Texte intégral
CAROLINE ROUX
Bonjour.
LAURENT BIGNOLAS
Vous recevez ce matin Agnès BUZYN.
CAROLINE ROUX
Oui, la ministre de la Santé. Alors, vous le savez, elle est toujours aux prises avec la colère des professionnels de santé, mais une bonne nouvelle malgré tout pour son ministère, elle a passé la loi PMA sans trop de difficultés.
CAROLINE ROUX
Bonjour Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Je vais commencer avec une citation : « Le voile n'est pas souhaitable dans notre société, ce n'est pas une chose à encourager, car ce que cela dit de la condition féminine, n'est pas conforme à nos valeurs ». C'est du BLANQUER. Vous auriez pu dire cette phrase-là, comme ça ?
AGNES BUZYN
Je pense que le Premier ministre a rappelé la ligne. Nous avons une loi aujourd'hui, une loi sur la laïcité, et nous avons à tenir la ligne de cette loi, parce qu'elle nous a protégés, depuis plus d'un siècle maintenant, et nous y tenons. Et puis le Premier ministre a rappelé qu'il y a un cap qui est vraiment la lutte contre le communautarisme, donc quelque part ces femmes sont en partie victimes, pour certaines d'entre elles, et d'autres sont plus prosélytes, on est bien d'accord. Donc aujourd'hui la lutte contre le communautarisme doit être notre priorité. Le voile, évidemment donne une conception de la femme qui n'est pas celle que la société française revendique, qui est une conception de l'égalité. C'est le cas de beaucoup de religions, quand elles sont, quand elles s'expriment de façon rigoriste, et donc en réalité le problème est plus celui de l'égalité hommes/femmes que celui d'une religion en particulier.
CAROLINE ROUX
Ça veut dire que vous auriez pu souscrire à la phrase à Jean-Michel BLANQUER ?
AGNES BUZYN
Je…
CAROLINE ROUX
Elle vous met mal à l'aise ?
AGNES BUZYN
Elle me met mal à l'aise...
CAROLINE ROUX
Pourquoi ?
AGNES BUZYN
Parce qu'en réalité, c'est un débat qui mérite du temps. Et que quand on le simplifie en une phrase, on peut stigmatiser des personnes. Ça n'est pas le choix que nous voulons, que nous avons. On peut stigmatiser une religion, ce n'est pas non plus le choix que nous faisons, et nous avons pour autant un problème de communautarisme qu'il faut évidemment traiter. Donc moi je trouve que de se lancer des slogans, en réalité, nous met tous dans une forme de radicalité, qui ne traduit pas la complexité de la situation entre celles qui, les femmes qui subissent, les femmes qui en font un acte politique, et donc en réalité c'est une diversité de situations que nous avons à traiter. Donc ne traitons pas le symptôme, une femme voilée, traitons la cause, qui est une forme de prosélytisme ou de communautarisme dans certains quartiers.
CAROLINE ROUX
Peut-être qu'il faudrait un vrai discours présidentiel, pour prendre le temps.
AGNES BUZYN
En tous les cas, c'est clairement un sujet de notre société, que nous avons à traiter.
CAROLINE ROUX
Les retraites. Le 5 décembre sera vraisemblablement une journée noire, les syndicats ont rejoint l'appel à la grève illimitée lancé par la RATP. Est-ce que vous étudiez, comme l'a révélé Les Echos ce matin, des scénarios retardant la mise en oeuvre de cette réforme ?
AGNES BUZYN
On l'a annoncé depuis le début, cette réforme ne peut pas s'appliquer en 2025, pour l'ensemble de la société française. Nous savons que pour certaines professions qui ont des régimes, soit des régimes spéciaux, soit des régimes autonomes, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'intervention de l'Etat, nous avons besoin de temps pour amener certains régimes vers le régime cible. Donc, ce que nous sommes capables de définir aujourd'hui, c'est le régime idéal, le régime cible qui a été présenté par le Haut-commissaire. Et maintenant, nous travaillons sur des durées de transition et des accompagnements, profession par profession, pour rapprocher leur régime actuel du régime cible.
CAROLINE ROUX
Mais par exemple, réserver la réforme aux nouveaux entrants sur le marché du travail, est-ce que ce n'est pas ça la bonne solution ?
AGNES BUZYN
Ça serait très simple, ça éviterait effectivement d'avoir…
CAROLINE ROUX
Des tensions.
AGNES BUZYN
... des tensions ou des inquiétudes de certaines professions. Ça nous obligerait à garder 42 régimes pendant 70 ans, en réalité.
CAROLINE ROUX
Ça n'est pas la bonne option pour vous.
AGNES BUZYN
C'est-à-dire que, d'une certaine façon, amener à ce que la réforme s'applique à la fin du siècle, parce qu'il va falloir garder 42 régimes pendant toute la durée d'activité, et au-delà évidemment pour payer les pensions de retraite. Donc bon. Peut-être que certains en rêvent, je pense que ce que nous proposons, c'est-à-dire de travailler sur des périodes de transition qui peuvent aller jusqu'à 10, 15 ans pour certaines professions, et qu'on accompagne avec des mesures de compensation, peut permettre d'arriver au régime cible plus tôt.
CAROLINE ROUX
Mais, sur la manière de conduire cette réforme, on voit bien qu'il y a des crispations qui s'expriment très clairement avec ce mois de décembre qui risque d'être un peu compliqué à gérer pour le gouvernement, si on fait un parallèle avec la réforme que vous avez conduite sur la PMA, quelles leçons vous tirez sur la manière de réformer ? Est-ce qu'on peut passer cette réforme, s'il y a des résistances trop nettes, trop claires, dans le pays ?
AGNES BUZYN
Ça nécessite une co-construction des mesures de transition et des compensations. Moi je crois qu'on peut y arriver, mais ça nécessite évidemment du travail, c'est ce que fait le Haut-commissaire aujourd'hui, en travaillant avec des centaines de réunions, branche par branche, pour essayer de comprendre où se situent les crispations, est-ce que c'est le taux de cotisations, est-ce que c'est le taux de rendement, est-ce que... Voilà, il y a pour chaque régime des difficultés particulières, très différentes, il travaille à chaque point…
CAROLINE ROUX
Donc c'est jouable dans les délais, si vous continuez avec cette méthode-là.
AGNES BUZYN
Oui, parce qu'on a encore jusqu'en 2025 pour travailler avec les différentes professions, pour aboutir à un schéma qui leur corresponde.
CAROLINE ROUX
Alors, sur l'hôpital, vous avez reconnu un problème de rémunération dans l'hôpital, certains y ont vu un premier pas. Quels sont les personnels prioritaires à vos yeux, quand on parle de rémunération ?
AGNES BUZYN
Les bas salaires. Evidemment nous avons un problème de rémunération, au-delà de l'hôpital, nous avons un problème de rémunération des métiers du grand âge, des aides-soignantes notamment, mais aussi des aides à domicile. Nous sommes…
CAROLINE ROUX
Alors, comment y répondre dans un délai raisonnable ? C'est ça qui est compliqué.
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, nous y répondons d'abord en travaillant sur une meilleure attractivité des carrières, par des perspectives d'évolution dans la carrière. Nous avons évidemment un sujet à l'entrée des carrières, et donc aujourd'hui mon ministère s'attelle à ce problème.
CAROLINE ROUX
Ça veut dire quoi « mon ministère s'attelle à ce problème » ? Puisqu'on est en train de discuter du budget.
AGNES BUZYN
Nous avons un groupe de travail sur les métiers du grand âge, qui est mené par Myriam EL-KHOMRI et qui me rendra un rapport à la fin de l'année, qui traitera essentiellement de sujet des aides-soignantes, qui est un vrai sujet dans notre société. Ce sont souvent des femmes, souvent précaires, avec des tout petits salaires, et donc là nous avons vraiment à les accompagner pour rendre de nouveau ce métier attractif. Celles qui le font, ont du sens dans leur activité professionnelle, elles trouvent du sens dans ce métier de l'aide et de l'accompagnement, et donc il faut qu'on arrive à le valoriser.
CAROLINE ROUX
Des chiffres qui sont publiés par votre ministère ce matin, près de 4 200 lits supprimés en 2018. Ce n'est pas ça le problème ?
AGNES BUZYN
Alors, il y a des lits qui peuvent être supprimés dans certains hôpitaux où l'activité a diminué, parce qu'il peut y avoir des dépeuplements, dans certaines régions de France, c'est ce qu'on appelle la déprivation démographique, c'est-à-dire qu'en réalité la population vieillit, elle est peu dynamique, et donc en réalité il y a moins de besoins. Nous avons besoin d'ouvrir des lits dans des grandes villes où au contraire il y a de l'afflux de personnes, je pense à la région de Montpellier ; Montpellier est une région très dynamique, on ne va pas fermer des lits dans ces régions-là, et puis il y a le virage ambulatoire qui a été pris dans tous les pays du monde. Mais je l'ai dit, la fermeture des lits n'est pas un sujet, ça n'est pas une volonté du ministère de la Santé.
CAROLINE ROUX
D'accord.
AGNES BUZYN
Moi je suis prêt à rouvrir des lits partout où il en manque, et j'ai demandé aux hôpitaux qui ont des services d'urgences, par exemple, de me faire remonter les besoins, pour qu'on puisse rouvrir les lits d'aval.
CAROLINE ROUX
Très vite, parce qu'il y a une inquiétude. Les bilans sanguins des pompiers qui sont intervenus à LUBRIZOL, font apparaître, selon le Monde, des résultats anormaux pour le foie, avec des niveaux de transaminase trois fois supérieurs à la normale, ainsi que des perturbations au niveau de la fonction rénale. Que savez-vous de ces analyses ?
AGNES BUZYN
Rien. Je n'en sais rien. Ce sont les médecins du travail de ces pompiers qui évidemment sont capables de dire si ces pompiers, par exemple, prenaient des médicaments. Donc ça c'est visiblement une analyse de sang qui a été faite juste après l'évènement, et on attend de savoir, d'après ce que j'ai compris, puisque ça n'est pas mon ministère qui les suit…
CAROLINE ROUX
D'accord, très bien.
AGNES BUZYN
... c'est vraiment à la médecine du travail, de refaire un prélèvement un mois après, qui permettra de voir si c'était passager ou s'il y a une toxicité réelle de l'événement.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 octobre 2019