Interview de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État aux transports, à France 2 le 13 janvier 2020, sur la grève dans les transports en commun contre la réforme des retraites.

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Média : France 2

Texte intégral

CAROLINE ROUX
Bonjour Jean-Baptiste DJEBBARI.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bonjour Caroline ROUX.

CAROLINE ROUX
“Il faut savoir terminer une grève”, c'est le Premier ministre qui l'a dit hier soir sur le plateau du 20h00 de France 2. Il sera suivi dans les transports ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord, il y a une amélioration substantielle du plan de transport aujourd'hui. Vous savez que sur le réseau SNCF roulent par exemple 8 TGV sur 10, que c'est plus de 6 trains sur 10 sur le réseau Transilien, que l'ensemble des lignes de métro sont ouvertes aujourd'hui en Ile-de-France, notamment à Paris, et que donc c'est une amélioration qui est significative depuis le 5 décembre, en tout cas par rapport à ce que nous avons pu connaître.

CAROLINE ROUX
Ça veut dire que l'on se dirige vers une fin du mouvement, c'est comme ça que vous le voyez ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ça veut dire que l'on a une mobilisation qui décroît de façon régulière, et qui aujourd'hui, effectivement, est à un niveau relativement faible. Que c'est aussi le fruit, cette démobilisation, du compromis et des garanties qu'a pu apporter le gouvernement, notamment auprès des syndicats qui ont voulu jouer ce jeu du dialogue, notamment les syndicats réformistes, à l'UNSA ferroviaire et à la CFDT Cheminots.

CAROLINE ROUX
Ça va mieux, mais ce n'est pas fini, la CGT appelle tous les salariés à se mettre en grève la semaine prochaine, on a vu que la CFDT Cheminots continuait le mouvement, l'UNSA à la RATP, je ne sais pas si vous savez ce qu'ils vont faire, mais en tout cas on n'a pas l'impression que, parce qu'il y a eu une belle photo entre la CFDT et le Premier ministre, du coup on n'en soit vers la fin du mouvement.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Vous avez deux types de syndicalisme dans ce conflit. Vous avez ceux effectivement qui pratiquent un réformisme combatif, comme ils le disent, pour garantir leur population des bonnes sécurités dans le cadre de la réforme des retraites, et puis vous avez ceux qui pratiquent un syndicalisme plus politique et qui effectivement contestent le gouvernement et notamment la réforme des retraites du gouvernement. Je crois qu'aujourd'hui les choses sont sur la table, effectivement le compromis, cette question de l'âge est posée, et donc chacun doit prendre ses responsabilités, y compris ceux qui pratiquent un syndicalisme politique.

CAROLINE ROUX
Je n'arrive pas à comprendre, Jean-Baptiste DJEBBARI. Je n'arrive pas à comprendre. Est-ce que vous pariez juste sur l'idée qu'à un moment donné les grévistes auront perdu trop d'argent, et qu'ils reprendront le chemin du travail ? Est-ce que vous pariez vers une reprise d'un dialogue à la SNCF, à la RATP ? Est-ce que ce matin vous nous dites et vous dites aux gens qui vous regardent, et qui depuis 40 jours galèrent avec des transports qui sont erratiques, est-ce que vous leur dites ce matin : c'est bientôt fini, j'ai de bonnes raisons de penser que ce moment est bientôt fini ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi je parie sur la bonne information et l'intelligence de chacun. Le gouvernement a posé, s'agissant de la SNCF et de la RATP, un bon compromis, qui permette deux choses, d'abord de respecter le contrat moral, ce qui nous a beaucoup été dit, quand vous êtes à moins de 17 ans de la retraite à la SNCF ou à la RATP, vous n'êtes pas concerné par le système universel, c'était une demande, et nous l'avons garantie, et puis surtout dans les modalités, pour notamment le calcul de la pension, nous avons apporté là aussi les bonnes sécurité, pour satisfaire l'ambition de la réforme, tous les Français y compris les agents de la SNCF et de la RATP entrent dans le système universel, mais nous faisons en sorte que la transition soit bien conçue, de manière à ce qu'ils soient rassurés. Et je vous dis une chose, c'est pour ça que j'en appelle à l'intelligence et à la responsabilité de chacun, que cette grève effectivement elle a coûté beaucoup, elle coûte beaucoup aux usagers. Elle coûte extrêmement cher aux entreprises…

CAROLINE ROUX
Combien ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
700 millions d'euros pour la SNCF, plus de 100 millions d'euros pour la RATP. Ce sont des entreprises publiques, c'est donc l'argent des Français, et je vous dis qu'elle empêche aussi dans l'instant, notamment pour la SNCF, de se projeter dans un avenir qui soit plus désirable. Nous avons des sujets importants, avec une nouvelle gouvernance à la SNCF, avec des sujets importants sur le fret ferroviaire, sur les petites lignes, et que cette grève elle empêche quelque part l'entreprise aussi de se développer sur des sujets importants.

CAROLINE ROUX
Est-ce que vous pouvez me dire en quelle année les cheminots partiront à la retraite à 62 ans, comme tous les Français ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est compliqué, parce qu'en fait vous savez que la loi Touraine de 2014…

CAROLINE ROUX
Mais vraiment, on a l'impression que tout est compliqué avec cette réforme, c'est ça le sujet.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh oui, alors ça je vous confirme que la réforme des retraites c'est un sujet compliqué, qu'aujourd'hui les cheminots, aujourd'hui ils peuvent partir…

CAROLINE ROUX
Mais c'est compliqué du coup de…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Du coup, je vais essayer de vous répondre.

CAROLINE ROUX
Alors, allons-y.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Aujourd'hui ils peuvent partir à 50 ans et 8 mois, en 2024 ils pourront partir à 52 ans. Si on fait une photo aujourd'hui, les conducteurs de la SNCF partent environ à 53 ans et demi, et que le principal levier pour partir plus tard, c'est la loi Touraine de 2014 qui converge jusqu'en 2033. Donc vous voyez que tout ça, est d'une complexité assez insigne, ce qui me permet de dire une chose, c'est que notre réforme à nous, ce n'est pas la réforme de l'âge ou des âges, l'essentiel de la réforme c'est la réforme d'un système plus juste, qui embarque tout le monde dans un système universel, qui donne les mêmes droits pour tous, que vous soyez cheminot, comptable à la SNCF, ou que vous soyez dans le privé, c'est ça que je veux dire.

CAROLINE ROUX
Alors, je suis peut-être lente, c'est peut-être lundi, mais en quelle année partiront les cheminots, en quelle année ça se produira, qu'ils partiront à 62 ans comme tous les Français ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Pour le dire à peu près, mais ça va être inexact, autour de 2033, 2035, ces convergences sur l'âge seront à peu près faites.

CAROLINE ROUX
Le Premier ministre pose deux conditions dans sa lettre qu'il adresse aux syndicats : que les cotisations n'augmentent pas et que les pensions ne baissent pas. Il va donc falloir jouer sur des mesures d'âge.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
La CFDT, donc vous avez raison de le rappeler, c'est que l'essentiel effectivement, c'est l'équilibre financier en 2027, que nous avons dit que... c'est la raison pour laquelle nous avions proposé l'âge pivot, ça permettait de ne pas augmenter le coût du travail, et effectivement de garantir structurellement le niveau des pensions. Mais la CFDT fait des propositions, et d'ailleurs l'UNSA également. Elle souhaite travailler à ce qu'elle appelle un cocktail de mesures pour voir si, avec les réserves, au travers de cotisation différenciées, bref…

CAROLINE ROUX
Ça veut dire quoi “avec les réserves”, “les cotisations différenciées”, ça veut dire quoi ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
La CFDT dit qu'il y a, et ce qui est une réalité, des réserves, notamment dans le fonds de réserve des retraites, qu'on pourrait utiliser une partie de ces réserves pour finalement financer le déficit pendant quelques années.

CAROLINE ROUX
Et ça, ça conviendrait au gouvernement par exemple ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ce qui convient au gouvernement, c'est d'avoir cette convention de financement, d'échanger de façon intelligible sur ce que peut être la bonne clé de voûte de l'équilibre financier, et d'arriver à un compromis collectif. C'est ça qui préside à ce qu'a annoncé le Premier ministre et à la confiance qui règne entre le gouvernement et les partenaires sociaux.

CAROLINE ROUX
Confiance nouvelle.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Confiance. Vous savez que la confiance est réciproque et que ça doit s'exercer des deux côtés.

CAROLINE ROUX
Les députés vont donc se prononcer sur un texte tronqué.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, les députés ils vont se prononcer en première lecture sur le texte tel qu'il est présenté, les députés d'ailleurs…

CAROLINE ROUX
Sans l'âge pivot, sans…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Enfin, la majorité présidentielle, je vous le rappelle, était très favorable à la convention de financement qui est aujourd'hui annoncée, et donc les députés, et d'une manière générale le Parlement, auront à se prononcer en dernière lecture sur un texte complet.

CAROLINE ROUX
Jean-Baptiste DJEBBARI, est-ce qu'il vous arrive quand même, après 40 jours de grève, vous avez été en première ligne sur ce conflit social, qui n'est pas terminé, on le rappelle, je n'aurais pas eu la réponse sur la façon dont vous imaginez la suite, mais peu importe, est-ce que vous vous dites dit parfois : tout ça pour ça ? Tout ça pour ça, tout ça pour finir par retirer l'âge pivot, qui était un point de blocage dès le début de la présentation de cette réforme ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je vous rappelle quand même que cette réforme elle a été annoncée en 2017 dans le programme présidentiel. Elle a été par ailleurs validée par le vote aux législatives, elle a fait l'objet de 2 ans de concertation, et je rappelle quand même que ce n'est pas le gouvernement ou la majorité parlementaire qui a posé le 5 décembre comme début d'une grève dans les transports, et qui en a fait un objet d'hystérisation politique. Ce n'est pas le gouvernement qui a fait cela, le gouvernement, depuis le départ, il a dit qu'il était prêt à entamer des discussions. Depuis le 1er octobre quasiment quotidiennement j'échange avec les syndicats du secteur des transports, nous avons posé un certain nombre de garanties et de compromis dans différents secteurs, et je le redis, sans dénaturer la réforme, en la complétant pour les pilotes, pour les marins, pour les contrôleurs aériens, et donc je le dis, ce gouvernement il est ferme sur l'ambition et il est ouvert sur les modalités.

CAROLINE ROUX
Il y a toujours un dialogue avec les syndicats dans les transports ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a absolument toujours un dialogue, et même des dialogues épistolaires avec la CGT Cheminots, puisque nous échangeons des lettres pour acter…

CAROLINE ROUX
Pour vous dire quoi ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En général pour acter nos désaccords, mais c'est toujours intéressant…

CAROLINE ROUX
Vous continuez quand même à vous écrire.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, mais je le dis parce qu'il y a aussi des sujets, certainement, sur lesquels nous pourrons nous retrouver plus tard, notamment sur ce qu'on a appelé l'externalisation et sur d'une manière générale l'avenir pour la SNCF. Donc il est important, y compris avec ceux qui contestent pour l'instant cette réforme des retraites, de maintenir le lien.

CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Jean-Baptiste DJEBBARI.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 janvier 2020