Texte intégral
Monsieur le Président de la Confédération des PME, cher François,
Mesdames, Messieurs,
Pourquoi je suis-je venu pour la première fois aux voeux de la CPME ?
Je rassure tous ceux, que je vois nombreux, qui étaient ce matin à mes voeux, je ne vais pas répéter la même chose ce soir, mais plutôt vous faire part de convictions très personnelles et très profondes.
Je suis venu parce que nous avons de bons résultats économiques et ces bons résultats économiques nous vous les devons. J'aime rendre hommage à ceux à qui nous devons les bons résultats économiques de la France. Et ce n'est pas toujours les très grandes entreprises. Tant mieux si nous avons des champions industriels, des champions financiers, des champions dans le secteur de l'assurance.
Je ne fais pas partie de ceux qui vont systématiquement critiquer ce qui fait réussir la France. Simplement, je suis élu local depuis près de 15 ans maintenant. J'ai fait beaucoup de campagnes électorales. J'ai sillonné la France en long, en large et en travers. Je suis dans les territoires en permanence, même si je n'aime pas cette expression de "territoires", parce que pour moi, il n'y en a qu'un seul, c'est la France, et je vois tout le dynamisme économique de la France. Ce qui fait que la vallée de l'Arve ou la vallée de l'Andelle, ou le Pays Basque dont je reviens, ou certains coins d'Alsace ou le Nord, réussissent à créer des emplois, à offrir des perspectives à nos compatriotes, ce sont les PME.
Les PME, c'est l'économie réelle de la France. Je reprends les mots de votre président, parce qu'ils sont particulièrement justes "quand ça va pour les PME, ça va pour l'économie française". C'est vous qui faites vivre la France. C'est vous qui faites vivre l'économie. C'est vous qui employez le plus grand nombre de nos compatriotes. C'est vous qui faites baisser le taux de chômage qui atteint aujourd'hui l'un des niveaux les plus bas depuis une quinzaine d'années. C'est vous, je ne le cache pas, qui assurez aussi nos rentrées fiscales. Surtout ne faites pas la grève des cotisations et des impôts parce que sinon, je ne sais pas très bien comment nous ferons tourner la boutique !
Je pense qu'il est bon, qu'il est juste, à un moment donné, de faire preuve de reconnaissance. Croyez-moi dans le métier qui est le mien, qui est plutôt marqué du sceau de l'ingratitude, la reconnaissance est rare. Moi, je crois à la vertu de la reconnaissance et je suis venu ici tout simplement manifester ma reconnaissance à toutes les PME françaises et à tous les patrons de PME françaises qui font un travail exceptionnel depuis des années pour faire vivre notre pays et lui donner son dynamisme économique.
Je remercie François de l'avoir rappelé, je pense que nous avons fait un bon bout de chemin. La loi PACTE en est la meilleure illustration. Ce qui a été fait sur les seuils sociaux et fiscaux est majeur.
Je rappelle que vous avez désormais 5 années pendant lesquelles vous pouvez franchir les seuils jusqu'à 50 salariés sans aucune obligation supplémentaire.
Il y a un effort qui a été fait sur les transmissions, qui est aussi un effort important de simplification, sur le financement, sur un certain nombre de règles administratives qui étaient trop contraignantes ; nous avons libéré ces obligations. Nous avons eu un principe - car je suis un homme de principes et je crois aux principes - aucune obligation nouvelle dans cette loi.
J'y tenais beaucoup parce que j'ai vu passer tellement de lois qui étaient surchargées d'obligations, de contraintes, que je me suis dit "Tiens, on peut peut-être faire preuve d'un peu d'originalité, on va faire une loi dans laquelle il n'y aura aucune obligation supplémentaire".
Je crois à la liberté, et je pense que lorsqu'on laisse les PME libres de créer des richesses, libres de créer des emplois, libres d'innover, libres d'inventer, elles se débrouillent très bien sans la puissance publique.
Une part de chemin importante a été faite. Elle a été faite aussi, je le redis, sur les impôts.
Nous avons amorcé la baisse de l'impôt sur les sociétés, et je vous dis que nous tiendrons notre engagement d'avoir toutes les entreprises de France à 25% d'impôt sur les sociétés en 2022. Et nous avons commencé par les PME, parce que c'est normal de commencer par les plus petites entreprises. Nous avons baissé les cotisations patronales, nous avons mis les cotisations au niveau du SMIC à zéro. Nous avons fait la bascule du CICE en allègement de charges.
Alors je sais que, parfois, il y eu des critiques. On m'a dit "Mais on y perd un peu au passage". Enfin, nous, on y a perdu 20 milliards d'euros quand même. Je tiens à le rappeler.
Mais je pense que pour vous, il est bien plus solide d'avoir un allègement de charges définitif plutôt qu'un crédit d'impôt qui est voté chaque année. Car, croyez-en ma toute petite expérience politique, les crédits d'impôt, on les vote pour, on peut aussi les voter contre. Alors qu'un allègement de charges, une fois qu'il est gravé dans le marbre, eh bien on n'y touche plus.
S'il y a bien une chose à laquelle je crois en matière économique, c'est à la stabilité et à la visibilité. Vous, quand vous investissez, vous prenez des risques. Quand vous allez voir votre banquier et que vous dites "Tiens, je vais faire tel investissement", vous prenez un risque considérable.
Donc, pour savoir si c'est profitable, il ne faut pas que les règles fiscales changent tous les quatre matins. Vous avez besoin de stabilité. Nous vous l'avons donnée en transformant le CICE en allègement de charges, c'est-à-dire un instrument incertain en allègements de charges définitif, solide.
Je dis au passage d'ailleurs, puisque c'est d'actualité, qu'à partir du moment où on mène depuis des années et des années une politique de baisse des charges, qui a montré son efficacité puisque le chômage baisse, je trouverais un peu contradictoire de revenir là-dessus et se dire "Tiens, pour financer le nouveau système de retraite par points, on pourrait peut-être envisager une augmentation des cotisations".
Je le dis très clairement : j'y suis défavorable. J'y suis défavorable parce que je pense qu'en politique économique, le bon sens est important et que le moindre signal contradictoire avec des décisions qui ont été prises par des gouvernements de beaucoup de couleurs politiques, le moindre signal contradictoire, c'est un signal qui va tout emporter sur son passage. On croit qu'on prend une petite décision alors qu'en fait, nous adressons un signal très fort et très négatif. Et on sème le doute et la défiance chez les entrepreneurs.
Donc, je le répète, je pense que l'équilibre financier de cette réforme est très important. Je pense que le Premier ministre a raison de le rappeler, mais je crois que c'est davantage autour des mesures d'âge, quelles que soient ces mesures d'âges, des incitations pour les Français à travailler plus longtemps, que nous devons pouvoir trouver un compromis.
Je souhaite évidemment qu'on trouve un compromis le plus vite possible mais le compromis doit se faire sur des bases qui soient responsables. Il me semble, comme je le défends depuis des années, que la meilleure façon de financer des dépenses supplémentaires, c'est d'inciter d'une façon ou d'une autre les Français à travailler plus longtemps.
Ça n'exclut pas de tenir compte de la pénibilité. Ça n'exclut pas de tenir compte de la particularité de certaines fonctions. Quand vous êtes policier et que vous exposez votre vie pour protéger les Français, c'est normal qu'on en tienne compte. Mais il me semble que c'est la voix de la sagesse.
Toujours sur ce sujet-là, je voudrais dire à quel point je souhaite qu'à partir du moment où le Premier ministre a tendu la main, nous puissions sortir le plus rapidement possible de la situation où nous sommes aujourd'hui qui - François l'a rappelé - pénalise les entreprises et est une épreuve pour les salariés franciliens.
Je suis allé à leur rencontre la semaine dernière. Demain, je le ferai à nouveau à l'occasion de l'ouverture des soldes pour voir ce que c'est pour un salarié qui est dans un café, dans un hôtel, dans un restaurant, dans une boucherie, dans une charcuterie, dans un magasin de vêtements, que de devoir faire 2 heures, 3 heures, 4 heures de transport dans la journée, ne pas savoir s'il aura son train, son RER, s'épuiser dans ses déplacements, parfois être obligé de se payer un Uber ou un taxi parce qu'il n'y a pas d'autres moyens pour rentrer, parfois être obligé de louer à ses propres frais une chambre d'hôtel parce que le lendemain, il faut démarrer tôt. Enfin, tout ça, plus tôt cela finira, mieux ce sera.
Je veux dire également à tous les chefs d'entreprise, commerçants, artisans de Paris et de l'Île-de-France, que je ne laisserai tomber personne.
Ensuite, je voudrais vous faire part de quelques convictions très rapides pour terminer.
D'abord, nous avons une année 2020 très chargée et je compte vraiment sur vous pour nous aider à réussir sur les chantiers que nous avons lancés. Il y en a un qui me tient très à coeur, c'est évidemment le pacte productif.
Toutes vos propositions sur le pacte productif sont les bienvenues.
Si on ne fait pas preuve de volontarisme, on ne va jamais avancer. Et je sais que dans les PME, c'est difficile quand parfois, il n'y a pas la ressource, il n'y a pas forcément les compétences, il n'y a pas eu les formations. On va s'attacher à ce qu'il y ait des formations et que les femmes arrivent à des formations où il n'y a pas suffisamment de femmes, comme les ingénieurs, mais tous, nous devons être imprégnés de cette idée simple que l'égalité entre les femmes et les hommes est une question de justice et une question d'efficacité et que nous aurons de bien meilleurs résultats économiques en ayant des femmes à des postes stratégiques. Nous ne réussirons que si chacun des entrepreneurs qui est présent ici prend le problème à bras-le-corps et qu'à chaque fois qu'il prend une décision, il se dit "Mais est-ce que j'ai bien cherché ? Est-ce qu'il n'y aurait pas eu une femme qui aurait été en meilleure position ? Et est-ce que j'ai bien aidé cette femme à revenir au travail ? Et cette femme qui a eu un enfant, est-ce que je lui ai bien proposé le poste qu'elle méritait lorsqu'elle revient dans l'entreprise ?".
Tout ça, ça dépend de nous. Ce n'est pas uniquement de la législation, ce ne sont pas uniquement des règles. Je ne vois pas pourquoi, dans un couple, quand il y a un enfant qui arrive, ça ne change rien à la carrière de l'homme, mais ça retarde la carrière de la femme et ça réduit le salaire de la femme.
Personne ne peut accepter cela. C'est pourtant la réalité française aujourd'hui et je pense que c'est un beau combat à livrer que cette inégalité entre les femmes et les hommes dans le secteur économique.
Enfin, quelques convictions rapides.
Première conviction : le travail reste la valeur cardinale d'une société qui se tient, le travail, c'est-à-dire un emploi pour chacun. Le travail, ça veut dire effectivement un emploi bien rémunéré.
Je sais que les PME ont, effectivement, fait des efforts importants sur cette question de rémunération, mais vous voyez bien que le système craque de toutes parts et que la dignité de la rémunération, c'est-à-dire la rémunération qui garantit à chacun de pouvoir vivre dignement de son travail, c'est une exigence absolue si on veut que le système continue à tenir debout et qu'on ne voit pas se multiplier des événements comme ceux des gilets jaunes.
Alors on me dit "Vous auriez dû reconduire à la prime exceptionnelle". Et c'est le seul point de divergence que nous aurons ce soir. Je préfère le dire avec beaucoup de franchise, l'exceptionnel n'a pas vocation à devenir l'ordinaire. Je préfère qu'on inscrive ça dans le temps long et que vous fassiez le maximum pour signer le plus grand nombre d'accords d'intéressement.
J'ai écouté toutes les propositions de la CPME là-dessus. Vous m'avez dit "3 ans c'est trop long, il faut 1 an", on fera 1 an. Vous m'avez dit "Pour les plus petites entreprises, celles de moins de 11 salariés, la signature d'un accord avec les salariés c'est compliqué. Beaucoup d'organisations syndicales, pour ne pas dire toutes, y sont très défavorables".
Je vous ai entendus, je pense que c'est le bon sens et que dans une entreprise où il y a très peu de salariés, il faut laisser, pour un premier accord d'intéressement, la possibilité à l'entrepreneur de signer l'accord d'intéressement de manière unilatérale.
Nous le ferons et vous aurez aussi cette disponibilité. Vous m'avez dit "C'est trop compliqué, l'accord sur internet", et vous aviez raison. L'accord est encore trop compliqué, donc nous allons le simplifier pour qu'il soit encore beaucoup plus simple. Mais à partir du moment où nous avons rempli ces trois conditions, je pense que c'est l'intérêt des PME de signer le plus grand nombre d'accords d'intéressement pour que le salarié soit associé aux résultats de l'entreprise. Dans ce cadre-là, je le redis, jusqu'au printemps prochain, vous pourrez verser une prime dans le cadre d'un accord d'intéressement qui sera entièrement défiscalisée.
La deuxième valeur à laquelle je crois, la deuxième conviction, elle rejoint celle du président Asselin, c'est la justice.
De ce point de vue-là, je pense qu'il y a encore beaucoup à faire pour vous. Nous gardons en matière de sous-traitance un vrai problème et je continue à considérer que les sous-traitants de premier, deuxième ou troisième rang ne sont pas encore suffisamment bien considérés par les très grandes entreprises donneuses d'ordre.
C'est un combat qu'il faut mener, le combat de la solidarité entre les grandes entreprises donneuses d'ordre et les sous-traitants, dans le secteur automobile par exemple, dans d'autres secteurs - la chimie, la santé - où nous avons un peu l'impression que la PME n'a qu'à prendre toujours plus d'obligations, toujours plus de contraintes, et puis, quand il y a eu une difficulté économique, on la reporte sur le sous-traitant alors même que la grande entreprise pourrait absorber ce choc conjoncturel.
Je pense que ce combat pour la justice et l'équité dans les relations entre les donneurs d'ordre et la PME est un combat essentiel en France, puisque ce n'est pas vous qui avez à trinquer au premier plan lorsqu'il y a des difficultés économiques. Vous n'avez pas les reins suffisamment solides pour cela. Ce sont ceux qui sont les plus gros, ceux qui ont les réserves les plus importantes qui doivent pouvoir le faire.
Enfin, une troisième conviction, c'est sur la méthode. Le dialogue et le compromis sont les seules voies aujourd'hui en France pour parvenir à des solutions. Et croyez-moi, je viens d'une famille politique plutôt bonapartiste.
J'ai cru très longtemps que, dans le fond, il fallait dire "On va ici, on prend telle décision et puis que l'intendance suive" et puis tout le monde suivra. Vous vous retournez et il n'y a plus personne ou alors derrière vous, ça se déchire. Nous sommes dans une société qui est traversée par des mouvements extraordinairement violents. Cette violence, elle vient d'inquiétudes qui sont très profondes au sujet de la transition écologique, des bouleversements technologiques, et un sentiment parfois de relégation de la France ou de l'Europe dans le monde face à la Chine et les États-Unis.
J'ai une conviction très simple : nous sommes les mieux placés en Europe pour réussir et l'Europe est un continent qui a tout pour réussir entre la Chine et les États-Unis. Mais pour cela, il faut rassembler. II vaut mieux prendre du temps pour écouter les uns et les autres et trouver un compromis que d'essayer le passage en force.
Je vous donne un exemple très concret qui a été celui du gazole non-routier.
Je crois beaucoup à cette mesure. Nous avons supprimé un avantage fiscal qui portait sur le gazole non-routier. Il n'y avait pas de raison que le contribuable français finance les énergies fossiles. Nous avons négocié avec la Fédération du bâtiment et la Fédération des travaux publics de manière très constructive. Cela a pris du temps parce qu'ils ont leur franc-parler mais nous avons trouvé un accord. Nous avons réussi à trouver un bon équilibre, nous avons donné ce qu'ils appelaient des compensations justes, équitables aux entreprises du bâtiment et des travaux publics.
Et malgré cela, après le vote de la loi, après le vote du projet de loi de finances, nous avons supprimé cet avantage fiscal. Tout d'un coup, nous avons eu des blocages de dépôts de carburant en Bretagne et un peu partout ailleurs des tous petits entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics. Alors nous aurions pu dire "Ecoutez, vous êtes bien gentils, l'accord a été conclu avec les grandes fédérations, vous ne représentez rien donc ça passe" et puis on envoie les CRS, on libère les dépôts de carburant et on continue comme ça. Sauf que ce n'est pas la méthode que j'ai retenue.
J'ai reçu très longuement ces entrepreneurs et ils m'ont dit une chose très juste, ils m'ont dit "Mais nous, on veut bien que vous supprimiez l'avantage fiscal sur le GNR mais on ne veut pas qu'il y ait des agriculteurs qui puissent faire les mêmes travaux que nous avec un gazole qui continue à être défiscalisé parce que là vous allez nous tuer. Et ils avaient raison, c'était une revendication de justice.
Donc, les revendications idéologiques, corporatistes, cela ne m'intéresse pas. Mais quand il y a une revendication de justice et d'équité où c'est la survie d'une petite entreprise qui est en jeu, je pense qu'il est préférable d'écouter et de faire droit parce que ça apaise et que la France a besoin de cet apaisement.
Nous pouvons avoir beaucoup d'ambition pour son pays, et c'est mon cas, beaucoup d'enthousiasme, la certitude absolue que la France a tout pour réussir et vouloir aussi apaiser les tensions et les violences qui existent dans notre pays.
Je pense que les deux sont parfaitement compatibles. En tout cas, ce sera ma ligne de conduite pour 2020 et je peux vous dire que je suis fier de le faire avec vous.
Ce sera mon tout dernier mot.
Nous avons une excellente relation avec votre président François Asselin, avec tous vos représentants ici. Nous ne sommes pas d'accord sur tout, c'est normal. Vous défendez des intérêts, c'est normal. Je défends l'intérêt général, c'est mon rôle. Mais nous avons toujours eu un dialogue constructif, toujours eu un dialogue respectueux et, une fois encore, je suis reconnaissant de savoir qu'aujourd'hui la France a un des meilleurs taux de croissance de la zone euro et commence à faire baisser le chômage parce que ce résultat ce n'est pas celui du ministre de l'Économie et des Finances, c'est votre résultat et c'est celui de vos entreprises.
Merci à tous.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 16 janvier 2020