Texte intégral
HELENE ROUSSEL
Frédérique VIDAL, bonjour.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
HELENE ROUSSEL
Les questions des auditeurs dans une dizaine de minutes. Frédérique VIDAL, 29e jour de grève contre la réforme des retraites, du jamais vu en 33 ans, la réforme qui inquiète profondément les enseignants. Le président, dans ses voeux mardi soir, a confirmé qu'il y aura une revalorisation, une compensation, de combien ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, le président de la République avait indiqué, de façon générale, qu'il y avait une paupérisation du métier d'enseignant, et dès son discours de sortie du Grand débat il avait dit que nous devions travailler à cette revalorisation des salaires des enseignants, c'est Jean-Michel BLANQUER évidemment qui est en charge de ce dossier et qui y travaille avec les représentants des personnels, qui continue à y travailler, il reçoit d'ailleurs à nouveau tout le monde au mois de janvier. L'objectif c'est que nous ayons, dans notre pays, des enseignants qui soient mieux reconnus, sur le plan du salaire, mais aussi, je crois, de façon générale, mieux reconnus pour ce qu'ils nous apportent, c'est-à-dire leur capacité à éduquer nos enfants.
HELENE ROUSSEL
Donc on ne sait pas encore, au niveau du salaire, ni combien, ni pour quand ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, les négociations sont en cours, on a un ordre d'idée, il s'agit de plusieurs milliards d'euros, il y a 1 million d'enseignants, un peu plus d'1 million d'enseignants en France, donc voilà, c'est un effort considérable, mais c'est aussi un investissement dans l'avenir, beaucoup plus qu'une contrainte en réalité.
HELENE ROUSSEL
C'est donc une augmentation de salaire, pas de prime dont on parle ?
FREDERIQUE VIDAL
On parle d'une augmentation de la rémunération, la façon dont cette augmentation sera faite, ça je dois dire que c'est encore en discussion.
ALEXANDRA BENSAID
Frédérique VIDAL, les enseignants, et notamment les enseignants du supérieur aussi, sont toujours inquiets, ils se demandent s'il y aura des contreparties à ces compensations.
FREDERIQUE VIDAL
Alors, c'est très différent entre les enseignants et les enseignants chercheurs dans le supérieur. Dans le supérieur nous travaillons, depuis le mois de février, à une loi de programmation de la recherche, qui a trois volets, dont un volet d'attractivité des carrières, de l'ensemble des carrières scientifiques d'ailleurs, pas uniquement celle des enseignants chercheurs et des chercheurs, mais aussi des personnels administratifs, techniques, ingénieurs etc., parce que la recherche c'est aussi un domaine qui prépare l'avenir et donc il faut investir dans ce domaine. Donc, pour ce qui concerne les enseignants chercheurs, les chercheurs, et de façon général tous les personnels de la recherche, nous avons commencé les discussions depuis plusieurs mois maintenant, justement pour savoir comment est-ce que nous pouvons éviter que des jeunes, qui ont des diplômes extrêmement élevés, finalement partent à l'étranger pour faire de la recherche, et comment est-ce que l'on peut les faire revenir, les garder, attirer les meilleurs talents en France.
ALEXANDRA BENSAID
Mais payer mieux cela suppose, donc la question est, payer mieux est-ce que ça suppose des contreparties, plus de temps, plus de temps de travail par exemple ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors sur la question des chercheurs et des enseignants chercheurs, une des choses que nous avons constaté ensemble, avec les personnes concernées et avec leurs représentants, c'est qu'ils passent de plus en plus de temps à faire des tâches qui ne relèvent pas directement de leur métier, de plus en plus de tâches administratives, de plus en plus de choses qui ne relèvent pas du tout de leur coeur de métier, et donc l'objectif, dans cette loi de programmation de la recherche, c'est vraiment aussi de simplifier énormément les choses de manière à ce que les chercheurs, les enseignants chercheurs, puissent se consacrer au coeur de leur métier. C'est de cette façon-là que nous travaillons.
HELENE ROUSSEL
Madame la ministre, on reviendra sur cette loi recherche. Certains syndicats, pour rester sur la réforme des retraites, appellent à une reprise des blocages la semaine prochaine, vous savez, en particulier le 9 janvier. Le 9 certains étudiants ont des partiels qui ont déjà été décalés, qu'est-ce que vous conseillez, que doivent faire les universités ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors les universités, avec lesquelles évidemment je suis en relation sur ces sujets, s'organisent de façon à ce qu'il y ait le moins d'impact possible sur ces examens, donc il y a quelques universités, plutôt quelques facultés au sein des universités, qui ont décalé les partiels qui devaient avoir lieu en décembre, certains sont passés sur du contrôle continu, puisqu'il y avait déjà plusieurs notes, d'autres ont reprogrammé ces examens. Ce qui est important c'est que ces examens puissent se tenir dans les meilleures conditions pour les jeunes, c'est vrai que c'est très stressant d'avoir un partiel le jour où on sait que ça va être extrêmement compliqué de se déplacer, où il y a beaucoup de manifestations, etc., mais chaque établissement est en train de prendre ses dispositions de façon à ce qu'il y ait le moins d'impact possible sur les étudiants.
ALEXANDRA BENSAID
29e jour de grève en effet, c'est le conflit le plus long à la SNCF depuis 30 ans, Frédérique VIDAL, on a entendu, lors de ses voeux, Emmanuel MACRON qui demande un compromis rapide à Edouard PHILIPPE, mais qui peut douter que tout se décide à l'Elysée en réalité ?
FREDERIQUE VIDAL
Ecoutez, les discussions elles ont lieu à Matignon, elles ont lieu avec le Premier ministre, avec Agnès BUZYN, elles se déroulent essentiellement à Matignon, donc c'est le Premier ministre qui est en charge de ce dossier, avec l'ensemble du gouvernement, nous y travaillons tous, nous recevons tous les syndicats, sectoriels si je puis dire, le Premier ministre voit les organisations nationales, il les revoie le 7…
ALEXANDRA BENSAID
Et le chef de l'Etat ?
FREDERIQUE VIDAL
Le chef de l'Etat a donné, et il l'a rappelé lors de ses voeux, l'objectif de cette réforme, et c'est maintenant au gouvernement et au Premier ministre de trouver la solution pour la mettre en pratique.
HELENE ROUSSEL
Frédérique VIDAL, à propos des étudiants, on en a beaucoup parlé ces derniers mois, 20 % d'entre eux vivent toujours aujourd'hui sous le seuil de pauvreté en France, qu'est-ce qu'on fait en 2020 pour que ça change ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, on a déjà fait beaucoup de choses et on continue à travailler avec les représentants des étudiants. Les chiffres du seuil de pauvreté peuvent être variables et on ne va pas en discuter, selon l'enquête de l'Observatoire de la vie étudiante c'est 5 %, d'autres annoncent 20 %, peu importe, la réalité c'est qu'effectivement…
HELENE ROUSSEL
C'est trop.
FREDERIQUE VIDAL
C'est toujours trop. Donc, nous avons déjà avancé beaucoup avec les organisations, en supprimant les 217 euros annuels de cotisation de Sécurité sociale, nous avons revalorisé les bourses de 46 millions d'euros, nous avons gelé les loyers du CROUS, nous avons fait en sorte qu'il ne puisse pas y avoir de… que la trêve hivernale soit aussi appliquée dans les résidences universitaires, ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant, et nous continuons à travailler, dans le cadre du revenu universel d'activité, de façon à ce que nous ayons des étudiants qui puissent consacrer la majorité de leur temps à leurs études, c'est le principal.
HELENE ROUSSEL
Le gel des loyers en cité U, pas de baisse donc ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, c'est un gel des loyers qui a été mis en place.
ALEXANDRA BENSAID
Il y a eu beaucoup de reportages, Frédérique VIDAL, sur l'état du logement dans les CROUS, est-ce qu'il va y avoir plus d'argent pour des travaux ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument, et donc ça a été programmé dès 2017 en fait, et donc la réhabilitation des logements CROUS, le fait que toutes les cités universitaires soient accessibles aux étudiants handicapés, et qu'il y ait des chambres qui soient accessibles dans toutes les résidences universitaires, pas forcément toutes les chambres, mais en tout cas des chambres accessibles dans toutes les résidences universitaires, tout ça a été budgété, et tout cela est programmé pour la fin de l'année 2021.
HELENE ROUSSEL
175.000 places de CROUS, 1,5 million d'étudiants inscrits, est-ce que le sujet ce n'est pas finalement de bâtir du neuf ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, évidemment la question de bâtir se pose, et d'ailleurs dans le plan logement il y a 60.000 logements qui sont prévus pour justement les étudiants, sur les 80.000 logements au total, il y en a déjà un petit peu plus de 20.000 qui ont été construits, livrés, programmés, il faut qu'on accélère là-dessus. La vraie difficulté, en réalité, ce n'est pas tant les budgets pour les constructions, puisque, comme je vous le disais, ils ont été prévus, que le foncier. Dans les villes universitaires dans lesquelles il y a énormément de pression pour loger les étudiants, on a un vrai problème pour trouver du foncier, et donc ce sont à chaque fois désaccords qui doivent être passés, avec les municipalités, avec les intercommunalités, pour trouver les terrains.
ALEXANDRA BENSAID
Le numéro d'appel d'urgence que vous avez annoncé le 19 novembre pour que les étudiants aient accès plus rapidement à une assistante sociale, c'est fait ?
FREDERIQUE VIDAL
Ce sera fait à partir de la semaine prochaine, dans les tout prochains jours, nous sommes en place, et donc ce numéro va être effectivement actif. Je crois que ce qui est très important c'est de rappeler que nous avons, chaque année, en plus des 2,7 milliards d'euros qui sont consacrés aux bourses sur critères sociaux, c'est 5,7 milliards d'euros en tout, les aides aux étudiants en France, plus spécifiquement 2,5 milliards sur les bourses sur critères sociaux, et nous avons aussi des fonds d'aide qui sont destinés à venir en aide aux étudiants qui ont des problèmes ponctuels, ou des problèmes de plus long terme, mais qui en tout cas n'avaient pas été identifiés au moment de l'attribution des bourses, c'est 68 millions d'euros qui sont consacrés à cela chaque année, et chaque année à la fin de l'année, on constate que environ 15 millions d'euros ne sont pas consommés, et donc l'objectif de ce numéro c'est bien que chaque étudiant puisse savoir à quoi il a droit et où est-ce qu'il doit s'adresser pour avoir ces aides.
ALEXANDRA BENSAID
Ce numéro ce sera lequel et combien de personnes en plateau pour répondre aux appels ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, les choses sont train d'être calées, je n'ai pas encore le numéro, sinon je vous l'aurais donné bien volontiers, mais…
ALEXANDRA BENSAID
Mais il y aura beaucoup de monde pour répondre ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument. L'idée, que les choses soient claires, ce n'est pas que l'on traite les dossiers en ligne, mais c'est que, en ligne, il y ait des gens qui soient capables, en fonction de la situation décrite par l'étudiant, eh bien de les adresser au bon endroit et de leur dire quel type de dossier et à qui ils peuvent s'adresser pour avoir ces aides.
HELENE ROUSSEL
Ce mouvement contre la précarité étudiante, Frédérique VIDAL, a commencé avec ce jeune homme de 22 ans, Anas K, qui s'est immolé par le feu début novembre, c'était devant le CROUS de Lyon, il était dans le coma aux dernières nouvelles, vous en avez plus ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, en fait sa situation est toujours extrêmement compliquée. Ça a suscité évidemment beaucoup d'émotion, j'ai été moi-même extrêmement touchée par ce geste. Je crois que, au-delà de ça, ce qui est important, c'est que nous puissions faire en sorte que, en France, les jeunes puissent étudier s'ils le souhaitent, et ce quels que soient leurs revenus et quel que soit leur contexte social, c'est vraiment un travail de fond, c'est un travail qui est extrêmement difficile. Il y a énormément de guichets, des guichets qui relèvent de l'Etat, des guichets qui relèvent des régions, parfois même des métropoles, et donc c'est pour ça que nous continuons à travailler avec les organisations étudiantes pour trouver des solutions.
ALEXANDRA BENSAID
Tout à l'heure vous avez mentionné le revenu universel d'activité, qui est en effet un dossier sur la table, mais il est prévu pour 2023 ce RUA, est-ce qu'on n'a pas là un gros problème de temps, de durée, avant qu'il existe, qu'il concerne les jeunes de moins de 25 ans, et puis surtout l'incertitude d'une présidentielle ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, en fait il y a plusieurs volets dans le RUA, et il y a notamment un volet, sur lequel nous travaillons avec Gabriel ATTAL, qui est un volet spécifique pour les étudiants, et donc ce que nous faisons, avec les organisations étudiantes, c'est justement essayer de regarder qu'est-ce qui va être le plus efficace, et si ça peut se mettre en place plus rapidement, notamment avec un système de guichet unique, évidemment vers ça que nous irons.
HELENE ROUSSEL
Un problème de temps c'est aussi le cas avec votre loi recherche, Frédérique VIDAL, présentée en février, appliquée seulement 2021, c'est long, c'est un trou d'air entre temps, un risque même de décrochage de la France par rapport à d'autres pays comme l'Allemagne, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, on peut continuer, c'est milieu très compétitif. Qu'est-ce que vous dites aux chercheurs doctorants qui nous écoutent ce matin, qui sont payés parfois à peine plus d'un SMIC et demi ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, effectivement, c'est une loi que le Premier ministre m'a demandé de travailler depuis le mois de février, c'est une loi qui est extrêmement attendue, dans le sens où nous savons, depuis en fait de très nombreuses années, qu'il faut investir dans la recherche, et depuis de très nombreuses années nous voyons que cet investissement ne se produit pas. Depuis 2017, et si on compte le budget 2020 qui a été voté, c'est +1,8 milliard d'euros. Ce n'est pas suffisant, nous devons travailler sur les trois volets, comment est-ce que l'on refinance à bon niveau la recherche, parce que, vous avez raison, il y a un vrai risque de décrochage par rapport à d'autres pays qui investissent énormément, c'est un risque qui commence à se voir parce que nous n'avons pas investi depuis bien trop longtemps, et on commence à voir les effets de ce non-investissement, il faut être capable d'inverser la courbe. C'est pour ça que nous avons travaillé, évidemment, avec trois groupes, qui avaient pour vocation de récupérer l'expression, mais nous avons aussi travaillé beaucoup, beaucoup, avec la base, moi j'ai passé énormément de temps, dans des réunions, dans des assemblées générales, pour écouter les besoins de chacun. Ça peut paraître long, effectivement, mais c'est une loi qui va être extrêmement « transformante » et qui a pour vocation de réinvestir massivement dans la recherche pour préparer, en fait, l'avenir de notre pays, et c'est vraiment ça qui est important.
HELENE ROUSSEL
L'objectif de la loi c'est d'atteindre les 3 % du PIB de la richesse consacrée à la recherche, c'est une promesse, en fait, que la France fait depuis 20 ans, depuis la stratégie de Lisbonne et l'Europe de la connaissance, qu'est-ce qui nous dit que là ça va changer ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument, ça devait même, de mémoire, être atteint en 2010, donc vous voyez, nous en sommes très loin. Ce qui change c'est que, inscrire, dans la loi de programmation, puisque c'est le principe d'une loi de programmation pluriannuelle, le budget qui permet d'atteindre ces 3 %, ça n'avait jamais été fait tout simplement, et c'est ce que nous allons faire.
ALEXANDRA BENSAID
Il y a une tribune du patron du CNRS, Antoine PETIT, qui génère beaucoup de colère, ou en tout cas beaucoup de discussions parmi les chercheurs, il préconise une loi ambitieuse inégalitaire, qu'en pensez-vous ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, Antoine PETIT a fait une deuxième tribune d'ailleurs pour, je pense, préciser sa pensée. Je crois que, ce que nous avons discuté dans les différents groupes de travail, et c'est effectivement essentiel, c'est qu'on parle souvent de la recherche, comme si c'était une façon unique de procéder, or on sait très bien que les besoins des différentes disciplines, au sein de la recherche, sont très différents. On a des disciplines qui sont extrêmement coûteuses, tout le monde le sait, on pense à la physique expérimentale, on pense à la biologie, par exemple, où on a besoin d'investir massivement dans de très gros équipements, et puis on a des disciplines où on a plus besoin de temps, on a besoin de budgets qui sont peut-être parfois plus faibles, mais plus longs dans le temps. Et c'est pour ça, notamment, que dans la façon dont sont distribués les fonds ANR, on voit que certaines disciplines ne s'y retrouvent pas. Donc effectivement, il faut que nous soyons capables de penser la façon de financer toute notre recherche, quelle que soit la discipline, et ça va passer probablement par des outils qui vont être très différents selon les disciplines.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 janvier 2020