centraux et les acteurs locaux.
S'agissant de la mise en oeuvre de cette politique d'optimisation de la mobilité, pouvez-vous nous communiquer les dernières statistiques concernant les délais d'édition des ordres de mutation ? Les militaires disposent-ils désormais d'une meilleure visibilité en ce domaine ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Merci beaucoup de nous avoir posé cette question, madame la députée. Vous pointez du doigt une procédure qui a rendu la vie très difficile aux militaires dans le passé, mais qui s'est nettement améliorée depuis quelque temps. N'oublions pas que, chaque année, 20% des officiers sont mutés géographiquement, ce qui est considérable. Nous avons donc voulu résoudre ce problème en nous fixant pour objectif de porter à cinq mois le préavis des ordres de mutation pour au moins 80% des militaires.
Nous y sommes presque parvenus en 2018. Nous avons réussi en 2019 pour les trois armées, directions et services, et nous avons même dépassé ce seuil : 84% pour l'armée de l'air, 92% pour la marine.
Au-delà de cette mesure administrative, qui était indispensable, nous devons réfléchir à d'autres aspects, beaucoup plus en amont, notamment les raisons pour lesquelles la mobilité géographique est aussi fréquente, dans de telles proportions.
Par conséquent, j'ai demandé à la direction des ressources humaines de chacune des armées d'analyser ces mutations qui interviennent aussi fréquemment et d'améliorer la qualité du dialogue entre la direction des ressources humaines et les militaires, pour mieux gérer les souhaits des intéressés et les besoins du service.
L'armée de terre expérimente ainsi l'organisation de parcours professionnels au sein d'un pôle de stabilité qui serait une entité géographique définie largement, au sein de laquelle il pourrait être garanti au militaire et à sa famille de passer une part importante de sa vie professionnelle. Cette proposition ne signifie pas que le militaire ne pourrait pas être muté d'une unité à une autre, mais au moins pourrait-il acquérir une résidence principale dans une zone géographique donnée.
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Le plan famille fut une excellente initiative, attendue et appréciée par la majorité. C'est un grand pas en avant, qu'il convient de renforcer, car la famille représente la base arrière de nos militaires. Les problèmes, réels, varient d'un lieu d'affectation à l'autre, car des tensions naissent de l'absence d'une politique d'aménagement volontariste et équilibrée du territoire.
Le logement demeure l'une des préoccupations majeures de ces familles, en métropole bien sûr, mais également dans les zones détendues où les familles sont souvent contraintes de louer.
Les militaires attendent une meilleure visibilité de leurs ordres de mutation. Un minimum de huit mois semble nécessaire aux familles pour trouver un logement, une école, un emploi. Serait également bienvenu un guide des démarches à remplir, qui répertorierait les associations à contacter ou les droits existants. Les informations manquent, ce qui peut porter préjudice aux militaires, y compris lors de leur première affectation.
En zone détendue, les conjoints ont plus de mal à trouver un emploi, ce qui aggrave la précarité financière de la famille. Le manque de places en crèche pose également problème. La vie militaire affecte la vie des familles et nous constatons deux phénomènes inquiétants, qui réclament un accompagnement spécifique : la recrudescence du célibat géographique et des divorces.
Le célibat géographique a des répercussions matérielles importantes dont nous devons tenir compte. Quant aux conséquences des divorces, elles sont plus lourdes pour les militaires. Non seulement leur solde se réduit du fait de la perte de la majoration, mais il est quasiment impossible d'organiser des gardes alternées en raison du nombre de jours où les militaires sont loin de leur foyer.
Ces deux phénomènes témoignent de l'importance du plan famille qu'il convient de développer afin d'éviter ces ruptures, si néfastes pour ces familles et leurs enfants.
Quelles actions comptez-vous mener pour les éviter ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Vous avez posé beaucoup de questions qui ont trait à de nombreux sujets, monsieur le député : le logement, la scolarisation, la garde d'enfants, la vie des familles. Or la vie de famille des militaires ressemble à celle de tous les Français, touchés eux aussi par le célibat géographique ou les séparations.
Notre ministère n'a pas vocation à compenser les aléas des trajectoires personnelles. Cependant, nous apportons un important soutien financier aux parents séparés qui n'ont pas les moyens de recevoir leur enfant. Le ministère accorde ainsi une prestation sociale temporaire aux parents séparés qui disposent d'un droit de visite pour participer aux frais engagés pour accueillir ces enfants, sur la base de deux nuits d'hôtel par mois, par exemple. Cet effort financier significatif représente 700 000 euros cette année. Nos militaires recourent volontiers à ce dispositif concret et utile, qui a fait ses preuves. L'offre a d'ailleurs été augmentée de 20 % en deux ans pour s'adapter aux besoins.
S'agissant de la communication autour des dispositifs proposés par le plan famille, nous devons rester humbles. Nous avons beau croire avoir informé tout le monde, la situation n'est pas si simple. Les portails internet sont très utilisés, essentiellement Intradef. Le portail de l'action sociale des armées, e-social, présente par ailleurs l'ensemble des prestations sociales et des procédures qui permettent d'y accéder. Chaque unité a, de surcroît, édité un guide spécifique pour le militaire et sa famille afin qu'il prenne connaissance des ressources du plan famille et des particularités du territoire où il se trouve basé.
Ces mesures participent du succès du plan famille, que les militaires et leurs familles ont pu s'approprier. Nous continuerons à travailler ainsi pour nous adapter à l'évolution de la société.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart.
Mme Laurence Trastour-Isnart. Un soldat s'engage pour défendre sa patrie tandis que sa famille le soutient moralement au quotidien. Elle est, en quelque sorte, la base arrière de nos militaires, et fait partie intégrante, à ce titre, de notre capacité de combat collectif.
Le plan famille, dont nous dressons le bilan à mi-parcours, comporte des avancées. Il permet ainsi de mieux prendre en charge financièrement les proches qui se rendent au chevet du militaire blessé. Elle concerne désormais six personnes maximum au lieu de quatre précédemment et a été étendue à huit semaines.
Cependant, la condition militaire peut encore être améliorée, notamment pour ce qui est du soutien aux familles de nos militaires blessés.
Corapporteure de la mission d'information relative au suivi des blessés, j'ai noté que, malgré des améliorations, la prise en charge de deux allers et retours en huit semaines demeure insuffisante. La situation est encore plus difficile pour les familles des blessés originaires de l'outre-mer. Certaines hospitalisations dépassent, en effet, les huit semaines, sans parler des militaires hospitalisés pour des maladies liées au service qui ne peuvent bénéficier de cette prise en charge.
Les conséquences financières des allers-retours des familles auprès des blessés n'étant pas totalement prises en charge malgré les progrès du plan famille, je poserai deux questions. Le Gouvernement a-t-il l'intention d'augmenter le nombre d'allers-retours pris en charge puisque deux allers-retours en huit semaines ne suffisent pas ? Envisage-t-il d'étendre cette prise en charge aux familles des malades hospitalisés en raison d'une pathologie liée au service ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Vous connaissez bien le sujet, madame la députée, puisque vous avez, avec Mme Anissa Khedher, rédigé un rapport relatif à la prise en charge des familles de blessés.
La prise en charge financière des déplacements des familles au chevet des blessés n'étant pas satisfaisante, elle a été revue en 2018 pour concerner davantage de membres de la famille, jusqu'à six personnes, sur une période étendue à huit semaines calendaires. Nous avons également relevé le plafonnement des frais.
C'est vrai, il est toujours possible de faire mieux. Nous réfléchissons ainsi au cas des soldats atteints d'une pathologie en lien avec l'environnement dans lequel ils ont été placés. Ils peuvent sans doute être mieux pris en charge qu'ils ne le sont aujourd'hui. Nous y travaillons.
D'autres mesures peuvent améliorer les conditions de séjour des familles auprès de leurs blessés. Des maisons des familles ont ainsi été construites pour héberger les familles à côté de nos deux plus importants Trauma centers : l'hôpital d'instruction des armées de Percy et celui de Toulon, Sainte-Anne.
Nous souhaitons également solliciter l'ensemble des hébergements dont nous disposons en signant des conventions avec les cercles et les mess du ministère qui gèrent les hébergements, pour en placer à la disposition des familles. Enfin, nous devons également réfléchir à la bonne répartition des blessés entre les différents hôpitaux militaires afin qu'ils puissent, sous réserve des spécialités médicales, se trouver au plus près de leurs familles lorsque c'est possible.
M. le président. La parole est à M. Charles de la Verpillière.
M. Charles de la Verpillière. Les répercussions du métier des armes sur la vie familiale sont un aspect essentiel de ce qu'Alfred de Vigny appelait la "servitude militaire". Je pense à l'angoisse que peut ressentir la famille lorsque le militaire participe à une opération qui met sa vie en danger ; les absences répétées, qui durent parfois plusieurs mois, peuvent aussi fragiliser les couples et déstabiliser les enfants ; enfin, le rythme des mutations, avec un préavis parfois trop court, est pour les familles une source de difficultés en matière de logement, d'emploi du conjoint ou encore de scolarisation et de garde des enfants.
En février 2017, sous la précédente législature, j'ai eu l'honneur d'être corapporteur, avec Mme Gosselin-Fleury, d'un rapport d'information intitulé : "L'accompagnement social des militaires et de leur famille : un enjeu opérationnel pour nos armées." Plusieurs des propositions que nous avions faites, et bien d'autres encore, ont été inscrites dans le plan famille d'octobre 2017 dont nous faisons aujourd'hui un point d'étape.
Dans ce cadre, je voudrais poser deux questions. Le ministère des armées et celui de l'éducation nationale ont-ils défini une procédure dérogatoire pour l'inscription des enfants de militaires dans les établissements scolaires et universitaires ? Souvent, en effet, les militaires mutés ne disposent pas d'un préavis suffisant pour inscrire leurs enfants dans l'établissement ou la spécialité de leur choix. Cela peut entraîner l'interruption – au moins provisoire – du cursus, le plus souvent universitaire.
D'autre part, le ministère des armées dispose-t-il d'indicateurs statistiques permettant de mesurer l'impact des deux premières années du plan famille sur l'attractivité du métier militaire, qu'il s'agisse du nombre de candidatures aux postes ouverts au recrutement ou du taux de renouvellement des contrats, c'est-à-dire de la fidélisation ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. En réponse à votre première question sur la scolarité, je rappellerai que le plan famille prévoit l'instauration d'un préavis de cinq mois, ce qui est suffisant pour inscrire son enfant à l'école. Cet objectif est presque atteint : dans 80 % des cas, les militaires sont informés de leur mutation cinq mois à l'avance, ce qui atténue les difficultés que vous évoquiez.
Par ailleurs, nous nous sommes concertés avec le ministère de l'éducation nationale pour favoriser l'inscription des enfants. Nous avons conjointement établi un guide de la scolarité, académie par académie, afin de faciliter le contact avec les familles et les inscriptions scolaires, qui a été diffusé en juin 2019. De plus, nous travaillons à prendre en compte, sur Parcoursup, la mobilité des enfants, qui est une donnée importante, encore que les jeunes étudiants ne soient parfois pas fâchés d'être loin de leur famille – mais c'est un autre sujet.
Quant aux résultats du plan famille en matière de fidélisation, ils sont difficiles à mesurer. Il est certain qu'il contient des outils facilitant le logement des familles, la garde des enfants ou la profession des conjoints ; en accordant une attention particulière aux familles, le plan contribue directement à améliorer la fidélisation des militaires. Néanmoins, la fidélisation résulte d'un tout : la qualité des équipements, le sens de la mission, l'attention du commandement… Si elle dépasse le cadre du plan famille, celui-ci contribue, je crois, à faire sentir au militaire qu'il est considéré et que sa famille est accompagnée.
M. Sébastien Leclerc. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Meunier.
Mme Frédérique Meunier. Madame la ministre, vous avez présenté en 2017 un plan d'accompagnement des familles et des conditions de vie des militaires que chaque garnison peut adapter en fonction de sa particularité. Dans ce cadre, la base de défense de Brive a mis au point, en partenariat avec les collectivités et le secteur privé, une série d'actions visant à accompagner la vie de famille des militaires dans les domaines de la petite enfance – à travers un projet de crèche familiale aux horaires atypiques –, de l'emploi des conjoints, de l'accès aux soins, de l'aide aux formalités liées à l'éducation nationale, de l'amélioration de la vie quotidienne – un numéro vert a été créé pour répondre aux interrogations des familles sur tous les sujets – ou encore de l'hébergement temporaire des militaires à travers le développement d'une offre hôtelière pour faciliter l'accueil des familles – grâce à l'aide financière dont vous parliez tout à l'heure – et la mise en place au sein de la base de défense, d'un bureau spécifique chargé de faciliter la recherche de logements locatifs afin que les militaires soient utilement orientés dans leurs démarches et bénéficient d'un suivi individualisé.
Aussi ai-je une proposition à vous faire, suivie d'une question : quand les militaires rentrent d'OPEX, ils passent quelques jours par ce que l'on appelle un "sas de décompression" ; ne pourrait-on envisager des séjours familiaux, avec conjoint et enfants, pris en charge sur le budget du plan famille ? Ces quelques jours incluraient l'intervention du personnel médical, des conseillers conjugaux et des psychologues – y compris pour les enfants – et serait comme un double sas de décompression. La base de défense de Brive, comme d'autres sans doute, envisage de proposer un tel séjour l'été prochain, dans un Center Parcs, à l'occasion du retour d'OPEX d'une compagnie de combat du 126e régiment d'infanterie. Mais il faut encore déterminer qui prendra en charge le coût du séjour. Madame la ministre, dans le cadre du plan famille, ne pourrait-on pas envisager une enveloppe supplémentaire consacrée aux séjours familiaux avec conjoint et enfants ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Permettez-moi tout d'abord de vous remercier, madame la députée, pour le soutien sans faille que vous accordez aux militaires basés dans le département de Corrèze et qui, je crois, s'y sentent bien – les nombreuses initiatives que vous avez mentionnées y contribuent très largement.
Il est indéniable que les absences opérationnelles ont des effets sur la vie familiale des militaires. J'ai mentionné tout à l'heure certaines des initiatives que nous avons prises : cinquante séances collectives ont ainsi été organisées en 2019 pour aider les familles de militaires à préparer le départ et le retour d'opération extérieure. Un groupe de travail se réunira au premier semestre 2020 pour déterminer quels sont le meilleur format, les meilleures actions, le meilleur moment et les meilleures configurations de ces sessions collectives.
Votre proposition me paraît excellente. Elle a été testée, à un degré plus modeste, à travers le dispositif du « sas famille » : à l'image du sas dont bénéficient les militaires lorsqu'ils reviennent d'opération extérieure et qui leur permet de se réadapter à la vie normale, certaines unités ont testé un module d'une demi-journée qui permet, avec des psychologues, de préparer la famille au retour du militaire. Il s'agit d'une première tentative dont nous devons encore évaluer les effets. Nous pourrons ensuite faire plus, ou différemment. Quoi qu'il en soit, c'est un sujet auquel nous nous intéressons tout particulièrement.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Pajot.
M. Ludovic Pajot. Le militaire consacre une grande partie de sa vie au service de son pays. Sa mission revêt des caractères très différents et elle peut être exercée sur le sol national comme hors de l'Hexagone, dans le cas des opérations extérieures. Nous avons tous en mémoire les treize soldats disparus il y a quelques semaines au Mali. Comme tout citoyen, le militaire peut être éloigné de sa famille dans l'exercice de ses fonctions, à la différence notable que cet éloignement est parfois de longue durée, si la mission l'exige. De plus, il est soumis, sur le territoire national, à une mobilité fréquente qui exige des réponses particulières.
Un principe simple doit fonder toute réflexion sur les conditions de vie de nos soldats : le militaire réussira d'autant mieux la mission qui lui est confiée qu'il bénéficiera d'un cadre familial épanouissant. Certes, veiller sur l'harmonie familiale n'est pas la prérogative exclusive de la puissance publique. Cette dernière peut tout du moins mettre en place des dispositifs destinés à la favoriser.
C'est dans cet esprit qu'est né le plan famille 2018-2022, au sujet duquel nous sommes réunis aujourd'hui. En effet, l'utilisation des 300 millions d'euros de crédits nouveaux sur cinq ans doit faire l'objet d'une évaluation régulière afin de vérifier que le cadre de vie de nos militaires et de leurs familles s'est bien amélioré.
La mise en oeuvre du plan soulève de nombreuses questions qui, hélas, ne peuvent pas toutes être évoquées dans cette discussion en format réduit. J'appelle aujourd'hui votre attention sur l'aide aux familles des militaires blessés et hospitalisés. Devoir de la nation envers ceux qui se battent pour elle, la qualité de cette assistance est fondamentale et je vous serais reconnaissant, madame la ministre, de bien vouloir dresser un premier bilan de l'accroissement de cette aide, qui figure parmi les mesures du plan famille.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. La question est large et je me concentrerai, si vous le permettez, sur la prise en charge des familles des blessés. Comme je l'ai dit il y a quelques instants, ce dispositif est perfectible, notamment en ce qui concerne la prise en charge des frais liés à la présence des familles de militaires blessés hospitalisés. Dès 2018, nous avons porté à six le nombre de personnes pouvant être hébergées et étendu à huit semaines calendaires la durée de la prise en charge financière. Le plafonnement des frais a également été revu à la hausse.
De plus, comme je l'ai indiqué, il serait envisageable d'élargir le dispositif aux pathologies résultant indirectement de l'activité exercée par le militaire au cours de ses missions. Par ailleurs, il existe déjà des maisons des familles à proximité des deux principaux hôpitaux d'instruction des armées, à Percy, en région parisienne, et à l'hôpital Sainte-Anne de Toulon. Enfin, il nous faut optimiser l'utilisation des capacités d'hébergement dont nous disposons. Nous réfléchissons actuellement à établir des conventions avec les cercles et mess. Une dernière solution, qui mérite d'être développée, serait d'accélérer le rapatriement du blessé vers un établissement hospitalier plus proche du lieu de résidence de sa famille.
Voilà une large gamme de solutions qui, si elles sont mises en oeuvre de façon cohérente, contribueront grandement à faire mieux vivre cette période pendant laquelle un blessé est hospitalisé et doit pouvoir recevoir des visites de sa famille.
M. le président. La séance de questions sur la loi de programmation militaire, l'évaluation du déploiement du plan famille votée en 2018 et les réflexions sur son éventuelle évolution est terminée.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 8 janvier 2020