Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse à BFMTV le 28 octobre 2019, sur le climat social, la laïcité, la radicalisation et le service national universel.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous. Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse e vous vous occupez notamment de la jeunesse. Ce matin, Emmanuel MACRON doit réunir, voir, rencontrer, discuter avec les responsables de l'islam de France : on me demande non pas de parler de laïcité mais en fait, on veut que je parle d'islam. Voilà ce que dit Emmanuel MACRON. Au fond, il refuse d'aller parler d'islam et de laïcité ?

GABRIEL ATTAL
Non, pas du tout, au contraire, on y travaille. Il reçoit effectivement les responsables du Conseil français du culte musulman, pour parler d'un sujet qui est un sujet qui n'est pas nouveau, qui est sujet qui est discuté depuis plusieurs décennies qui est celui de la place et de l'organisation de l'islam en France. C'est des discussions qui ont été entamées depuis 2 ans par le ministre de l'Intérieur, Emmanuel MACRON y prend sa part et va échanger avec les responsables du CFCM sur ce point.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais il dit aussi : je ne veux pas céder à la précipitation, sinon je serai moi-même complice d'une espèce de confusion collective. Est-ce que ce n'est pas un peu culotté de la part d'Emmanuel MACRON de dire qu'il serait victime d'une confusion, est-ce que ce n'est pas lui qui l'a installée ? Quand il a appelé à une société de vigilance et qu'il a demandé à tous les Français (je le cite) de « signaler les petits gestes, notamment les gestes d'éloignement avec nos valeurs ». Est-ce que ce n'est pas lui qui a installé cette zone grise ?

GABRIEL ATTAL
Précisément non, Emmanuel MACRON s'est exprimé sur ce sujet qui est un sujet de radicalisation : comment est-ce qu'après ce qui s'est passé à la préfecture de Police de Paris, on arrive mieux à s'organiser collectivement, évidemment les services de l'Etat mais aussi les Français, pour cet enjeu de la radicalisation et mieux, le prévenir. Et certains ont confondu ce débat-là avec celui de la laïcité, qui est la liberté pour chacun d'exercer son culte dès lors que ça n'empiète pas sur les libertés des autres. Donc précisément, Emmanuel MACRON reste sur sa priorité qui est de lutter contre la radicalisation pour protéger les Français. Une autre priorité qui est celle de la lutte contre le communautarisme, éviter finalement qu'on se divise entre personnes qui n'exercent pas le même culte, que dans certains territoires il y ait des lois de la religion qui passent au-dessus des lois de la République…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est le cas aujourd'hui ?

GABRIEL ATTAL
Il y a des situations évidemment qui ne sont pas acceptables et moi je le vois avec Jean-Michel BLANQUER à l'école. On lutte aussi contre le communautarisme à l'école, on a mis en place des outils, des moyens pour ça, pour relever des faits qui sont signalés dans les établissements scolaires et évidemment pour…

APOLLINE DE MALHERBE
Et est-ce que vous n'avez pas le sentiment toujours de courir derrière une réalité qui vous dépasse ou qui vous devance ?

GABRIEL ATTAL
Non, on a le sentiment d'agir et de mettre les moyens nécessaires pour agir. Encore une fois, il y a des faits qui sont signalés depuis des années, je parle ici de l'école qui est le sujet sur lequel je travaille ; et il faut une organisation. On a mis en place depuis 2 ans une cellule dédiée à la question du communautarisme à l'école, pour signaler les faits, pour les relever, on a maintenant des remontées très régulières tous les trimestres de situations situation qui ne sont pas acceptables qu'on constate dans des établissements scolaires. On a fait voter une loi, c'est le Sénat d'ailleurs qui avait proposé une proposition de loi, Madame GATEL, pour mieux encadrer et pour pouvoir fermer des écoles hors contrat. On sait qu'il y a un certain nombre de choses qui…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous n'y arrivez pas !

GABRIEL ATTAL
Mais si, on y arrive, on a fermé 5 écoles déjà avec la… suite à la proposition de loi…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais elles de leurs cendres comme le phénix !

GABRIEL ATTAL
On contrôle, on évite…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous fermez une école et elle renaît sous un autre nom, mais exactement dans le même lieu avec les mêmes élèves. Au fond, vous ne fermez pas véritablement…

GABRIEL ATTAL
Il peut y avoir des situations où certains cherchent à faire renaître une école qui a fermé. Mais on contrôle et on referme des écoles si c'est nécessaire…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais regardez le cas de l'école de Toulouse, ça fait depuis le début du quinquennat que vous courez après cette école à Toulouse, qui est une école dont vous avez obtenu effectivement la fermeture. Elle a rouvert sous un autre nom, dans les mêmes locaux et avec les mêmes élèves !

GABRIEL ATTAL
Oui, on est en train de regarder et de mettre les moyens nécessaires pour contrôler ce qui s'y passe. Et si c'est à la même situation qui est détectée, évidemment pour prendre des mesures de fermeture…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est un jeu de bonneteau, vous courrez toujours derrière le bonneteau !

GABRIEL ATTAL
C'est très difficile, c'est très difficile mais ce qui a de nouveau c'est qu'on se donne les moyens, on met les outils pour réagir comme on met les outils pour réagir dans l'école, encore une fois.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous n'êtes pas en train de vous battre avec une épée en bois ?

GABRIEL ATTAL
Non, je ne crois pas, je crois qu'on a des outils qui n'existaient pas avant, peut-être qu'il faudra les renforcer, on va voir dans les prochaines semaines. C'est aussi ce qu'a dit Emmanuel MACRON, c'est que sur ce sujet-là, il voulait qu'on continue à adapter nos moyens, nos outils pour réagir dans l'ensemble des services publics, à l'école en particulier. Donc évidemment, on y travaille avec Jean-Michel BLANQUER.

APOLLINE DE MALHERBE
Pour revenir sur cette zone grise Gabriel ATTAL, cette question de confusion, Emmanuel MACRON lui-même qui parlait de ces petits gestes qu'il fallait signaler avec franchement un doute sur qu'est-ce que ça doit être ces petits gestes au fond, parce que personne n'a envie de désigner ou de stigmatiser qui que ce soit. Est-ce que finalement, vous trouvez ça satisfaisant cet entre-deux, quand on parle par exemple du voile des mamans accompagnatrices : ce n'est pas illégal mais ce n'est pas souhaitable, voilà ce que dit votre boss, le ministre de l'Education, vous partagez ?

GABRIEL ATTAL
Mais là précisément, on parle de 2 sujets différents, on parle de la question de la société et de la vigilance que le président de la République a appelé de ses voeux. Et je pense que dans les expressions des prochaines semaines, des prochains mois…

APOLLINE DE MALHERBE
Vigilance vis-à-vis de la radicalisation…

GABRIEL ATTAL
Oui, de la radicalisation, radicalisation. Mais porter le voile, ça ne veut pas dire être radicalisé, donc on voit bien…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu'il n'a pas justement créé cette confusion où finalement, chacun y met ce qu'il a envie de mettre ?

GABRIEL ATTAL
Non je ne crois pas, ce qui a créé la confusion c'est une polémique qui a émergé suite à ce qu'a fait un conseiller régional du Rassemblement national dans un conseil régional, en invectivant une mère voilée qui accompagnait une sortie scolaire. Et médiatiquement, les choses se sont mélangées…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand on dit que ce n'est pas illégal mais ce n'est pas souhaitable, ce n'est quand même pas net.

GABRIEL ATTAL
C'est… l'important c'est ce que dit la loi, la loi aujourd'hui dit que le port du voile est interdit dans l'enceinte de l'école, elle ne dit pas – et le Conseil d'Etat a été très clair sur le sujet – en sortie scolaire vous pouvez pas porter de voile quand vous accompagner une sortie en revanche on lutte contre le prosélytisme c'est-à-dire ce qu'on ne peut pas faire c'est faire du prosélytisme pour la religion, pour une religion quelle qu'elle soit dans le cadre d'une sortie scolaire. Et là-dessus, on a même renforcé les mesures puisque dans la loi sur l'école de la confiance, on a fait voter un article pour renforcer les contrôles et pour pouvoir avoir des amendes, des contraventions au cas où des cas seraient relevés. Vous savez moi sur cette question du voile en sortie scolaire, forcément on se pose des questions, on y réfléchit, mais moi j'avais lu une tribune en 2014 je crois qui avait été publiée, qui s'appelait « Pour le droit des mères en sortie scolaire à porter leur voile », vous savez qui avait signé cette tribune ? Caroline FOUREST dont on ne peut pas dire qu'elle soit… qu'il y ait un moindre doute sur sa conception de la laïcité. Moi, c'est un débat que je ne comprends pas vraiment parce qu'un enfant quand il va au parc, quand il se déplace dans la rue, il va forcément être confronté, croiser des femmes qui sont voilées. Et quand on est en dehors de l'école, on n'est pas dans l'école, donc pour moi il est un peu illusoire d'imaginer qu'un enfant ne va pas croiser en dehors de l'école une femme qui porte le voile. Et donc vouloir comme ça fixer une règle pour les accompagnatrices scolaires, ça ne me semble pas être une priorité.

APOLLINE DE MALHERBE
Et globalement est-ce que vous trouvez que c'est souhaitable le voile ?

GABRIEL ATTAL
Pour moi la question ce n'est pas de savoir si c'est souhaitable ou pas, c'est là, c'est l'exercice d'une religion par des femmes…

APOLLINE DE MALHERBE
Non mais vous dites ça parce qu'évidemment, vous travaillez auprès de Jean-Michel BLANQUER qui, lui, estime que ce n'est pas souhaitable !

GABRIEL ATTAL
Mais encore une fois, là c'est une phrase qui a je pense un peu aussi sortie de son contexte, qui a été…

APOLLINE DE MALHERBE
C'était dans mon émission, donc je me souviens parfaitement, ce n'était pas sorti de son contexte…

GABRIEL ATTAL
Je sais bien !

APOLLINE DE MALHERBE
Je lui ai simplement demandé ce qu'il estimait lui, pourquoi est-ce qu'il trouvait que ce n'était pas souhaitable même si ce n'était pas illégal. Et lui dit « ce n'est pas souhaitable » parce qu'il estime que ce n'est pas en accord avec la vision de l'égalité homme-femme telle qu'il la souhaite.

GABRIEL ATTAL
Moi je pense que ce qui n'est pas souhaitable, c'est que des femmes soient contraintes de porter le voile, soit parce qu'elles ont une injonction directe par l'un de leurs proches, soit parce qu'elles sont dans un quartier, dans un territoire où le voile… enfin il y a tellement de femmes qui portent le voile que finalement, elle se dit qu'elle n'a pas le choix. Ça, ça n'est pas souhaitable. Après encore une fois, l'exercice d'une religion c'est un droit individuel, on peut exercer une religion, on peut porter le voile si on le souhaite quand on est une femme, l'essentiel c'est que ça soit pas souhaitable.

APOLLINE DE MALHERBE
Réforme des retraites, vous allez mener la semaine prochaine un débat avec Jean-Paul DELEVOYE, un débat entre jeunes actifs et retraités autour de la solidarité intergénérationnelle. Ce débat, qui a été souhaité par Emmanuel MACRON, après les négociations, les consultations du rapport Delevoye engager un grand débat auquel donc vous participez, est-ce que ce n'est pas en train d'enliser la réforme ?

GABRIEL ATTAL
Non, je ne crois pas parce que les choses ont été claires dès le départ. Il y a eu un travail qui a été confié à Jean-Paul DELEVOYE pendant près de 2 ans, qui a mené des concertations, qui a fait un rapport où il propose une organisation, un nouveau système de retraite par points plus juste, plus égalitaire entre les Français. Et maintenant, on a une phase de débat, de dialogue à la fois avec les syndicats et avec les Français sur ces propositions pour arriver à un projet de loi qui sera présenté l'année prochaine.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous n'avez pas le sentiment d'avoir peut-être laissé du coup un espace, dans lequel se débat va se transformer finalement bras de fer, on le voit bien notamment du côté des syndicats ?

GABRIEL ATTAL
C'est toujours le risque quand on prend le temps de la concertation, mais on ne peut pas d'un côté nous reprocher parfois d'aller trop vite, de ne pas laisser de place à la concertation ; et quand on le fait nous dire que c'est un enlisement de la réforme. Moi je pense qu'il faut prendre le temps parce que c'est une réforme fondamentale, on transforme un système qui a 70 ans, on crée un nouveau système par points, on change les règles et l'objectif, c'est que les Français partagent aussi…

APOLLINE DE MALHERBE
Des règles qui parfois ne rentreront en application que dans un demi-siècle, c'est-à-dire que vous avez non seulement repoussé le moment de faire cette réforme, qui va finalement… la loi elle-même venir plus tard que prévu. Mais l'application elle-même, on a l'impression que s'est repoussé aux calendes grecques !

GABRIEL ATTAL
Non, il y a une loi qui sera votée en 2020, ça c'est une annonce qui est très claire, elle sera même présentée et votée avant l'été. Ensuite, il y a une bascule qui est aujourd'hui prévue dans le nouveau système en 2025, donc pour les générations qui sont nées à partir de 63 je crois. Et toute la question qui est posée maintenant, c'est pour des régimes on change des règles qui existent depuis des décennies, qui sont pour beaucoup des acquis, des personnes qui sont rentrées dans des professions avec une forme de contrat en se disant qu'ils allaient pouvoir bénéficier de ces règles, quelle transition on se donne ? C'est normal de donner de la transition, encore une fois on change de système. Mais l'important, c'est d'aller vers cette réforme, c'est d'acter qu'on change de système.

APOLLINE DE MALHERBE
Dans les jours qui viennent, est-ce que vous ne redoutez pas le bras de fer que sont en train d'installer notamment les différents syndicats de la SNCF, on le voit encore ce matin, un trafic perturbé sur tout le réseau TGV ; et puis bien sûr la grève du 5 décembre, vous allez au clash ?

GABRIEL ATTAL
On voit que certains cherchent à faire monter la tension et moi, je trouve qu'il y a des attitudes irresponsables. On l'a vu la semaine dernière avec la grève déguisée qui avait été décidée et qui a mis dans la panade beaucoup de Français qui partaient en vacances…

APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous, c'est une grève déguisée ?

GABRIEL ATTAL
La semaine dernière, c'était une grève déguisée, bien sûr, là…

APOLLINE DE MALHERBE
Parce que les syndicats eux…

GABRIEL ATTAL
Estiment que c'était un droit de retrait…

APOLLINE DE MALHERBE
Un droit de retrait légitime !

GABRIEL ATTAL
Oui, enfin il y a eu un assez long débat sur votre antenne hier que vous animiez avec Jean-Baptiste DJEBBARI, mon collègue des Transports, qui a parfaitement…

APOLLINE DE MALHERBE
Face à Philippe MARTINEZ de la CGT…

GABRIEL ATTAL
Donné notre conception de ce qui s'est passé. Ce n'était pas un droit de retrait, c'était une grève cachée derrière un droit de retrait. Et là ce qui se passe ce matin n'est pas non plus acceptable, qu'on n'ait que 3 TGV sur 10 qui circulent sur la zone Atlantique, ce n'est pas acceptable. Donc il faut sortir de cette situation, moi j'ai beaucoup écouté ce qui se disait sur la grève de ce matin. On a des cheminots qui ont décidé une grève la semaine dernière, parce qu'ils contestaient une nouvelle organisation du temps de travail. Elle a été immédiatement retirée par la direction pour laisser le temps du dialogue, la grève s'est poursuivie et maintenant, ils font grève en disant qu'ils n'arrêteront la grève que si on leur paye leurs jours de grève et si on leur donne une prime en plus. On voit que ce n'est absolument pas acceptable comme mot d'ordre et derrière ça, le risque c'est qu'il y ait une volonté de faire monter la tension. Evidemment qu'il y a des inquiétudes et moi j'entends parfaitement que quand on est cheminot, comme d'ailleurs quand on est dans un…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous pouvez comprendre qu'ils ont le sentiment que le contrat est quand même rompu, ils sont rentrés dans une entreprise avec un certain nombre de perspectives et aujourd'hui, on leur dit que ça va changer !

GABRIEL ATTAL
C'est précisément ce que je vous disais, c'est qu'effectivement il y a des personnes qui sont rentrées dans une entreprise, dans un emploi avec des règles, qui considèrent qu'il y avait une forme de contrat. Et donc tout l'enjeu pour nous, et c'est ça la question de la transition, comment est-ce qu'on va vers les nouvelles règles, qui ça concerne, à quelle vitesse est-ce que ça se déploie ? C'est la discussion qui a lieu en ce moment. Et donc l'important pour nous, c'est de les avoir autour de la table, c'est de pouvoir échanger avec eux et construire des solutions avec eux. Mais le fait de faire monter la tension avec des actions comme celle-ci, ce n'est pas de nature à avoir un travail et un climat serein pour avancer.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est le jeu, vous le savez bien et puis vous leur avez laissé cet espace !

GABRIEL ATTAL
Mais c'est… encore une fois, que le droit de grève soit constitutionnel c'est un fait, qu'on puisse faire grève c'est un fait. Mais encore faut-il que ça rentre dans le cadre d'une grève qui ait une prévisibilité, que ce soit annoncé…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous n'avez pas pris le risque de vous retrouver dans une situation comme en 95, avec un pays véritablement bloqué ?

GABRIEL ATTAL
Ce qui ce qui est certain, c'est que quand on se lance dans une réforme telle que celle-ci qui, encore une fois, va changer complètement le système, forcément ça crée des inquiétudes, ça crée des doutes, parfois ça crée des oppositions. Tout le monde ne sera pas d'accord avec la réforme des retraites et forcément, ça fait peser le risque qu'il y ait des mouvements. Mais notre souhait à nous, c'est d'être dans une discussion calme et sereine et d'avancer sur le fond avec l'ensemble des parties prenantes.

APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, vous êtes responsable de la jeunesse au gouvernement, je voudrais vous entendre sur ce qui s'est passé dans 2 universités ces derniers jours, d'abord une conférence de la philosophe Sylviane AGACINSKI qui a été annulée à l'université de Bordeaux, voilà ce que disait l'université : ne pouvant assurer pleinement la sécurité des biens et des personnes et les conditions d'un débat vif mais respectueux face à des menaces violentes, l'université a décidé d'annuler cette rencontre. C'était notamment sur les questions de corps humain, de PMA, de GPA. Et puis la semaine précédente, c'est un collectif qui a réussi à faire annuler un court… une formation de prévention à la radicalisation qui, elle, devait avoir lieu à la Sorbonne. Qu'est-ce que ça dit l'université aujourd'hui, est-ce que c'est encore un lieu de liberté et d'apprentissage ?

GABRIEL ATTAL
Ça doit le rester, ça doit être un lieu de liberté, d'apprentissage et de débat. Si on ne peut pas débattre à l'université, où est-ce qu'on peut débattre ? C'est le lieu même où doivent se confronter des visions différentes au service des étudiants. Moi je trouve que ces deux situations sont révoltantes, c'est révoltant de voir qu'une femme, une philosophe, Sylviane AGACINSKI qui porte des positions depuis un certain temps sur des sujets de société, on peut ne pas être d'accord avec elle, moi-même je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'elle dit, tout ce qu'elle écrit, mais qu'elle soit empêchée de tenir une conférence dans une université parce que certaines associations ou organisations menacent d'atteindre à sa sécurité, je trouve ça révoltant et inacceptable ; et il faut que tout soit mis en place dans les universités pour faire en sorte que tous les débats puissent s'y tenir.

APOLLINE DE MALHERBE
Comment c'est possible qu'on en arrive là, c'est-à-dire comment c'est possible que les universités se sentent soit démunies, soit mal à l'aise au point d'annuler ?

GABRIEL ATTAL
Il y a des actions de plus en plus radicales de la part de certaines associations, il y a des mots d'ordre qui sont très violents et parfois des méthodes d'action qui sont violentes elles aussi…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que ce n'est pas votre responsabilité à vous, au gouvernement, du côté de la sécurité comme du côté de l'apprentissage, de mettre en oeuvre des conditions qui permettent que ce genre de situation n'aient pas lieu ?

GABRIEL ATTAL
Bien sûr que si, c'est pour ça que ma collègue…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est un échec ?

GABRIEL ATTAL
Ma collègue Frédérique VIDAL qui est en charge de l'Enseignement supérieur s'est exprimée immédiatement sur cette situation et évidemment, on est là en appui des universités pour les soutenir, pour les aider, pour les conseiller, pour garantir la sécurité des étudiants lorsqu'elles organisent des débats. C'est encore une fois le rôle de l'université…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça n'a pas marché !

GABRIEL ATTAL
Là, il y a des situations de fait à l'évidence qui n'ont pas fonctionné, et on est en lien avec les universités concernées pour garantir que ce type de situation ne puisse pas se reproduire.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ce n'est pas un petit peu comme ce que vous disiez tout à l'heure sur les écoles, vous êtes plein de bonne volonté mais au final, vous vous battez avec des épées en bois ?

GABRIEL ATTAL
Non, je ne crois pas. Encore une fois, bon, il y a des situations, là, qui ont été dites, qui sont inacceptables, et on en parle parce que précisément, elles sont assez rares. Finalement si ça arrivait régulièrement il y aurait une forme d'habitude, heureusement non. Il y a des situations qui sont inacceptables. Il faut en tirer les leçons, voir comment est-ce qu'on garantit qu'elles ne se reproduisent pas, et c'est le travail qui est mené en ce moment avec les universités.

APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, l'un de vos principaux dossiers c'est le SNU, le Service National Universel, qui va rentrer dans son acte 2. Ça veut dire quoi ? Concrètement on en est où de ces jeunes qui vont rentrer dans ce Service national ?
GABRIEL ATTAL

Il y a 2 000 jeunes qui ont fait le séjour de cohésion du Service national en juin dernier, des jeunes qui ont passé 15 jours dans une autre région que la leur, avec des jeunes qui viennent d'autres régions que la leur, encadrés par des militaires, des associatifs, des personnels de l'Education nationale. On a un premier bilan et un premier retour sur les effets de ce séjour. Il est positif. On a à la fois des jeunes qui ont le sentiment d'avoir grandi, qui ont le sentiment d'avoir gagné en maturité, d'avoir appris des choses, et puis on voit des effets sur des jeunes, par exemple des jeunes qui étaient décrocheurs, qui avaient arrêté l'école pour phobie scolaire ou pour délinquance parfois, qui ont repris le chemin de l'école, parce qu'il y a eu un effet d'entraînement, de modèle avec d'autres jeunes.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est quoi les objectifs que vous vous fixez pour ces jeunes ?

GABRIEL ATTAL
Les objectifs qu'on se fixe, c'est de créer un moment de creuset républicain, de mixité. Finalement, on se rend compte que dans notre pays, on en parlait tout à l'heure, on a tendance à parfois se replier sur nous-mêmes. On voit qu'on a des jeunes qui bougent de moins en moins, qui sont parfois dans une forme d'assignation à résidence. Là, l'objectif c'est de leur faire rencontrer d'autres jeunes, qui viennent d'autres milieux sociaux, d'autres territoires, pour qu'il y ait cette mixité. Le deuxième objectif, c'est de faire partager les valeurs de la République, c'est que ce rassemblement il ne se fait pas pour rien, c'est-à-dire que ça se fait autour des valeurs de la République pour partager ce que sont, ce qu'est notre devise républicaine, ce que sont les objectifs de la République. Et le troisième objectif c'est de faire en sorte que les jeunes s'engagent davantage. S'engager, c'est donner ce qu'on a de plus précieux, c'est-à-dire à une partie de son temps au service des autres. Il y a beaucoup de jeunes qui s'engagent. Quand ils s'engagent, ils font du bien à la société, ils se font du bien aussi à eux-mêmes, quand on s'engage dans une association, chez les pompiers ou autres, on prend confiance en soi, on développe des compétences. Et l'objectif, c'est que le plus de jeunes possible s'engagent pour vivre…

APOLLINE DE MALHERBE
Et précisément, le plus jeunes possible, quand est-ce que vous arriverez à la possibilité de donner à toute une génération, à toute une classe d'âge, eh bien ce passage par le SNU ?

GABRIEL ATTAL
Alors, dès l'année prochaine on va passer à 30 000 jeunes, autour de 30 000 jeunes qui feront leur service national, donc c'est plus 2 fois 10 par rapport à ce qui a été fait cette année.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça représente quel pourcentage d'une classe d'âge ?

GABRIEL ATTAL
Alors, une classe d'âge, c'est 800 000 jeunes, donc 30 000 de 800 000…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, donc on n'y est quand même franchement pas.

GABRIEL ATTAL
On augmente palier par palier, évidemment ce n'est pas une réforme qui se met en place du jour au lendemain. Il y a des enjeux d'organisation, des enjeux d'encadrement. Ensuite ça va monter en puissance dans les années qui suivent. Je suis en train de travailler avec le président et le Premier ministre, évidemment sur le calendrier. Ce que je peux vous dire c'est qu'avant ma nomination il était prévu que la généralisation se fasse en 2026, que le président de la République m'a demandé d'aller plus vite que 2026, et donc je travaille sur un calendrier qui nous permette de le généraliser, plusieurs années avant 2026.

APOLLINE DE MALHERBE
Un mot sur Paris, Gabriel ATTAL, vous avez travaillé avec Benjamin GRIVEAUX, notamment tout au nom de la campagne d'avant l'élection d'Emmanuel MACRON. Hier, François BAYROU dit à propos de Paris., en gros, « ni l'un, ni l'autre », à propos de GRIVEAUX et de VILLANI. Il envisage et il dit qu'il faudrait un plan B. Comment vous voyez les choses ?

GABRIEL ATTAL
Moi j'écoute toujours beaucoup ce que dit François BAYROU, qui est un pilier de la majorité, qui est un élément essentiel du projet que l'on porte, qui a rejoint Emmanuel MACRON pendant la campagne présidentielle, qui est notre partenaire à l'Assemblée nationale…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc, qu'il faut un plan B, ça veut dire qu'aucun des deux n'est satisfaisant ?

GABRIEL ATTAL
J'écoute beaucoup ce que dit François BAYROU, et si je comprends que ce qu'il veut dire c'est qu'aujourd'hui la situation, avec finalement deux candidats proches de la majorité, puisque Benjamin GRIVEAUX est le candidat qui a été investi par la République En Marche, et Cédric VILLANI se présente en dissidence, en se revendiquant aussi de la République En Marche, ce que je comprends c'est que François BAYROU dit que ce n'est pas une situation qui nous garantisse le plus de chances de gagner. Et ça je le partage.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais il ne dit pas non plus qu'il faudrait Benjamin GRIVEAUX, il dit : ni l'un, ni l'autre.

GABRIEL ATTAL
Je pense que Benjamin GRIVEAUX va beaucoup travailler, continuer, pour convaincre François BAYROU.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc pour vous le plan B c'est Benjamin GRIVEAUX.

GABRIEL ATTAL
J'ai toujours un doute sur l'idée du plan B en politique. Je ne vois pas comment est-ce que l'on peut à donner envie aux gens de voter pour vous, si vous êtes un plan B, si vous décidez, si on vient vous chercher 3 mois avant une élection, en vous disant « présente-toi ». Il faut montrer de l'envie, Benjamin GRIVEAUX il a montré de l'envie, depuis plusieurs mois, plusieurs années maintenant, il s'est préparé, il y a 240 comités de quartiers qui ont été mis en place, qui travaillent, qui sont au contact des Parisiens, en proximité, il a entamé un rassemblement avec des maires d'arrondissements, qui viennent de la droite, comme Delphine BURKLI du IXème arrondissement…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc il saura convaincre.

GABRIEL ATTAL
... Frédérique CALANDRA. Oui, moi j'ai la conviction qu'il saura convaincre. On est au début de la campagne.

APOLLINE DE MALHERBE
Pour l'instant, ce n'est pas gagné, en tout cas François BAYROU lui même n'est pas convaincu. Merci Gabriel ATTAL d'avoir été avec nous, vous êtes le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 octobre 2019