Interview de Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, à BFMTV le 7 janvier 2020, sur la réforme des retraites, les attentats de 2015 et le communautarisme.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invitée, Nicole BELLOUBET, garde des Sceaux, ministre de la Justice, bonjour.

NICOLE BELLOUBET
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Le Premier ministre, Edouard PHILIPPE, sur RTL ce matin, a estimé que la proposition de conférence de financement de Laurent BERGER de la CFDT était une bonne idée. Alors, c'est quoi la conférence de financement ? C'est autour de l'âge pivot, 64 ans, on ouvre un grand débat, une grande conférence…

NICOLE BELLOUBET
Pas seulement je crois.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas seulement ? Ah bon !

NICOLE BELLOUBET
Non, parce que, au fond le Premier ministre a toujours dit que cette réforme des retraites, qui est une réforme de justice sociale, était aussi une réforme de responsabilité et qu'il fallait aboutir à un équilibre du système, un équilibre financier du système, c'est la condition même de la survie du système par répartition, où ceux qui travaillent payent pour ceux qui sont à la retraite. Et donc, cet équilibre financier, cette responsabilité liée à cela, ça va au-delà, je crois, de la simple question de l'âge pivot, ça l'englobe, mais il me semble que ça va au-delà, et là-dessus le PM, le Premier ministre, pardon, a toujours dit…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le PM…

NICOLE BELLOUBET
A toujours dit qu'il était favorable à cette réflexion.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord Nicole BELLOUBET, je veux bien, c'est ce que dit le président de la République. Il y a quoi ? Il y a la réforme par points, on change de système, on est d'accord, et parallèlement on garantit le financement, on est d'accord ?

NICOLE BELLOUBET
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, vous savez très bien que ça bloque, chez certains, notamment la CFDT, et d'autres, les syndicats dits réformistes, mais pas que…

NICOLE BELLOUBET
Il y a plusieurs choses qui bloquent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça bloque, 64 ans, ça veut dire qu'on retarde l'âge de départ à la retraite, donc ça bloque.

NICOLE BELLOUBET
Oui, mais ça s'accompagne… le Premier ministre a été très clair, il a toujours dit que, il faisait cette proposition de l'âge pivot parce qu'il considérait que c'était un des moyens d'assurer l'équilibre du système, mais il a toujours dit également que si les organisations syndicales, qui voulaient entrer dans cette réforme-là, proposaient des systèmes différents, il était prêt à les étudier et à les entendre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien c'est ce qu'a proposé Laurent BERGER.

NICOLE BELLOUBET
C'est ce qu'a proposé Laurent BERGER, et le Premier ministre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Une conférence de financement c'est quoi, ça veut dire quoi, il faut expliquer. Ça veut dire que parallèlement à la mise en place, aux discussions, autour, je ne sais pas, de la pénibilité, de…

NICOLE BELLOUBET
De la pénibilité, des carrières longues, du minimum…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On ouvre une conférence…

NICOLE BELLOUBET
Du minimum, également, de retraite, parce que c'est un point…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Du minimum de retraite, on est d'accord. On ouvre une conférence pour trouver les moyens de financer, de garantir le financement.

NICOLE BELLOUBET
Voilà, exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire on ouvre une conférence parallèlement. Si j'ai bien compris, pendant qu'on discute à l'Assemblée nationale du projet de loi, on pourrait ouvrir une conférence ?

NICOLE BELLOUBET
Mais, vous savez, le texte des retraites tel qu'il va être présenté en Conseil des ministres le 24 janvier, c'est un texte qui sera forcément un texte cadre, qui ne pourra pas entrer dans l'ensemble des détails, profession par profession, thématique par thématique, et donc bien entendu ce texte connaîtra des suites, et c'est cela, sans doute, qui pourrait être possible dans le cadre de ces négociations ultérieures.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, c'est-à-dire une conférence, en parallèle, qui permettrait de réfléchir collectivement, tous les syndicats, le gouvernement, ou seulement tous les syndicats ?

NICOLE BELLOUBET
Avec le gouvernement, j'imagine.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec le gouvernement, pour fixer les conditions financières de la réforme.

NICOLE BELLOUBET
Oui, à condition… le Premier ministre a été très clair, ce matin, il a dit précisément que si nous allions vers cela il faudrait qu'il y ait un contenu, un calendrier, un mandat précis, qui soit donné à cette conférence, c'est-à-dire qu'on ne s'engage pas dans quelque chose de flou, il y a des objectifs et cette responsabilité que nous devons porter collectivement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement, voilà une avancée, non, ce matin, depuis la proposition de Laurent BERGER ?

NICOLE BELLOUBET
Voilà, il y a eu la proposition de Laurent BERGER, la réponse ce matin du Premier ministre, le Premier ministre rencontre les organisations syndicales tout à l'heure, il faut que tout cela se concrétise.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça on est bien d'accord, mais il y a une avancée depuis dimanche soir.

NICOLE BELLOUBET
Je trouve que c'est un pas en avant qui est important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un pas en avant que le gouvernement fait en direction de Laurent BERGER, des syndicats réformistes.

NICOLE BELLOUBET
Des syndicats réformistes, puisque, évidemment cela suppose qu'on accepte d'entrer dans le régime universel, que l'ensemble des partenaires acceptent d'entrer dans le régime universel. Et par ailleurs, le Premier ministre là aussi a été très clair, on ne peut pas faire des avancées de manière unilatérale, c'est-à-dire qu'il faudra bien entendu que les organisations syndicales partenaires, là encore, fassent des avancées l'un vers l'autre, c'est l'art du compromis.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'art du compromis, rapide, demandé par le président de la République.

NICOLE BELLOUBET
Evidemment, nous ne pouvons pas rester dans cette situation de tensions sociales, ce n'est pas possible, ni pour le pays, ni pour nos concitoyens, il faut trouver ce compromis, il faut trouver cette solution.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'autant plus que le texte est déjà au Conseil d'Etat.

NICOLE BELLOUBET
Oui, mais c'est normal ça, lorsque vous avez un texte…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est normal, expliquez-nous quand même.

NICOLE BELLOUBET
Lorsque vous avez un texte qui doit passer en Conseil des ministres à une date précise il doit avoir, un mois auparavant, été présenté au Conseil d'Etat, mais au cours de l'examen par le Conseil d'Etat les choses peuvent évoluer, donc ce n'est pas bloquant…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il est peut être complété.

NICOLE BELLOUBET
Il peut être complété, il peut être modifié, c'est ce qu'on appelle des saisines rectificatives, tout cela est très courant…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, est-ce que ça veut dire, ce matin, que vous appelez, compte tenu de ces avancées qui vont être discutées aujourd'hui, et de ces propositions faites ici et là, est-ce que vous appelez ceux qui font la grève…

NICOLE BELLOUBET
Aujourd'hui, et dans les semaines qui viennent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous les appelez à cesser tout mouvement de grève ?

NICOLE BELLOUBET
Mais ça, évidemment, je les appelle à cesser tout mouvement de grève tout en respectant le droit de grève, mais, si vous voulez, je crois que nous sommes dans une phase de négociations extrêmement intense, et je crois qu'il est important, non pas qu'il y ait une pression, mais qu'il y ait au contraire une écoute attentive pour aboutir à cette solution.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, une pression, une pression… est-ce que demander la cessation d'un mouvement de grève c'est une pression ?

NICOLE BELLOUBET
Le droit de grève est un droit qui est reconnu.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord, ça c'est échappatoire.

NICOLE BELLOUBET
Non, non, ce n'est pas une échappatoire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non ?

NICOLE BELLOUBET
Non, mais ça fait 5 semaines…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça suffit ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, je trouve que là nous sommes vraiment en voie de négociations finales, j'espère qu'elles vont aboutir, donc je pense qu'il faut que chacun retourne à ses occupations.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et notamment les avocats, doivent retourner à leurs occupations…

NICOLE BELLOUBET
Oui, je le souhaite puisque…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Nicole BELLOUBET ?

NICOLE BELLOUBET
Bien sûr, je le souhaite, puisque, comme vous le savez, évidemment les avocats sont partie prenante de tous les contentieux, c'est même indispensable à notre Etat de droit, bref, ils sont vraiment partie prenante de tout le fonctionnement de la justice, ils ont une capacité de blocage de notre système…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils veulent désorganiser la mécanique judiciaire.

NICOLE BELLOUBET
Oui, très bien, mais je trouve que c'est dommage…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Très bien, non pas très bien !

NICOLE BELLOUBET
Je trouve que c'est dommage, parce qu'il y a les droits des justiciables qui sont ici en cause et que, évidemment, ils méritent d'être défendus, et je trouve que c'est d'autant plus regrettable que nous avons un dialogue constant avec les avocats, contrairement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas ce qu'ils disent.

NICOLE BELLOUBET
Oui, contrairement à ce qu'ils écrivent parfois. Et, je dois le dire ici clairement, nous avons rencontrés, à de très nombreuses reprises, les représentants des avocats, les trois représentants des avocats, c'est-à-dire le Barreau de Paris, les Barreaux de province et la Conférence nationale des Barreaux, nous les avons rencontrés à de nombreuses reprises, moi-même, avec Jean-Paul DELEVOYE, il y a quelques semaines, nous les avons rencontrés personnellement à deux reprises, ma porte est constamment ouverte, j'ai eu Madame FERAL-SCHUHL, qui est responsable des Barreaux, je l'ai eue au téléphone avant-hier, je lui ai fait des propositions de rendez-vous à nouveau, donc nous sommes en dialogue constant, et non seulement un dialogue formel, mais il y a des propositions concrètes qui ont été faites.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors regardons, parce que voilà ce que disent les avocats : pourquoi ce gouvernement n'entend-il que les professions qui bloquent ou qui menacent de bloquer la France ?

NICOLE BELLOUBET
Mais, non, mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Policiers, personnels navigants de l'aérien, les routiers, les marins…

NICOLE BELLOUBET
Non, ce n'est pas exact. Ce n'est pas exact.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?

NICOLE BELLOUBET
Si je prends mon ministère, les surveillants pénitentiaires n'ont pas bloqué les…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les surveillants pénitentiaires ont été entendus, ils vont conserver…

NICOLE BELLOUBET
Ils n'ont pas bloqué…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais ils vont conserver…

NICOLE BELLOUBET
Et ils vont entrer dans le régime universel…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment, ils conservent leur régime.

NICOLE BELLOUBET
Non, ils vont entrer dans le régime universel et on prendra en compte la dangerosité de leur fonction, comme cela a été exprimé. Pour les avocats, nous avons fait des propositions importantes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ont une caisse autonome, un régime autonome, qu'ils ne veulent pas perdre.

NICOLE BELLOUBET
Ils disent qu'ils ont un régime autonome, ce qui est absolument exact, et donc par principe ils formulent l'idée qu'ils ne veulent pas intégrer le régime universel. Ils disent le régime universel d'accord, mais pas pour nous. Mais, dès lors ce n'est plus un régime universel, il faut entrer dans le régime universel, et je leur ai proposé de faire évoluer un certain nombre de critères pour évidemment que ça ne les pénalise pas. Les cotisations hors retraite pourraient diminuer pour compenser la hausse des cotisations retraite, nous avons dit qu'ils garderaient leur réserve, nous avons également dit que la transition pourrait être très longue, et nous sommes ouverts à d'autres propositions. Tout cela leur a été dit, et l'ouverture que je dis aujourd'hui, que je formule à nouveau aujourd'hui, elle est réelle. Donc je souhaiterais, plutôt que de bloquer le fonctionnement des juridictions, qu'ils puissent venir à notre rencontre pour continuer de dialoguer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ils disent les cotisations passeront de 14 à 28 %…

NICOLE BELLOUBET
C'est ce que je suis en train de dire, pour éviter ce…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour ceux gagnant moins de 40.000 euros par an, c'est ce qu'ils disent, donc pour ceux qui gagnent le moins…

NICOLE BELLOUBET
Je réponds, Jean-Jacques BOURDIN je réponds à ceux-là…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui retraite minimum…

NICOLE BELLOUBET
Vous me laissez terminer, je réponds à ceux-là que, puisque les cotisations retraite augmenteront, nous allons baisser les cotisations hors retraite, de la sorte l'augmentation sera moindre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Lissée…

NICOLE BELLOUBET
Evidemment, par exemple pour le système…

JEAN-JACQUES BOURDIN
A zéro ?

NICOLE BELLOUBET
Non, pas à zéro…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Lissée.

NICOLE BELLOUBET
Laissez-moi terminer ; pour l'avocat qui gagne 40.000 euros ça pourrait faire une baisse de 8 points, qui est évidemment très importante, si nous ajoutons à cela la transition longue, si nous ajoutons à cela le fait que nous pourrions prendre en charge d'autres éléments qui viendraient abaisser ces cotisations, je pense qu'il y a de quoi négocier.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ils disent, avec notre caisse la retraite est au minimum de 1416 euros par mois.

NICOLE BELLOUBET
Et alors ? Et alors ? Qu'est-ce qui nous empêche de mettre en place un système de solidarité ? Cela nous sommes prêts à en discuter avec eux, c'est tout à fait possible.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, solidarité ?

NICOLE BELLOUBET
Eh bien les 1400 euros par mois que vous évoquez là, c'est une forme de solidarité puisqu'ils garantissent, finalement, aux avocats qui auraient le moins de revenus, ils garantissent cette solidarité minimale des retraites. Qu'est-ce qui empêche de réfléchir à un mécanisme contributif pour les plus hauts revenus des avocats qui nous permettrait de rendre bénéficiaire les avocats qui ont le moins de revenus au moment de leur retraite ? Tout cela est à construire, c'est cela que je veux faire avec eux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Nicole BELLOUBET, les attentats, Charlie, Hyper Cacher, c'était il y a, pour Charlie, c'était il y a 5 ans.

NICOLE BELLOUBET
Oui, et c'est toujours très douloureux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est toujours très douloureux. Les procès auront lieu au printemps…

NICOLE BELLOUBET
Oui, au mois de mai, absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
De mai jusqu'à juillet…

NICOLE BELLOUBET
Oui, parce qu'il y a…

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une question à vous poser. 5 ans après, qui ose aujourd'hui encore critiquer les religions, est-ce qu'il est encore possible de critiquer les religions aujourd'hui ?

NICOLE BELLOUBET
Vous voulez dire comme le faisait, comme le fait Charlie Hebdo ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, est-ce que c'est encore possible, est-ce que ça a évolué ?

NICOLE BELLOUBET
Je trouve que ce doit être toujours possible, parce que je crois qu'il y a une forme, à la fois de respect que l'on doit avoir par rapport à la liberté de conscience et à la liberté de religion, c'est dans notre Constitution, c'est dans notre Déclaration des droits, mais je trouve en même temps qu'il ne faut pas perdre de vue un regard satyrique, qui fait partie de la liberté d'expression, qui est finalement le propre, aussi, des démocraties. Et donc, je trouve que cet équilibre-là doit être préservé, chacun devant comprendre de quoi il s'agit.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Que disait le président de la République lors de ses voeux ? « Nous devons lutter avec détermination contre les forces qui minent l'unité de la Nation », c'est ce qu'il disait. « Je vois trop de divisions au nom des origines, au nom des religions. » Bientôt des annonces, début février.

NICOLE BELLOUBET
Oui, nous travaillons sur cette question du communautarisme, alors à la fois, je dirais sur un double volet, dans l'action et dans la répression. Dans l'action, parce que, au fond, dans les quartiers, où les phénomènes communautaristes sont les plus présents, je pense que le Premier ministre le dira, le président de la République également, il doit y avoir une action extrêmement puissante de l'Etat, des associations…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelle peut être cette action ?

NICOLE BELLOUBET
Travailler avec les associations, travailler avec les représentants de l'Etat…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'on ne travaille pas aujourd'hui avec les associations ?

NICOLE BELLOUBET
Si, Jean-Jacques BOURDIN, mais nous devons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement, les résultats ne sont pas là.

NICOLE BELLOUBET
Non, mais il y a peut-être à faire plus dans un certain nombre de lieux…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que la lutte contre le communautarisme est en panne !

NICOLE BELLOUBET
Non, je trouve que c'est excessif…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un peu excessif, oui, enfin bon !

NICOLE BELLOUBET
Lorsque vous prenez les quartiers de reconquête républicaine, où il y a eu, je dirais un coup de poing massif, en termes de présence des forces de l'ordre, en termes de justice, eh bien les choses évoluent, en termes d'éducation, en termes d'éducation les choses évoluent, mais il nous faut être, je crois, encore plus près. Donc je disais l'action, et également la répression…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, la répression, ça peut être quoi ?

NICOLE BELLOUBET
Je vais adresser, dans les jours qui viennent, des instructions aux procureurs généraux et au procureur de la République, pour rappeler l'ensemble du panel qui existe, en termes de répression pénale, lorsqu'il y a des actions qui interviennent au nom de la religion…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais lesquelles par exemple ?

NICOLE BELLOUBET
Par exemple lorsqu'on contraint des femmes à faire telle ou telle chose, lorsqu'on empêche, lorsque les gamins ne vont pas à l'école, sont déscolarisés et suivent des enseignements sur Internet qui ne sont pas conformes à l'idéologie républicaine, etc.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les parents seront pénalisés ?

NICOLE BELLOUBET
Je ne dis pas que les parents seront pénalisés, nous allons travailler, vraiment, pour que nous puissions – mais pourquoi pas d'ailleurs, dans un certain nombre de cas – nous allons travailler, vraiment, pour qu'il y ait un coup de poing et…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un coup de poing, vraiment ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, je crois que c'est important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Début février il va y avoir un coup de poing.

NICOLE BELLOUBET
Je ne sais pas si c'est début février.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez qu'il est temps. Est-ce que vous avez été frappée, comme moi, par ce qui s'est passé à Metz ? A Metz les forces de police sont intervenues, ont neutralisé un homme, qui s'apprêtait à porter des coups de couteau, cet homme a été blessé, eh bien les habitants, des jeunes, s'en sont pris aux policiers, parce que les policiers sont intervenus…

NICOLE BELLOUBET
Oui, je trouve que ce n'est pas acceptable…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Au nom du communautarisme.

NICOLE BELLOUBET
Ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas acceptable. Les forces de l'ordre sont là pour faire respecter l'ordre républicain, ce n'est pas acceptable.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas acceptable d'accord, mais c'est insuffisant, non, ce n'est pas acceptable ?

NICOLE BELLOUBET
Non, mais c'est déjà le constat de montrer que la République est présente partout. Ensuite, ce que je viens de vous dire à l'instant, il y a quelques secondes, est également très important, c'est-à-dire l'idée que sur certains territoires nous ayons vraiment une action massive en termes de service public, en termes de présence des associations, ça se traduira par des annonces concrètes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Lorsqu'on tue, la question est posée par certains, et certaines, et je la comprends, lorsqu'on tue au nom d'Allah, un vendredi avec un couteau, est-ce que l'excuse du déséquilibre mental tient, franchement ? Je vous pose la question.

NICOLE BELLOUBET
Les choses sont un peu plus compliquées, si vous parlez bien sûr de l'affaire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
De ce qui s'est passé à Villejuif.

NICOLE BELLOUBET
Sarah HALIMI…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puis Villejuif.

NICOLE BELLOUBET
Et Villejuif également, il faut… Nous sommes dans un Etat de droit, nous sommes dans un Etat de droit et dans un Etat de droit on ne juge pas les personnes qui sont irresponsables pénalement, je crois que c'est très important dans le cadre de cet Etat de droit. Quant à la définition de l'irresponsabilité pénale, c'est une définition qui est portée par des juges, dans des audiences publiques, où les parties civiles peuvent s'exprimer, et donc ces garanties de procédures sont, je le crois, la marque du respect de l'Etat de droit. Cela dit, si nous prenons par exemple l'affaire Sarah HALIMI, et je reçois, en suivant votre émission, je reçois le Grand Rabbin pour évoquer ces sujets-là, la reconnaissance de ce que c'était un crime antisémite a été faite par les juges, donc il y a…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Une bouffée délirante suite à une prise de cannabis rend irresponsable ? C'est-à-dire que si je prends du cannabis et si je suis en bouffée délirante je peux aller tuer quelqu'un, et je suis irresponsable ?

NICOLE BELLOUBET
Il était, au moment des faits, TRAORE a été, au moment des faits, en première instance, puisque vous savez qu'il y a – enfin par la chambre de l'instruction, de la cour d'appel, puisqu'il y a un recours qui a été formé – il a été considéré par sept experts comme ayant une bouffée délirante et six des sept experts ont reconnu que ça avait totalement aboli son discernement. Et donc, on retombe dans ces règles fondamentales qui font qu'on ne juge pas une personne qui est pénalement irresponsable.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce que le Parquet de Paris a annoncé l'ouverture d'une enquête sur Gabriel MATZNEFF pour viol sur mineurs, pourquoi ? Les faits sont prescrits non ?

NICOLE BELLOUBET
Le Parquet s'est saisi d'initiative, là encore c'est une règle de notre Etat de droit où le Parquet se saisit d'initiative, je vous rappelle que ce n'est pas la garde des Sceaux qui donne des instructions individuelles au procureur…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, c'est le Parquet.

NICOLE BELLOUBET
C'est le Parquet, et le Parquet, à la lecture du livre de Madame SPRINGORA, a considéré qu'il fallait ouvrir une enquête pour voir si les faits étaient prescrits…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Parquet suit l'opinion publique, si j'ai bien compris.

NICOLE BELLOUBET
Non, il ne suit pas l'opinion publique, il applique finalement la loi qui a été votée, que j'avais portée devant le Parlement avec ma collègue Marlène SCHIAPPA en 2018, qui est une loi qui finalement trouve là son application, puisqu'on avait dit, alors, que, au fond, en dessous de 15 ans on ne pouvait pas avoir de… enfin, les juges pouvaient apprécier si le consentement existait alors qu'il y avait une différence d'âge très importante. Nous sommes dans cette situation-là. Et le Parquet a considéré qu'il fallait voir, au-delà de la situation de l'auteur du livre « Le consentement », s'il n'y avait pas d'autres faits qui pouvaient également faire l'objet de…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que Gabriel MATZNEFF sera jugé un jour ?

NICOLE BELLOUBET
On n'en n'est pas là, on n'en n'est pas là du tout, c'est le Parquet qui a décidé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous pose simplement la question, sans prendre partie aucunement.

NICOLE BELLOUBET
J'entends bien, mais, d'une part moi je suis incapable de le dire, et nous en sommes au stade d'une enquête qui a été ouverte par le Parquet de Paris.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Nicole BELLOUBET d'être venue nous voir ce matin.

NICOLE BELLOUBET
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 janvier 2020