Interview de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, à Public Sénat le 16 janvier 2020, sur la réforme des retraites.

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Intervenant(s) : 
  • Olivier Dussopt - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin, c'est Olivier DUSSOPT. Bonjour.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci d'être avec nous. Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de l'Action et des Comptes publics. On est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale représentée par Julien LECUYER de la Voix du Nord. Bonjour Julien.

JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane, bonjour Monsieur le Ministre.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

ORIANE MANCINI
On va commencer, Olivier DUSSOPT, par l'affaire Ségolène Royal. Ségolène ROYAL limogée de son poste d'ambassadrice des pôles, enquête ouverte par le parquet national financier sur ses frais d'ambassadrice. On rappelle que vous apparteniez au Parti socialiste, vous la connaissez bien Ségolène ROYAL, vous avez soutenu sa campagne en 2007.

OLIVIER DUSSOPT
Comme tous les socialistes.

ORIANE MANCINI
En tant que socialiste. Est-ce qu'Emmanuel MACRON a fait une erreur en la nommant à ce poste ?

OLIVIER DUSSOPT
Ségolène ROYAL est une personnalité politique et elle représentait aussi un engagement en faveur de l'écologie. Aujourd'hui la seule question qui vaille, c'est lorsqu'on est ambassadeur et qu'on porte la voix du gouvernement parce qu'on porte la voix de l'Etat, on ne peut pas se permettre d'avoir un positionnement qui est un positionnement politique et pas un positionnement lié à la fonction. Il y a des principes et la décision de changer d'ambassadeur pour les pôles est une décision logique.

JULIEN LECUYER
Mais en fait, est-ce que le gouvernement n'a pas du mal à gérer les, entre guillemets, les grandes gueules de la politique ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne pense pas que ce soit la question, en tout cas ça ne se pose pas comme ça. L'essentiel, c'est 1 : d'être efficace et 2 : que chacun tienne son rang et que chacun tienne son rôle en respectant les fonctions qu'on occupe les uns les autres.

ORIANE MANCINI
Mais vous qui la connaissez bien…

OLIVIER DUSSOPT
« Bien » ce n'est pas le mot mais…

ORIANE MANCINI
Est-ce que vous êtes surpris par tout ce qui se passe ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne peux pas dire non. Je ne peux pas dire ni non, ni oui. Je ne la connais pas si bien que ça d'abord, sauf par sa personnalité.

ORIANE MANCINI
Vous l'avez côtoyée, vous avez travaillé avec elle au Parti socialiste. Ça ne vous surprend pas ?

OLIVIER DUSSOPT
J'ai travaillé avec elle moins, en tout cas moins étroitement que d'autres. Je ne suis qu'à moitié surpris.

ORIANE MANCINI
Allez, on va passer à la réforme des retraites, Julien.

JULIEN LECUYER
Gros morceau évidemment. Le président du Sénat Gérard LARCHER juge qu'avec la décision du compromis sur l'âge pivot, il ne reste plus finalement de projet de réforme des retraites qu'une réforme à points. On va dire est-ce qu'il reste encore une réforme universelle quand on voit toutes les concessions qui ont été offertes ? Et on parle encore de Nicole BELLOUBET qui a offert des avantages, en tout cas des formes de concession aux avocats récemment.

OLIVIER DUSSOPT
Le système que nous mettons en place, c'est un système universel et je m'explique en deux mots. D'abord c'est un système dans lequel l'ensemble des actifs du privé comme du public vont cotiser, et tous ces actifs qui vont cotiser auront une cotisation qui rapportera le même niveau de pension tout en tenant compte soit de la pénibilité, soit des caractéristiques de certains métiers.

JULIEN LECUYER
Oui, mais pas le même minimum contributif par exemple parce que pour les avocats, a priori ils vont avoir la garantie d'avoir un minimum contributif plus important.

OLIVIER DUSSOPT
Je vais compléter si vous le voulez bien. Je le dis, un système universel auquel tout le monde est affilié avec une retraite qui a le même rendement : pour chaque point cotisé, le même niveau de pension. Nous faisons en sorte de prendre en compte deux types de spécificités. Des spécificités liées aux métiers qui sont exercés, c'est la raison pour laquelle nous considérons que les policiers, les douaniers de la branche surveillance, les surveillants pénitentiaires, doivent pouvoir continuer à partir plus tôt vu le risque qu'ils encourent dans leurs fonctions. C'est la raison pour laquelle je travaille avec les organisations syndicales pour mesurer la pénibilité dans le secteur public, ce qui n'est pas le cas, et Muriel PENICAUD améliore aussi cette mesure dans le secteur privé.

ORIANE MANCINI
On va revenir sur cette question de la pénibilité.

OLIVIER DUSSOPT
Et puis après il y a une deuxième spécificité. Vous évoquiez une profession en particulier. Certaines professions se sont organisées depuis longtemps avec des éléments de protection supplémentaire et des sur-cotisations. Lorsque vous évoquiez la question des avocats, Nicole BELLOUBET le dit : les avocats appartiendront, seront affiliés au système universel, et à côté de cela ils conserveront des outils autonomes de protection renforcée leur permettant, parce qu'ils sur-cotisent, d'avoir des outils particuliers. L'un n'empêche pas l'autre. Nous construisons un système universel et il y a des spécificités à prendre en compte pour quelques professions, certaines professions, et puis il restera, il existera comme c'est déjà le cas aujourd'hui, des outils de protection complémentaire que les professions, les branches professionnelles peuvent organiser.

ORIANE MANCINI
La question qui agite les débats, c'est cette question de l'âge pivot suspendu pour le moment du texte par Edouard PHILIPPE. Mais est-ce que finalement cet âge pivot, il va revenir d'une manière ou d'une autre dans cette réforme des retraites ?

OLIVIER DUSSOPT
Moi, je ne veux pas ni préjuger ni présenter les conclusions de la conférence de financement. La conférence de financement, elle porte deux messages qui sont très forts à nos yeux. Le premier message, c'est que les partenaires sociaux et notamment les organisations syndicales réformistes ont dit il y a maintenant une dizaine de jours que, oui, il y avait une question de financement du système de retraite. L'actuel système comme le système à venir. Et que, oui, ils étaient prêts à en discuter pour garantir un équilibre à moyen et long terme puisqu'eux-mêmes comme nous considèrent que l'équilibre financier du système de retraite est à la fois un gage de solidité, de durabilité. C'est aussi un gage de justice puisqu'on ne reporte pas la charge comme on le fait depuis trente ou quarante ans sur les générations suivantes. Et puis il y a un deuxième message qui est celui de la confiance que le gouvernement fait au dialogue social et de notre ouverture. Dans la loi telle qu'elle a été rectifiée, dans l'avant-projet de loi tel qu'il a été rectifié, nous avons listé l'ensemble des hypothèses de travail. Toutes ne seront pas retenues. Toutes n'ont pas le soutien du gouvernement. Nous ne voulons pas, par exemple, modifier l'âge légal d'ouverture des droits et donc l'âge légal de départ à la retraite. Mais si nous disons aux partenaires sociaux que nous souhaitons qu'ils puissent travailler, qu'ils puissent explorer toutes les pistes et nous faire des propositions, il faut que le champ soit le plus large possible, et donc laissons les travailler.

ORIANE MANCINI
Vous l'avez quand même restreint, le champ. Pas de baisse des pensions, pas de hausse des cotisations. Pas de hausse des cotisations.

OLIVIER DUSSOPT
Personne n'en voudrait. Nous ne voulons pas alourdir le coût du travail, nous l'avons dit, puisque c'est un des critères de la compétitivité. C'est un des axes forts de la politique que nous menons, mais aussi de la politique de l'offre qui avait été initiée depuis 2013, il faut le rappeler. Par contre, laissons les partenaires sociaux travailler. Le chef du gouvernement l'a dit, Edouard PHILIPPE l'a répété : si les partenaires sociaux ne proposaient pas de mesure d'équilibre, nous prendrions nos responsabilités tout en nous inspirant d'ailleurs de leurs travaux, de leurs échanges. J'ai une conviction, c'est qu'ils y arriveront. Ils l'ont déjà fait sur Agirc-Arrco. Il n'y a aucune raison qu'ils n'y arrivent pas cette fois-ci.

JULIEN LECUYER
Est-ce que vous croyez comme le Premier ministre que la mesure d'âge de toute façon va revenir d'une façon ou d'une autre au sein de la conférence de financement ?

OLIVIER DUSSOPT
Quand on parle de mesure d'âge, il y a toute une palette de mesures qui sont envisageables.

JULIEN LECUYER
Alors ça peut être quoi ?

OLIVIER DUSSOPT
Ce qu'ont fait les organisations syndicales et patronales en 2015 sur Agirc-Arrco. Lorsqu'ils ont pris un certain nombre de mesures sur la régulation, de l'augmentation, du rythme d'augmentation du point, lorsqu'ils ont instauré des décotes temporaires autour d'un âge d'équilibre. Ça ne s'appelait pas comme ça à l'époque…

JULIEN LECUYER
La proposition de Richard FERRAND de faire une décote temporaire de trois ans entre 62 et 64.

OLIVIER DUSSOPT
C'est des sujets portés par le président de l'Assemblée nationale. Ce sont des mesures d'âge. Et donc quand on dit mesure d'âge, il y a toute une palette de mesures possibles ou éventuelles. Je le répète, la conférence de financement va se réunir, l'Etat va évidemment y participer puisque les employeurs publics représentent un actif sur cinq dans le nouveau système et donc il est normal d'y participer. De même qu'il est normal que l'Etat participe à ces travaux à ces discussions dans la mesure où beaucoup des dispositifs de solidarité - pension de reversion, droits familiaux - sont d'ores et déjà financés par l'Etat aux côtés des partenaires sociaux. Prenons un petit peu de temps pour que le débat soit posé parmi les membres de la conférence de financement, et surtout faisons confiance à cet outil et à ce dialogue.

JULIEN LECUYER
Mais justement en parlant de temps, on est dans un calendrier qui est très restreint. Damien ABAD, le président du groupe LR à l'Assemblée, demandait à ce les travaux de la conférence de financement s'achèvent avant le début des débats à l'Assemblée qui sont prévus à partir du 17 février.

OLIVIER DUSSOPT
Le groupe LR n'a qu'une obsession. Il n'a qu'une obsession : c'est reporté l'âge légal de départ à la retraite et de faire une mesure paramétrique comme ils ont fait en 2010 et comme ils avaient fait précédemment. Ça n'est pas notre optique, ça n'est pas notre objectif. Et plutôt que d'avoir des obsessions sur le report de l'âge légal de départ à la retraite, ils devraient accorder leurs violons entre eux puisque…

JULIEN LECUYER
L'obsession, c'est quand même d'avoir tous les éléments en main quand on est député pour essayer de juger d'une réforme.

OLIVIER DUSSOPT
Je vais aller au bout. Les parlementaires seront évidemment informés, ils seront partie prenante de tous les débats. Ce que nous proposons aujourd'hui, c'est que la conférence de financement se réunisse. Que les négociations ouvertes autour de la pénibilité, autour de la gestion des fins de carrière, autour du minimum contributif puissent avancer et mettre à profit la navette parlementaire, ce que nous permet la procédure parlementaire. Des amendements du gouvernement, des amendements du Parlement, le travail sur un certain nombre d'ordonnances qui sont prévues dans le texte, le travail sur les décrets d'application, dans la concertation aussi en saisissant les instances les plus compétentes pour cela, de manière à ce que chacun soit informé.

ORIANE MANCINI
Mais vous trouvez ça normal que les parlementaires examinent un texte dont ils ne connaissent pas finalement le financement. Les retraites, ce n'est pas rien. C'est 14% du PIB.

OLIVIER DUSSOPT
C'est 13,8 %, vous avez raison. C'est un engagement financier qui est important qui, au passage, permet le financement du système que nous mettons en place et permet son équilibre. Là où il faut que nous puissions avancer, c'est sur le financement des mesures de transition notamment lorsqu'il y a revalorisation salariale. Il y a dans le texte les éléments qui permettent de garantir l'équilibre notamment en listant les hypothèses et en prévoyant le recours à un certain nombre d'ordonnances. Au fur et à mesure de l'avancée des travaux, tout ça sera affiné évidemment et on peut considérer, en tout cas faire un constat, que oui nous proposons une méthode un peu particulière qui consiste à tisser, à entrelacer les travaux du dialogue social et les travaux du débat parlementaire. Et je pense que ça peut être extrêmement intéressant pour la qualité du texte qui engage autant d'acteurs lorsque le système universel sera mis en place.

JULIEN LECUYER
Monsieur le Ministre, on se rappelle quand même qu'en 2010, vous faisiez partie des 120 parlementaires socialistes qui avaient refusé une mesure d'âge dans le cadre de la réforme des retraites. Pourquoi cette fois-ci finalement la mesure d'âge devient essentielle ?

OLIVIER DUSSOPT
Ce que nous avons refusé en 2010, c'est le report de l'âge légal de départ à la retraite qui était un report à l'aveugle, et j'étais très heureux ensuite de permettre les départs anticipés pour les carrières longues, ce que ne prévoyait pas 2010. Très heureux aussi d'avancer avec des imperfections que nous avons corrigées sur la prise en compte de la pénibilité, ce que ne permettait pas suffisamment la loi de 2010. Il y a une grande différence entre l'âge d'équilibre et le recul de l'âge légal de départ à la retraite, y compris dans les conséquences sur les questions de départ anticipé d'un certain nombre de professions j'ai citées tout à l'heure. Et donc nous cherchons aujourd'hui à la fois un équilibre parce que c'est pour nous un outil de responsabilité, et nous cherchons aussi à prendre en compte de manière plus individuelle le déroulement des carrières, la spécificité des fonctions exercées, la pénibilité pour y revenir de manière à permettre…

ORIANE MANCINI
On va y revenir mais juste vous dites il y a une différence, mais pas tant de différence que ça. Est-ce que en disant aux gens « vous pouvez partir à 62 ans mais vous aurez une pension de retraite moindre », vous ne les poussez pas à travailler jusqu'à 64 ans ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y a évidemment un encouragement et aujourd'hui, la question de l'âge pivot puisque vous reprenez cette expression, en tout cas vous la décrivez, est soumise à la conférence sociale. Il y a une différence parce que l'âge légal de départ à la retraite, c'est vraiment l'âge auquel vous pouvez commencer à ouvrir les droits aussi imparfaits soient-ils. Si on regarde le système tel qu'il existe aujourd'hui, vous avez un âge légal de départ à la retraite mais vous avez aussi un autre âge couperet qui concerne 120 000 personnes par an dont 80 000 femmes. C'est l'âge de suppression de la fameuse décote, c'est 67 ans. On a 120 000 personnes par an qui travaillent jusqu'à 67 ans parce qu'ils ont une carrière - souvent elles ont une carrière incomplète - et qu'elles savent qu'elles auront - où ils savent - une retraite incomplète, mais en plus il y aura une décote sur cette retraite incomplète. Avec la méthode que nous proposons, certes il y a un encouragement à travailler un peu plus longtemps, ce qui correspond à la réalité des choses. Le départ effectif à la retraite est déjà autour de 63 ans. Mais il y a aussi le fait de ramener de 67 à 64 ans l'âge de suppression de la décote et de permettre à 120 000 personnes par an, dont 80 000 femmes, de partir plus tôt qu'aujourd'hui avec une retraite de meilleure qualité.

JULIEN LECUYER
Tout ça, encore une fois la question se porte sur le financement, mais pour être totalement transparent, normalement le gouvernement devrait fournir une étude d'impact pour comprendre les enjeux financiers qui sont liés à cette réforme. Quand est-ce qu'elle va enfin atterrir sur les bureaux des parlementaires ?

OLIVIER DUSSOPT
Le conseil des ministres sera saisi du texte et l'ensemble des documents d'accompagnement explicatifs, y compris les études d'impact, le 24 janvier. Et la procédure fait qu'une fois le conseil des ministres saisi, soit qu'il a validé le texte, le Parlement peut être saisi avec les documents afférents. Donc nous faisons les choses dans l'ordre.

ORIANE MANCINI
Donc avec ces études d'impact.

JULIEN LECUYER
Donc le 24 février. Heu, le 24 janvier.

OLIVIER DUSSOPT
Tous les textes présentés en Conseil des ministres sont accompagnés des études qui sont prévues par la Constitution.

ORIANE MANCINI
On va parler de la pénibilité. Les syndicats de fonctionnaires, notamment CGT-FO-Solidaires, ont boycotté les réunions bilatérales prévues avec vous cette semaine. Sur cette question de la pénibilité, rien n'est négociable, c'est ce qu'ils disent. Qu'est-ce que vous leur répondez ?

OLIVIER DUSSOPT
Je travaille avec ceux qui veulent avancer. Et parmi les neuf organisations syndicales, six me rencontrent cette semaine pour évoquer la question de la pénibilité. Aujourd'hui la pénibilité n'est pas prise en compte dans la Fonction publique. Vous avez des agents publics qui sont exposés à un des six facteurs ou à plusieurs des six facteurs de pénibilité et qui n'ont aucune prise en compte, aucun avantage, aucune contrepartie. Les organisations syndicales, six sur neuf, me font des propositions. Certaines ont des points de désaccord parce que nous sommes dans la discussion, d'autres ont des points sur lesquels nous pouvons avancer. Nous avons dit que nous étions ouverts à un travail pour améliorer la définition des fameux critères. Le Premier ministre a dit par exemple que le fait de devoir faire minimum 120 nuits par an pour être reconnu comme travailleur de nuit pouvait être revu à la baisse pour couvrir plus de personnes. Hier les organisations syndicales réformistes, je pense notamment à la CFDT, à l'UNSA, m'ont indiqué qu'ils souhaitaient une réflexion sur ce qu'on appelle les polyfacteurs, c'est un peu technique. Ce sont des agents publics, mais c'est valable dans le privé, qui sont exposés à plusieurs facteurs de pénibilité mais jamais suffisamment pour pouvoir en valider un et en déclencher au sens des règles actuelles. Certains m'ont aussi évoqué la question de la pénibilité tout au long de la carrière. Il y a des points sur lesquels nous pouvons avancer.

ORIANE MANCINI
Alors lesquels ? Qu'est-ce que vous êtes prêts à accepter ?

OLIVIER DUSSOPT
Ceux que je viens d'évoquer.

ORIANE MANCINI
Ceux-là, vous pourriez les accepter ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous travaillons sur ces points-là et ils se sont engagés à me fournir des propositions techniques pour que nous puissions les étudier et les confronter avec nos propres pistes de travail. Nous allons permettre une mesure, et je sais qu'ils y sont attachés pour les syndicats que j'ai cités, la mesure individuelle de la pénibilité. C'est-à-dire qu'aujourd'hui dans la Fonction publique, vous pouvez avoir parfois certains dispositifs de départ anticipé, non pas par rapport au métier que vous exercez au quotidien mais par rapport au fait que vous appartenez à un corps ou un cadre d'emploi de manière indistincte. Et si vous n'appartenez pas à ce corps et que vous exercez un métier pénible, là vous n'avez pas de contrepartie. Le fait de regarder cela de manière individuelle va permettre à des agents publics qui aujourd'hui ne sont pas couverts d'être mieux protégés et d'être mieux accompagnés et je vais accompagner cela parce que parfois, le calendrier fait bien les choses. Dans un certain nombre de travail propre à la Fonction publique, le Premier ministre Edouard PHILIPPE m'a demandé de lui présenter pour le mois de mars un plan santé au travail dans la Fonction publique. C'est une première en la matière et je dispose, par la loi de transformation de la Fonction publique que j'ai portée au Parlement, de la possibilité de prendre une ordonnance sur la prévention des risques psychosociaux, sur les instances médicales, sur la prévention de la pénibilité que nous préparons, ordonnance que nous préparons pour l'été. Cette ordonnance va nous permettre d'accentuer aussi le volet prévention dans la Fonction publique pour faire en sorte que la pénibilité soit mieux prévenue plutôt que seulement réparée. Ça fait partie des points de discussion sur lesquels nous pouvons avancer. La semaine prochaine nous avancerons aussi sur l'aménagement des fins de carrière puisque le dispositif de retraite progressive qui existe dans le secteur privé, qui n'est pas assez mobilisé - le Premier ministre l'a dit - n'existe pas dans le public et nous allons l'ouvrir au public. Et ça fait aussi partie des champs de discussion et d'avancée de travaux et de dialogue avec, je le répète, les syndicats qui souhaitent participer à ce dialogue.

ORIANE MANCINI
Juste, puisque vous citez ceux qui souhaitent participer, qu'est-ce que vous pensez de l'attitude de la CGT et de FO ?

OLIVIER DUSSOPT
J'allais dire ça me désole mais ce n'est pas à moi de porter un jugement. La pénibilité, l'aménagement des fins de carrière, indépendamment de la réforme des retraites se sont des sujets majeurs. Je l'ai dit hier à la FSU. La FSU s'oppose à la réforme mais participe à ce dialogue sur la pénibilité. Je sais très bien que ce n'est pas parce qu'ils participent à ce dialogue qu'ils vont valider la réforme des retraites. Mais je trouve utile, intéressant qu'ils amènent leurs contributions sur ce point-là.

JULIEN LECUYER
Est-ce qu'on peut parler peut-être de façon plus concrète pour les gens, mais à quel âge finalement une aide-soignante qui a eu un métier pénible toute sa carrière peut espérer partir ?

OLIVIER DUSSOPT
Pardonnez-moi de ne pas être très précis dans la réponse pour une raison en particulier. Les aides-soignantes aujourd'hui et aides-soignants relèvent de ce qu'on appelle la catégorie active et bénéficient d'un départ anticipé de quelques années. Je dis quelques années parce que parfois, selon les situations individuelles, il faut valider des durées de service etc. Nous savons que les aides-soignants du secteur public, mais c'est vrai aussi pour les aides-soignantes et les aides-soignants du secteur privé, dans des cliniques, dans des EHPAD, sont exposés à une forme de pénibilité qui ne relève pas nécessairement des facteurs que l'on retient pour l'ensemble des autres métiers parce qu'il y a des caractéristiques très particulières. Je pense à la manipulation des patients et au fait d'être au chevet des malades. Agnès BUZYN, ma collègue Ministre de la Santé, a ouvert hier ou avant-hier une série de bilatérales et de discussions avec les organisations syndicales du monde hospitalier, des métiers hospitaliers publics, parce que c'est le champ d'intervention où il y a le plus de personnes concernées, mais aussi privés pour voir comment on peut mieux prendre en compte les caractéristiques de ces aides-soignants et mieux accompagner les aides-soignants et les aides-soignantes. Donc je ne suis pas précis dans ma réponse pour une raison très simple…

JULIEN LECUYER
Est-ce que vous pouvez leur promettre que les conditions dans lesquelles elles peuvent partir à la retraite seront aussi positives qu'à l'heure actuelle ?

OLIVIER DUSSOPT
Ce que je sais et ce que je peux garantir, c'est que le travail que nous allons mener, Agnès BUZYN, en priorité et le gouvernement à ses côtés pour ce qui me concerne plus particulièrement sur le volet Fonction publique, est un travail qui vise à prendre en compte les caractéristiques et la dureté de ce métier. C'est à la fois un métier extrêmement beau avec des gens passionnés qui font ce métier parce qu'ils veulent accompagner, qu'ils veulent aider, qu'ils veulent soigner tout simplement, mais dont on sait aussi la dureté, les rythmes, les cadences, la confrontation aussi avec la maladie et parfois le désespoir de celles et ceux qui sont accompagnés.

ORIANE MANCINI
Olivier DUSSOPT, il nous reste trois minutes pour parler des municipales. Julien ?

JULIEN LECUYER
Vous avez été maire d'Annonay, cette commune d'Ardèche pendant neuf ans.

OLIVIER DUSSOPT
Un tout petit peu plus de neuf ans, oui, neuf ans et demi.

JULIEN LECUYER
Neuf ans et demi, voilà. Vous faites partie de la vingtaine de membres du gouvernement qui ne se représentera pas aux municipales. Est-ce que vous pensez que les candidats LREM vont souffrir du projet de réforme des retraites ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas parce que c'est un engagement du président de la République et il se trouve que la détermination et la volonté de tenir ses engagements sont généralement des qualités appréciées des électeurs au-delà des clivages. Ce que je sais aussi, c'est que les candidats soutenus par la majorité construisent des équipes qui rassemblent, des équipes qui sont les plus larges possibles. Et puis enfin, je sais une troisième chose parce qu'il faut avoir aussi de la lucidité en politique. C'est que la majorité présidentielle, et en particulier le mouvement La République en Marche, c'est un mouvement qui est jeune, qui est encore peu implanté, qui se construit sur les territoires et ces municipales sont une des premières étapes de cette implantation locale.

ORIANE MANCINI
Alors Christophe CASTANER a confirmé hier dans un courrier adressé à l'Association des maires ruraux que les préfets n'attribueront plus de couleur politique aux candidats dans les communes de moins de neuf mille habitants soit l'immense majorité des communes. Est-ce que c'est une manière pour la majorité de masquer les mauvais résultats ?

OLIVIER DUSSOPT
Non. Enfin, il ne faut pas voir des manigances ou je ne sais quoi absolument derrière chaque décision. C'est aussi une façon de permettre…

ORIANE MANCINI
C'est ce que dénonce une partie de l'opposition.

OLIVIER DUSSOPT
Oui. L'opposition dénonce beaucoup et propose peu. C'est en général le défaut principal de celle-ci. C'est avant tout une manière de permettre à des femmes et des hommes qui veulent s'engager pour leur commune mais qui ne veulent pas le faire dans le cadre d'un système ou d'affichage partisan de le faire en toute liberté. Et rien n'empêche un candidat ou une candidate de dire quelles sont ses valeurs, quelles sont ses engagements politiques et sa philosophie, tout le monde le sait.

ORIANE MANCINI
Mais alors, pourquoi cette circulaire ?

OLIVIER DUSSOPT
Cette circulaire, je le répète, donne la possibilité à des candidats souvent dans des petites communes de monter des listes, de rassembler le plus largement possible sans devoir s'attribuer eux-mêmes une étiquette ou une tendance politique alors qu'ils montent des listes de rassemblement.

JULIEN LECUYER
Vous vous engagerez vous-même dans la campagne des municipales ?

OLIVIER DUSSOPT
Je m'engagerai pour soutenir les candidats de la majorité et puis, plus localement, je m'engage pour soutenir la liste d'un ami, un de mes anciens adjoints, Simon PLENET qui mène une liste de rassemblement à Annonay comme je l'ai fait en 2008 en 2014. Je sais qu'il a un bon projet. C'est aussi une des raisons qui m'amène à ne pas être candidat. D'abord je ne suis pas candidat parce que, vous l'avez dit, j'ai effectué deux mandats et qu'il faut savoir parfois passer la main. Candidat aussi parce que je sais qu'il a une très bonne liste et une très bonne équipe que je soutiens comme je soutiendrai les équipes de la majorité.

JULIEN LECUYER
Vous excluez de peut-être repenser à un mandat local, départemental, régional dans les prochaines années ?

OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, quoi qu'il arrive, et je suis très heureux d'être au gouvernement, mais quoi qu'il arrive je suis le député élu de la 2ème circonscription de l'Ardèche jusqu'en 2022 donc si à un moment ou à notre je devais quitter le gouvernement, ce que je ne souhaite pas mais ce n'est pas à moi qui le décide, je redeviendrai député. Donc en cela je suis toujours un élu local. Il y a d'autres échéances qui viendront plus tard mais en politique, il faut savoir faire les choses les unes après les autres, les étapes les unes après les autres et il est beaucoup trop tôt pour se projeter.

ORIANE MANCINI
Un mot sur l'un de vos anciens collègues socialistes qui est maintenant un de vos collègues au gouvernement, c'est Didier GUILLAUME. Là aussi, vous le connaissez bien, vous étiez ensemble au PS. Il est candidat à Biarritz dans un duel avec un autre de vos collègues, c'est Jean-Baptiste LEMOYNE. Est-ce que Didier GUILLAUME a eu raison d'y aller ?

OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas à moi de porter une appréciation sur la candidature de Didier d'une part ou de Jean-Baptiste d'autre part. Il y a un chef de gouvernement qui s'est exprimé hier et, évidemment, je fais miens l'intégralité de ses propos.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup, merci Olivier DUSSOPT d'avoir été avec nous ce matin.

OLIVIER DUSSOPT
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 janvier 2020