Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, à Sud Radio le 20 décembre 2019, sur la grève contre la réforme des retraites, l'impact sur les étudiants et Parcoursup.

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Intervenant(s) : 
  • Frédérique Vidal - Ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

PATRICK ROGER
Bonjour Frédérique VIDAL.

FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.

PATRICK ROGER
Je vais vous laisser avec Christophe BORDET pour toutes les questions politiques parce que nous sommes à Andorre pour ce Trophée Andros, on a pris des vacances avec un petit peu d'avance. Hier, en venant ici Frédérique VIDAL, on a vu évidemment dans les aéroports que c'était un peu la cohue, dans les gares, un peu partout, à qui la faute selon vous, aux syndicats réfractaires, ou au gouvernement incapable d'anticiper et de gérer la crise ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors, tout d'abord, en cette période où les gens partent en vacances, c'est vrai qu'on voit beaucoup d'affluence. Ce n'est évidemment pas le gouvernement qui bloque les trains actuellement, mais on voit que les syndicats les plus responsables ont appelé à cette trêve de Noël. Je crois que nous rentrons dans une période où les gens ont envie d'être dans un moment festif, d'aller retrouver leur famille, et je trouve que c'est bien normal qu'ils puissent le faire.

PATRICK ROGER
Quand vous dites les syndicats les plus responsables, vous pensez à l'UNSA bien évidemment, qui a levé le pouce si je puis dire, pour dire « voilà maintenant fait une pause », mais ça veut dire quoi, que la CGT est irresponsable ?

FREDERIQUE VIDAL
Non, ça veut dire que depuis le début on a des syndicats qui ont des positions qui sont extrêmement différentes sur cette réforme, donc ils défendent évidemment leurs opinions, et c'est tout à fait normal, il y a des syndicats qui estiment que le système dans lequel nous sommes ne peut pas continuer, et c'est évidemment aussi l'avis du gouvernement, c'est pour ça que nous proposons un autre système, les syndicats adhèrent à cette proposition et à l'idée que…

PATRICK ROGER
Enfin adhèrent, adhèrent, tout est relatif quand même !

FREDERIQUE VIDAL
Non, mais je crois que c'est très important de rappeler que sur la question d'un système qui soit lisible, plus compréhensible, plus juste, il y a des syndicats qui adhèrent à cela.

PATRICK ROGER
Non mais tout le monde veut une réforme, et vous le savez bien, sauf que la plupart des syndicats ne veulent pas de votre réforme.

FREDERIQUE VIDAL
Alors, je ne peux pas tout à fait vous laisser dire ça, je crois que, il y a des avancées qui sont saluées par certains syndicats, il y a des syndicats qui réclament depuis longtemps une réforme telle que nous la proposons, à points, plus lisible, plus juste. Il y a encore des ajustements à faire, il y a encore des discussions, c'est pour ça que le Premier ministre les recevaient encore hier et avant-hier et les recevra encore en janvier pour qu'on avance.

PATRICK ROGER
Alors justement, puisque vous parlez du Premier ministre, hier Edouard PHILIPPE a dit qu'il était reconnaissant et admiratif des Français qui galèrent. C'est étrange comme déclaration non ?

FREDERIQUE VIDAL
Non je crois que c'est reconnaître aussi qu'il y a énormément de gens qui sont très très impactés par ces grèves et qui néanmoins trouvent des moyens pour rejoindre leur travail, à pied, à vélo, prennent leur voiture, se lèvent beaucoup plus tôt, et font en sorte que le pays ne soit pas totalement paralysé.

PATRICK ROGER
Oui, mais vous croyez que les Français concernés sont admiratifs et reconnaissants de la galère dans laquelle le gouvernement les a plongés ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors, une fois de plus, c'est votre analyse de dire que le gouvernement les a plongés dans cette galère. Cette réforme des retraites elle était…

PATRICK ROGER
Gouvernement et syndicats sont coresponsables de la situation actuelle dans les transports, au quotidien !

FREDERIQUE VIDAL
Une fois de plus je ne pense pas que ce soit, ou alors je n'ai pas…

PATRICK ROGER
Sortons de la langue de bois, disons les choses.

FREDERIQUE VIDAL
Je n'ai pas été informée du fait que le gouvernement bloque les trains actuellement. Il y a des discussions, les syndicats sont autour de la table, à chacune de ces réunions il y a des avancées qui sont faites, il y a beaucoup de choses qui ont été mises dans cette réforme, qui viennent des propositions portées par les syndicats, ensuite il y a ceux qui veulent continuer à avancer et à faire progresser le système, à l'améliorer, à le rendre plus juste, et puis ceux qui ont décidé que, non, on ne changera rien.

PATRICK ROGER
Vous dites le gouvernement n'y est pour rien dans ce qui se passe aujourd'hui, mais beaucoup disent aussi que le gouvernement a fait un pari, présenter cette réforme 15 jours avant les fêtes de Noël, en se disant « oui, ça va grogner, mais comme il y aura les fêtes, tout le monde va se calmer bien tranquillement », sauf qu'en réalité ça a tourné au vinaigre, ce n'est pas le scénario qui s'est produit et le résultat il est ce qu'il est aujourd'hui. Vous n'auriez pas pu présenter cette réforme début janvier pour ne pas embêter les Français ?

FREDERIQUE VIDAL
Vous savez que cette réforme elle est travaillée depuis maintenant presque 2 ans, plus de 2 ans…

PATRICK ROGER
Justement, il y avait le temps.

FREDERIQUE VIDAL
Elle a été, un premier rapport a été remis, beaucoup de choses étaient sur la table depuis cet été. On nous a beaucoup reproché d'annoncer des réformes sans les avoir discutées et sans les avoir fait évoluer avant de les annoncer, nous avons cette fois-ci discuté, pris des propositions qui venaient des syndicats…

PATRICK ROGER
Visiblement il y a eu des discussions, mais pas des négociations, résultat on en est là où on en est aujourd'hui.

FREDERIQUE VIDAL
Non, non, une fois de plus…

PATRICK ROGER
C'est ce que disent tous les syndicats.

FREDERIQUE VIDAL
Non, je pense que ce n'est pas ce que disent tous les syndicats, c'est ce que dit la CGT, c'est ce que dit FO, il y a des syndicats qui sont autour de la table, la CGT et FO aussi d'ailleurs, puisqu'ils étaient présents une fois de plus, et qui continuent à travailler pour améliorer cette réforme.

PATRICK ROGER
Mais enfin, il y a eu des négociations, mais par exemple, sur l'âge pivot à 64 ans la CFDT est tombée de sa chaise, ce n'était pas prévu dans le programme.

FREDERIQUE VIDAL
Alors, ça fait partie des choses qui ont été mises sur la table en termes de discussions, depuis l'été en réalité, puisque ça faisait partie du rapport qui avait été remis par Monsieur DELEVOYE. Mais, une fois de plus, je crois que, on se focalise beaucoup sur ce sujet-là, il y a beaucoup de gens qui aujourd'hui partent à la retraite à 67 ans, parce que c'est l'âge actuel auquel on ne subit plus la décote, il faut se rappeler que dans la réforme qui est en cours d'application, de la loi Touraine, de toutes les façons il était prévu que l'on travaille jusqu'à 64 ans, je rappelle que…

PATRICK ROGER
Oui, parce qu'on doit avoir 43 ans…

FREDERIQUE VIDAL
Je rappelle que l'âge légal de départ à la retraite reste 62 ans, et ça peut même être 60 ans pour les carrières pénibles et les carrières longues, donc voilà. Je crois que, il faut sortir de cette opposition et regarder les points sur lesquels on peut encore avancer pour améliorer.

PATRICK ROGER
Dites-moi, Edouard PHILIPPE est insensible à la souffrance des Français, Frédérique VIDAL ?

FREDERIQUE VIDAL
Non, pas du tout.

PATRICK ROGER
C'est la question qu'on se pose quand même.

FREDERIQUE VIDAL
Pas du tout, vraiment, le Premier ministre est quelqu'un qui a énormément, et il l'a dit hier, énormément de respect, énormément de considération, énormément d'empathie pour les Français. Nous savons très bien, nous observons, nous nous croisons nos concitoyens en permanence, et nous savons que c'est très difficile pour eux, mais nous savons aussi que, ils ont fait le choix, soit du télétravail, soit de venir travailler quand même…

PATRICK ROGER
Oui, enfin le télétravail c'est une journée par-ci, par-là, mais ce n'est pas en permanence…

FREDERIQUE VIDAL
Et ça, ça dit quelque chose…

PATRICK ROGER
Ce n'est pas la solution miracle.

FREDERIQUE VIDAL
Ça dit quelque chose, je crois…

PATRICK ROGER
66 % des Français continuent de soutenir le mouvement selon un sondage ce matin, vous êtes en train de perdre la bataille de l'opinion, non ?

FREDERIQUE VIDAL
Une fois de plus, ce n'est pas une bataille, le Premier ministre l'a dit, ce n'est pas une guerre qu'on engage. On sait qu'on a un système de retraites qui ne peut pas continuer comme ça…

PATRICK ROGER
Oui, mais 66 % des Français qui ne soutiennent pas.

FREDERIQUE VIDAL
Non, non, non, ce n'est pas 66 % des Français qui ne soutiennent pas la réforme.

PATRICK ROGER
Qui ne sont pas d'accord avec vous.

FREDERIQUE VIDAL
C'est 66 % des Français qui comprennent les raisons pour lesquelles ceux qui sont aux régimes spéciaux, à la SNCF ou à la RATP, ne souhaitent pas que ça change.

PATRICK ROGER
On n'a pas la même lecture.

FREDERIQUE VIDAL
Eh bien non !

PATRICK ROGER
On parle de tensions entre PHILIPPE et MACRON, le ministre DARMANIN qui dit que « MACRON devrait s'entourer de personnes qui boivent de la bière et mangent avec les doigts », sous-entendu MACRON et son entourage vivent dans un autre monde, c'est comme ça que l'on pourrait traduire ce qu'a dit DARMANIN ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors, je ne l'ai pas entendu…

PATRICK ROGER
La déconnexion ?

FREDERIQUE VIDAL
Je n'ai pas entendu ça, je vous assure que…

PATRICK ROGER
Vous êtes déconnectée Frédérique VIDAL ?

FREDERIQUE VIDAL
Non.

PATRICK ROGER
Vous vous sentez déconnectée ?

FREDERIQUE VIDAL
Non, pas du tout, je ne me sens pas déconnectée, et le président de la République n'est évidemment pas déconnecté non plus, et, une fois de plus, nous étions en Conseil des ministres mercredi, et je vous assure qu'il n'y a aucune différence entre le point de vue du président et le Premier ministre.

PATRICK ROGER
Alors, parmi les victimes collatérales de ces mouvements de grève, il y a des étudiants qui ont vu leurs examens reportés, ça concerne beaucoup de monde, vous avez des nouveaux chiffres ?

FREDERIQUE VIDAL
C'est quelques milliers sur un peu plus de 2,5 millions d'étudiants. C'est extrêmement difficile pour eux évidemment, parce que quand on se prépare à des examens c'est toujours compliqué qu'ils soient reportés. Il y en a une petite partie qui se dit que finalement ils pourront profiter de 15 jours de plus pour réviser. C'est vrai que les grèves des transports impactent sur tout, y compris sur les examens.

PATRICK ROGER
Comment ça va se passer pour ces étudiants, donc en janvier ils vont repasser… ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors, soit les épreuves sont reportées, de manière à ce que tout le monde puisse s'y rendre de façon sereine, quand on se demande si on va avoir un moyen de transport ce n'est évidemment pas bon avant d'aller passer un examen, et puis dans d'autres cas, lorsque le contrôle continu est installé il y a déjà eu des notes sur le semestre, et comme ce sont des partiels…

PATRICK ROGER
Non, parce qu'il va y avoir encore des manifestations, vous l'avez vu, le 9 janvier prochain, à l'appel de la CGT et de Force Ouvrière notamment, ce n'est pas fini, la grève continue.

FREDERIQUE VIDAL
Alors, tout ce que les universités, qui sont concernées et qui ont dû reporter les examens, sont en train de mettre en place c'est justement de faire en sorte qu'on puisse positionner les examens sur des journées où les étudiants aient le temps d'arriver pour les passer.

PATRICK ROGER
Dites-moi, le Premier ministre a dit que les enseignants pourraient bénéficier d'une retraite progressive, c'est-à-dire ?

FREDERIQUE VIDAL
Non, ce qu'a dit le Premier ministre c'est que…

PATRICK ROGER
C'est quoi une retraite progressive ?

FREDERIQUE VIDAL
En ce qui concerne les enseignants, en ce qui concerne les chercheurs aussi, on a aujourd'hui un nécessaire besoin de revalorisation des salaires, de façon à ce qu'il n'y ait pas de perte dans les pensions, et c'est une catégorie qui est très particulière parce qu'il y a très peu de primes et donc il faudra qu'on compense ce manque de primes actuel, et donc c'est une compensation qui se fera de façon progressive. Et après il faut qu'on travaille la transition, et cette transition il faut qu'elle soit, le Premier ministre y insiste, et ça c'est vrai pour toutes les catégories de personnel, il faut qu'elle soit la plus douce et la moins brutale possible.

PATRICK ROGER
Oui, parce que dans les chiffres qui ont été avancés pour les enseignants ça fait une augmentation de 50, 40 euros par mois, en gros, alors que, eux, disent « à la retraite on va perdre entre 400 et 500 euros », donc c'est quand même… il y a un décalage.

FREDERIQUE VIDAL
Non, une fois de plus, je ne sais pas d'où sortent ces chiffres-là.

PATRICK ROGER
Mais c'est eux qui le disent, les syndicats enseignants.

FREDERIQUE VIDAL
Absolument, mais, une fois de plus, je ne sais pas d'où sortent ces chiffres-là parce que l'engagement qui a été pris c'est que les pensions ne baisseront pas pour ces catégories de personnel, et si ça signifie qu'il faut revaloriser les primes dans le temps de façon à ce que, au final, les pensions ne baissent pas, ça fait quand même plus d'argent chaque mois pendant toute la période active, pour au final la même retraite, il n'y a pas du tout de perte de ce point de vue-là.

PATRICK ROGER
Dernière question, c'est le jour J pour Parcoursup…

FREDERIQUE VIDAL
Oui, c'est l'ouverture…

PATRICK ROGER
Ça y est, il faut s'inscrire sur la plateforme, c'est parti ?

FREDERIQUE VIDAL
Non.

PATRICK ROGER
Non, pas encore.

FREDERIQUE VIDAL
Aujourd'hui c'est l'ouverture de la consultation de la plateforme, et puis…

PATRICK ROGER
Donc il faut y aller quand on est lycéen, qui est concerné ?

FREDERIQUE VIDAL
Il faut aller regarder, les lycéens, leurs parents évidemment, ceux qui veulent se réorienter, et puis il y a une nouveauté cette année, c'est pour toutes les personnes qui souhaitent reprendre leurs études, après les avoir interrompues, un module particulier dans Parcoursup, qui s'appelle « ParcoursPlus », et qui permet d'avoir accès à des formations qui vont être plus spécifiquement dédiées à des gens en reprise d'études.

PATRICK ROGER
Et ça va marcher ?

FREDERIQUE VIDAL
Ça a marché l'an dernier…

PATRICK ROGER
Il y avait eu des problèmes quand même l'an passé !

FREDERIQUE VIDAL
Ça a globalement extrêmement bien marché.

PATRICK ROGER
Merci Frédérique VIDAL, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.

FREDERIQUE VIDAL
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 janvier 2020