Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Avec Léa SALAME, nous recevons ce matin la ministre du Travail, dans “Le grand entretien”. Questions, réactions sur les réseaux sociaux, l'application mobile de France Inter et au 01 45 24 7000. Muriel PENICAUD, bonjour.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
LEA SALAME
Et merci d'être au micro d'Inter. Avant d'en venir longuement à la réforme de l'Assurance chômage, une question d'actualité sur la SNCF. L'Inspection du travail Grand Est, région où a eu lieu l'accident de train qui a fait 11 blessés, a estimé que le droit de retrait exercé par les agents SNCF était justifié. Guillaume PEPY avait parlé de grève sauvage, Edouard PHILIPPE avait demandé des suites judiciaires ce week-end. Qu'en pense la ministre du Travail ? Grève sauvage ou droit de retrait légitime ?
MURIEL PENICAUD
C'est très simple, le Code du travail, qu'on doit appliquer, pas plus, pas moins dit ce que c'est que le droit de retrait. C'est l'article L 41 31.1 pour les spécialistes. Qu'est-ce que ça dit ? Ça dit qu'un salarié peut cesser le travail s'il est confronté à un danger grave et imminent. Est-ce qu'il y a un danger grave et éminent qui justifie l'arrêt soudain, non déclaré, des conducteurs dans toute la France, sur tous les réseaux, TER RER, TGV, Ouigo, à la veille des vacances ? La réponse est non. La réponse est non, il n'y a pas un danger grave et imminent sur toute la France, sur tout le réseau, et donc oui, du coup c'est une grève qui n'est pas déclarée, donc une grève illégale et…
LEA SALAME
Donc l'Inspection, pardon, mais l'Inspection du travail se trompe ?
MURIEL PENICAUD
Alors, ce n'est pas l'Inspection, c'est une inspectrice du travail, qui n'engage qu'elle, qui a écrit à la SNCF dans ce sens-là. La Direction générale du travail, qui est l'autorité administrative en France, que j'ai interrogée, ne partage pas les conclusions de l'inspectrice du travail, et moi non plus…
LEA SALAME
Qu'est-ce qu'ils disent ?
MURIEL PENICAUD
Eh bien, pour les raisons que j'ai évoquées, enfin, je ne veux pas rentrer dans le débat juridique, mais que…
LEA SALAME
Ils disent que ce n'était pas légitime.
MURIEL PENICAUD
Que le droit de retrait n'était pas légitime dans ce cas précis. Alors, il faut savoir que de toute façon c'est une lettre de préconisation, de recommandation, qui n'a pas, qui ne s'impose pas à l'entreprise.
LEA SALAME
Alors, faut-il poursuivre pour autant judiciairement ceux qui ont fait grève, si elle est illégitime, comme vous dites ? La SNCF a dit non, quel est votre avis ?
MURIEL PENICAUD
Il y a deux sujets. Il y a un sujet qui est le salaire, et un sujet les poursuites. La SNCF a annoncé que puisque le travail a repris, elle ne ferait pas de poursuites ni de sanctions, je pense que c'est une bonne chose. En revanche, évidemment, on est payé quand on travaille, quand on en grève, on n'est pas payé, et donc la SNCF a engagé les retenues sur salaire de ceux qui ont été grévistes.
LEA SALAME
Et vous trouvez ça normal.
MURIEL PENICAUD
Eh bien c'est l'application du droit.
LEA SALAME
Encore une question. Boris VALLAUD, du Parti socialiste, veut une réévaluation des risques liés à un seul conducteur par TER. Vous lui dites quoi ?
MURIEL PENICAUD
Alors, la SNCF, comme tous les transporteurs, comme toutes les entreprises, notamment dans le domaine du transport, doit faire une actualisation régulière de son plan d'évaluation des risques et de limitation des risques. A chaque fois qu'il y a un accident, légalement ils doivent revoir le sujet pour voir s'il y a des précautions supplémentaires à faire. C'est un sujet qui concerne toute l'Europe, ça fait 30 ans qu'il y a des trains avec un conducteur seul, qu'il y a bien d'autres systèmes de sécurité autour, pour évidemment qu'il ait tous les moyens de l'exercer, donc la SNCF de toute façon, là, doit revoir son plan pour voir s'il y a des choses à améliorer, comme elle le ferait, je dirais, sur un autre accident.
NICOLAS DEMORAND
Venons-en donc à l'assurance chômage, après l'échec de la négociation entre les partenaires sociaux. C'est donc l'exécutif qui a repris la main sur cette réforme, qui a fait l'objet d'un décret à la fin du mois de juillet. La réforme entre en vigueur en trois temps : 1er novembre 2019, c'est-à-dire demain matin, 1erjanvier, puis 1er avril 2020. J'ai dit demain matin, c'est dans une semaine.
MURIEL PENICAUD
10 jours.
NICOLAS DEMORAND
Voilà, 10 jours. Qu'est-ce qui va changer pour les chômeurs à cette date, 1er novembre ?
MURIEL PENICAUD
Alors, d'abord c'est le 1er volet de cette réforme de l'assurance chômage, qui vise... C'est une réforme en fait qui est pour l'emploi et qui veut diminuer la précarité, et qui veut diminuer le chômage. Et donc, sur ce sujet-là, on a trois éléments de réforme, certains pour que les emplois vacants puissent être pourvus, d'autres sur la limitation des contrats courts qui a explosé, qui met beaucoup de gens dans la précarité, ça, ça sera les mesures du 1er janvier, et donc pour l'instant les mesures qui arrivent là au 1er novembre, il y en a trois, il y en a une première qui est très attendue je crois par les salariés, c'est la capacité à démissionner pour se reconvertir, pour faire un projet professionnel. Ce n'est pas démissionner, pour démissionner, ne démissionnez pas tout de suite, il faut un projet professionnel bien sûr. Un projet professionnel, c'est quoi ? C'est créer ou reprendre une entreprise, faire une formation longue, reconvertir, changer de métier. Je crois qu'il y a beaucoup de gens, moi je rencontre beaucoup de salariés qui n'en peuvent plus de leur travail ou qui ont toujours rêvé de faire autre chose ou qui ont bien aimé leur travail, mais à un moment donné ils veulent changer, et donc là on va donner cette liberté qui est un filet de sécurité, puisqu'ils auront droit une fois que leur projet est accepté, il faut que le projet soit accepté, ils pourront avoir droit à l'assurance chômage, comme une autre personne, pour pouvoir mener leur projet.
LEA SALAME
Muriel PENICAUD, on va revenir en détails sur les démissionnaires, sur les conditions pour encadrer ce droit au chômage. Mais revenez très concrètement sur ce qui va changer au 1er novembre pour les chômeurs. D'abord, combien de personnes au 1er novembre, combien de personnes vont être concernées sur les changements ?
MURIEL PENICAUD
Alors, 1er novembre, au 1er novembre il y a trois choses. Il y a le droit d'être démissionnaire. Là, combien, on verra. C'est un droit, donc, pas de limitation.
LEA SALAME
Oui. Deuxième chose.
MURIEL PENICAUD
La deuxième, c'est les indépendants, les agriculteurs, les artisans, les commerçants, les petits, les entrepreneurs, qui aujourd'hui n'ont pas de filet de sécurité, à partir du 1er novembre, s'ils sont en liquidation judiciaire, ils auront un filet de sécurité à l'assurance chômage, sans cotiser, et ça c'est important, parce qu'il y a des drames aujourd'hui, ils n'ont même pas le temps de se retourner, donc c'est une aide courte, mais qui permet pendant 6 mois de se retourner. Et la troisième chose, c'est les conditions d'entrée à l'assurance chômage qui se modifient, puisqu'avant il fallait avoir travaillé 4 mois pendant les derniers 28 mois, et maintenant il faudra avoir travaillé 6 mois dans les derniers 24 mois, c'est-à-dire qu'il faut travailler un jour sur 4 pendant 2 ans, pour avoir droit à l'assurance chômage. Alors, ce n'est pas forcément à la suite, ça peut être réparti dans le temps donc on c'est ça qui change au 1er novembre.
LEA SALAME
Alors, sur le dernier point, l'UNEDIC dit que cette réforme globale aura un impact négatif sur l'indemnisation d'un entrant sur deux, et que ce sont notamment les jeunes qui vont en souffrir le plus de cette réforme. Qu'est-ce que vous répondez au fait que donc le grand changement c'est qu'on on va devoir avoir travaillé au moins 6 mois sur les 24 derniers mois.
MURIEL PENICAUD
Je dis qu'on est dans un marché du travail très dynamique. Est-ce que vous avez une idée du nombre d'offres d'emploi ce matin par exemple, publiées tous les jours ? Pôle emploi publie le nombre d'offres.
LEA SALAME
Allez-y.
MURIEL PENICAUD
Ce matin il y en a 705 159. Il y a 700 000 offres d'emploi, là, disponibles tout de suite. On est dans un marché très dynamique. Je passe ma vie sur le terrain, je peux vous dire que partout je vois des artisans, des commerçants, des entreprises du bâtiment, des services aux personnes, de l'industrie, qui cherchent du monde. Pouvoir compléter de 4 à 6 mois quand on travaille, ce n'est pas…
LEA SALAME
C'est plus dur.
MURIEL PENICAUD
C'est plus difficile que quand c'était dans la crise. C'était la règle, avant la crise, il y a 10 ans.
LEA SALAME
D'accord, mais là c'est plus dur.
MURIEL PENICAUD
Même avec 6 mois, on est un des pays les plus généreux d'Europe. Il faut le savoir, et c'est logique que l'assurance chômage il faille avoir travaillé et donc cotisé, enfin les salariés ne cotisent plus, mais il faut avoir travaillé, produire de la richesse, pour pouvoir y avoir droit. C'est un système d'assurance mutualisée. Donc je crois qu'on revient à ce qui se passait avant la crise il y a 10 ans, et qui est logique et de bon sens.
NICOLAS DEMORAND
Laurent BERGER, le patron de la CFDT, Muriel PENICAUD, syndicats avec qui il vous est possible d'avancer, par exemple sur les retraites, a des mots très durs sur cet aspect de la réforme de l'assurance chômage : “Elle va créer des drames – je le cite – des trappes à pauvreté. Cette réforme est une tuerie sur le plan social”, a-t-il déclaré fin septembre. “Tuerie”, le mot est extrêmement fort. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
MURIEL PENICAUD
Non mais vous ne trouvez pas que c'est du bon sens qu'il faille travailler, un jour sur quatre et on a le droit à l'assurance chômage ?
NICOLAS DEMORAND
Non mais voilà la lecture qu'il en fait.
MURIEL PENICAUD
Oui, la lecture…
LEA SALAME
Non mais nous on n'a pas de jugement à avoir, c'est Laurent BERGER de la CFDT qui dit ça. C'est lui qu'il faut convaincre, d'une certaine manière, c'est ceux qui disent que c'est une tuerie.
MURIEL PENICAUD
Manifestement, nous ne nous sommes pas convaincus mutuellement, il y a d'autres sujets où on se convainc très bien, sur une vision du capitalisme, sur l'égalité hommes/femmes, il y a plein de sujets sur lesquels on avance.
NICOLAS DEMORAND
Non mais une tuerie, une tuerie !
MURIEL PENICAUD
Oui, alors, je pense que d'abord, pour les partenaires sociaux, qui n'ont pas abouti lors de négociations, c'est quand même difficile que ça...c'est difficile à accepter et c'est la loi mais c'est quand même difficile que ça soit l'Etat qui fixe les règles puisqu'ils n'ont pas réussi eux-mêmes à se mettre d'accord sur les règles. Donc je crois…
LEA SALAME
Donc vous leur dites : balayez devant votre porte, les syndicats.
MURIEL PENICAUD
Non, je dis juste que…
LEA SALAME
Non mais vous pouvez le dire, parce qu'effectivement ils ne se sont pas mis d'accord.
MURIEL PENICAUD
Vous savez, ça a un seul but, c'est l'emploi. Moi je cherche quoi ? Plus d'emploi, parce que le chômage c'est quand même, ça reste un drame personnel et social, je cherche plus d'emplois et mieux d'emploi, c'est-à-dire moins d'emplois précaires, plus d'emplois durables. On commence à avoir des résultats, l'assurance chômage ça fait partie d'un tout, il y a les politiques de formation, il y a l'apprentissage, il y a l'ensemble des mesures que l'on prend. Moi je ne crois pas du tout que ça sera ce qu'il prédit.
NICOLAS DEMORAND
Une tuerie, et je le récite : “On va passer d'un système d'indemnisation chômage à un système d'accroissement de la pauvreté”. Ça mérite réponse tout de même, non, sur le fond, Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD
Ça mérite réponse, mais je ne vois pas en quoi, très honnêtement, le fait de travailler 6 mois au lieu de 4 mois en 2 ans, conduirait à la pauvreté. Je veux dire, il y a un décalage entre…
NICOLAS DEMORAND
C'est durci, enfin les règles ont été durcies.
MURIEL PENICAUD
Oui, c'est un peu plus dur, mais dans un contexte où il y a l'emploi, et moi je trouve aussi logique que quand il y a de l'emploi, eh bien il soit pris et que l'assurance chômage elle serve de filet de sécurité entre deux emplois. Ce n'est pas un but à vie pour personne, d'être à l'assurance chômage, ce n'est pas un métier l'assurance chômage, c'est le filet de sécurité entre deux emplois. Mais quand le marché dynamique, eh bien il faut aussi retourner à l'emploi.
LEA SALAME
On va poursuivre sur les…
NICOLAS DEMORAND
Allez-y Léa.
LEA SALAME
Non, allez-y Nicolas.
NICOLAS DEMORAND
Oui, alors pourquoi cette... Juste, pour qu'on comprenne. Est-ce que selon vous les abus étaient trop nombreux, les allocations étaient trop généreuses, les conditions d'accès étaient trop faciles ? C'est aussi ça cette réforme ?
MURIEL PENICAUD
Non, moi je crois que l'assurance chômage doit s'adapter au contexte.
NICOLAS DEMORAND
Eh bien sinon, on ne comprend pas.
MURIEL PENICAUD
Eh bien si, lorsque c'était la crise, et franchement il n'y avait pas d'offres d'emploi nulle part, là il fallait faire que de la protection, il fallait je dirais renforcer le filet de sécurité, mais pas le filet d'incitation, ça ne servait à rien. Aujourd'hui on est dans un marché dynamique, donc faut qu'il y ait à la fois de la sécurité. L'assurance chômage c'est un système de protection dont on est fier en France. On a une sécurité si on tombe au chômage, et c'est important, on y tient, on y tient tous, mais aussi il faut que ce soit incitatif à retrouver un travail quand il y en a.
LEA SALAME
On va continuer à vous poser des questions sur cette réforme que vous nous dévoilez ce matin. Vous avez dit : “L'important pour moi c'est l'emploi”, est-ce que vous maintenez l'objectif d'un chômage à 7% à la fin du quinquennat ?
MURIEL PENICAUD
Alors, si les conditions macro-économiques mondiales, européennes, n'amènent pas la récession en Europe et en France, pour l'instant c'est pas le cas, on a une croissance qui est robuste, toutes choses égales par ailleurs, en faisant tout ce qu'on fait, la formation, l'apprentissage, la réforme de l'assurance chômage, la Loi Pacte, avec ça on peut considérer que c'est un horizon possible. Aujourd'hui on est passé de 9,6 à 8,5% de taux de chômage, en 2 ans, c'est un demi-million d'emplois qui ont été créés, il faut continuer, il ne faut rien lâcher, c'est pas à pas que l'on fait baisser le chômage.
LEA SALAME
Mais 7 % reste un objectif.
MURIEL PENICAUD
7 % reste une ambition qu'on va essayer d'atteindre, oui.
LEA SALAME
Alors, les démissionnaires, vous en parliez, c'est la grande annonce, c'était la grande promesse de campagne d'Emmanuel MACRON…
MURIEL PENICAUD
Tout à fait.
LEA SALAME
.. vous démissionnez, vous pouvez toucher l'assurance chômage. Sauf que quand on regarde, eh bien c'est loin d'être automatique et il y a beaucoup beaucoup de conditions. Seuls sont concernés les salariés qui ont travaillé 5 ans dans la même entreprise, ça c'est la première des conditions, ce qui veut dire par définition que les jeunes ne peuvent pas trop, non ?
MURIEL PENICAUD
Alors, pour les jeunes, pour les jeunes je vais répondre après aux démissionnaires, pour moi il y a une voie, si on n'a pas de métier, le plus important c'est d'apprendre un métier, et donc on a ouvert toutes les possibilités pour l'apprentissage, qui est en train absolument de boomer, je ne sais pas comment dire autrement…
NICOLAS DEMORAND
D'exploser.
MURIEL PENICAUD
Et exploser, d'exploser au sens positif du terme.
NICOLAS DEMORAND
Positif du terme, oui.
MURIEL PENICAUD
On est à +8,4 sur la rentrée, je pense qu'on aura bientôt les chiffres, enfin, du premier semestre, on aura bientôt les chiffres de la rentrée, qui à mon avis seront très dynamique. Je vais partout, j'ouvre des CFA tous les jours, hier c'était ADECCO, c'était Nicollin à Montpellier la semaine dernière, les Chambres de métiers ça augmente, les Maisons familiales, les Compagnons, tout le monde augmente, donc pour un jeune la priorité c'est vraiment de se former et avoir un métier qualifiant. Par contre, les démissionnaires je pense que c'est un droit nouveau. On est le premier pays à faire ça, se dire qu'on peut avoir, enfin, de la souffrance au travail, on peut en avoir marre de son travail, on peut avoir envie de faire quelque chose qu'on n'a jamais pu faire et qu'on voudrait pouvoir faire à 30 ans, à 40 ans, à 50 ans, et ce droit c'est un droit à la reconversion, mais choisie, pas subie.
LEA SALAME
Oui, c'est ça, parce que la reconversion c'est souvent subi.
NICOLAS DEMORAND
Le droit à un projet.
MURIEL PENICAUD
C'est un projet.
LEA SALAME
C'est ça la nuance, il faut une reconversion, c'est-à-dire qu'il faut changer de boulot.
MURIEL PENICAUD
Attendez, le but ce n'est pas... C'est le droit au travail qu'on cherche, ce n'est pas le droit au chômage. Le droit au chômage, ça n'a pas de sens.
NICOLAS DEMORAND
Oui, mais un salarié, donc, qui n'en peut plus, pour reprendre votre exemple…
MURIEL PENICAUD
Eh bien à ce moment-là il peut se reconvertir.
NICOLAS DEMORAND
... il ne pourra démissionner avec des droits, que s'il a un projet alternatif.
MURIEL PENICAUD
Sinon il va dans le mur. Parce que l'assurance chômage, ça n'est pas toute la vie.
NICOLAS DEMORAND
S'il n'en peut plus, s'il est en burn-out, s'il doit quitter son travail ?
MURIEL PENICAUD
Eh bien il y en a qui démissionnent.
LEA SALAME
Pour faire le même travail après, dans une autre entreprise.
MURIEL PENICAUD
Oui mais, voyez que... mais ça c'est déjà le cas, il y a déjà des cas de démissions qui sont autorisées dans certains cas, typiquement d'ailleurs quand le conjoint déminage ou quand votre métier va disparaître, il y a des cas de démissions autorisées. Là on crée un droit nouveau, qui est la personne qui a envie de créer son entreprise, de reprendre son entreprise, de se former, de faire une formation longue, de se reconvertir, de choisir nouvelle voie professionnelle, et ça ce n'est jamais arrivé jusqu'ici. Et là, il ou elle aura les mêmes droits à l'assurance chômage. Alors, il ne faut pas démissionner tout de suite, il faut effectivement avoir un projet. Il y aura un conseiller en évolution professionnelle, sur le site que nous créons la semaine prochaine qui s'appellera “demission-reconversion.gouv.fr”, on trouvera toutes les indications. Il y aura près de chez vous un Conseil en évolution professionnelle, qui est gratuit, gratuit et obligatoire, c'est-à-dire que vous avez à discuter avec quelqu'un qui va vous aider à dire : est-ce que vous êtes sûr que votre projet il est mûr ? Ou, comment on peut vous aider pour que voilà, ce ne soit pas sur un coup de tête, mais que ça soit vraiment une reconversion, et ensuite il y a une commission qui valide votre projet sous les 2 mois, et ensuite vous pouvez démissionner et vous êtes pris en charge par l'assurance chômage, pour mener votre projet.
LEA SALAME
Alors, puisqu'on est toujours sur les conseils pédagos, vous lancez à partir du 21 novembre, dans un mois c'est ça, une appli sur la formation, pour la formation, est-ce que vous pouvez nous en dire…
MURIEL PENICAUD
Alors ça c'est autre chose…
LEA SALAME
Oui, c'est autre chose…
MURIEL PENICAUD
Ça ce n'est pas la réforme de l'assurance chômage.
LEA SALAME
Oui, mais comme vous êtes sur... pour aider les gens à mieux se former.
MURIEL PENICAUD
Voilà, alors ça, ça va être une révolution de la formation. On est collectivement très fier. Le compte personnel de formation, ça va s'appeler “mon compte formation”, sur l'appli, fera en sorte que le 21 novembre vous serez 25 millions de Français, nous serons 25 millions de Français, à avoir un vrai droit à la formation, où on aura les euros crédités, 500 € par an, ou 800 € selon votre situation.
LEA SALAME
Tous les Français en recevoir 500 € par an, de formation.
MURIEL PENICAUD
Tous les salariés et demandeurs d'emploi, et ils auront – ça fait 25 millions de personnes – et ils auront toute l'offre de formation, tout ce que vous pouvez chercher, vous cherchez chauffeur routier à Montargis, vous cherchez informaticien à Orléans, vous allez le trouver et vous pourrez vous inscrire, payer votre formation, en plus de ce que font les entreprises. Ça ce n'est pas la réforme de l'assurance chômage…
LEA SALAME
Non non, mais ça c'est la nouvelle appli que vous lancez le 21 novembre.
MURIEL PENICAUD
Mais pour les gens qui veulent démissionner pour une reconversion, ils sont sûrs d'avoir leur financement.
NICOLAS DEMORAND
La parole aux auditeurs de France Inter, très nombreux, et sur des sujets très divers. Je salue Vincent ! Vous êtes là Vincent ?
VINCENT
Oui, je suis là, bonjour France Inter.
NICOLAS DEMORAND
Bonjour, on vous écoute.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
VINCENT
Merci. Madame la Ministre, bonjour. Est-ce que vous pouvez confirmer la généralisation prochaine de l'expérimentation “Territoire zéro chômeurs longue durée” ? Je vous remercie.
NICOLAS DEMORAND
Merci Vincent pour cette question. Il y a une polémique en ce moment sur le sort justement de ce dispositif. Que pouvez-vous répondre Muriel PENICAUD ?
MURIEL PENICAUD
D'abord, pour les auditeurs qui ne connaissent pas, “Territoire zéro chômeurs”, c'est une belle innovation sociale qui a été lancé par la loi en 2016, une expérimentation prévue pour 5 ans, donc jusqu'à 2021, et qui doit faire l'objet d'une évaluation pour voir si on peut la généraliser. Pour l'instant ça concerne 811 personnes en France, donc c'est une petite innovation mais c'est aussi très intéressant, et donc, à la demande d'ailleurs des organisateurs, on a anticipé l'évaluation, donc il y aura deux évaluations, une de l'Inspection générale des affaires financières et sociales, et une d'un Comité scientifique indépendant…
NICOLAS DEMORAND
Et donc ?
MURIEL PENICAUD
Et donc ils doivent me rendre leurs conclusions, nous en discuterons avec les…
NICOLAS DEMORAND
Mais aujourd'hui vous ne savez pas…
MURIEL PENICAUD
Je les reçois d'ailleurs à midi, et pour qu'on discute l'évolution. Manifestement, l'intention est excellente, c'est vraiment une nouvelle démarche, en plus de l'insertion par l'économique, en plus des entreprises adaptées, mais me semble-t-il dans les rapports il y a des choses, des moyens d'améliorer ou des conditions d'amélioration, donc on va en discuter.
NICOLAS DEMORAND
Marie est en ligne, Marie, bonjour.
MARIE
Oui, bonjour.
NICOLAS DEMORAND
On vous écoute.
MARIE
Oui, bonjour Madame la Ministre.
MURIEL PENICAUD
Bonjour Madame.
MARIE
J'ai essayé vainement de joindre vos services, donc je profite de cette occasion, je suis psychiatre en consultation souffrance au travail, je suis fascinée par votre discours incantatoire, extrêmement porteur de libertés et de droits au changement, le problème, c'est que les conditions managériales actuelles ne sont pas de la liberté, et à l'heure où les directeurs d'école se suicident, les policiers se suicident, les agriculteurs se suicident, et la SNCF est dans la rue en grève sauvage, qu'est-ce que vous faites pour changer le mode de traitement de la souffrance au travail, qui est uniquement liée à des conditions extérieures, ce ne sont pas des gens fragiles, ce sont des gens compétents, finalement, ce ne sont pas des gens malades, si on les sortait, alors, vous allez me dire, ils peuvent effectivement aller dans les nouveaux systèmes de démission, mais ce n'est pas un choix, c'est des gens qui auraient travaillé tout à fait normalement, qui ne relèveraient pas de la Sécurité sociale, ni de Pôle emploi, qui finissent eux aussi par être en burn-out, voilà…
NICOLAS DEMORAND
Bien compris. Merci beaucoup Marie…
MARIE
Qu'est-ce que vous faites…
NICOLAS DEMORAND
Merci beaucoup pour cette question. Muriel PENICAUD vous répond, question cruciale.
MURIEL PENICAUD
Je crois que c'est une question très importante, parce que, oui, il y a dû mal-être et parfois de la souffrance au travail, pas général, il y a des gens très heureux dans leur travail, très épanouis, mais aussi des gens qui souffrent beaucoup, et comme vous l'avez dit, il y a beaucoup de causes qui sont liées à des modes d'organisation de management. En 2010, j'avais, avec Henri LACHMANN et Christian LAROSE, donc qui était, lui, président de SCHNEIDER ELECTRIC, et Christian LAROSE, à la CGT, on avait fait un rapport au Premier ministre de l'époque sur : comment éviter les risques psychosociaux, et surtout, comment concilier l'efficacité et le bien-être au travail. Parce que, en vrai, la souffrance au travail, c'est : le coup est terrible pour chaque personne, mais en plus, c'est du mauvais management, souvent, c'est du management ou de l'organisation du travail ou des modes de reporting qui génèrent des problèmes supplémentaires, alors d'ailleurs, on avait vu à l'époque que l'essentiel est à faire quand même en matière d'organisation dans les entreprises, on a fait un petit rapport qui faisait 12 pages qui est en ligne. Alors aujourd'hui, comme ministre du Travail, moi, je pense qu'on a un sujet important de santé au travail, plus général, on a aussi encore beaucoup d'accidents du travail qui sont inadmissibles, qu'on peut éviter, il y a les troubles musculo-squelettiques qui sont très importants, et puis, il y a le sujet de la souffrance au travail, c'est un sujet aussi qui doit faire l'objet des discussions des partenaires sociaux qui vont travailler sur la santé au travail, et on va en reparler avec eux après…
NICOLAS DEMORAND
Encore un mot sur la SNCF, parce qu'il y a beaucoup de réactions à vos propos. Daniel, sur l'application France-Inter, quelle sécurité reste-t-il quand le conducteur en première ligne est blessé lors d'une collision sur les lignes avec passage à niveau, Marie : qu'entendez-vous par incident grave et imminent, le train en question a percuté un camion, le conducteur blessé a dû gérer la situation, seul, bref, les auditeurs ne comprennent pas qu'on puisse contester le droit de retrait face à des situations pareilles.
MURIEL PENICAUD
Alors, le danger grave et imminent, c'est pour la personne dans un contexte, bien sûr, le conducteur, lui-même, c'est une situation différente, quand je dis que ça n'est pas légitime, c'est parce que ça n'est pas vrai que tous les trains de France, ils sont en danger grave et imminent, et donc c'est là où ça devient une grève et non plus un droit de retrait. Après, quand il y a une situation particulière, le droit de retrait, il est fait pour ça, puisque si vous êtes face à un danger, on en voit par exemple dans les risques de chute de hauteur, évidemment, le droit de retrait, on y tient beaucoup, il est très favorable. Mais il faut bien distinguer le cas particulier dans le contexte qu'on met, et le cas général. Et puis, la deuxième chose que vous évoquez ou qu'évoquent les auditeurs, c'est la question de c'est quoi les bonnes sécurités sur un train. Moi, je pense que la SNCF aura tout intérêt à expliquer sa stratégie sur le sujet, parce qu'il y a des plans d'action très forts sur la sécurité qui sont d'ailleurs en lien avec ce que font d'autres opérateurs européens, et il y a des systèmes aujourd'hui qui sont importants qui marchent la plupart du temps…
LEA SALAME
Vous dites que la SNCF ne fait pas assez de pédagogie sur la question, c'est ce que vous dites, de communication ou… ?
MURIEL PENICAUD
Eh bien, c'est-à-dire que, non, mais elle fait beaucoup de communication interne sur le sujet, et ses plans d'évaluation des risques, mais je pense que c'est intéressant, ça intéresse aussi les citoyens, d'en savoir plus sur le sujet. Je dirais, voilà…
LEA SALAME
Eh bien, l'invitation est lancée à Guillaume PEPY pour qu'il vienne nous expliquer la sécurité dans les trains…
MURIEL PENICAUD
Voilà, l'invitation est lancée. Mais je peux vous dire qu'un des sujets, c'est les passages à niveau, vous voyez, quand il y a des accidents, c'est souvent les passages à niveau, c'est pour ça qu'il y a tout un plan de réduction des passages à niveau.
LEA SALAME
Muriel PENICAUD, question sur les retraites, le Premier ministre a indiqué dès début septembre que la réforme des retraites s'appliquerait à partir de 2025 aux Français nés après 1962, il sera généralisé en 2040 pour tout le monde, est-ce que ce calendrier reste d'actualité ?
MURIEL PENICAUD
Oui, la réforme des retraites, elle est importante, parce que, je pense que, d'abord, on doit aux jeunes de notre pays qu'ils aient un système de retraite qui fonctionne quand ils seront à la retraite, je suis très frappée dans tous les centres de formation d'apprentis que je visite, le nombre de fois où il y a des jeunes qui disent : nous, on n'aura pas de retraite, eh bien, si, on se doit qu'ils aient une retraite. Donc il faut un système qui soit robuste dans la durée, il faut qu'il soit plus juste, parce qu'il y a vraiment des injustices selon votre situation et qui permette mieux de prendre en compte les carrières, comme on dit, hachées…
LEA SALAME
Sur le calendrier…
MURIEL PENICAUD
Beaucoup de femmes qui doivent s'interrompre…
LEA SALAME
J'entends bien, mais sur…
MURIEL PENICAUD
Et donc sur le calendrier, il y aura le calendrier général, donc là, il y aura une loi l'année prochaine, sur le cadre général, et puis après, ce qui va être discuté, c'est comment on arrive d'aujourd'hui à ce cadre général, et là, il y a la discussion qui va être faite avec les partenaires sociaux pour discuter comment on converge…
LEA SALAME
Donc 2025, ce n'est pas sûr, ça peut être ouvert ?
MURIEL PENICAUD
Alors, ça dépend, il y a des régimes qui sont très loin. On va faire converger tout le monde sur un régime commun, pour que ça soit égalitaire, il faut que tout le monde soit dans un système plus comparable…
LEA SALAME
D'accord, mais juste 2025, c'est variable encore, ce n'est pas tranché ?
MURIEL PENICAUD
Eh bien, le fait que tel ou tel régime rejoigne le régime général, ça va faire partie des discussions avec les partenaires sociaux.
NICOLAS DEMORAND
Léa ?
LEA SALAME
Oui, peut-être une question sur le Pôle de gauche, vous avez été la collaboratrice de Martine AUBRY dans un temps ancien, dans le monde ancien, comme vous dites. Est-ce que vous allez rejoindre le Pôle de gauche de La République En Marche avec notamment Jean-Yves LE DRIAN, Olivier DUSSOPT, est-ce que vous vous sentez proche de cette mouvance-là ?
MURIEL PENICAUD
Alors, moi, j'ai rejoint Emmanuel MACRON avec la conviction profonde qu'aujourd'hui, le clivage droite/gauche, il a eu sa pertinence, aujourd'hui, il ne le dit pas bien, moi, ce qui m'intéresse, c'est rejoindre l'économique et le social, ça fait 40 ans que je me bats pour ça…
LEA SALAME
Donc pas le…
MURIEL PENICAUD
Donc je suis très bien à La République En Marche, au cœur de La République En Marche. Et sur…
LEA SALAME
Enfin, le Pôle gauche, il est au cœur de La République En Marche, il n'est pas…
MURIEL PENICAUD
Oui, aussi, non, mais je veux dire, je ne vais pas rejoindre ni un pôle de droite ni un pôle de gauche.
NICOLAS DEMORAND
Merci Muriel PENICAUD, ministre du Travail, d'avoir été au micro de France Inter ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 octobre 2019