Texte intégral
CAROLINE ROUX
Bonjour.
LAURENT BIGNOLAS
Vous recevez ce matin Jean-Michel BLANQUER.
CAROLINE ROUX
Oui, le ministre de l'Education nationale, alors que le mouvement, vous le savez, est très suivi dans l'Education nationale, et hier soir il a écrit aux professeurs pour les rassurer. Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour Caroline ROUX.
CAROLINE ROUX
C'est une forte mobilisation dans l'Education nationale, quels sont les chiffres que vous pouvez nous donner ce matin ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce matin, les chiffres sont de 55 % de grévistes à l'école primaire, probablement un peu moins dans le second degré. Ça c'est des chiffres prévisionnels, qui sont basés sur ce que les professeurs nous disent juste avant la grève. En général, en fin de journée, on s'aperçoit souvent que c'est moins fort que ça. On peut dire qu'en gros c'est la moitié des professeurs qui sont grévistes.
CAROLINE ROUX
Vous qualifiez ça de forte mobilisation à l'Education nationale ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est une assez forte mobilisation. Il y a des précédents, par exemple si vous remontez à 2003, il y avait plus de mobilisation, mais on ne peut pas nier que c'est une assez forte mobilisation.
CAROLINE ROUX
Combien d'écoles fermées ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, ça dépend complètement des régions, mais en général, notre but d'abord, est à ce que tous les collèges et tous les lycées soient ouverts, il faut d'abord le dire, nous garantissons cela, sauf exception, tous les collèges et tous les lycées restent ouverts, c'est-à-dire que l'accueil est organisé, et puis comme il y a environ la moitié des professeurs, une bonne partie des cours ont lieu. Et puis s'agissant de l'école primaire, soit il y a moins de 25 % de grévistes dans l'école, et dans ce cas nous assurons l'accueil, les élèves se répartissent pour les classes concernées. Et puis sinon les mairies, c'est prévu par la loi, assurent un service minimum d'accueil, mais ça n'est pas toujours le cas, parce que parfois elles n'arrivent pas à le faire, et on s'aperçoit par exemple que Paris le fait très peu cette fois-ci.
CAROLINE ROUX
Le fait très peu, parce qu'elle ne veut pas, parce qu'elle ne peut pas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, je préfère... J'ai vu que la Mairie de Paris, la Maire de Paris a dit des choses un peu agressives sur le sujet, alors que j'avais tenu des propos au contraire assez modérés, mais le fait est que je constate qu'ils réussissaient mieux à le faire quand il y avait un gouvernement qui lui plaisait davantage.
CAROLINE ROUX
C'est dit, c'est votre réponse ce matin à la Maire de Paris. Est-ce que vous pensez que le mouvement peut se poursuivre vendredi ? Lundi ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, je pense que non, mais on verra bien. Je pense qu'il peut y avoir des problèmes de transport, peut-être demain et lundi...
CAROLINE ROUX
Dans l'Education nationale précisément ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Dans l'Education nationale, je pense que demain il y aura sans doute déjà une bonne partie des gens qui reprendront le travail, c'est en tout cas ce que me permettent de voir les prévisions de grève, mais c'est ce que l'on verra, enfin c'est difficile à dire, d'autant plus que j'ai dit, comme vous l'avez dit, j'ai dit des choses je crois très rassurantes pour les professeurs.
CAROLINE ROUX
Alors, on va y venir à ce que vous avez expliqué aux professeurs. Une dernière question sur la mobilisation, est-ce que vous pensez que les lycéens et les étudiants peuvent se joindre à ce mouvement de contestation de la réforme des retraites, des informations que vous avez ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je ne crois pas, il y aura toujours quelques mouvements qui cherchent dans ce type de circonstances, à pousser quelque chose, mais en réalité, vous savez, les lycéens aujourd'hui, si vous prenez les lycéens de 1ère, ils sont en général très heureux de la réforme, puisqu'elle leur a permis d'avoir plus de libertés, d'approfondir davantage, et donc les échos de terrain que j'ai de la part des lycéens des classes de 1ère sont plutôt bons.
CAROLINE ROUX
Alors, je disais, vous avez écrit aux enseignants pour les rassurer. Une idée s'est installée dans le débat public, une idée qu'ils seraient les perdants de cette réforme et qu'ils perdraient entre 300 et 900 € de pension de retraite. Est-ce que, vous avez écrit donc et vous évoquez l'idée d'une revalorisation des salaires, c'est ça ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. D'une certaine façon...
CAROLINE ROUX
C'est ça qui doit les rassurer ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, puisqu'on fait d'une pierre deux coups, et c'était déjà présent dans les propos du président de la République dès la fin du mois d'avril, simplement nous le précisons étape par étape, parce qu'il y a un dialogue social pour rentrer dans le détail de ce que cela veut dire. Mais ce que je leur dis, de manière très claire aujourd'hui, enfin que je leur ai dit tous ces derniers temps, c'est : les pensions des professeurs ne baisseront pas. Donc tous ces simulateurs, ce genre de chiffres que vous venez de citer, sont tout simplement faux, inexacts, parce que c'est l'application aveugle des grands principes de la réforme, mais nous avons dit dès le début que nous aménagerions les choses pour que ça n'arrive pas à ce résultat.
CAROLINE ROUX
Il leur manque des chiffres, il leur manque un calendrier. On a évoqué le fait que la compensation, donc avec une revalorisation des rémunérations des professeurs, pourrait engager 10 milliards d'euros. Estce que c'est un chiffre que vous confirmez ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je ne le confirme pas, puisque précisément les choses s'affirment au fil du temps, parce qu'il y a du dialogue social, et parce qu'il y a plusieurs facteurs, il n'y a pas que les professeurs, il y a l'ensemble des fonctionnaires, l'ensemble de la population active, donc tout ceci prend du temps, surtout si on veut, comme le demandent beaucoup de gens, du dialogue social. Et donc vous aurez, le 9 décembre Jean-Paul DELEVOYE va s'exprimer pour donner plus de précisions. Ensuite ce sera le Premier ministre, ensuite je me réexprimerai à la lumière de ce qu'aura dit le Premier ministre sur le cas des professeurs, mais d'ores et déjà je donne des garanties qui sont très importantes, qui sont même uniques dans les décennies précédentes.
CAROLINE ROUX
Parce que ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien parce que d'une part je dis : les pensions ne baisseront pas. Et d'autre part je dis : les rémunérations augmentent, ce qui est quand même une très bonne nouvelle, et elles augmenteront notamment pour ceux qui sont le plus concernés par la retraite, c'est-à-dire...
CAROLINE ROUX
De manière significative, Jean-Michel BLANQUER ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
De manière très significative. Oui. La loi sur les retraites, et ça le Premier ministre s'y est engagé, indiquera que les professeurs auront une pension qui sera calculée de la même façon que pour les cadres A comparables dans la Fonction publique. C'est une garantie qui n'a jamais existé jusqu'à présent.
CAROLINE ROUX
Vous pensez qu'ils sont en grève parce qu'ils ne comprennent pas tout ? C'est ce que vous avez dit sur RTL, ils l'ont assez mal vécu.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je n'ai pas dit... Une fois de plus on cherche, on fait des... on coupe des phrases, je n'ai pas du tout...
CAROLINE ROUX
C'est pour ça que je vous donne l'occasion de vous expliquer.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non non, mais je n'ai absolument pas dit ça de cette façon, chacun peut réécouter mon interview, j'ai dit, je ne parlais pas spécialement des professeurs, je parlais du fait que tout le monde ne comprend pas tout, mais c'est tout à fait normal, enfin il n'y a rien de problématique dans...
CAROLINE ROUX
C'est une réforme complexe, et c'est une réforme qui n'est pas aboutie.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, c'est évident, puisque c'est une réforme très profonde, qui concerne un certain nombre de sujets à la fois, donc, vous savez ce serait plus facile pour le gouvernement de ne pas faire de réforme, d'attendre, de pousser la neige devant comme l'ont fait tant d'autres avant nous. Donc au moins nous prenons le sujet à bras-le-corps avec des objectifs qui sont très clairs, c'est-à-dire l'égalité entre tous les Français, on le voyait bien dans votre reportage précédent, et puis d'autre part beaucoup plus de simplicité justement, puisque dans les temps futurs la retraite à points permettra à chacun de savoir exactement en fonction des heures accomplies, du temps accompli, eh bien le montant de la retraite.
CAROLINE ROUX
Vous parlez de simplicité, on a surtout l'impression pour l'instant qu'elle est complexe et assez difficile à appréhender cette réforme. On a entendu parler d'âge pivot, on a entendu parler de la clause du grand-père, on ne connaît pas les éléments clés, précis, la valeur du point de la réforme, est-ce que ça ne crée pas, ça, alors c'est une méthode qu'a choisi le gouvernement, un peu d'anxiété de la part des Français qui sont majoritairement aujourd'hui en soutien de ce mouvement de contestation ? Sur la méthode.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, si vous voulez... Non, c'est comme quand vous êtes au restaurant, la cuisine est complexe mais la salle à manger est simple. Autrement dit il est tout à fait normal que, le sujet étant extrêmement lourd, enfin, concerne encore une fois tous les Français, ce sont des centaines de milliards d'euros qui sont concernés, donc c'est inévitablement complexe, et ça prend inévitablement du temps, et a fortiori si on veut discuter avec toutes les parties prenantes. Jean-Paul DELEVOYE, il a mis 18 mois pour discuter avec tout le monde, et maintenant, moi je fais une réunion mensuelle avec les organisations syndicales, elles ne pensent pas toutes la même chose sur ces sujets. Donc c'est inévitablement complexe, mais nous voulons arriver à la fin, à ce que le plat soit simple, et ce plat simple c'est la retraite par points qui permet à chacun de savoir ce qu'il va toucher, et qui est plus égalitaire, y compris entre les hommes et les femmes, toute une série d'injustices n'existeront plus, et en plus c'est l'opportunité d'améliorer des sujets connexes, notamment la question de la rémunération des professeurs, pour laquelle j'avais de toute façon l'objectif d'une augmentation, et je l'avais je l'avais dit très clairement toutes ces dernières années.
CAROLINE ROUX
Que le plat soit simple et qu'il plaise à tout le monde. Il y aura des perdants ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non...
CAROLINE ROUX
Il n'y aura pas de perdants dans cette réforme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, l'objectif c'est d'avoir un système qui coûte la même chose dans le futur en termes de pourcentage de ce que produit la France. Aujourd'hui c'est 13,8 %, pratiquement 14 % de notre richesse nationale qui est consacré aux retraites, c'est d'ailleurs un niveau assez élevé, par exemple l'Allemagne c'est moins. Nous, nous voulons rester à ce niveau-là, autrement dit ne pas sur-dépenser dans le futur, parce qu'on pense aux générations futures. Mais en même temps, 14 % avec une production qui augmente, ça sera, ça permettra de financer ce que nous avons prévu, et notamment d'améliorer la situation de beaucoup de gens.
CAROLINE ROUX
Martine AUBRY qui s'exprime ce matin, le fait assez rarement, elle est candidate à la Mairie de Lille et elle dit : les Français ont raison de redouter l'entourloupe. Ce n'est pas une autoroute que vous êtes en train de prévoir pour les Français ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, et je pense que les gens qui aiment un petit peu mettre de l'huile sur le feu ne sont tout simplement pas responsables, alors qu'elle est suffisamment technicienne de ces sujets pour savoir qu'au contraire il y a quelque chose de très juste. Vous savez, le vrai progressisme c'est celui de prendre les problèmes à bras-le-corps, et de ne penser pas seulement à l'année prochaine ou à la prochaine élection, mais de penser aux générations futures, et c'est ce que nous sommes en train de faire.
CAROLINE ROUX
Le président a compté sur l'esprit d'équipage, il peut compter sur vous dans ce moment de gros temps ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien évidemment, bien sûr, et je suis totalement mobilisé, comme vous le voyez, du matin au soir.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 décembre 2019