Texte intégral
Mesdames, messieurs,
Le Comité Interministériel pour la santé du 25 mars dernier a érigé en priorité du gouvernement pour l'année 2019 la nutrition et l'activité physique. Les grands axes de la feuille de route sur la prise en charge de l'obésité 2019 – 2022 y avaient été annoncés.
Et nous y voilà.
Je remercie les organisateurs de cette journée pilotée par les centres spécialisés d'obésité d'Ile-de-France de me donner l'occasion d'annoncer le lancement de la mise en oeuvre de cette feuille de route.
Cette feuille de route va structurer nos actions dans les 3 ans à venir pour faire reculer l'obésité, notamment dans ses formes sévères.
Vous êtes en première ligne dans la lutte contre l'obésité et nous ne pouvions ne pas nous réunir pour engager cette feuille de route.
Je n'oublie pas non plus que vous incarnez le travail en équipe pluri-professionnelle et vous savez combien je suis attachée et combien je défends ce mode d'exercice, qui est l'avenir de notre système de santé.
La structuration de la filière obésité se faisant grâce aux équipes de soin bien sûr mais aussi sous l'égide des ARS, c'est l'occasion pour moi de saluer leur mobilisation, à travers le Directeur Général de l'ARS d'Ile-de-France, Aurélien Rousseau. Merci Cher Aurélien.
1- La feuille de route est une application logique et exemplaire de Ma santé 2022
Une feuille de route, c'est le socle d'une ambition à la fois précise et globale, qui découle d'un projet politique d'ensemble.
En d'autres termes, cette feuille de route n'est pas une exception sectorielle : elle est la mise en application d'une mutation que j'ai voulue et qui concerne tout notre système de santé.
Je n'ai pas construit Ma santé 2022 pour additionner des dérogations ; j'ai construit Ma santé 2022 pour moderniser un système qui devait retrouver du sens et de la cohérence.
Les grands axes de cette stratégie, qui ont été traduits dans la loi d'organisation et de transformation du système de santé, vous les connaissez et je ne vais pas les détailler.
J'aimerais simplement insister sur deux d'entre eux, qui éclairent l'ambition de notre feuille de route.
Le premier axe, c'est celui de la prévention et cette prévention est déterminante en matière de surpoids et d'obésité, dès le plus jeune âge.
L'obésité est une pathologie en soi, mais elle est aussi un facteur de risque majeur pour les pathologies chroniques les plus fréquentes en France : maladies cardio-vasculaires, diabète de type 2, divers types de cancers, stéato-hépatite non alcoolique, syndrome des apnées obstructives du sommeil, arthrose.
La lutte contre l'obésité figure donc sans surprise parmi les priorités du gouvernement et le Premier ministre l'a d'ailleurs rappelé dans sa déclaration de politique générale.
S'agissant de la prévention, le 4e Programme national nutrition santé que j'ai présenté en septembre vise au moyen de mesures très concrètes à permettre aux Français de rester en bonne santé tout au long de leur vie grâce à de bons réflexes pour mieux manger et bouger dès le plus jeune âge.
L'objectif de ce programme d'ici 2023 est une diminution de 15% de l'obésité, une stabilisation du surpoids chez les adultes et de diminution de 20% du surpoids et de l'obésité chez les enfants et les adolescents.
Cet objectif ne pourra être atteint sans prendre en compte les inégalités sociales et territoriales, qui sont des déterminants majeurs.
Une récente étude de la DREES a renforcé cette préoccupation, en révélant que les personnes issues de milieux défavorisés ont des prévalences d'obésité 2 à 4 fois plus élevées que les plus aisés.
C'est inacceptable et, au sein du ministère des solidarités et de la santé, nous ne l'acceptons pas : tous les efforts doivent être consacrés à réduire ces inégalités.
La prévention est aussi un objectif majeur de cette feuille de route qui renouvelle la prise en charge des patients en surpoids et obèses.
La feuille de route vise en premier lieu, pour les orienter dans un parcours de soins adapté, à repérer plus précocement les personnes à risque d'obésité et à risque d'obésité sévère.
La mesure privilégiée est celle d'une saisie régulière du poids et de la taille par tout médecin ou autre professionnel de santé, dans le Dossier Médical Partagé-DMP, dès le plus jeune âge.
Le deuxième axe, c'est celui de la pertinence des soins, qui est au coeur de cette feuille de route, parce qu'il est primordial de garantir la pertinence de la prise en charge des patients présentant une obésité.
Je rappelle qu'ils sont plus de 8 millions en France aujourd'hui.
Cette pertinence n'est pas une incantation, c'est une exigence qui doit s'ancrer dans des pratiques, qui doit être incarnée et qui doit être garantie.
2- Encadrement de la chirurgie
Et qui dit pertinence dit naturellement recours raisonnable et raisonné à la chirurgie bariatrique, qu'il convient de réguler plus efficacement, en se fondant notamment sur les recommandations produites par la HAS et par la mise en place de seuils d'activité et de critères de qualité.
Nous le savons, les interventions de chirurgie bariatrique ont connu un essor sans commune mesure avec l'augmentation du nombre de personnes obèses.
Les chiffres sont éloquents puisqu'ils ont plus que triplé sur les 10 dernières années, passant de 20.000 interventions à plus 60.000. (ATIH, base nationale PMSI-MCO ; DREES Etudes et Résultats, février 2018 « Chirurgie de l'obésité : 20 fois plus d'interventions depuis 1997 »)
Si j'insiste, c'est parce que ces interventions ne sont à envisager que dans des cas très précis, définis par la HAS.
Et je suis particulièrement alertée par des interventions qui se pratiquent sur des patients mineurs, pour lesquels la chirurgie bariatrique ne doit intervenir qu'à titre très exceptionnel
L'activité de chirurgie de l'obésité doit donc être régulée. C'est un enjeu de santé publique et de sécurité sanitaire.
Ma volonté est d'agir en responsabilité et de sécuriser autant que possible cette pratique. Des comparaisons internationales montrent que certains de nos voisins, au premier rang desquels l'Allemagne et l'Angleterre, ont un recours nettement moins fréquent à la chirurgie bariatrique (Dans l'ensemble des pays où des statistiques sur la chirurgie bariatrique sont disponibles, le nombre d'opérations a été multiplié par 3 entre 2003 et 2011 avec de très fortes disparités selon les pays. Ainsi et à titre d'exemples, des travaux objectivent en 2013 des taux de 16 opérations pour 10 000 habitants en Israël, de 10 en Belgique, de 8 en Suède, de 6 en France, de 4 en Amérique du Nord, Australie/Nouvelle Zélande, Suisse et Pays-Bas, de 2 à 3 en Finlande, Portugal, Islande et Autriche. Ce taux tombe à 1 en Angleterre (où la prévalence de l'obésité est de 10 points plus importante et le nombre d'obèses sévères plus important qu'en France) ou en Allemagne (où la prévalence de l'obésité est la même qu'en France mais les formes morbides plus importantes) ; en notant que, dans ces deux pays, le recours à la chirurgie bariatrique est contingenté ou non remboursé. Il est enfin de 0,5 en Espagne où l'obésité est aussi importante qu'en France).
Un acte chirurgical ne saurait être un réflexe et encore moins une pratique banale ou anodine, excluant spontanément des approches moins radicales.
Des critères de qualité seront dorénavant nécessaires pour pratiquer la chirurgie bariatrique et ces critères seront rendus publics et opposables. Cela participe d'une appropriation des bonnes pratiques et d'une meilleure information des patients.
Je l'annonce donc aujourd'hui devant vous : l'activité de chirurgie de l'obésité fera l'objet d'une autorisation spécifique donnée aux établissements de santé autour de critères qualité soigneusement définis. Des seuils d'activité seront fixés dans ce cadre-là.
3- Centres spécialisés de l'obésité
Nous ne sommes pas partis d'une page blanche.
La feuille de route s'inscrit dans la suite du rapport de l'IGAS remis en janvier 2018 sur la chirurgie de l'obésité, pour améliorer la pertinence des interventions ainsi que le suivi des personnes opérées au regard des complications post-opératoires.
Ce rapport appelait notamment à revoir les modalités de fonctionnement et de financement en fonction des missions dévolues. Il invitait aussi à préciser le cahier des charges par une convention entre le CSO-établissement porteur, les associations de patients et l'ARS
Ce choix de la pertinence et de la sécurité doit donc s'accompagner d'un nouveau pilotage de ce secteur.
C'était également la conclusion du rapport « charges et produits » d e l'Assurance maladie de 2018.
Il s'agira donc, par le renforcement du rôle des CSO, de structurer des parcours de santé gradués et adaptés à la complexité de la situation de chaque patient.
Le choix que je fais, c'est celui de m'appuyer sur la force numérique et territoriale des CSO, qui sont pas moins de 37 en France et qui connaissent « au plus près » les besoins des populations et qui peuvent « aller vers » elles pour informer, prévenir, accompagner et soigner.
Les CSO seront donc à l'avenir, vous serez, en première ligne dans la coordination des parcours ; vous serez les garants d'une prise en charge pertinente et concertée des patients.
J'insiste sur ce point : comme c'est le cas pour d'autres pathologies, et je pense en particulier aux cancers, la collégialité doit devenir la règle dans l'organisation des soins.
Ce sera donc l'une des tâches confiées aux CSO, que de travailler à l'organisation des réunions de concertation pluridisciplinaire.
Ces réunions sont la condition d'une prise en charge adaptée aux besoins du patient et elles seront désormais partie intégrante de votre méthode de travail.
Vous l'avez compris, à l'avenir, pour piloter cette nouvelle manière de prendre en charge l'obésité, je souhaite que les centres spécialisés de l'obésité jouent un rôle d'animateurs de la filière, de coordination et d'appui aux professionnels.
Ces centres veilleront à la diffusion des bonnes pratiques, au développement de la coordination et du suivi des personnes obèses sévères, ou encore à la prise en charge des situations complexes notamment chez les enfants.
Notre ambition est bel et bien un parcours de soins de qualité pour tous sur l'ensemble du territoire.
Les CSO auront là un rôle primordial pour réguler au sens d'orienter à bon escient les personnes vers l'intervention chirurgicale.
Dans nombre de cas, il s'agira certainement d'expliquer aux patients en quoi elle ne constitue pas un traitement pertinent.
La pertinence des soins ne concerne pas que la chirurgie bariatrique : elle concerne aussi l'ensemble de la prise en charge médicale et tout au long du suivi.
Le professionnel de proximité doit donc être conforté dans son rôle de repérage et d'orientation.
Il doit savoir vers quels spécialistes et vers quelles structures son patient peut être orienté. Il doit disposer des outils nécessaires et avoir accès à l'expertise. Il doit enfin accéder aux formations nécessaires, notamment pour promouvoir l'éducation thérapeutique de son patient
L'élaboration de l'annuaire des ressources disponibles sur les territoires sera la 1ère action de la feuille de route.
Ce sera notamment le cas pour les transports bariatriques, qui sont très souvent une condition de l'accès aux soins des personnes obèses.
Le patient, ne l'oublions pas, est le 1er partenaire de soins. Il nous revient d'apporter les moyens aux professionnels, aux équipes soignantes, aux coordonnateurs, aux associations, pour accompagner le patient au quotidien et lutter contre la stigmatisation dont les personnes obèses sont trop souvent les victimes.
Pour que le patient participe pleinement à sa prise en charge, il doit avoir la bonne information, au bon moment, et être orienté vers des équipes spécialisées dans la prise en charge de l'obésité. Il doit aussi pouvoir identifier les associations dont l'appui est, on le sait, toujours très précieux.
L'expérimentation de dispositifs de coordination et de prise en charge tarifaire innovants nous y aidera : c'est l'objet des projets portés dans le cadre de l'article 51 relatif aux innovations organisationnelles.
La feuille de route consacre également l'importance de la recherche clinique et épidémiologique dans ce domaine. Leurs enseignements doivent être mis à profit pour mieux comprendre les causes de l'obésité et mieux orienter les dispositifs de prise en charge.
Je confie au Comité de suivi de la mise en oeuvre, piloté par la DGOS, le soin d'établir le cahier des charges des CSO pour le premier trimestre 2020.
Le comité de suivi sera également mobilisé pour construire le dispositif d'autorisation des établissements où la chirurgie bariatrique pourra être pratiquée.
Il devra aussi s'assurer de l'articulation de la feuille de route, avec le déploiement du PNNS bien entendu, mais également avec les plans relatifs aux personnes en situation de handicap, et aux travaux que nous avons engagés partout, sur tous les territoires, dans le cadre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.
J'engage mon Ministère et nos partenaires institutionnels, aux côtés du Comité de suivi, à poursuivre la structuration d'une prise en charge de l'obésité garante de pertinence, de qualité, de lisibilité et de soutenabilité.
Mesdames, messieurs,
Je connais votre grand professionnalisme et je sais que cette feuille de route pourra compter sur votre engagement. En la mettant en oeuvre, nous donnons un caractère très concret à nos ambitions communes, avec des objectifs précis et une vision globale.
De la prévention à l'intervention de chirurgie en passant par le repérage des situations à risque, nous donnons à la lutte contre l'obésité la place qui lui revient dans les enjeux de santé publique.
Cette place, c'est celle que lui a donné le Président de la République et c'est celle d'une priorité nationale. Je suis donc très heureuse d'honorer cet engagement devant vous aujourd'hui.
Et ne nous trompons pas : en appliquant à l'obésité les logiques de transformation de Ma santé 2022, nous œuvrons bien collectivement à l'accroissement de la qualité et de l'efficience du système de santé.
Je suis convaincue en effet que notre action en matière d'amélioration de la performance clinique de la prise en charge de l'obésité est intimement liée à l'amélioration de la place de la prévention et de la pertinence dans l'ensemble de notre système de santé.
Je ferai au mois de mars prochain un point d'étape sur la mise en oeuvre de cette feuille de route et j'aurai un grand plaisir à vous retrouver.
Je vous remercie.
Source https://solidarites-sante.gouv.fr, le 14 octobre 2019