Texte intégral
Madame la Députée,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le sommet de Pau a été un sommet décisif. C'était le sommet de la gravité, puisque, vous le savez, nos pays paient le prix du sang dans la lutte contre le terrorisme, que ce soit au Niger, il y a quelques jours, où 89 soldats ont trouvé la mort, que ce soit la mort récente de 13 de nos soldats en opération. Ce sommet a été le sommet de l'unité, parce que tout le monde était présent : le secrétaire général des Nations unies, le président Charles Michel, le Haut représentant de l'Union européenne, M. Borrell, le président de la commission de l'Union africaine, la secrétaire générale de la Francophonie et évidemment les chefs d'Etat du G5 Sahel. C'était aussi le sommet de la clarification et de la confirmation puisque les pays du G5 ont, sans ambiguïté, réaffirmé la nécessité de la présence de Barkhane et du soutien de ses alliés européens.
C'était aussi le sommet pour l'action et pour la remobilisation, ce qui a permis d'aboutir à l'initiative, que vous avez citée, de la Coalition pour le Sahel. Cette coalition permettra de mieux mettre en cohérence les mécanismes existants, d'assurer un meilleur pilotage, une meilleure efficacité des actions des pays du Sahel comme de la communauté internationale ; avec une traduction militaire, il s'agit d'affermir et de mieux coordonner nos actions ; avec une traduction politique, pour que l'Etat revienne partout dans les régions du Sahel, en particulier à Kidal, mais aussi dans le nord du Burkina Faso. Mais aussi dans la volonté de donner plus d'efficacité, plus de lisibilité à l'action pour le développement, dans le cadre de l'Alliance pour le Sahel, parce que la seule véritable alternative aux groupes djihadistes, c'est bien la revitalisation des zones qui sont aujourd'hui contestées.
Monsieur le Député,
J'ai déjà, tout à l'heure, répondu à une question portant sur le sommet de Pau qui s'est terminé tard hier soir.
Je voudrais répondre plus particulièrement à la dimension sécuritaire que vous avez évoquée, en vous rappelant, mais vous le savez, que l'année 2019 a vu une donne sécuritaire changée, dans cette région. D'abord parce qu'il y a eu une extension géographique, à la fois au Burkina Faso et au Niger, et ensuite parce que la menace a muté et que désormais, faute d'avoir un territoire, les groupes terroristes s'attaquent à déstabiliser les Etats, à les déstructurer complètement.
Ce qui fait que nous avons un double combat à mener : celui de notre sécurité, puisqu'il s'agit de la frontière sud de l'Europe, et celui de la stabilité des Etats concernés.
Hier soir, les chefs d'Etat du G5 Sahel se sont orientés aussi vers une nouvelle donne sécuritaire. Je soulèverai surtout cinq points spécifiques et nouveaux.
Le premier, c'est le fait que l'action va être concentrée sur la zone des trois frontières où se trouvent les risques les plus importants.
Le deuxième, c'est que va être établi un commandement conjoint de la force Barkhane et de la force conjointe du G5, auquel viendront s'ajouter les partenaires supplémentaires qui voudront s'y joindre. Cela permettra une plus grande réactivité, un plus grand échange d'informations et, quand il y a des alertes, une plus grande capacité de réaction.
Troisièmement, nous allons mobiliser davantage les pays volontaires et partenaires pour qu'ils s'associent à ce nouveau mode de direction. Je pense en particulier à la force Takuba.
Enfin, nous allons revoir le concept d'opération conjointe pour lui donner plus de facilités et, dans cet environnement-là, la France a décidé de renforcer sa présence par 220 soldats supplémentaires.
Monsieur le Député,
Je rends compte régulièrement de l'action de la France au Sahel à la commission des affaires étrangères, tous les mois. Je suis disposé à faire encore plus, mais l'information, je crois que l'ensemble du parlement peut l'avoir sur la situation.
La réalité, je m'en suis déjà expliqué tout à l'heure à plusieurs reprises, c'est qu'il s'est passé hier, par la création de la Coalition pour le Sahel, un tournant dans la lutte que nous menons contre le terrorisme, parce que le dispositif mis en place permet la bonne articulation entre plusieurs piliers.
Il y a quatre piliers, dans ce qui a été décidé hier : c'est d'abord le pilier du renforcement de la lutte contre le terrorisme, de manière opérationnelle, j'y ai répondu tout à l'heure à M. Ledoux qui m'interrogeait sur ce point, avec en particulier le commandement conjoint et le renforcement de la lutte dans la zone des trois frontières. Il y a un deuxième pilier qui est l'organisation militaire des capacités du G5 Sahel, avec davantage de formation et davantage d'équipements et de soutien logistique. Il y a un troisième pilier qui est l'appui pour le retour des services de l'Etat sur leurs territoires, qui est un élément essentiel, parce que l'action des groupes terroristes vise surtout les symboles de l'Etat, et singulièrement les écoles. Enfin, il y a un quatrième pilier sur lequel je me suis exprimé il y a un instant, en répondant à Mme Poueyto, sur le renforcement des projets de l'Alliance Sahel.
Tout cela doit faire cohérence, et tout cela doit être organisé avec le soutien de tous les acteurs qui étaient présents hier. Et chaque partenaire peut se positionner sur chacun de ces piliers pour donner une dynamique beaucoup plus forte à l'action contre le terrorisme, avec un échéancier, des rendez-vous et en particulier, avant l'été, une rencontre, à nouveau, des présidents du G5 Sahel et du président de la République française. Voilà la dynamique qui est créée. Merci.
Monsieur le Député,
Vous avez posé trois questions à la suite du lancement hier de la Coalition pour le Sahel.
D'abord sur l'Union européenne. Je vous ferais observer d'une part que l'Union européenne était représentée à très haut niveau à ce forum et à ce sommet sur le Sahel, à la fois par le président du Conseil européen, M. Charles Michel, et par le Haut représentant, M. Borrell, qui a annoncé, en prenant ses fonctions, qu'il considérait que la lutte contre le terrorisme au Sahel était la priorité pour l'Union européenne et pour son propre engagement. Il l'a répété hier.
L'Union européenne a aujourd'hui toutes les disponibilités pour agir, à la fois dans le renforcement de ce que l'on appelle la force Takuba qui va réunir des forces spéciales d'accompagnement de Barkhane, dans le cadre du commandement conjoint qui va être mis en place. Plusieurs pays ont déjà annoncé leur participation, je pense aux Tchèques, je pense aux Danois, je pense aux Portugais et à d'autres. Donc, l'action militaire de l'Europe sera vraiment présente. Et puis, par ailleurs, il a été indiqué que l'Europe conforterait son action de formation, à la fois au Mali, mais aussi dans d'autres pays du Sahel qui en feraient la demande. Donc, l'Europe sera au rendez-vous de manière très claire et très affichée hier.
Sur les Nations unies, le mandat de la MINUSMA sera renouvelé à partir du mois de juin, ce sera soumis au Conseil de sécurité au mois de juin. Mais les Nations unies, par le biais de la MINUSMA, peuvent agir dans les quatre piliers que je viens d'indiquer tout à l'heure, en particulier par les trois derniers : le renforcement de la stabilisation militaire ; le fait de rétablir les fonctions d'Etat dans les pays concernés ; et le fait de renforcer l'action de développement dans ce que j'appelle l'Alliance Sahel qui est tout à fait essentiel.
Quant aux Américains, on connaît l'importance de leur soutien logistique et nous souhaitons qu'ils restent dans cette dimension-là.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 janvier 2020