Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Laurent PIETRASZEWSKI.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous. Vous êtes secrétaire d'Etat chargé des Retraites, c'est vous qui avez remplacé au pied levé Jean-Paul DELEVOYE. Vous avez pris vos fonctions il y a pile une semaine et c'est d'ailleurs la première fois que vous vous exprimez sur BFM TV et RMC depuis votre prise de fonctions. Un mot d'abord sur ce qui s'est passé hier : d'après les informations de BFM TV, votre permanence à Lille a été vandalisée. C'est bien le cas ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Oh, écoutez, je ne sais pas si le terme « vandalisée » est approprié, en tous les cas il y a eu une manifestation et une volonté de la part de certains de ces manifestants, de pénétrer dans ma permanence. Bon, ça n'a pas été le cas au final.
APOLLINE DE MALHERBE
Des poubelles qui ont été déposées devant votre porte.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Voilà, des poubelles et puis un certain nombre, j'imagine, en tout cas j'ai vu des photos, de documents qui visaient à atteindre ma personne qui ont été apposés sur ma porte.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'avez pas l'air plus impressionné que ça.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Eh bien écoutez, moi je ne peux que condamner bien sûr tout cela, et je sais qu'à la fois, et forces de police, à la fois mes collaborateurs, font le nécessaire pour que tout cela ne se reproduise pas. Moi je souhaite très franchement qu'on puisse vivre dans une démocratie apaisée. Donc ça fait partie de mes objectifs, dans ma mission au gouvernement, et pour trouver les meilleures voies dans le cadre du projet de réforme.
APOLLINE DE MALHERBE
20ème jour de grève aujourd'hui. Est-ce que vous considérez quand même que 20 jours de grève ça veut dire que c'est votre échec, pas forcément seulement le vôtre, mais celui du gouvernement ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
20 jours de grève, rappelons-le quand même dans essentiellement deux entreprises que sont la RATP et la SNCF.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a aussi quand même des raffineries, il y a notamment des raffineries en Seine-et-Marne, qui sont carrément à l'arrêt ce matin.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Oui, enfin, malgré tout, rappelons que l'approvisionnement en carburant se fait tout à fait normalement en France et que ces raffineries elles ont pu connaître à un moment donné des interruptions, puis elles reprennent ensuite. Voilà. Donc, il ne faut pas non plus développer l'inquiétude ici. Il faut prendre en compte ce qui est fait, il faut trouver des solutions. Oui…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous minimisez un peu quand même, non ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Non, je prends en compte…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous voyez ce qui s'est passé dans les gares, quand vous voyez la difficulté pour les Français à partir en vacances retrouver leurs proches pour Noël, non, finalement, vous avez un ton, vous avez l'air de dire, bon c'est quand même que dans deux entreprises en France.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Non, je distingue deux choses. Je crois que votre question initiale était de dire : est-ce qu'aujourd'hui pour les Français il y a eu des difficultés et est-ce qu'il y a des difficultés pour se déplacer ? C'est très vrai en région parisienne, vous savez, à Armentières, à Lomme, à Lille, c'est un petit peu différent. Je ne dis pas que c'est facile partout, mais ce n'est pas tout à fait la même chose que lorsqu'on est à Paris. Bon. Donc c'est une réalité, c'est une réalité à Paris, je crois que c'est très difficile et je le vois bien quand on discute avec les commerçants, c'est très difficile à Paris de se déplacer, les Parisiens, les Franciliens trouvent des solutions, mais ça reste une difficulté. Et il ne faut pas la contester. Il y a des difficultés de transport à la SNCF, l'entreprise SNCF a pris un certain nombre de décisions qui doivent permettre à mon avis, au plus grand nombre, de sortir de la grève. Les propositions qui sont sur la table sont les bonnes propositions qui visent à rassurer notamment sur la façon dont on va protéger les droits acquis. Il y a eu des trains qui ont circulé…
APOLLINE DE MALHERBE
On va voir les discussions, on va voir le contenu des discussions, mais ma question précisément ce n'était pas seulement celle-là, c'était de savoir si vous considériez que vous aviez une part de responsabilité, que c'était aussi votre échec, le fait qu'il y ait 20 jours de grève ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais, on ne peut jamais être satisfait qu'il y ait eu 20 jours de grève, c'est évident. Maintenant je l'ai dit récemment, je l'ai dit encore ce week-end, ce n'est pas le gouvernement qui refuse le compromis. Le compromis c'est de trouver les voies de passage pour à la fois entendre quand il y a des inquiétudes, mais aussi prendre en compte que le gouvernement est là pour mettre en oeuvre une grande transformation de société, qu'il avait déjà présentée aux Français lors de son élection. Donc on est bien dans la réalisation de nos engagements politiques. On peut entendre que ses engagements politiques peuvent peut-être interpeller les uns ou les autres, c'est pour cela que nous travaillons, c'est pour ça que nous avons les séquences de concertation, et au final nous allons avancer sur ce projet.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur la question de l'impact des grèves, vous semblez minimiser. Est-ce que vous ne donnez pas, au fond presque envie aux grévistes d'aller encore plus loin ? On l'entend hier et encore aujourd'hui il y a des opérations, ce qu'ils appellent opérations coup de poing, il y a eu la gare de Lyon hier qui a été envahie par des grévistes et des manifestants, il y a eu la ligne 1 du métro parisien qui a été bloquée avec des grévistes qui sont descendus sur les voies, et puis il y a ces coupures d'électricité dans toute la France depuis plusieurs jours, revendiquées par la CGT. Ce que vous disent les grévistes, c'est qu'au fond, comme vous avez l'air de dire que ça ne bloque pas grand-chose, ils se disent : il faut qu'on aille vers un cran de violence.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais là il faut être très clair. On ne peut pas dans notre pays accepter que le droit de grève, qui est un droit protégé, le droit de manifester qui est un droit protégé, puisse se traduire par des comportements, des actions illégales, et qui visent, et qui visent à créer des perturbations pour nos concitoyens. Ce n'est pas acceptable. Donc bien sûr ce que vous avez évoqué n'est pas acceptable et nous avons pleinement conscience, le gouvernement a pleinement conscience que cela est extrêmement perturbant pour nos concitoyens.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ce sera pénalement condamné véritablement ? Parce que pour l'instant Elisabeth BORNE, la ministre des Transports, a dit que les Français jugeront de ce que c'est, mais est-ce que la justice en jugera ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Ecoutez, on verra lorsque ça se sera nécessaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il faut aller jusque-là ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais je pense que, d'abord la première chose c'est de dire que ce n'est pas acceptable, et que nous ne l'acceptons pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça suffit ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Je crois que vous savez, le gouvernement a des échanges réguliers, y compris avec l'ensemble des leaders syndicaux, et vous savez ce type d'expression là ce n'est pas uniquement au travers les médias que ça se passe, des échanges directs, et je crois d'ailleurs que les syndicats ont tout intérêt et d'ailleurs très souvent la volonté d'éviter ce type d'actions, qui ne sont pas acceptables.
APOLLINE DE MALHERBE
Les partenaires sociaux seront donc reçus le 7 janvier, 2 jours avant la grande mobilisation du 9. Pourquoi vous attendez si longtemps ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Un dialogue social de qualité, c'est un dialogue social qui est préparé. Voyez, je suis là…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, ça fait quand même un bout de temps que vous le préparez.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Oui…
APOLLINE DE MALHERBE
Y compris vous, puisque vous étiez, avant d'être membre du gouvernement, vous étiez déjà très impliqué sur cette réforme, donc vous êtes prêt.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Je vais vous donner un éclairage tout de suite. Nous étions hier avec Jean-Baptiste DJEBBARI en réunion avec les personnels navigants, techniques et commerciaux, voilà, tout l'après-midi. Nous avons eu des réunions je pense intéressantes, elles étaient programmées, elles étaient préparées et elles ont été je pense fructueuses. Nous sommes exactement dans ce type d'organisation-là, nous voulons écrire, c'est ce qu'a communiqué le Premier ministre hier, nous voulons écrire…
APOLLINE DE MALHERBE
Il a donné le calendrier.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Bien sûr. Ecrire les éléments sur lesquels nous discutons, les dates auxquelles nous avons discuté, et les ministres qui sont en charge de ces différentes discussions. Ça aussi c'est... Moi je vous dis très clairement, je pense qu'il faut être attentif au respect du dialogue social, il faut mettre de la qualité dans ce dialogue, pour ce faire il faut écrire les choses, définir les objectifs, créer les calendriers.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour qu'il soit fructueux, il faut peut-être qu'il y ait quand même une négociation possible, sauf que vous n'utilisez plus le mot de négociation, j'ai regardé attentivement le communiqué du Premier ministre, il parle d'un calendrier de concertation, il ne parle plus de négociations. Concertation, c'est informer, quoi, c'est tout.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Oh, ça ne se passe pas comme ça. La concertation c'est dire ce à quoi on croit et entendre aussi les inquiétudes et les questions.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, est-ce qu'il peut y avoir une évolution ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais bien sûr.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il peut y avoir une négociation au sens véritable d'un échange avec parfois des compromis possibles, avec des avancées pour les deux parties ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Je comprends bien, c'est d'ailleurs exactement ce qu'a fait le Premier ministre la semaine dernière, en intégrant déjà dans ses propositions sur la retraite progressive, un certain…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous ne parlez pas de négociations, vous ne proposez plus de négociations.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Alors, on va être encore plus précis. Quand on travaille, on va travailler à partir du 7 janvier sur le minimum de pension. Le minimum de pension à 1 000 €. Il y a des attentes, notamment des partenaires sociaux, de la CFDT, que ce minimum de pension soit au niveau du SMIC. Il y a eu notamment des regards qui ont été portés, en disant mais quid du ce minimum de pension, au regard notamment des minimas sociaux. Nous allons regarder tout ça.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que le RSA sera intégrée dans la prise en compte de cette fin, d'arrivée en retraite ? Est-ce que ces moments…
LAURENT PIETRASZEWSKI
Alors, le RSA, ça fait partie des minimas sociaux…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça fait partie des demandes qui ont été énoncées par la CGT.
LAURENT PIETRASZEWSKI
... car pour l'instant, ce que l'on va regarder c'est le minimum de pension. Ce qu'on va regarder là, c'est le minimum de pension, le minimum de retraite, et ce minimum de retraite, la CFDT nous dit : nous on pense que c'est 100 % du SMIC. Nous on fait une proposition à 85 % du smic, les partenaires sociaux globalement nous disent : oui mais quid du temps partiel subi, quid de la validation, est-ce que c'est toujours 150 heures par trimestre pour valider la durée ? Tout cela nous allons en parler avec eux, et c'est l'objet des concertations, que je vais mener. Une concertation c'est quoi ? C'est nous travaillons, le gouvernement fait son travail, il a des propositions à faire, il les fait en ayant entendu ce que lui disent les partenaires sociaux, et les partenaires sociaux ils réagissent et nous ajustons à chaque fois que cela nous parait opportun et nécessaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Avez-vous entendu ce que vous demande la CFDT ? Sur les critères de pénibilité, c'est l'un des points très importants aux yeux de Laurent BERGER, manutention manuelle des charges lourdes, c'est non. Exposition aux agents chimiques, c'est non. Problèmes de posture, c'est non. Vibrations mécaniques, c'est non. Ça c'est vous qui avez dit non, c'était dans les colonnes du Journal du Dimanche, dimanche. Qu'est-ce qui est oui ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
La pénibilité, nous avons pris un certain nombre de décisions déjà en 2017. C'est de faire de cette pénibilité…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est ce que vous reproche la CFDT, qui vous demande de rouvrir ces quatre points et de les remettre dans les critères de pénibilité.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Elle nous demande de rouvrir le sujet, le débat sur la pénibilité, et nous disons oui. Sauf que nous pensons qu'il ne faut pas le faire sur la base de ce qui a été défait en 2017, pour des raisons purement opérationnelles, ça ne fonctionnait pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous dites oui, globalement, mais quand on rentre ans les détails et dans les détails qui tiennent à cœur de ce syndicat avec qui jusqu'à présent vous étiez plutôt en bonne intelligence et qui étaient prêts à vous suivre, sur ces points-là qui leur tiennent à cœur, vous dites déjà non. A quoi ça sert dans ces cas-là les concertations ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais il y a beaucoup de choses qui tiennent à cœur aux syndicats réformistes et notamment la CFDT. Lorsqu'on parle de pénibilité, ils sont très intéressés lorsque l'on parle de prévention de la pénibilité. Ils sont très intéressés lorsqu'on parle de travail dans les branches, sur le sujet de la prévention. Ils sont très intéressés lorsque nous réfléchissons avec eux sur la reconversion en matière de pénibilité. Ils sont très intéressés de savoir que les seuils actuels de la pénibilité pourraient être revus pour permettre à plus de salariés, plus d'actifs, d'en bénéficier. Donc effectivement vous pointez à un moment donné le sujet de quatre critères, mais ces quatre critères ils n'étaient peu ou pas évalués dans la réalité de la vie de l'entreprise. Nous avons mis les critères qui sont évaluables.
APOLLINE DE MALHERBE
Ces quatre critères, c'est un non que vous réaffirmez ce matin.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais nous, nous ne voulons pas et nous ne pensons pas que c'est en remettant en place ce qui ne fonctionnait pas en 2017, que nous allons trouver les solutions. Par contre très franchement, la réalité c'est la réalité de la vie, de ceux et celles qui sont en entreprise, c'est que lorsqu'on est exposé, parce que son activité, présente de la pénibilité. Eh bien ce qui est intéressant c'est de savoir si on va pouvoir me permettre de me reconvertir, de faire autre chose. Moi je préfère que nous travaillions ensemble sur comment on fait évoluer la personne dans son parcours professionnel, comment on l'aide à faire autre chose plutôt que le dire : on va le laisser sur un métier pénible et au final on lui donnera des points pour compenser. Moi je pense qu'il faut avoir une vision, en tout cas c'est la mienne, qui soit plus positive…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous en fait, vous l'encouragez à changer de métier. Vous lui dites : si c'est pénible, change de métier.
LAURENT PIETRASZEWSKI
... on va l'encourager à se reconvertir, on va l'aider à se reconvertir. Evidemment ça sera sa décision, ça sera son choix, ce qui n'empêche qu'un certain nombre de critères de pénibilité sont mesurables…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous imaginez bien qu'il y en a un certain nombre qui ne peuvent pas, s'ils font ces métiers-là c'est qu'ils auraient bien aimé en faire un autre, s'il est si pénible.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais peut-être que ça c'est une responsabilité politique justement. Apolline de MALHERBE, moi je crois que l'objet de mon engagement politique, et celui du gouvernement, c'est de transformer cela, c'est de donner les moyens à tous d'être en situation de se reconvertir. Et si avec Muriel PENICAUD nous avons voulu transformer radicalement tous les dispositifs de formation, pour rendre chacun plus libre de choisir son avenir professionnel, c'est exactement dans cet esprit. Par contre, il est tout à fait intéressant de se dire : nous voulons travailler sur le fait que lorsqu'il y a de la pénibilité, on bénéficierait par exemple de points spécifiques qui me permettraient de me reconvertir.
APOLLINE DE MALHERBE
Je trouve ça un peu naïf, c'est-à-dire qu'on a l'impression quand vous le dites, bien sûr personne n'a envie de faire un métier pénible, c'est rarement par choix qu'on fait un métier pénible, et vous avez l'air de dire : on va les aider à en faire un autre. Mais il y aura toujours des gens qui seront contraints d'avoir un métier pénible, et ceux-là vous ne les soulagerez pas.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais bien sûr que si. Ce n'est pas l'objectif. En fait, pour être très clair, le Compte personnel de prévention, il vous permet de partir 2 ans plus tôt en retraite parce que vous avez été exposé de la pénibilité. Eh bien ces dispositions d'ailleurs vont rester en place, c'est l'engagement que nous avons, donc ça c'est déjà une première assurance. Nous, à côté de cela, à côté de cela nous pensons qu'il faut travailler les reconversions professionnelles, qu'il ne faut pas avoir comme projet, ni dans l'entreprise, comme projet de société, de maintenir durablement nos concitoyens sur des tâches et des métiers pénibles. Mais s'ils y sont exposés, bien sûr qu'ils pourront partir 2 ans plus tôt.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur l'âge pivot, Edouard PHILIPPE a annoncé que pour partir à taux plein il faudrait donc attendre 64 ans en 2027. Là aussi c'est un des points, c'est carrément la ligne rouge aux yeux de Laurent BERGER. Est-ce que vous pouvez évoluer sur cet âge pivot ? Est-ce qu'on peut imaginer que vous le remontiez à 63 ans, que ça puisse être en 2030, est-ce que là-dessus vous êtes prêt à changer et à déplacer le curseur ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Le Premier ministre s'est exprimé clairement là-dessus. Il a dit : voilà, moi je suis en responsabilité, et en responsabilité je dois garantir l'équilibre. Je ne peux pas, je ne peux pas passer le poids de mes décisions actuelles aux générations suivantes. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que lorsque nous créons de nouveaux droits, nous voulons les financer. Lorsque nous mettons en place un nouveau système de retraites universel, pour tous, qui sera favorable aux petites retraites, nous voulons qu'il soit à l'équilibre. C'est cela le message. Et sur le fond, quand nous échangeons avec les partenaires sociaux réformateurs et avec les autres, mais en tout cas au moins ceux qui soutiennent le principe du système universel par points, eh bien ils sont parfaitement au clair avec le fait que ce système fonctionne bien, à l'équilibre. La question, la divergence aujourd'hui elle est sur la façon dont on le met à l'équilibre. Le Premier ministre l'a dit, si les partenaires sociaux ont un autre schéma…
APOLLINE DE MALHERBE
Et puis, le simple fait de remettre cette question-là dans la réforme actuelle. Ça n'était pas ce qu'avait annoncé Emmanuel MACRON, qui avait dit : nous ferons une réforme du système, mais il n'y aura pas la question d'équilibre, c'est aussi ça que vous reproche Laurent BERGER, d'avoir instauré cette question de l'équilibre dans une réforme plus globale avec laquelle il était globalement d'accord.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais j'entends cette divergence, moi, je ne la nie pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous ne vous dites pas : bon, ok, allez, on fait la réforme, et puis, la question d'équilibre, ce sera pour un autre temps éventuellement, et là, on prendra le temps d'en parler, et les partenaires sociaux auront leur mot à dire.
LAURENT PIETRASZEWSKI
Eh bien, moi, je pense qu'on a très souvent, en tous les cas, j'ai le sentiment que les personnels politiques n'ont pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Les Français n'ont pas voté pour ça, vous voyez ce que je veux dire, c'est-à-dire que la question quand même, vous ne l'avez pas dit avant et fait après…
LAURENT PIETRASZEWSKI
J'entends ce que vous dites. J'ai eu très souvent l'impression, moi, avant de m'engager en politique il y a deux ans et demi, que tous ceux qui nous représenteraient avaient plutôt cette pratique-là, c'est-à-dire qui consistait à dire : eh bien, écoutez, moi, j'entends, je suis en responsabilité, mais, je vais faire des réformes, mais ça s'appliquera après, c'est un sujet qu'on financera après. Non, nous pensons qu'il faut faire les choses en même temps, et les faire en même temps, ce n'est pas tabou, ce n'est pas tabou que de dire, dans un système par répartition où 100 % des cotisations, 100% des cotisations, payent les pensions de nos aînés, ce n'est pas incompréhensible que de se dire : ce système-là doit être à l'équilibre…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc la question de l'équilibre pour vous doit faire partie de la réforme. Je voudrais qu'on essaie de se projeter un tout petit peu ensemble, on a bien compris qu'il n'y aurait pas de trêve de Noël. Comment vous voyez les semaines qui viennent, est-ce que vous vous dites : eh bien, au fond, ils vont finir par se fatiguer ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Non, ce n'est pas comme ça que je vois les choses, moi, je pense qu'un dialogue social, c'est des échanges réguliers, mais c'est aussi, mais c'est aussi, Apolline de MALHERBE, quand il y a des propositions où on garantit les droits acquis, où on dit clairement que quel que soit le système de retraite dans lequel on est aujourd'hui, tous ceux qui sont à moins de 17 ans de la retraite ne sont pas concernés, de manière à rassurer sur les parcours personnels, professionnels, on doit pouvoir s'apaiser…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que ça va s'arrêter ou est-ce que vous vous préparez à un conflit qui dure ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Mais moi, je ne me prépare pas dans un sens ou dans un autre, moi, je suis là pour trouver des solutions, je suis là pour faciliter l'échange, et en fait, faire que chacun prenne ses responsabilités, moi, je crois, je crois que le gouvernement est disposé au compromis, il fait des propositions, les entreprises SNCF, RATP font des propositions à leurs collaborateurs, je crois qu'il faut que les collaborateurs de ces deux entreprises d'ailleurs regardent les propositions qui sont faites par les directions. Et au final, oui, le gouvernement ouvre – vous l'avez dit tout à l'heure – un grand nombre de phases de concertation sur la pénibilité, sur la retraite progressive, à l'hôpital, dans la Fonction publique, sur le minimum contributif, sur la façon dont nous allons pouvoir garantir les droits acquis, puisque c'est un engagement, et tout ça, ça va démarrer à partir du 6 janvier.
APOLLINE DE MALHERBE
Du 6 janvier. Concertation donc. Le président va renoncer à sa retraite, à sa rémunération d'ancien président, finalement, est-ce que ça ne veut pas dire un petit peu que la retraite, ce n'est pas si important, puisque lui, il peut s'en passer ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Je pense que le président veut montrer l'exemple, là aussi, Apolline de MALHERBE, moi, je pense qu'on a besoin que nos élus montrent l'exemple, donc oui, les députés, eux, ils ont aligné très tôt, dès le 1er janvier 2018, leur régime de retraite sur le régime de la Fonction publique…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais lui, lui, Emmanuel MACRON, il va renoncer à 6.000 euros par mois, là encore, les Français, ils aimeraient bien pouvoir renoncer…
LAURENT PIETRASZEWSKI
Ça n'a pas été le cas des sénateurs, c'est un peu dommage. Eh bien, écoutez, je crois qu'il faut savoir ce qu'on veut, si on veut avoir des représentants qui montrent l'exemple, ils le font, ils le font de là où ils sont, on ne peut pas lui reprocher de le faire quand même !
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que l'exemple, c'est de dire : on peut renoncer à sa retraite ?
LAURENT PIETRASZEWSKI
Eh bien, l'exemple, c'est que le président de la République, lui, estime que ces dispositions ne doivent pas s'appliquer à lui, il les remet en cause, et il montre l'exemple, et c'est ça qu'il dit, il ne dit pas que la retraite n'est pas quelque chose d'important, bien sûr que la retraite est quelque chose est d'important, mais en tous les cas, lui, il estime en conscience que ces dispositions-là n'ont pas de sens compte tenu de son engagement, pour lui, dans le cadre de sa retraite.
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc il a annoncé qu'il y renoncerait. Merci beaucoup Laurent PIETRASZEWSKI, d'être venu sur RMC et BFM TV. Vous êtes le tout nouveau secrétaire d'Etat chargé des Retraites.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 janvier 2020