Texte intégral
DIMITRI PAVLENKO
Comment faire reculer la pauvreté en France ? On le sait, il y a plein de leviers : l'éducation, l'emploi évidemment et puis il y a les aides sociales nombreuses en France. C'est même d'ailleurs un vrai maquis, d'où l'idée de les fusionner en une prestation unique qu'on baptiserait revenu universel d'activité, RUA pour les initiés. Bonjour Christelle DUBOS.
CHRISTELLE DUBOS
Bonjour.
DIMITRI PAVLENKO
Vous êtes la secrétaire d'Etat aux Solidarités, c'est vous qui portez ce projet de RUA, revenu universel d'activité. Vous lancez une consultation citoyenne aujourd'hui. Pour commencer, c'est quoi exactement le revenu universel d'activité sur lequel vous travaillez depuis plus d'un an ?
CHRISTELLE DUBOS
Vous avez, en effet, dit le principe. C'est un regroupement d'un maximum de prestations en un seul dossier, en une seule prestation unique. Le président de la République, lorsqu'il a lancé la stratégie, a annoncé le revenu universel d'activité en disant RSA, prime d'activité, aide au logement. Nous, nous mettons sur la table avec la consultation aussi que l'on fait avec les soixante-dix acteurs : les associations, les collectivités territoriales et les bénéficiaires eux-mêmes depuis le mois de juin, nous posons d'autres sujets sur la table. Et maintenant, à partir d'aujourd'hui, nous demandons aux Français en effet de venir dire s'ils sont d'accord ou non avec nos propositions, pouvoir argumenter, mais aussi de faire eux-mêmes leurs propres propositions sur cette base-là de ce que serait le revenu universel d'activité parce que…
DIMITRI PAVLENKO
Oui. Parce que sur la philosophie déjà, c'est vrai on en a déjà parlé, mais « universel », il n'en a que le nom puisqu'en réalité ça va être limité sous condition de revenus. Et puis il y a cette idée de le conditionner à une recherche active d'activité, c'est-à-dire en fait d'emploi ou de formation. Là, on peut dire que c'est dans la philosophie du président de la République depuis le départ mais ça prête à polémique quand même.
CHRISTELLE DUBOS
On l'entend cette inquiétude. Moi je l'entends et je précise bien quand il a été annoncé par le président de la République, c'était RSA, prime d'activité et aide au logement, d'où le terme activité derrière.
DIMITRI PAVLENKO
Mais pourquoi avoir gardé « universel » puisqu'en fait ce n'est pas le cas ? Pourquoi avoir gardé l'adjectif ?
CHRISTELLE DUBOS
Ce nom a été pour l'instant annoncé comme ça. On verra à la fin de la concertation de la consultation et en 2020 comment se nommera ce futur revenu, cette nouvelle prestation. Quand je dis « nouvelle », on ne crée pas quelque chose de nouveau. On fusionne, on regroupe pour plus de simplicité, lisibilité et surtout, en effet, être incitatif à la reprise d'emploi. Vous savez, on a un système, vous l'avez dit, qui s'est complexifié. C'est comme si au fur et à mesure on avait rajouté des pansements et qu'on ne voyait plus la plaie. Et avec notre système, on limite en effet le taux de pauvreté mais on n'en sort pas. Et moi, je pense concrètement et j'en suis convaincue, en tant qu'ancien travailleur social, qu'on ne peut sortir les personnes qui le peuvent - et c'est là où on nuance – qui le peuvent en fonction de leur âge ou de leur handicap, sortir de la pauvreté par l'emploi. Et c'est en accompagnant, en créant un système qui soit incitatif à l'emploi, parce que dès lors que vous retrouverez un travail vous aurez toujours un gain financier plus important qu'on peut sortir de la pauvreté.
DIMITRI PAVLENKO
Voilà. Peut-être pas l'allocation que vous touchez complètement sans activité, mais vous en gardez une partie pour éviter cet arbitrage, c'est vrai, qui est connu par exemple dans le cas de l'assurance chômage. C'est si je reprends le travail, est-ce que je vais gagner plus que si je ne travaille pas ?
CHRISTELLE DUBOS
C'est l'objectif d'avoir intégré la prime d'activité dans ce regroupement de prestations.
DIMITRI PAVLENKO
Alors quel montant au final pour ce revenu universel d'activité ? Est-ce que vous avez une fourchette ? Combien percevront les Français qui seront éligibles ?
CHRISTELLE DUBOS
On n'a aucune fourchette de vision encore budgétaire parce que nous travaillons…
DIMITRI PAVLENKO
Il y a eu un rapport, rapport Lenglart qui disait entre cinq cents et huit cents euros par mois.
CHRISTELLE DUBOS
Ça, c'était le rapport avant le revenu universel d'activité. Fabrice LENGLART, quand il était à FRANCE STRATEGIE et maintenant rapporteur général, il travaille avec nous sur ce que sera ce futur revenu universel d'activité. Ce que je peux dire d'ores et déjà, c'est que si nous additionnons, si nous intégrons les jeunes de dix-huit/vingt-cinq ans et si on a un taux de recours plus important, nous aurons un budget supplémentaire. Ça, c'est la première chose.
DIMITRI PAVLENKO
Attendez, ça c'est important de bien expliquer pourquoi vous dites ça parce qu'effectivement il y avait cette discussion. Est-ce qu'on met les jeunes, les dix-huit/vingt-quatre ans, ceux qui font des études mais qui ont un petit boulot à côté, qui touchent déjà par exemple les APL, est-ce qu'il faut les inclure dans le futur revenu universel d'activité ? Ce matin vous nous dites qu'en gros ça, vous y êtes favorable. Vous pensez que c'est ce qu'il faut faire.
CHRISTELLE DUBOS
On pose la question d'intégrer les jeunes, dix-huit/vingt-cinq ans. On connaît la précarité, on connaît la pauvreté de ces jeunes et quand on veut lutter contre la pauvreté et permettre qu'ils en sortent ou éviter qu'ils en rentrent dans le cadre de la stratégie de prévention, on se pose la question d'intégrer ces jeunes. Et je le dis clairement aujourd'hui, si on l'intègre ces jeunes de dix-huit/vingt-cinq ans et si on a un taux de recours à l'ensemble des prestations de façon plus importante parce que c'est aussi notre objectif, on aura un budget supplémentaire. Je l'ai déjà dit aux associations, c'est une réforme sur lequel je ne veux pas d'économies sur les dépenses sociales, ça veut dire sur le dos des plus vulnérables.
DIMITRI PAVLENKO
Oui, parce qu'en fait le reproche qui était un petit peu fait, c'est de dire : très bien, vous associez RSA, prime d'activité, aide au logement, on est sur une enveloppe….
CHRISTELLE DUBOS
Trente-sept milliards.
DIMITRI PAVLENKO
En gros, trente-sept milliards. Si vous faites rentrer, allez quoi, un million de jeunes de dix-huit/vingt-quatre ans en plus à budget constant, ça veut dire que les autres vont y perdre. Vous nous dites matin que vous avez prévu, vous souhaitez que le gouvernement mette au bout si on fait rentrer les dix-huit/vingt-quatre ans.
CHRISTELLE DUBOS
La consultation qu'on a commencée avec l'ensemble des acteurs, on a dit à budget constant, c'est pour pouvoir comparer une prestation telle qu'elle est versée aujourd'hui et ce qu'elle sera demain en termes pour baisser, pour lutter contre la pauvreté. Maintenant, ça c'était sur les prestations qu'on a actuellement. Je le dis clairement, si on intègre les jeunes de dix-huit/vingt-cinq ans, si on a un taux de recours plus important à l'ensemble de nos prestations, je travaillerai à ce qu'on ait un budget supplémentaire. Pas d'économies sur les dépenses sociales et notamment sur les plus vulnérables.
DIMITRI PAVLENKO
Oui. On peut dire que sur le revenu universel d'activité, c'est la réponse qu'apporte le président à ce « pognon de dingue » comme il avait dit peut-être un peu maladroitement, pour expliquer que les minima sociaux n'aidaient pas les gens en fait à sortir de la pauvreté. En quoi le revenu universel d'activité va changer la donne, Christelle DUBOS ?
CHRISTELLE DUBOS
Il va changer la donne parce que le fait d'intégrer la prime d'activité, c'est nécessaire.
DIMITRI PAVLENKO
Gros succès cette année.
CHRISTELLE DUBOS
Très gros succès.
DIMITRI PAVLENKO
Vous provisionnez dix milliards pour l'an prochain, plus quatre milliards par rapport à cette année.
CHRISTELLE DUBOS
Exactement, tout à fait. On voit bien que c'est une prestation, une prime qui est durable dans le temps, qui permet en effet d'avoir un gain de pouvoir d'achat dès lors que vous avez une reprise d'activité professionnelle. Cette prime d'activité, le fait de l'intégrer dans notre mode de calcul, permet en effet à des bénéficiaires du RSA ou de l'AH parce que vous avez aussi de personnes handicapées qui veulent reprendre un travail, d'avoir un gain financier et ça c'est important. Et ce qu'on adosse aussi également, c'est que certes c'est une prestation monétaire sur lequel on définira ensemble, avec les acteurs et les bénéficiaires, le montant au final derrière – c'est notre dernière phase de concertation - mais aussi sur lequel on adosse un accompagnement. On ne peut pas demander aux gens, dire : vous avez une prestation et débrouillez-vous. Moi ce que je pense et j'y crois profondément, c'est en accompagnant, en créant un droit réel à l'accompagnement qu'on accompagnera ces personnes-là à trouver un emploi. C'est le cas du service public de l'insertion qu'on travaille en parallèle.
DIMITRI PAVLENKO
Merci Christelle DUBOS…
CHRISTELLE DUBOS
Merci.
DIMITRI PAVLENKO
D'être venue nous apporter quelques précisions avec cette information donc : vous souhaitez que les dix-huit/vingt-quatre ans soient intégrés au RUA et le gouvernement mettra au bout financièrement si c'est le cas pour éviter une perte de prestations pour les autres bénéficiaires.
CHRISTELLE DUBOS
Si vous me permettez, je souhaite qu'on travaille à ce que les jeunes puissent être intégrés et le rapport nous dira, et derrière on fera les arbitrages, si on intègre les jeunes. Si on les intègre, on aura un budget supplémentaire avec un taux de recours plus important.
DIMITRI PAVLENKO
Christelle DUBOS, la secrétaire d'État aux Solidarités. Merci d'avoir été avec nous.
CHRISTELLE DUBOS
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 octobre 2019