Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, à CNews le 20 janvier 2020, sur la contestation contre la réforme des retraites et l'attractivité économique de la France.

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Média : CNews

Texte intégral

DAMIEN FLEUROT
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Damien FLEUROT.

DAMIEN FLEUROT
On a vu ces derniers jours des actes particulièrement violents en marge de manifestations, dans des manifestations, pour s'opposer à la réforme des retraites, qui a la responsabilité de ces violences ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que c'est la responsabilité d'un nombre réduit de personnes qui utilisent la violence pour essayer d'imposer à la majorité leur vue, c'est évidemment inacceptable, mais attention à ne pas donner trop d'importance…

DAMIEN FLEUROT
Ce n'est pas le gouvernement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
A ce sujet-là, parce que, justement, à force de grossir des actes sporadiques, très violents, et inadmissibles, on finit par perdre de vue que l'enjeu c'est de travailler pour la majorité des Français, et c'est exactement ce que nous faisons.

DAMIEN FLEUROT
Mais cette tension, ces violences, elles ne sont pas le fait du gouvernement qui ne recule pas ou qui ne met pas en pause cette réforme des retraites ? La porte-parole du gouvernement, Sibeth NDIAYE, reconnaît que si mettre en place les réformes promises par le chef de l'Etat, cela génère des violences, eh bien il faut l'assumer, vous l'assumez, du coup ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi j'assume le fait qu'on soit courageux et qu'on aille jusqu'au bout des réformes que nous lançons, ces réformes elles sont pour les Français, elles ne sont pas pour une minorité. On ne peut pas se laisser gouverner par une minorité de gens qui ne veulent pas changer les choses. Aujourd'hui les femmes, 20 % d'entre elles partent à la retraite à 67 ans parce qu'elles n'ont pas suffisamment accumulé de trimestres à 64 ans, la réforme que nous proposons va leur permettre de partir plus tôt, c'est pour ces femmes-là que je me bats, ce n'est pas pour la poignée de gens qui essayent d'imposer leur vue, de manière inadmissible, y compris d'ailleurs chez des gens qui négocient avec nous, qui ne partagent pas toute notre vue, et donc l'objectif est de défendre les salariés, comme la CFDT.

DAMIEN FLEUROT
Mais, Agnès PANNIER-RUNACHER, comment est-ce que l'on fait retomber la pression, cette tension, est-ce qu'Emmanuel MACRON doit s'exprimer sur ce sujet ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je crois que ce qui est important c'est d'avancer, et c'est ce que nous faisons. Aujourd'hui je constate que les transports reprennent, je constate que les Français vont pouvoir, enfin, revenir travailler correctement, dans des conditions acceptables, et je pense qu'il est important qu'enfin on entende la parole de la majorité, la parole des gens qui travaillent tous les matins, qui se lèvent tôt, qui veulent une retraite décente…

DAMIEN FLEUROT
C'est une opinion qui semble majoritairement douter de cette réforme, du bien-fondé de cette réforme et de la façon dont vous la conduisez ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais allons jusqu'au bout et voyons si cette opinion doute vraiment, parce que ce qui est en jeu aujourd'hui c'est aussi une guerre de Fakes news. Moi j'ai lu beaucoup de choses, et je ne suis pas la seule à le dire, qui sont parfaitement fausses sur la réforme, et lorsqu'elle est expliquée je constate que 80% des Français, par exemple, considèrent qu'il est logique et équitable d'avoir une seule caisse de retraite pour tout le monde, qui permette ces solidarités, et que la logique selon laquelle on a, pour le même travail, pour le même travail, les mêmes cotisations, la même retraite, est quand même la plus équitable qu'on puisse trouver.

DAMIEN FLEUROT
Vous parlez d'une minorité particulièrement violente, ultra radicale, et vous parlez aussi de Fakes news, est-ce que l'opposition est responsable sur ce sujet de la réforme des retraites ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Elle ne l'est pas toujours, on ne va pas se mentir, on a entendu beaucoup de choses qui étaient relayées, y compris par des personnalités politiques, et dont elles savaient parfaitement que c'était faux, donc il y a beaucoup d'hypocrisie aussi de certains responsables politiques, qui à la fois dénoncent les violences et alimentent le débat.

DAMIEN FLEUROT
Je voulais vous montrer aussi, et avoir votre réaction, à ce message publié par Raquel GARRIDO sur son compte Twitter, elle relaie, en fait, un message qui, en clair, reprend des chants particulièrement menaçant à l'endroit de d'Emmanuel MACRON. Raquel GARRIDO qui est membre de la France Insoumise, lorsqu'elle publie ce type de message, que fait-elle ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Elle souffle sur les braises, on ne va pas se mentir, et je crois que le sujet n'est pas, est-ce qu'on aime ou est-ce qu'on n'aime pas Emmanuel MACRON, le sujet c'est qu'on parle d'un président de la République, il a été élu démocratiquement, il a une légitimité démocratique, on peut manifester une opposition à un projet, par des manifestations, par des tribunes, par des prises de parole, mais manifester par la violence et nourrir la violence c'est d'une irresponsabilité détestable, et c'est ça que je veux dire. Et aussi, moi j'ai beaucoup de gens, j'étais beaucoup sur le terrain pour différentes raisons ces derniers jours, j'ai été aux côtés des commerçants, aux côtés des artisans, je fais régulièrement des points téléphoniques, et j'entends des gens qui me disent "mais c'est insupportable, mais moi je vais aller manifester devant le siège de la France Insoumise ou devant le siège de la CGT, parce que ce n'est pas… ces gens prennent la parole au nom des Français et ce n'est pas nous."

DAMIEN FLEUROT
Sauf que, vous le savez, cette majorité-là, comme vous l'appelez, même si ce n'est pas forcément une majorité, selon les sondages d'opinion, mais elle est particulièrement silencieuse, on ne l'entend pas, en tous les cas elle ne manifeste pas.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais donne-t-on la parole à la majorité silencieuse ?

DAMIEN FLEUROT
On vous donne en tous les cas la parole ce matin. Je voulais avoir votre sentiment sur ce climat de violence, et notamment l'usage par les forces de l'ordre de certaines armes, de certaines méthodes, il y a un débat sur ces violences policières. Jean-Luc MELENCHON estime qu'il faut une discussion parlementaire, est-ce que vous seriez prêts à tout remettre à plat ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors d'abord je veux dire qu'il n'y a pas de violences policières, parce qu'on le fait comme si c'était quelque chose d'institutionnel, là aussi il y a…

DAMIEN FLEUROT
Le ministre de l'Intérieur lui-même a appelé ses troupes…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il a appelé à revoir et à poser le débat, et ça c'est parfaitement normal, nous sommes, encore une fois, dans un cadre démocratique, mais il ne faut pas faire un amalgame, et moi c'est ce que j'entends d'un certain nombre, notamment de la France Insoumise là encore. Non à l'amalgame. Les forces de l'ordre sont soumises à une pression intolérable depuis plusieurs mois maintenant, presque plus d'1 an, c'est la première fois…

DAMIEN FLEUROT
Mais il n'y a rien à revoir ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Attendez, je vais aller jusqu'au bout ; c'est la première fois que l'on voit, dans les manifestations, ce niveau de violence, au sens où les forces de l'ordre sont directement attaquées avec des objets dangereux, donc ils doivent se défendre. Vous noterez d'ailleurs, que les manifestations qui sont encadrées par les partenaires sociaux se déroulent beaucoup mieux que les manifestations qui n'étaient pas encadrées, donc il y a bien une différence, on peut bien manifester dans le calme, les enseignants par exemple, par rapport à certaines réformes, ont manifesté dans le calme en juin. Donc, je crois aussi qu'il ne faut pas se laisser embarquer par le fait que vous avez des personnalités violentes et qui essayent de déclencher des violences. Ensuite, il est clair qu'on doit toujours balayer devant sa porte, et on essaye de le faire systématiquement, c'est-à-dire que lorsqu'il y a de la violence, qui n'est pas acceptable, lorsque certaines armes, comme vous le mentionnez, ne sont pas employées dans le protocole, vous savez que les LBD il y a une façon de les envoyer, de façon à être sûr qu'il n'y ait pas d'atteinte et de blessure, lorsque ce n'est pas respecté il faut savoir, un, former, c'est-à-dire que tout le monde doit être formé et être sûr que tout le monde est formé, et deux, sanctionner lorsque c'est sciemment pas respecté.

DAMIEN FLEUROT
Agnès PANNIER-RUNACHER, on va parler maintenant de ce sommet Choose France, qui a pour but, en clair, de mettre en avant l'attractivité de notre pays en faisant venir des grandes entreprises, des grands patrons. Alors il y a ce matin l'annonce de contrats, avec des investissements parfois très importants, vous vous rendrez ce matin sur le site de l'entreprise FEDEX sur l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Est-ce que ce n'est pas finalement l'arbre qui cache la forêt parce que, même s'il y a ces investissements, même si le chômage diminue un peu, eh bien le niveau de croissance n'est pas très élevé en France, il y a toujours une frange de la population qui est en marge de cette reprise ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, déjà regardons les chiffres très factuellement. Le chômage baisse, le taux d'emploi augmente, la croissance en France est plus élevée que chez la majorité de ses voisins qui ont le même type de l'économie, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, etc. Vous avez également, troisième élément, une reprise de l'emploi industriel, on n'a jamais vu ça depuis 2000, en 2017, en 2018, en 2019, l'emploi industriel progresse, tout ça se sont des éléments réels.

DAMIEN FLEUROT
Et ces investissements produisent des emplois ? Par exemple, lors de la première édition du sommet Choose France, les annonces ont-elles été suivies véritablement d'effets ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. On prend un exemple. Moi j'étais sur le site d'ASTRAZENECA l'année dernière, et vous voyez aujourd'hui la mise en oeuvre de ces investissements, donc ces investissements sont suivis d'effets, et ce qui est intéressant c'est que pour, la première fois là aussi, nous sommes la première destination, en 2017 et en 2018, la première destination pour les investissements étrangers dans l'industrie, avec deux fois plus de projets que l'Allemagne.

DAMIEN FLEUROT
Et cette grève ne va pas abîmer l'image de la France, la crise des Gilets jaunes il y a 1 an n'abîme pas l'image de la France ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, parce qu'en fait que cette grève est peu relayée à l'international, là où les images des Gilets jaunes avaient plus attiré le regard et avaient été beaucoup plus relayées, parce que c'était un mouvement un peu particulier dans son expression, une grève pour les retraites, je dirais que c'est des choses qui existent dans d'autres pays, vous savez, il faut aussi se comparer à ce qui se passe dans d'autres pays.

DAMIEN FLEUROT
Agnès PANNIER-RUNACHER, vous êtes secrétaire d'Etat, membre du gouvernement, et vous vous engagez pour les municipales à Paris aux côtés de Benjamin GRIVEAUX, qu'allez-vous faire dans cette galère ? Si l'on se fie aux résultats du dernier sondage de l'IFOP pour Le Journal du Dimanche, Anne HIDALGO qui est largement en tête, suivie de Rachida DATI, la candidate du parti les Républicains, Benjamin GRIVEAUX ne pointe qu'en troisième position.

AGNES PANNIER-RUNACHER
On ne fait pas de la politique en regardant les sondages, je pense que c'est ça qui est important, on porte des convictions, et je peux vous dire que moi la seule campagne que j'ai faite auparavant, qui était la campagne présidentielle, je n'ai pas beaucoup de recul dans le monde politique, je l'ai portée à un moment où tout le monde me disait mais ce projet est parfaitement irréalisable. Donc, j'ai appris une chose, c'est que c'est le jour de l'élection que tout se passe, et donc moi je vais me battre aux côtés de Benjamin GRIVEAUX parce que nous portons un projet crédible d'alternative à Madame HIDALGO, on regarde ce que Paris est. Moi je suis en charge de l'attractivité et de l'industrie aussi, au ministère des Finances, et qu'est-ce que je constate ? C'est ce que me disent à demi-mots mes interlocuteurs à l'étranger, c'est que Paris est sale, c'est que Paris n'est pas attractif, c'est que Paris n'est pas au niveau de la ville lumières qu'il devrait être, et c'est ça que nous voulons changer aujourd'hui.

DAMIEN FLEUROT
Benjamin GRIVEAUX est sorti du gouvernement pour mener cette campagne, est-ce qu'il a besoin de renfort de l'équipe exécutive, alors que l'on sait que l'image, et du Premier ministre, et du président de la République, n'est pas forcément très bonne dans l'opinion, vous vous engagez, Marlène SCHIAPPA s'engage, on annonce peut-être Agnès BUZYN, faut-il des personnalités membres du gouvernement pour faire une bonne campagne ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
En l'occurrence moi je m'engage comme militante de l'arrondissement où j'ai monté le mouvement La République en marche, donc c'est une démarche très naturelle. Je suis une militante venue du terrain, j'ai été une des premières à organiser des tractages, etc.…

DAMIEN FLEUROT
Et si votre liste… dans le 16e arrondissement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je n'ai pas dit que j'étais en position éligible, je suis derrière Hanna SEBBAH, c'est une candidate qui s'est mis en marge des LR en 2017, qui est extrêmement dynamique, qui a énormément de talent, et je peux vous dire que je suis très fière de soutenir cette candidate.

DAMIEN FLEUROT
Un dernier mot en moins d'1 minute. Cette circulaire de Christophe CASTANER sur les communes de moins de 9000 habitants qui ne seront plus prises en compte dans la comptabilité avec cette couleur politique, c'est une basse manoeuvre dit l'opposition, Damien ABAD, qui annonce un recours de son parti.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors moi j'ai un grand éclat de rire parce que c'est une demande de l'AMF, l'Association des maires de France, qui est…

DAMIEN FLEUROT
Pas forcément sur ce seuil-là de 9000 habitants, de moins de 9000 habitants.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, 9000 habitants, vous avez deux seuils juridiques aujourd'hui, celui de 1000 habitants, celui de 9000 habitants, et encore une fois c'est une demande l'AMF, et c'est une demande des maires ruraux, et qui est le patron de l'AMF ? C'est Monsieur BAROIN. Donc, je crois qu'il faut qu'ils se mettent d'accord tous les deux sur la position à adapter, mais nous, nous ne faisons que répondre à une demande, et qui est une demande depuis plus d'une dizaine d'années. Je crois que quand il y a des avancées, ça grandirait les oppositions de dire que ça c'est Ok, même s'ils ne sont pas d'accord sur tout.

DAMIEN FLEUROT
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 janvier 2020