Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les défis et priorités de la politique étrangère de la France, à l'Assemblée nationale le 15 janvier 2020.

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Circonstance : Audition devant la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale

Texte intégral

À mon tour, je vous présente, à vous-même et à l'ensemble des membres de la commission, mes meilleurs voeux de santé, de réussite et de bonheur.

Nous vivons un moment de très grandes tensions internationales. Je ne suis pas venu devant vous depuis fin novembre. Or, depuis cette date, il y a eu une cristallisation des crises. Comme vous me l'avez demandé, je consacrerai donc l'essentiel de mon propos liminaire aux crises et à nos efforts pour essayer d'enrayer toute forme d'escalade.

Je commencerai par évoquer l'Irak et l'Iran. Nous venons de vivre un cycle de violences et d'escalade militaire directe sur le sol irakien. Ce cycle peut sembler s'être interrompu. Je considère pourtant que nous n'assistons pas à une désescalade, mais seulement à une interruption de l'escalade. Ce n'est pas la même chose. Cela veut dire que la situation reste extrêmement volatile. Il suffit d'un événement pour qu'on se retrouve dans une logique d'escalade. Vous avez cité la destruction de l'avion d'Ukraine International Airlines, mais il peut y avoir d'autres actions, directes ou indirectes, du fait d'erreurs, de défauts d'attention ou de provocations. Il faut bien en avoir conscience, la mécanique qui a conduit à la crise de ces dernières semaines n'est pas enrayée.

Sur ce sujet, nos quatre priorités sont claires.

La première, c'est bien sûr la protection de la sécurité de nos ressortissants et des emprises françaises.

J'ai pris des mesures, en lien avec les ambassades françaises dans la région, pour adapter immédiatement le niveau de sécurité de nos postes, et dispenser les conseils aux voyageurs français qui sont ou veulent se rendre dans cette zone, en appelant notamment nos ressortissants à la plus grande vigilance et au report de leurs déplacements non essentiels, à la fois en Irak et en Iran. Nous observons la même vigilance pour toutes les emprises françaises.

Notre deuxième priorité, c'est de s'assurer que la désescalade des tensions soit confirmée dans les prochains jours et qu'aucune nouvelle action déstabilisatrice, directe ou indirecte, ne soit menée.

C'est le message que les Européens ont porté ensemble vendredi dernier à Bruxelles, où s'est tenue une réunion d'urgence à l'initiative du nouveau Haut représentant Josep Borrell. Je constate d'ailleurs, dans tous les contacts que la diplomatie française a eus ces derniers jours, le président de la République ou moi-même, que l'appel à la retenue et à la désescalade est général.

Je me rends ce soir au Moyen-Orient : je sais que j'y trouverai des interlocuteurs qui se placent dans cette logique. Nous voulons tous adresser des messages de retenue, car personne, dans la région, ne souhaite la guerre.

Notre troisième priorité, c'est la poursuite de la lutte collective contre Daech. La mission de la coalition internationale - qui se déroule en Irak, à la demande des autorités irakiennes - est une mission essentielle pour la sécurité de ce pays et pour notre sécurité. Le président de la République et moi-même avons dit aux autorités irakiennes qu'il était important que cette mission puisse se poursuivre, dans le plein respect de la souveraineté irakienne.

Il faut souligner, pour éviter toute dérive de dénomination et d'interprétation, que la coalition présente en Irak est une coalition formée contre Daech. Ce n'est pas une coalition contre l'Iran. Daech n'est pas morte, en effet. Même si elle a perdu depuis le mois de mars dernier son emprise territoriale, des organisations clandestines continuent à provoquer des attentats, comme très récemment encore à Kirkouk. L'action de la coalition n'est donc pas achevée. Elle se déroule en articulation avec les autorités irakiennes, dans le plein respect de la souveraineté de ce pays.

Nous sommes en contact très étroit avec les autorités irakiennes et avec nos partenaires de la coalition, car il faut prendre en compte le trouble créé par les événements récents en Irak et en même temps poursuivre la lutte contre Daech. J'ai eu l'occasion de m'entretenir, à plusieurs reprises avec le Premier ministre Abdel-Mehdi sur ce sujet, tandis que le président de la République a pu joindre aussi à plusieurs reprises le président Salih.

J'en viens à notre quatrième priorité : nous devons tout faire pour éviter qu'une crise de prolifération nucléaire ne vienne s'ajouter à ce contexte déjà très compliqué. Notre position est sans ambiguïté : nous avons travaillé à la préservation de l'accord nucléaire de Vienne et nous continuerons de le faire. Parce qu'il faut s'assurer que l'Iran n'acquiert pas d'arme nucléaire et parce que notre conviction, c'est que la voie diplomatique reste, malgré les difficultés que je ne mésestime pas, la meilleure manière d'atteindre cet objectif. Telle était l'ambition de l'accord de Vienne. Imaginons ce que serait aujourd'hui la situation avec un Iran nucléarisé...

Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, y compris devant votre commission, ce que fait l'Iran depuis le mois de mai, c'est multiplier les mauvaises réactions à la mauvaise décision des Etats-Unis de priver ce pays de certains bénéfices économiques liés à cet accord. L'accumulation des gestes de désengagement iraniens finit par progressivement vider l'accord de Vienne d'une partie de sa substance. Donc l'accord est en danger. Il faut que l'Iran continue de respecter ses engagements, alors que nous, Européens - Allemagne, Royaume-Uni, France - Russes et Chinois, continuons de le respecter.

La déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement français, allemand et britannique l'a réaffirmé solennellement dimanche dernier : nous tenons à l'accord de Vienne et nous resterons strictement dans son cadre. C'est pourquoi nous avons décidé d'utiliser toutes ses stipulations, y compris son mécanisme de règlement des différends, non pour sortir de l'accord, mais pour créer un espace de dialogue politique avec l'Iran, en son sein afin, comme son nom l'indique, de chercher à régler par la voie diplomatique nos différends.

J'en viens à la Libye. C'est aussi une voix européenne que nous voulons faire entendre dans le conflit libyen, car l'Union ne peut assister sans réagir à la déstabilisation de ce pays clé, véritable carrefour stratégique, situé dans son voisinage immédiat, et dont dépend la sécurité du Maghreb et du Sahel.

D'abord avec nos partenaires allemand, italien, britannique et le Haut représentant Josep Borrell, lors d'une réunion organisée à Bruxelles le 7 janvier, puis avec l'ensemble des ministres des affaires étrangères de l'Union, nous avons fait passer des messages de fermeté. Nous avons rappelé que seul un processus politique permettra de sortir de l'impasse : il n'y aura pas de victoire militaire, il n'y a pas de règlement militaire potentiel en Libye.

Nous avons également appelé chacun des acteurs libyens et régionaux à la responsabilité et condamner les ingérences extérieures, qui constituent un obstacle pour le règlement pacifique de la crise - et qui risquent même de la transformer en une escalade régionale.

Nous avons enfin appelé à éviter la signature d'accords qui exacerbent les tensions et servent de prétexte à des interventions étrangères. Sur ce dernier point, la signature de deux accords entre la Turquie et le gouvernement d'entente nationale soulève une inquiétude particulière. Car, d'une part, l'accord militaire représente une violation assumée de l'embargo sur les armes des Nations unies et, d'autre part, l'accord maritime, qui est une violation du droit de la mer, menace directement les intérêts européens et la souveraineté d'Etats membres de l'Union européenne, à savoir Chypre et la Grèce. Nous l'avons dit lors du Conseil européen des 12 et 13 décembre, et nous avons abordé en détail la question de la stabilité de la Méditerranée orientale lors d'une réunion à laquelle j'ai pris part au Caire le 8 janvier, de sorte qu'y étaient représentés à la fois la France, la Grèce, Chypre, l'Italie, et l'Egypte.

Un cessez-le-feu a été annoncé. S'il se traduit sur le terrain dans la durée, c'est un développement positif, car - je le redis - il n'y aura pas de victoire militaire en Libye. Un calme relatif prévaut sur le terrain depuis le 12 janvier, mais les discussions qui se sont tenues avant-hier à Moscou entre les différentes parties libyennes n'ont pas été conclusives. Il appartient à chacun, quoi qu'il en soit, de respecter la trêve en cours. Il est désormais essentiel que la conférence de Berlin de dimanche prochain se tienne autour d'objectifs largement partagés : pérennisation du cessez-le-feu, unification des institutions libyennes, démantèlement des milices, contrôle et répartition équitable des ressources par et pour le peuple libyen, arrêt des interventions étrangères en Libye. Tout cela fait partie de l'ensemble qui devrait faire l'objet d'un communiqué de la communauté internationale à la fin du processus de Berlin.

Nous souhaitons, pour notre part, associer les voisins de la Libye à ce processus, car ils sont les premiers concernés par la crise en cours : la Tunisie, où je me suis rendu la semaine dernière pour y parler, notamment, de Libye ; l'Algérie, où j'irai la semaine prochaine ; et bien sûr le Maroc, où a été signé l'accord de Skhirat.

Nous soutenons pleinement la médiation menée par l'Organisation des Nations unies (ONU) sous l'égide du représentant spécial Ghassan Salamé. Elle doit rester le processus central pour sortir de la crise. Autant sur le plan militaire, afin d'avancer vers la réunification des forces armées, à travers le comité militaire dit 5+5, que sur le plan politique, avec la reprise du dialogue interlibyen, au sein duquel la France souhaite jouer un rôle moteur dans la phase qui suivra la conférence de Berlin. Car, si d'aventure celle-ci aboutit, il faudra passer alors à la mise en oeuvre, grâce à un accord interlibyen. Les étapes que je vous ai indiquées sont simples : elles ont déjà été initiées et tentées à plusieurs reprises, et débouchent évidemment sur un processus électoral libyen.

La dimension économique est également essentielle, l'enjeu étant celui d'un meilleur contrôle sur les ressources libyennes et leur usage ; une négociation spécifique a également été lancée par Ghassan Salamé sur le sujet - nous soutenons sa démarche. La France a joué un rôle moteur pour que la dimension sécuritaire, avec l'enjeu du démantèlement des milices, et la dimension économique, avec l'enjeu de la gouvernance de la banque centrale libyenne, soient placés au centre de la négociation.

Enfin, pour agir efficacement et aider au règlement de cette crise, tous les acteurs pertinents doivent être associés aux efforts de stabilisation, y compris l'Union africaine et les partenaires régionaux. Il est crucial qu'ils restent engagés à nos côtés. Comme nous l'avons annoncé lors du G7 de Biarritz, nous veillerons à ce que l'Union africaine joue, aux côtés de l'ONU, un rôle central dans le processus qui suivra la conférence de Berlin.

Tout aussi essentiel est l'engagement de la France et de ses partenaires, en particulier européens, au Sahel. Si des Européens sont à nos côtés aujourd'hui dans l'opération Barkhane, et bientôt dans la task force Takuba, si des Européens soutiennent la Force commune du G5 Sahel, si des Européens s'engagent dans la mission civile EUCAP Sahel Niger, si des Européens s'impliquent dans l'Alliance Sahel, c'est parce que cette région est la frontière sud de notre Union et que nous ne saurions laisser les groupes terroristes la transformer en sanctuaire djihadiste. C'est notre sécurité qui est en jeu, mais il en va aussi la stabilité et l'intégrité des Etats du Sahel.

Ces groupes terroristes s'adaptent aux défaites que nous leur imposons. Ils ont changé de méthode, ce qui n'enlève rien à leur terrible capacité de nuisance, comme l'a montré l'attaque jeudi dernier au Niger, qui a tué 89 soldats, dans la région des "trois frontières". Ils ont aussi changé d'objectif : faute de pouvoir prendre le contrôle, ils s'emploient à saper l'autorité et l'action des pouvoirs publics. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que les cibles généralement retenues par les groupes en question soient des garnisons ou des écoles.

Nous assistons à une double mutation, non seulement opérationnelle, mais stratégique et géographique. Car l'espace et le périmètre dans lesquels interviennent les groupes terroristes se sont élargis. Ils s'étaient jusqu'à présent concentrés sur le Mali. Désormais, leurs cibles les plus importantes sont au Burkina Faso et au Niger, dans des Etats qui semblaient stabilisés.

Le temps était donc venu d'engager une dynamique nouvelle. C'était l'objectif du sommet de Pau avant-hier. Comme je l'ai dit hier devant l'Assemblée nationale, c'était d'abord le sommet de l'unité souhaité par le président de la République. Y étaient présents tous les présidents sahéliens, le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, le président de la Commission de l'Union africaine, M. Faki, ainsi que le président du Conseil européen Charles Michel et le Haut représentant Josep Borrell, ou encore la Secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie.

C'était aussi un sommet de la clarification et de la confirmation puisque les pays du G5 ont réaffirmé la nécessité de la présence de Barkhane, avec le soutien de ses alliés européens et américains.

C'était enfin un sommet pour l'action et la remobilisation qui a abouti à une initiative majeure : celle de lancer une coalition pour le Sahel. Cette coalition permettra de mieux mettre en valeur les mécanismes existants, d'assurer un meilleur pilotage et une meilleure coordination entre les actions des pays sahéliens et la communauté internationale. Elle permettra de mieux articuler l'effort militaire avec l'effort de la stabilisation et du développement, grâce à une organisation de la coalition en quatre piliers.

Le pilier militaire opérationnel sera renforcé avec la création d'un mécanisme de commandement conjoint entre les forces sahéliennes, la force du G5 et Barkhane, et demain les forces spéciales européennes.

Un deuxième pilier servira à mieux appuyer les capacités militaires en matière de formation et d'équipement au profit des forces armées nationales et de la force conjointe du G5 Sahel.

Un troisième pilier permettra un engagement accru pour le maintien et le retour des services de l'Etat sur leurs territoires et pour la sécurité intérieure - l'objectif étant le redéploiement des services régaliens, en particulier à travers la formation et le déploiement de personnel de police, gendarmerie et douanes.

Ces deux piliers sur le renforcement des capacités locales s'inscriront dans le cadre du partenariat pour la sécurité et la stabilité du Sahel que le président de la République a lancé à Biarritz au sommet du G7 en août dernier.

Enfin, un quatrième pilier visera à accélérer les projets de développement dans le cadre de l'Alliance Sahel, lancée également avec l'Allemagne en juillet 2017, pour stabiliser les zones les plus vulnérables et faire en sorte que les populations aient un accès direct aux services de base et que leurs conditions de vie s'améliorent.

Le mois prochain, une assemblée plénière de l'Alliance Sahel aura lieu à Nouakchott - je sais que certains d'entre vous sont très soucieux de ces aspects relatifs au développement. Tous les participants de l'Alliance s'emploieront à travailler à un mécanisme non plus en silos, mais portant sur des actions concrètes, sur des projets visibles et bien identifiés.

Il importe à présent que les dix engagements pris par l'ensemble des acteurs se déclinent en obligation de calendrier. Les partenaires doivent exercer une pression les uns sur les autres pour être au rendez-vous de l'ensemble des actions décidées à Pau. Une réunion des ministres des affaires étrangères et de la défense concernés aura lieu tous les trois mois, mais aussi en présence des représentants de la communauté internationale.

Bref, une prise de conscience s'est opérée. Nous sommes à un tournant. Il n'y a pas le choix : il faut réussir. Si nous n'aboutissons pas, nous serons devant des difficultés considérables, y compris pour notre propre sécurité.

J'en viens à la situation en Ukraine.

Dans un tableau général préoccupant, j'observe une lueur à l'Est, certes légère mais réelle. Le conflit dans l'est de l'Ukraine est "une plaie ouverte au coeur du continent européen". Nous poursuivrons, avec l'Allemagne, nos efforts de médiation pour lui donner une issue négociée.

Le 9 décembre, à Paris, a eu lieu un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du format Normandie. Ce sommet, le premier à ce niveau depuis 2016, a permis de prendre des décisions importantes, dont la mise en oeuvre a débuté comme prévu dès la fin du mois de décembre avec l'échange de 200 prisonniers liés au conflit. D'autres mesures de confiance devront être mises en oeuvre dans les semaines qui viennent : désengagement et retrait des armes lourdes de nouvelles zones-test, assistance humanitaire et facilités de circulation pour les populations.

Un mouvement positif a donc été engagé. Je compte me rendre prochainement sur la ligne de contact avec mon homologue allemand pour observer la bonne application des engagements pris.

Une nouvelle rencontre des chefs d'Etat, dans la même configuration, devrait avoir lieu à Berlin en mars prochain et permettre d'aborder les points les plus difficiles, en particulier la mise en oeuvre du volet politique des accords de Minsk, l'articulation élection-désengagement étant sans doute le point le plus délicat. Mais l'état d'esprit était bon. Je suis convaincu que les initiatives prises par le président Zelensky ont été appréciées ; elles ont permis de déboucher sur une situation de dialogue qu'on n'avait pas connue depuis trois ans.

Comme vous me l'avez demandé, Madame la Présidente, j'en viens maintenant au Brexit.

Les élections du 12 décembre au Royaume-Uni ont eu le mérite de la clarté et devraient permettre la ratification de l'accord de retrait et la mise en oeuvre du Brexit pour le 31 janvier. Après l'approbation, la semaine dernière, par la Chambre des communes du projet de loi de mise en oeuvre de l'accord de retrait, les travaux parlementaires devraient s'achever dans les temps à la Chambre des Lords. Du côté européen, le Parlement devrait approuver l'accord de retrait le 29 janvier, permettant au Conseil de le conclure formellement le 31 janvier.

Dans cette hypothèse, à la date du 1er février, le Royaume-Uni deviendra un Etat tiers et ne participera plus au processus de décision de l'Union européenne. Une période de transition s'ouvrira immédiatement jusqu'au 31 décembre 2020, pendant laquelle le droit de l'Union continuera de s'appliquer au Royaume-Uni. C'est une sécurité pour nos citoyens et nos entreprises présentes. Cette période de transition doit nous servir à négocier les relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Cette négociation complexe devra débuter le plus tôt possible, dès adoption par le Conseil d'un mandat, qui lui sera donné normalement le 25 février.

Le calendrier est très serré. Vous le savez, il est possible de prolonger la période de transition jusqu'à la fin de 2022. Le Premier ministre britannique souhaite que cela aille plus vite, mais le délai sera particulièrement court, alors que les difficultés vont se présenter.

Au moment d'entrer dans cette nouvelle négociation, l'Union et ses Etats membres devront rester cohérents et unis, sous la houlette de Michel Barnier qui devrait être le négociateur unique pour l'Union, en vertu d'un mandat qui lui sera donné le 25 février.

Nous serons particulièrement attentifs à trois points.

Premièrement, nous devrons faire primer le fond sur l'urgence, car les enjeux sont importants. Il ne faudrait pas que le calendrier très serré proposé par le Premier ministre Boris Johnson nous mène à une négociation bâclée : nous devons rester très rigoureux.

Deuxièmement, il nous faudra préserver les intérêts de l'Europe. Nous ne voulons pas avoir à nos portes un concurrent déloyal, et devrons donc faire preuve de la plus grande vigilance pour empêcher toute forme de dumping. Notre degré de proximité commerciale, que nous souhaitons élevé, dépendra de notre degré de convergence réglementaire. La négociation sera donc globale, et pas seulement commerciale. Dans ce domaine comme dans tous les autres - je pense notamment à la pêche -, nous voulons un partenariat équilibré et respectueux des intérêts européens.

Troisièmement, enfin, nous veillerons à arrimer le Royaume-Uni à l'Europe, notamment en matière de défense. Nous souhaitons que notre future relation offre la plus grande proximité possible car, le 31 janvier au soir, nos intérêts communs seront toujours les mêmes et les îles britanniques seront toujours là où elles sont, c'est-à-dire en Europe : la géographie a ses pesanteurs qu'un vote, quel qu'il soit, ne pourra jamais changer.


Je vous ai livré dans le cadre de ce propos liminaire quelques informations que j'ai dû résumer, étant donné la densité de l'actualité, mais je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup, Monsieur le Ministre. La France étant l'un des trois coprésidents du groupe de Minsk, notre commission est particulièrement sensible à la situation au Haut-Karabakh. Pourriez-vous nous en dire un mot ?

R - Nous sommes en relation avec les deux parties et nous nous employons à favoriser la reprise du dialogue. En l'état actuel, nous sommes en présence d'un conflit gelé aboutissant parfois à des actes dangereux et condamnables. Si les présidents de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan affichent tous deux l'intention d'aboutir à un résultat, dans la pratique, c'est beaucoup plus compliqué. La France entend bien jouer son rôle de médiateur, mais il faut que des efforts soient faits de part et d'autre pour que les choses avancent et que l'on puisse trouver un statut convenant à la situation. Si les parlementaires ont des idées à me soumettre, je les écouterai avec intérêt. En tout état de cause, il s'agit d'un sujet sensible, et c'est avec beaucoup de précaution qu'il convient de s'exprimer sur ce point.

(Interventions des parlementaires)

Je serai bref, pour pouvoir répondre ensuite à la dernière série de questions tout en tenant compte de mes contraintes.

Je me concentrai pour l'essentiel sur l'Iran, puisque beaucoup d'intervenants ont consacré leurs propos à la situation dans ce pays. L'objectif essentiel - et même unique - de l'accord de Vienne consiste à éviter que l'Iran n'accède à l'arme nucléaire. Cet engagement a été pris par l'Iran et par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l'Allemagne. L'accord était totalement respecté par l'Iran - je tiens à le dire car je m'inscris en faux contre l'idée selon laquelle l'AIEA ne serait pas objective -, qui n'accédait donc pas à l'arme nucléaire.

Une des conséquences d'une décision que nous avons condamnée parce que nous ne considérions pas qu'elle était opportune, et ce à tous égards, y compris par rapport à l'objectif affiché par ceux qui l'ont prise - je veux parler du retrait des Etats-Unis d'Amérique de l'accord en vertu de la logique de la pression maximale -, a été de conduire l'Iran à poser des actes négatifs. Ce pays a commencé à détricoter l'accord, ce qui pourrait lui permettre, s'il poursuit dans cette logique, d'accéder à l'arme nucléaire, ce que cherchent précisément à empêcher les Etats-Unis. Par conséquent, l'effet obtenu est l'inverse de celui qui était recherché à travers la stratégie de la pression maximale, et ce d'autant plus qu'en réaction, nous avons constaté une résilience maximale de la part de l'Iran.

C'est la raison pour laquelle nous estimons indispensable de poursuivre dans le cadre de l'accord de Vienne, la voie diplomatique étant la bonne pour empêcher l'accès de l'Iran à l'arme nucléaire. La même raison nous amène à dire que nous sommes en désaccord total avec l'Iran s'agissant des cinq phases de violation qu'ils ont engagées. Pour dire les choses clairement, depuis la décision qui a été prise le 5 janvier, il n'y a plus aucune limite à l'enrichissement de la part de l'Iran. Constatant que le pays ne remplit plus ses engagements et nous appuyant sur la structure de l'accord de Vienne, nous avons donc décidé de mettre en oeuvre le mécanisme de règlement des différends. Je le répète, le bon moyen d'éviter l'accès à l'arme nucléaire est toujours, selon nous, de rester dans le cadre de l'accord de Vienne.

Ce qui peut compliquer la situation, c'est que le nucléaire n'est pas la seule question qui se pose à propos de l'Iran. Il y en a trois autres, qui sont bien connues et ont été exposées dans le discours du président de la République aux Nations unies en septembre 2017. Il y a la question balistique, celle de savoir ce qui se passera après 2025, dans le cadre du respect de l'accord de Vienne, et celle concernant les actions de déstabilisation de l'ensemble de la région, dont l'Iran est un acteur manifeste et reconnu - M. Habib y a fait référence.

La diplomatie française a proposé à plusieurs reprises - notamment à Biarritz, au moment du G7, puis à New York, à la fin du mois de septembre - que l'on ouvre des négociations. Il s'agissait d'aboutir à un accord entre les Etats-Unis et l'Iran, ce pays renonçant à l'arme nucléaire et réintégrant complètement le JCPoA et de poser la question balistique et de la sécurité régionale dans son ensemble. Dans le même temps, progressivement et au fil de cette négociation, les sanctions initiées par les Etats-Unis d'Amérique devaient diminuer. Voilà quelle était la plateforme possible ; elle existe toujours. Cela permettrait d'assurer la sécurisation dans la région. Je pense qu'à un moment donné, l'hypothèse d'un accord sur ces bases a été envisagée de part et d'autre. Je constate que, pour différentes raisons, notamment du fait d'une absence de volonté politique, tel n'a pas été le cas. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit, à notre sens, de la seule solution pour sortir de la crise.

Dire cela, ce n'est pas faire preuve de retenue : c'est proposer une négociation pour parvenir à une solution diplomatique. Cette action suppose que nous mobilisions le mécanisme de règlement des différends, mais aussi que nous restions dans l'accord de Vienne. C'est ce que nous avons dit aux uns et aux autres, y compris aux Etats-Unis d'Amérique, ces trois derniers jours. J'espère que ce message, qui est partagé par les Européens - je veux dire le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France - sera entendu. Cela nous paraît être la seule solution possible pour l'avenir. Dans l'attente, nous essayons d'organiser un renforcement de la sécurité collective dans le Golfe et nous appelons l'ensemble des pays de la région à assurer ensemble la sécurité dans cet espace maritime intérieur.

Je précise également que le résultat de l'action militaire récente, qui a été initiée par l'Iran - il a été question d'Aramco, mais il y a eu d'autres événements précédemment -, ajouté à la réaction américaine et à la neutralisation du général Soleimani, a conduit, dans un premier temps, au renforcement de la résilience nationale, alors qu'il y avait, dans ce pays comme en Irak, des crises internes très fortes. Comme vous, je constate qu'en Iran, ces manifestations et ruptures sociales ont repris après la dramatique affaire de l'avion d'Ukraine International Airlines. Mais cela n'enlève absolument rien à la validité du propos que j'ai tenu quant à la nécessité d'une discussion globale qui intègre le respect de l'accord de Vienne et du JCPoA. Telle est la logique globale de notre démarche, qui est partagée au niveau européen.

En ce qui concerne l'enseignement du français à l'étranger - je veux bien y revenir, mais nous en avons parlé lors du débat budgétaire -, j'ai pris la décision d'augmenter les contributions financières budgétaires à l'AEFE de 25 millions d'euros pour réduire la participation des parents aux frais de scolarité. Je vais examiner la situation spécifique du Maroc, dont je n'avais pas connaissance. En tout état de cause, chaque établissement est géré de manière autonome.

À propos des combattants étrangers, je me suis exprimé très clairement hier dans l'hémicycle : nous considérons bien qu'il s'agit de personnes ayant combattu dans une zone de guerre aux côtés de Daech et contre la France, et qu'elles doivent donc être poursuivies au plus près du lieu où elles ont commis leurs crimes.

C'est une question de sécurité pour nous, mais aussi de justice. Ce que je dis là n'est pas une nouveauté : je le répète depuis le début.

Il est vrai que l'instabilité de la région rend les options disponibles plus compliquées, mais les principes restent les mêmes. Ce n'est pas la même chose en ce qui concerne les enfants - il y a là une ambiguïté que je veux lever. À la différence de leurs parents, les enfants n'ont pas choisi de rejoindre une organisation terroriste, en Irak ou en Syrie. Dans la mesure du possible, et tout en sachant que les conditions sont de plus en plus difficiles, nous faisons en sorte que les mineurs les plus vulnérables, notamment orphelins ou isolés, soient rapatriés. Cette position, qui est aussi celle de l'Allemagne et de la Belgique, par exemple, n'a pas évolué.

J'ai été interrogé sur le vote intervenu au Parlement irakien. Chacun le sait, une crise majeure est intervenue en Irak à la fin du mois de novembre, qui s'est traduite par des manifestations régulières, à Bagdad mais aussi dans le sud du pays. Cette crise dépasse les clivages confessionnels traditionnels, y compris celui qui existe entre chiites et sunnites. Ce mouvement extrêmement fort s'est arrêté après la neutralisation de Soleimani, et a débouché sur une sorte d'unanimité pour demander le départ des troupes étrangères - pour l'essentiel américaines. Cela s'est traduit par un vote au Parlement irakien, dans des conditions particulières, sur lesquelles je n'insiste pas car l'audition est publique. Nous estimons qu'en dépit des interrogations que nous pouvons avoir, il faut néanmoins prendre en considération ce vote. Par ailleurs, le Premier ministre étant démissionnaire, il n'y a plus vraiment de gouvernement : M. Abdel-Mehdi assure une transition - certes difficile. On peut également s'interroger sur la mise en oeuvre des dispositions qui ont été prises par le Parlement irakien. Il n'empêche que nous devons considérer qu'il s'agit là d'un acte politique, qui est en l'occurrence une interrogation sur la vocation de la coalition. Or il faut répéter que la vocation de la coalition est de lutter contre Daech et de se prémunir contre cette organisation, y compris pour le bien de l'Irak, car les risques de résurgence concernent d'abord l'Irak, en particulier la partie nord-ouest du pays, où la plus grande vigilance est requise.

Je me contenterai, pour finir, d'une remarque à propos de l'Afrique, en réponse à M. David, car je crois avoir déjà répondu - au moins en partie -, dans mes propos initiaux, à ses observations. Je constate avec tristesse le sentiment anti-français. Cela dit, j'observe également qu'il ne prend pas énormément dans l'opinion publique : alors que l'on avait annoncé à Bamako une grande manifestation qui devait rassembler un million de protestataires contre la présence française destinée à lutter contre le terrorisme, on a compté seulement 800 personnes. Cela marche sur les réseaux sociaux et dans certains organes de presse, c'est un peu relayé par certaines personnes. Mais ce qui domine surtout parmi les populations du Sahel, c'est le sentiment d'insécurité. À cet égard, la force Barkhane joue un peu le rôle de bouc émissaire : "Comment se fait-il qu'il y ait de l'insécurité alors que vous êtes là ?" C'est cette fragilisation de l'opinion publique qu'il faut combattre. Le paquet qui a été validé avant-hier soir à Pau avec les quatre piliers que j'ai évoqués met fortement l'accent sur la question du développement. J'espère que cela permettra une véritable mobilisation.

(Interventions des parlementaires)

Le pilier développement de la coalition pour le Sahel qui a été décidé avant-hier à Pau est essentiel. Il nous faut atteindre deux objectifs. D'abord le décloisonnement du fonctionnement car une douzaine d'acteurs interviennent, dont la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l'Union européenne et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). À ce jour, 800 projets sont labellisés ou en cours d'instruction. La capacité de mobilisation est de 11,6 milliards d'euros, ce qui est énorme. Il faut également améliorer la visibilité des actions engagées pour nous comme pour les populations qui doivent sentir qu'un effort considérable est fait pour permettre une stabilisation de la région. Je réunirai l'ensemble des acteurs le mois prochain, à Nouakchott, pour stimuler la réalisation concrète des engagements qui ont été pris. Les Européens, au-delà de l'Union, sont tous présents au rendez-vous, dont l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni, le Danemark, les Pays-Bas, le Luxembourg. La volonté d'agir ensemble a été réitérée lors du sommet de Pau.

Concernant le nord-est et le nord-ouest de la Syrie, le ministère des affaires étrangères a mobilisé, en 2019, 50 millions d'euros pour des actions essentiellement liées aux questions de santé et sanitaires immédiates. Ces financements, assez partagés entre les deux zones, sont orientés vers des projets portés par des organisations non gouvernementales (ONG). Il est vrai que le blocage auquel nous assistons du fait d'une délibération prise par le Conseil de sécurité qui empêche maintenant, sur proposition de la Russie, d'entrer dans la zone nord-est par l'Irak, va limiter nos capacités d'action même si nous avons décidé de consacrer le même effort en 2020 qu'en 2019 à l'ensemble de ces populations. La situation humanitaire dans les camps est en effet de plus en plus préoccupante, et la pression monte dans les camps de Roj et Al-Hol qui comptent plusieurs milliers de réfugiés.

Madame Lenne, je crois que nous ne nous sommes pas bien compris. Vous avez évoqué l'Académie internationale de lutte contre le terrorisme dont j'ai posé à Abidjan la première pierre à la fin de l'année 2017. Il s'agit d'un lieu de formation de cadres, de militaires, de hauts fonctionnaires, de magistrats, destiné à les initier dans le domaine du renseignement et dans la manière de prévenir et d'endiguer la menace. Cette académie ne concerne pas les seules autorités de la Côte d'Ivoire mais l'ensemble des Africains qui veulent bien suivre cette formation sécuritaire. C'est un outil à vocation régionale.

Le développement de l'éducation et de la formation dans ces pays est un tout autre élément. J'ai dit qu'il fallait faire un effort considérable pour rétablir la présence des Etats dans les zones aujourd'hui investies par les groupes terroristes : il faut savoir que le nombre d'écoles fermées dans les pays du Sahel se compte par centaines. Des générations entières ne vont plus à l'école. Le renouveau de la présence de l'Etat dans le nord du Burkina Faso, par exemple, ou dans la région de Tillabéri au Niger, permet la réouverture d'une école. L'effort de l'Alliance pour le Sahel sera particulièrement orienté dans cette direction, car voir les enfants, et singulièrement les jeunes filles, retourner à l'école est le signe de la restabilisation. En tapant sur les écoles, les groupes terroristes cherchent à empêcher la formation et l'éducation.

Madame Le Peih, vous m'interrogez sur Mme Adelkhah et M. Marchal, nos deux ressortissants détenus en Iran. Nous avons alerté les plus hautes autorités sur le caractère inacceptable de leur détention et nous appelons à la libération sans délai de nos deux compatriotes. Le président de la République lui-même a appelé le président Rohani pour lui faire part de notre irritation et lui faire savoir que c'était un élément de très fortes perturbations dans nos relations. Nous souhaitons la libération le plus rapidement possible de nos deux compatriotes.

Monsieur Lejeune, Takuba est un ensemble de forces spéciales qui seront liées à l'opération Barkhane. Il trouvera sa place dans une des décisions importantes qui a été prise avant-hier et que nous souhaitions depuis longtemps : un commandement commun entre l'opération Barkhane et la force conjointe du G5 Sahel pour permettre une plus grande rapidité de décisions et une plus grande synergie, en particulier une plus grande réactivité pour agir en cas d'alerte. Plusieurs pays européens ont annoncé leur participation : les Tchèques, les Danois, les Portugais et les Belges. Cette démarche très positive en cours d'instauration complétera le tournant qui a été pris avant-hier soir. Je le redis ici, notre conversation ayant été quelque peu focalisée sur l'Iran, il est indispensable que ce tournant soit opéré le mieux possible, parce que c'est crucial pour la présence de la France et sa sécurité. Nous serons pleinement mobilisés pour que ce soit efficace.

Monsieur Mbaye, vous m'interrogez sur la MINUSMA. J'ai évoqué la stratégie des quatre piliers dans laquelle peuvent s'inscrire tous les partenaires. Les Nations unies seront directement concernées par trois piliers au moins - leur mandat ne comporte pas de mission antiterroriste. Le mandat actuel de la force de la MINUSMA nous paraît suffisamment robuste, s'il est réellement mis en oeuvre, pour contribuer à stabiliser le pays. Les blocages au Conseil de sécurité sur le chapitre VII de la Charte ne proviennent ni de la Chine ni de la Russie, mais des Etats-Unis d'Amérique. Nous essayons de les convaincre de rester présents dans cette bataille contre le terrorisme, parce que nous sommes confrontés à une véritable internationale de la terreur. Il faut combattre le terrorisme au Sahel mais aussi en Libye et en Irak. Je pense que nous réussirons à les convaincre de demeurer dans le dispositif.

Monsieur Dupont-Aignan, s'agissant de la Libye, l'embargo sur les armes doit être respecté. Nous avons fait inscrire cela dans le relevé de décisions qui devrait intervenir dimanche à Berlin comme un engagement de l'ensemble des parties. Mais il est bien évident que l'accord entre le gouvernement d'entente nationale libyen, décidé à la suite d'une résolution des Nations unies, et le gouvernement turc contredit l'embargo. Il y a donc là une contradiction importante qui, je l'espère, sera levée lors de la réunion de Berlin.

S'il est normal de s'intéresser aux quelques dizaines de combattants français retenus en Syrie, il est en revanche anormal de ne pas se préoccuper des 12.000 combattants de Daech actuellement en prison. N'oublions pas que les attentats commis sur notre territoire national étaient dirigés et orientés par des gens qui n'étaient pas français et qui faisaient partie de ces combattants. Aujourd'hui, il importe d'assurer la sécurité de leurs conditions de détention globale. Il est certain que dans le cadre du processus de règlement de l'ensemble de la situation syrienne qui a commencé à Genève, la question des conditions de détention et de jugement de l'ensemble de ces combattants qui sont essentiellement des Irakiens et des Syriens se posera.

Monsieur Goasguen, oui, il y a bien sûr des risques de résurgence de Daech. Ce n'est pas la Syrie qui tient cette région-là. Cette question n'est pas encore à l'ordre du jour : nous attendons que les conditions d'une vraie transition politique soient réunies pour avoir une interrogation sur ces relations. Il faudra reconstruire, il faudra une transition politique. Nous n'en sommes pas au début du commencement. La zone de localisation de ces combattants étrangers à laquelle vous faisiez référence est aujourd'hui sous le contrôle des forces démocratiques syriennes, c'est-à-dire des Kurdes.

Madame Chapelier, s'agissant de la résolution "Femmes, paix et sécurité", dans le cadre du forum Génération Egalité que la France organisera cet été, qui fait suite à Pékin+25 et à la conférence de Mexico, nous avons l'intention de co-organiser avec le Mexique toute une série de manifestations. Nous mettrons cette question en priorité dans l'ensemble des contributions qui auront lieu pour donner plus de force à ces neuf résolutions successives. J'ai moi-même présidé une session du Conseil de sécurité où ces résolutions ont été adoptées. J'y suis donc particulièrement vigilant.

Monsieur Fuchs, comme nous sommes en audition publique, vous comprendrez que mes commentaires seront relativement sobres s'agissant de l'Afrique. La Côte d'Ivoire et la Guinée connaîtront des échéances importantes à la fin de l'année, avec des élections présidentielles. Nous agissons, avec l'Organisation internationale de la Francophonie, pour que le code électoral soit renforcé, que les élections se déroulent dans le calme et dans le cadre d'un débat démocratique. Nous sommes aujourd'hui particulièrement soucieux de la situation en Guinée et nous appelons à l'apaisement. La démarche du président visant à demander une réforme de la Constitution ne me paraît pas être obligatoirement partagée ni par sa population ni par ses voisins.

Par ailleurs, nous avons renoué un dialogue politique intense entre l'Union européenne et le Gabon dans une atmosphère constructive. Des interrogations se sont manifestées à un moment donné, mais je pense que le processus politique tient toujours le coup. En tout cas, c'est ce que m'a fait savoir le secrétaire d'Etat, Jean-Baptiste Lemoyne, qui a rencontré le président Bongo lors de son déplacement au Gabon il y a trois jours.

Enfin, je n'ai pas de commentaire à faire sur ce qui s'est passé en Russie, puisque c'est une décision politique interne à ce pays. J'ajoute qu'au moment où je vous parle, je n'ai pas tous les éléments.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2020