Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à BFMTV le 6 décembre 2019, sur la retraite des enseignants et la grève contre la réforme des retraites.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Jean-Michel BLANQUER, bonjour. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Merci d'être avec nous, ministre de l'Education nationale. Nous allons bien sûr parler de la retraite des enseignants. Hier, 600, 700, 800 000, 900 000 manifestants. Est-ce que cette première journée de mobilisation contre la réforme des retraites a été un succès pour les opposants à cette réforme, franchement ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
C'est incontestablement une forte mobilisation, et ça n'est pas très étonnant, puisque c'est un sujet qui touche en profondeur tous les Français, et qui est assumé comme tel.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Et qui inquiète beaucoup de Français. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
 A partir du moment où vous parlez des retraites, autrement dit de ce qui se passe pour tous les Français, une fois qu'ils partent à la retraite, c'est normal qu'il y ait des questionnements, des inquiétudes, tout le monde s'attendait à ce qu'il y ait ce genre de choses, maintenant ce qui est important c'est d'arriver à une bonne réforme, qui soit fidèle aux principes qu'elle affiche, c'est-à-dire le principe d'égalité, le principe de simplicité aussi puisque le but est que chacun vous le savez puisse prévoir sa retraite aussi.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Nous connaîtrons la réforme plus en détails au milieu de la semaine prochaine. C'est bien cela. 

JEAN-MICHEL BLANQUER
  Oui, le Premier ministre... 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Mercredi ou jeudi ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
C'est à lui de le dire, je pense, je crois que c'est plutôt mercredi que jeudi, mais c'est à lui de le dire, oui.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
 Mercredi. Bon. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
 Vous verrez. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
C'est à lui de le dire, mais vous l'avez dit, Jean-Michel BLANQUER, mais pourquoi pas, autant le dire d'ailleurs. Jean-Michel BLANQUER, donc mercredi le Premier ministre s'exprimera, rendra publique toute la réforme, peut-être pas dans les détails, tous les détails, mais enfin dans tous les cas va répondre aux interrogations exprimées hier, j'imagine.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Bien sûr, vous savez il obéit toujours à la même méthode, c'est-à-dire d'avancer pas à pas, en fonction de discussions qui sont d'ailleurs très respectueuses des partenaires sociaux. Lesquels partenaires sociaux ne disent pas tous la même chose, c'est ce qui ajoute évidemment de la complexité aux choses, et donc il est tout à fait normal que sur une réforme en profondeur qui concerne des centaines de milliards d'euros pour les décennies à venir, les choses ne se fassent pas dans la précipitation, donc je crois que l'on peut porter au crédit du gouvernement et du Premier ministre le fait d'avancer tout simplement méthodiquement. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Le gouvernement ne retirera pas la réforme, quoi qu'il arrive. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Bien sûr, et ça ça a été dit... 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Quoi qu'il arrive, on est bien d'accord.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Bien sûr, mais heureusement, parce que tout simplement pourquoi aurions-nous fait tout cela pour retirer la réforme ? Si nous le faisons, c'est parce qu'on a le souci non seulement du court terme et du moyen terme mais aussi du long terme de la France. Nous avons le souci des générations qui arrivent dans le futur. Tout l'esprit de cette réforme c'est d'arriver à garantir un bon système de retraite, avec de bonnes pensions, au même niveau de richesse nationale qu'aujourd'hui c'est-à-dire 14 % de la richesse nationale, ce qui est un point fort de la France pour les plus âgés d'entre nous, eh bien de le maintenir pour les générations futures. Ça aurait été beaucoup plus commode pour nous de nous abstenir, comme l'ont fait d'autres avant nous, cette fois-ci on reprend les choses la base... 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
D'augmenter la durée de cotisations... 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Oui, tout à fait.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
... d'augmenter l'âge légal de départ à la retraite par exemple. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Exactement, de faire les choses disons pour le court terme, ce qui était nécessaire mais pas suffisant. Aujourd'hui il s'agit de refondre ça et encore une fois on pourrait très bien vivre ce quinquennat sans avoir fait une réforme de fond comme celle-ci, cela dit si tous les quinquennats raisonnent ainsi, à la fin nos enfants n'auront pas un système de retraite valable. Donc on travaille pour l'avenir de la France et de nos enfants tout simplement.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Qui sera concerné par la réforme, Jean-Michel BLANQUER ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Par définition, tout le monde, mais c'est vrai que si vous êtes plus âgé... 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Quelle tranche d'âges ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Ah, alors ça c'est évidemment ce que définira le Premier ministre justement quand il s'exprimera, il y aura une année de définie, cette année reste à préciser... 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Vous ne la connaissez pas.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
On sait que c'est après 1963, et que ça peut aller jusque quelque part dans les années 70, c'est cette fourchette-là.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
 On parle de 1973. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Par exemple. Admettons que ce soit 1973, chacun doit comprendre donc que si on est né avant 1973 on n'est pas concerné par la réforme, si on est après 1973 on peut être concerné, dans une proportion qui est petite si on est né en 74, un peu moins petite si c'est 75 et ainsi de suite, et par ailleurs ça peut être une très bonne chose pour quelqu'un d'être concerné par la réforme. Si vous êtes agriculteur, vous êtes drôlement content d'être concerné par la réforme. Si vous êtes une femme, vous êtes drôlement contente d'être concernée par la réforme, ça fait déjà beaucoup de monde. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Si on est enseignant aujourd'hui, on n'est pas très content d'être concerné par la réforme.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Alors si, si on est enseignant, on est un des grands gagnants de la réforme, vous verrez pourquoi. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Je vais y revenir. Mais, mesures d'économies imposées avant la mise en place de cette réforme 2025 ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Alors ça c'est un autre sujet qui se serait posé, même s'il n'y avait pas la réforme des retraites.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Oui, on est bien d'accord. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
La question de savoir si on a un système à l'équilibre en 2025. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Est-ce qu'on doit remettre les compteurs à zéro avant la mise place de cette réforme ou pas ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Eh bien le Premier ministre là aussi le précisera mercredi, mais là aussi, sur ces sujets il faut tous, nous tous les Français raisonner en responsabilités. De toutes les façons, à un moment donné, il faut qu'un système soit à l'équilibre. Alors est-ce qu'on le met à l'équilibre d'ici à 2025 ou sur une durée plus étalée, c'est au Premier ministre de le dire, là aussi en fonction de calculs plus généraux, mais qui doivent viser notre intérêt général, pas seulement l'intérêt général immédiat, mais l'intérêt général dans la durée des Français. Parce que c'est souvent facile de prendre des décisions qui sont populaires tout de suite, au détriment des générations futures. Ce n'est pas le raisonnement qu'a mené le président de la République, le président de la République a le souci de la France et de la France dans la durée, c'est-à-dire de nos enfants.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Jean-Michel BLANQUER, aujourd'hui encore des enseignants seront en grève et des établissements scolaires fermés. Hier je regardais les taux que vous avez communiqués, entre 42 et 51 % de grévistes dans le secondaire et le primaire, 42 dans le secondaire et 51 dans le primaire je crois, environ 70 % ont dit de leur côté les syndicats. Aujourd'hui, quels chiffres pouvez-vous avancer, que savez-vous ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Alors, aujourd'hui c'est plus difficile de donner un chiffre à l'avance puisque tout simplement il n'y a pas de déclaration préalable faite par les uns, les autres, mais d'après les premiers coups de sonde que j'ai pu donner, puisqu'on on arrive à le savoir département par département, on devrait être retombé vers 10 %, peut-être même un peu moins de 10 % de grévistes à l'Education nationale.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Aujourd'hui ? Un peu moins de 10 % de grévistes. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
 Oui.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
C'est beaucoup moins qu'hier alors.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Oui, mais comme prévu, puisque, heureusement, vu tout ce que j'ai dit oui sur le sujet, si vous voulez, il était tout à fait normal qu'on ait un fort taux de grève hier parce qu'hier c'était un jour où beaucoup de gens voulaient dire à quel point ils avaient des questions, une inquiétude, et encore une fois on l'entend et on le comprend, maintenant nous sommes capables quand même de donner des éléments extrêmement importants. Ce que j'ai dit... 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
C'est pour ça que je vous ai dit de venir.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Alors je vais vous répondre.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
En détails.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Ce que j'ai dit aux professeurs est en réalité extrêmement important, et ils l'entendent. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Ils l'entendent. Bien. Donc aujourd'hui moins de grévistes, peut-être que lundi il y en aura à nouveau, nous verrons bien Jean-Michel BLANQUER, nous verrons bien. Est-ce que toutes les mairies, parce que j'ai vu que vous n'étiez pas content devant ce qui se passait à Paris, est-ce que toutes les mairies remplissent leur rôle et accueillent comme il faut les enfants ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Dans l'ensemble oui, alors il y a évidemment des exceptions. Je voudrais d'abord rendre hommage à tous les maires qui ont réussi, m.a.i.r.e.s, qui ont hier réussi à faire le service minimum d'accueil, chaque fois que le taux de grévistes était supérieur à 25 %, et ça a été le cas je l'ai vu y compris dans des toutes petites communes où les maires ont payé de leur personne pour que cet accueil ait lieu, c'est quand même une très belle attitude. Donc vous le savez la loi prévoit cela depuis 2008, cette loi donc fait qu'on assure, nous, Education nationale, ce service minimum d'accueil avec nos personnels, quand la grève est inférieure à 25 % dans une école, et au-delà de 25 % c'est avec la mairie que ceci se passe... 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
La Mairie de Paris n'a pas vraiment fait son boulot, si j'ai bien compris.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
J'ai répondu avec modération et équilibre à une question de ce type qui m'était posée mercredi, parce que je constatais qu'en effet la Mairie de Paris était très en dessous de toutes les villes comparables.  J'ai vu que ça avait peut-être un peu agacé la Maire de Paris, j'en suis très Marie, mais c'est la réalité si vous voulez, donc je suis obligé d'être pragmatique, je regarde, je constate que madame HIDALGO fait mieux le service minimum quand il y a des grèves sous des gouvernements qu'elle aime bien, que quand c'est sous ce gouvernement.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bien, politique donc. C'est politique, réaction politique de sa part.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Je pense.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Comportement politicien de sa part. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Il me semble. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Jean-Michel BLANQUER, regardons l'inquiétude des enseignants, ensemble. Alors là nous allons répondre, vous allez me répondre franchement, j'en suis sûr, aux questions que je vais vous poser. Est-ce qu'avec la réforme les pensions de retraite des enseignants baisseront ?  Oui ou non ?

 JEAN-MICHEL BLANQUER  
Non, justement j'ai pris l'engagement que ces pensions ne baisseront pas, et d'ailleurs conformément à ce que le président de la République a dit dès la fin du mois d'avril, à la fin du mois d'avril lors de sa conférence de sortie du Grand débat, il a parfaitement expliqué, on peut reprendre les phrases, que pour arriver à ce que le système de retraite ne soit pas défavorable aux enseignants, on parle des enseignants nés à partir de la date dont on a parlé tout à l'heure... 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Oui, la date qui sera choisie.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Pour que ça ne leur soit pas défavorable, il y aura une amélioration des rémunérations. Ceci coïncide avec quelque chose que je dis depuis que je suis en fonction, c'est-à-dire on doit réussir à faire un effort pour les professeurs parce qu'il y a du retard en la matière et d'ailleurs vous-même lorsque vous avez fait votre consultation sur RMC, vous avez je me souviens 300 000 auditeurs, c'était la première réponse des Français c'était ce sujet-là. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Exactement.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Et donc, et vous m'aviez interrogé et je vous avais dit : mais je reconnais parfaitement ça. Et je vous avais annoncé qu'on le ferait, donc le fait de le dire aujourd'hui n'est que l'accomplissement de ce que nous disons depuis plusieurs mois, simplement c'est un sujet lourd et technique... 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bon, alors, après ça, nous allons entrer dans le détail.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Et c'est bien normal que nous le faisions méthodiquement, étape par étape.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Mais bien sûr, mais bien sûr. Alors, je voudrais préciser pour celles et ceux qui nous regardent, qui ne le sauraient peut-être pas, que les enseignants ont des primes, mais des primes qui sont moins importantes qu'ailleurs dans la Fonction publique, par exemple un enseignant du secondaire à une prime qui représente à peu près de 9 % de son traitement, dans le primaire c'est 4 % de son traitement. Ces primes-là, seront prises en compte dans le calcul, avec votre nouveau système, dans le calcul de leur retraite, on est bien d'accord. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
On est bien d'accord. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Mais c'est insuffisant. On est bien d'accord. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
On est bien d'accord aussi. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
C'est largement insuffisant. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
On est d'accord. 

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, pour que les pensions, les pensions ne baissent pas, puisque vous vous y êtes engagé, vous allez augmenter les salaires des enseignants ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
C'est cela.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Les salaires ou vous allez donner des primes aux enseignants ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Alors, il va y avoir forcément une part d'augmentation de salaire et une part d'augmentation des primes, dans des proportions qui restent à définir, et c'est justement l'objet du dialogue social que nous avons, qui n'est pas, qui ne commence pas demain matin, qui a commencé depuis le mois de septembre sur ces questions. Depuis septembre nous avons le Rapport Delevoye sur la table, nous avons organisé une réunion mensuelle avec l'ensemble des syndicats, nous avons fait ce que j'avais annoncé aussi, c'est-à-dire l'Observatoire des rémunérations, puisqu'il y a un million d'employés à l'Education nationale, il y a évidemment toute une série de sous-ensembles à regarder de très près, et c'est maintenant cette capacité technique qui nous permet de nous adapter dans les discussions futures, pour voir les augmentations de salaires et de primes qui permettront de créer ce rattrapage.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
  Donc il y aura des augmentations de salaires et des primes. Quelle proportion à peu près ? 

 JEAN-MICHEL BLANQUER  
Dans la proportion qui permettra, les deux cumulés, de ne pas avoir une baisse des pensions, donc garantir, et je dirais même plus... 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Oui, mais je ne sais pas, il pourrait y avoir 50 % de prime, 50 % de primes... 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
 C'est même encore mieux que ce que je suis en train de vous dire parce que ce que nous dirons dans la loi, dans la loi sur les retraites, et le Premier ministre s'y est engagé et c'est quelque chose de considérable et d'historique et d'inédit, nous nous engagerons dans la loi à dire que les pensions des professeurs ne seront pas inférieures aux pensions des fonctionnaires de catégorie A, comparables, ce qui n'est jamais arrivé jusqu'à présent. Et donc cette garantie elle est absolument considérable, elle sera dans la loi, elle sera consubstantielle à cette réforme des retraites, elle vaudra pour les décennies à venir, c'est donc pour les enseignants un progrès social incontestable. Voilà, le message est très clair.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bon, mais les primes, quel pourcentage de primes et quel pourcentage d'augmentation de salaires, ce n'est pas pareil.  

JEAN-MICHEL BLANQUER 
 Bien sûr, mais ça, ce pourcentage je ne suis pas en mesure de vous le dire aujourd'hui, puisque nous en discutons dans le cadre du dialogue social.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
C'est du 50/50, c'est ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Non, probablement, il est probable que les primes représentent une part plus importante, puisque c'est sur ce sujet-là qu'il y a un retard des enseignants.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Par exemple, aujourd'hui 9 % et 4 %, ça pourrait aller jusqu'à combien ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Ça pourrait être davantage, mais ça se discute, parce que par exemple tous les syndicats... 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Mais davantage c'est quoi ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Non, encore une fois, ce qui compte à la limite, ce n'est pas tellement ce pourcentage, c'est comment on arrive au résultat que nous voulons.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
D'accord. Alors... 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Le résultat que nous voulons c'est deux choses. C'est un, améliorer les rémunérations, deux, arriver à ce que les professeurs partent avec une bonne pension.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Donc si j'ai bien compris dès le 1er janvier 2021, on est bien d'accord, c'est bien la date ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Vous confirmez ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, le début du processus c'est 2021 sachant qu'en 2020 nous avons donné… 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
1er janvier 2021… 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Pardonnez-moi, nous avons donné des premiers signaux pour 2020 que certains trouvent insuffisants mais néanmoins j'avais dit il y a plusieurs mois dans la préparation du budget 2020 que nous faisions attention déjà à ce sujet. Il y a une amorce d'augmentation en 2020 mais c'est en 2021 qu'il y a… 

JEAN-JACQUES BOURDIN
 Augmentation des salaires et des primes, on est bien d'accord ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui ! 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Dès le 1er janvier 2021, combien ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je vais me répéter, nous sommes en discussion sur ces questions-là, ça prendra encore plusieurs mois dans le cadre de la préparation du budget 2021 et des prévisions pluriannuelles. Encore une fois si je vous donnais un chiffre maintenant certains diraient « mais il est vertical et autoritaire, décide du haut de son chapeau ». Aujourd'hui ce qui est très important, il faut bien mesurer quand même la complexité des choses, d'abord tout ce que nous disons… 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Oui, des mesures et la complexité et la colère des enseignants !  

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, écoutez, aujourd'hui il n'y a vraiment plus de raison de colère, cette colère a été attisée par exemple par des simulateurs qui disaient des choses inexactes. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Oui, je les ai vus ces simulateurs. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Aujourd'hui chaque enseignant de France doit bien comprendre que ce qui lui est garanti par la future loi c'est une pension qui sera égale à celle des fonctionnaires de catégorie A comparables. Encore une fois cette garantie n'a jamais été donnée dans le passé historiquement, c'est donc énorme. Deuxièmement, ce sera corrélatif à une augmentation des salaires, c'est très difficile de vous dire des nouvelles plus positives que celle-là ! 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
A partir du 1er janvier 2021 augmentation étalée dans le temps peut-être des salaires et des primes jusqu'à la mise en place de la réforme des retraites ? 

EAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, bien sûr et même au-delà puisque que vous devez tenir compte… 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Et même au-delà, sur combien d'années ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Ce que chacun doit comprendre, imaginons que le point de départ soit 1970, c'est une pure hypothèse, évidemment vous êtes un tout petit peu concerné si vous êtes né en 71, un peu plus en 72, un peu plus en 73, donc c'est progressivement… 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Ce sera lissé. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
…que ce sera lissé. A la fin quelle que soit votre année de naissance vous aurez une augmentation, ce sera plus important probablement si vous êtes en début de carrière, plus vous êtes jeune plus vous serez concerné, ce qui rendra d'ailleurs la carrière plus attractive pour les futurs professeurs. Et par ailleurs selon les domaines où on constate des retards dans le montant des salaires aujourd'hui la compensation sera plus grande. Par exemple les professeurs à l'école primaire sont plus en retard aujourd'hui qu'à l'enseignement secondaire, donc les augmentations seront forcément un peu plus importantes de ce côté-là. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN 
Plus fortes, les augmentations seront plus importantes pour les enseignants du primaire. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, bien sûr, puisque c'est là qu'il y a un retard plus important. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
C'est là qu'il y a un retard plus important et c'est là où il y a le moins de primes. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Mais il y en aura aussi pour l'enseignement secondaire. Encore une fois il y a des choses proportionnelles à votre âge et au domaine dans lequel vous exercez, le type d'activité que vous exercez. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Et le type d'activité, donc ce sera progressif. Quel sera le coût, vous avez déjà chiffré j'imagine, Bercy l'a fait, quel sera le coût de cet effort ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je vais vous répondre mais dans la ligne de la précédente question je voudrais quand même dire à quel point c'est l'occasion de montrer que nous sommes une démocratie sociale avec de la maturité parce que tout ce que je suis en train de vous dire en réalité est assez inédit dans l'histoire de l'Education nationale, c'est donc l'occasion de regarder l'ensemble des éléments qui composent le bien-être des professeurs. Ce que chaque Français doit comprendre c'est que ce bien-être au travail des professeurs c'est évidemment à la fin au service des élèves, c'est-à-dire que si nous réussissons à avoir de façon apaisée un contrat social autour de ce qu'est l'éducation au XXIème siècle, le temps qu'on y passe, la manière dont on travaille, la façon dont se déroule une carrière, les possibilités de seconde carrière, la façon dont on part à la retraite. Parce que par exemple quand on dit tout cela on peut aussi travailler, c'est ce que nous allons faire avec les organisations syndicales, sur ce qui se passe lors de vos dernières années de professeur, parfois vous avez envie de faire moins d'heures de cours, parfois vous avez envie de le faire différemment, comment tout ceci se discute, on doit pouvoir plus personnaliser le parcours des professeurs, changer peut-être certaines règles en matière de mutation pour plus personnaliser les désirs des uns et des autres. Tout ceci c'est l'occasion de faire de très bonnes choses pour améliorer la qualité de notre système éducatif, il est normal d'investir dans le système éducatif, c'est l'avenir du pays, c'est l'avenir de la Nation. Tous les pays du monde qui veulent progresser le feront d'ailleurs d'investir dans le système éducatif, c'est la même chose que pour la santé, la santé et l'éducation. Et ça aussi le président l'a très bien dit, c'est les deux piliers de cette économie du XXIème siècle pour tout simplement investir dans les compétences et dans la santé de chacun, sur ces deux éléments-là on peut avoir un vrai dialogue social. Et donc les moyens que nous allons mettre dans ce cadre-là ce n'est pas des moyens qui partent comme ça pour rien, c'est des moyens qui sont de l'investissement dans la qualité de l'éducation.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
De l'investissement, quel sera le coût ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Aujourd'hui le premier chiffre que j'ai commencé à donner, Gérald DARMANIN l'a fait hier aussi, c'est autour de 400 millions d'euros annuels qui s'ajoutent aux augmentations de toute façon programmées. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Ça va coûter 400 millions… 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
En plus du milliard annuel d'augmentation de l'Education nationale. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Ça va coûter de plus en plus cher ! 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non parce que… 

JEAN-JACQUES BOURDIN
  Non ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
D'abord ce chiffre est encore largement à affiner et ensuite encore une fois c'est sur plusieurs années, donc ça va s'accumuler année après année, le pourcentage du produit… 

JEAN-JACQUES BOURDIN
 400 millions sur 10 ans ça fait pas mal, ça fait quoi, quatre, cinq milliards, on ira jusqu'à 10 milliards d'euros ! 
JEAN-MICHEL BLANQUER 
C'est une programmation, je parle aussi à une échelle européenne, c'est comment est-ce que nos sociétés modernes investissent davantage dans leur éducation ? Vous voyez, aujourd'hui on dit 14 % de la richesse nationale est consacré aux retraites, on doit pouvoir dire, aujourd'hui c'est autour de 6,7 % de la richesse nationale consacrée à l'éducation, on doit pouvoir dire que demain… 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
On va passer à combien ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER
 Par exemple 7, 7 c'est un bon objectif, encore une fois tout ceci est à affiner mais c'est un objectif pour le monde entier ! Nous sommes en train de changer de civilisation, on entre dans un monde ultra technologique où on a besoin de mettre de l'humanité, de l'humanisme, et donc on a besoin des professeurs, on a besoin de cette humanité au quotidien pour nos élèves, on a besoin de gens qui s'occupent des enfants petits, même avant trois ans, c'est le plan « Mille jours » qu'a présenté le président de la République, on a besoin d'enseignants d'écoles maternelles. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Mais on a besoin aussi d'activité physique pour nos enfants et là on a un grand déficit en France, Jean-Michel BLANQUER… 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Exactement, absolument, et quand on investit de l'argent sur l'école primaire ou sur la petite enfance ou sur l'école maternelle par exemple c'est en réalité de l'argent qu'on n'aura pas à dépenser ensuite pour réparer des problèmes de la société, donc il peut y avoir une unité des Français autour de ces enjeux.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Oui, j'y tiens moi, l'activité physique, nous sommes peut-être l'un des pays au monde où on fait le moins de sport à l'école. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
C'est exact, il me semble que c'est ce que nous sommes en train de changer avec Roxana MARACINEANU et avec Tony ESTANGUET, vous savez, on travaille énormément pour que la dynamique Paris 2024. Je vais vous donner plusieurs exemples, par exemple la ministre des Sports a un intérêt très fort pour l'aisance aquatique, vous savez qu'elle est championne de natation, pour que tous nos enfants sachent nager. Nous avons un plan pour qu'à l'école maternelle nous soyons capables de proposer avec l'aide des associations des activités pour des groupes d'élèves de l'école maternelle pour aller à la piscine. J

JEAN-JACQUES BOURDIN 
A la sortir de la maternelle tous les enfants sauront nager ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, en tout cas ils seront habitués à l'eau, ils auront eu des moments, par exemple vous allez une demi-journée par jour pendant une semaine, vous avez trois ans, quatre ans, vous allez à la piscine par groupe de 10 accompagnés par une association agréée, c'est à ce genre de projet que nous travaillons, nous avons l'horizon 2024 pour monter progressivement vers cela, c'est un des exemples. Nous allons aussi faire un parcours sport-santé pour que tout élève de France ait à la fois une sorte de carnet qui l'accompagne sur sa santé et son activité physique. Parce qu'on constate un phénomène qui n'est pas propre à la France d'ailleurs mais qui est qu'à partir de la classe de sixième il y a deux activités qui baissent chez les enfants, la lecture et le sport, l'exercice physique. C'est évidemment très grave, c'est en général malheureusement au bénéfice des écrans disons, on doit inverser cette tendance, il faut qu'il y ait plus de lecture de la part des adolescents, plus d'activité physique. Je ne peux pas tout vous détailler là mais on veut profiter de la dynamique 2024 pour entre maintenant et 2024 avoir complètement changé la donne. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
J'ai une dernière question très politique à vous poser, Jean-Luc MELENCHON a déclaré « même Marine LE PEN dit qu'il faut manifester, c'est un grand progrès », vous avez été surpris par cette phrase ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
C'est une grande régression surtout parce que ça prouve qu'il y a un axe LE PEN/MELENCHON qui malheureusement n'est pas… 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Vous croyez, qui est en train de se dessiner ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je l'ai vu à plusieurs reprises, j'ai déjà vu je me souviens d'images où on voyait une député LFI faisant des politesses à madame LE PEN pour la laisser parler dans une conférence de presse commune. Ce sont des choses parfois qui peuvent surprendre mais pour qui fait un peu d'histoire qu'il y ait parfois malheureusement des ponts entre l'extrême-gauche et l'extrême-droite, c'est hélas une réalité, monsieur MELENCHON a un mérite, c'est malheureusement de l'expliciter. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Merci Jean-Michel BLANQUER d'être venu nous voir ce matin. 


Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 décembre 2019