Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail à France Bleu le 13 septembre 2019, sur la réforme des retraites et la prise en compte des régimes spéciaux.

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Média : France Bleu

Texte intégral

PASCAL GAUTHIER
Bonjour Madame la ministre.

MURIEL PENICAUD
Bonjour.

PASCAL GAUTHIER
Vous inaugurez ce matin à Clermont le Hall 32, lieu hybride de formation, de promotion et de développement des métiers de l'industrie. C'est sur le site d'une usine MICHELIN, d'une ancienne usine MICHELIN. Un lieu multifonction donc. Pour vous, c'est là que se construit l'industrie du futur ? C'est ça qu'il faut faire pour rester compétitif, Muriel PENICAUD ?

MURIEL PENICAUD
La clef de l'industrie demain, c'est les compétences. Il faut des investissements technologiques, il faut de l'innovation mais il faut avant tout des compétences. Et je pense que l'initiative de MICHELIN avec cette création du Hall 32 est excellente puisqu'elle fait quatre en un. Ça va être une vitrine des métiers de l'industrie, pas ceux simplement de MICHELIN mais des métiers de l'industrie en général. Ça va permettre à près de deux mille personnes en formation continue de se perfectionner ou d'apprendre les métiers de l'industrie chaque année. Et puis ça va permettre aussi à des élèves ou à des apprentis en alternance de découvrir ces métiers, de se former et enfin ils vont jusqu'à chercher les jeunes décrocheurs ; ça, je les salue. Parce que ce qui va faire réussir le pays, c'est quand la haute performance économique va avec la haute performance sociale, avec l'engagement social et c'est aussi ça je vais saluer à Hall 32.

PASCAL GAUTHIER
On a besoin de nouveaux talents sur le marché du travail dans l'industrie ?

MURIEL PENICAUD
Oui. L'industrie pendant très longtemps a perdu beaucoup plus d'emplois qu'elle n'en créait. On a perdu en France un million d'emplois en dix ans. Notre tissu industriel s'est affaibli mais depuis deux ans, l'industrie repart, elle réembauche. Elle embauche beaucoup en CDI d'ailleurs. Il y a des métiers formidables, il y a une image parfois qui ne correspond plus du tout à la réalité. Il y a beaucoup de technologies, il y a beaucoup de métiers qui se développent chaque jour et je pense que c'est bien que les industriels comme MICHELIN s'engagent dans cette voie des compétences. Ça va faire progresser l'industrie et donc le pays et l'emploi.

PASCAL GAUTHIER
Oui. MICHELIN, fleuron de l'industrie mais dont les effectifs diminuent régulièrement en France et à Clermont. Il y a aussi localement ces PME de l'industrie qui ferment ou réduisent aussi les effectifs. Cherchez l'erreur.

MURIEL PENICAUD
Non, pas chercher l'erreur. Je crois qu'aujourd'hui l'économie bouge vite dans tous les domaines. On crée plus d'emplois qu'on en détruit dans l'industrie et c'est vrai que certains secteurs n'arrivent pas à être assez compétitifs. D'autres au contraire créent beaucoup d'innovation, beaucoup de valeur ajoutée, se développent. Au total on crée plus d'emplois industriels aujourd'hui qu'on en détruit en France. Mais évidemment, il faut être plus qu'attentif et il faut donner à chacun la capacité en permanence d'évoluer pour, s'il y a un coup dur, pouvoir changer de métier ou changer d'industrie. C'est très important que chacun ait le pouvoir toute sa vie, et c'est l'objet de notre loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, que chacun ait la capacité à rebondir s'il y a quelque chose. On ne pourra pas empêcher l'évolution technologique, on ne va pas empêcher Internet, on ne va pas empêcher la concurrence mais il faut que chacun puisse être armé face à ça. Au total, on crée plus d'emplois qu'on en supprime et c'est ça le plus important.

PASCAL GAUTHIER
Réforme du travail, réforme maintenant de l'apprentissage. Il faut tout bousculer en matière d'emploi ?

MURIEL PENICAUD
Moi, je crois que l'apprentissage c'était un trésor caché dans ce pays. C'était mal vu et puis il y avait plein de règles qui empêchaient de le développer. Donc dans la loi Avenir professionnel qui a juste un an, on a libéré tous les freins. C'est en train de se développer très fortement. On vient de passer la barre des quatre cent cinquante-huit mille apprentis. Ce n'est pas encore beaucoup mais c'est la première fois en France. Et puis surtout, les jeunes changent d'état d'esprit : ils s'aperçoivent qu'on peut avoir des métiers de passion, des métiers d'excellence pour faire une carrière, qu'on peut avoir des promotions, qu'on est payé pendant ses études, qu'on va du CAP à l'ingénieur. Les jeunes, ça y est, c'est parti, les entreprises aussi. J'appelle les parents : faites confiance aux jeunes, vous allez voir, ils vont s'éclater dans leur métier. C'est comme ça qu'ils réussiront.

PHILIPPE VIALLON
Pascal GAUTHIER et Muriel PENICAUD dans les studios de France Bleu Pays d'Auvergne. On les retrouve dans une minute. (…) 08 heures moins dix, suite de l'entretien entre Pascal GAUTHIER et Muriel PENICAUD, ministre du Travail, qui est avec nous ce matin sur France Bleu.

PASCAL GAUTHIER
Muriel PENICAUD, la réforme des retraites sera au Parlement d'ici la fin de l'été avec une promesse de concertation. On sait déjà qu'il faudra travailler plus. 72 % des Français ne pensent pas que le Premier ministre proposera une bonne réforme dans un sondage Odoxa pour Franceinfo. C'est mal parti.

MURIEL PENICAUD
Je ne crois pas mais c'est normal que le sujet des retraites qui concerne absolument tout le monde crée à la fois des attentes et puis aussi des inquiétudes.

PASCAL GAUTHIER
C'est plutôt des inquiétudes là.

MURIEL PENICAUD
Oui. Mais pour l'instant, la réforme n'est pas encore dessinée. On va le faire avec les acteurs, avec les consultations citoyennes. On va avoir beaucoup de débats, un peu type Grand débat. Le président de la République lui-même va enfin ouvrir, je dirais, ces débats. Le Premier ministre et toute une équipe autour de lui et le haut-commissaire Jean-Paul DELEVOYE vont travailler avec les différents domaines, les différents régimes. Vous savez, il y a quarante-deux régimes et ça dure depuis soixante-dix ans. Aujourd'hui je crois que les Français en même temps sont conscients que le système est injuste, qu'il répond mal à certaines situations. Je pense par exemple aux femmes qui s'arrêtent de travailler ou qui sont obligées parfois pour s'occuper de leurs enfants ou des aînés et qui dont les retraites ne sont vraiment pas dignes, donc il y a beaucoup de travail à faire. On va prendre le temps. C'est quelque chose qu'on fait pour dans vingt ans, trente ans, quarante ans. On le fait pour que les jeunes aient aussi un avenir. Moi ça me frappe quand je vois les jeunes, j'en vois toutes les semaines, qui me disent : “On n'aura pas de retraite.” Mais c'est dramatique ! Si, il y aura un système de solidarité pour eux. Donc on se doit de construire ça, on va prendre le temps pas à pas pour en discuter. Ça sera tout sauf la hussarde mais il faut qu'on arrive à faire quelque chose qui est robuste pour notre pays et pour nos concitoyens et notamment les jeunes demain.

PASCAL GAUTHIER
Justement, il y a grève à la RATP dans les transports parisiens aujourd'hui pour défendre le régime spécial de retraite. C'est illégitime ce combat ? Il n'y a pas des métiers plus pénibles par exemple ?

MURIEL PENICAUD
C'est un des sujets. Il y a des métiers pénibles et c'est un des sujets qu'on va traiter : c'est les carrières où il y a de la pénibilité. Ça fait évidemment partie des sujets. Si on a travaillé jeune, qu'on a un travail très pénible, il est normal qu'on puisse partir à la retraite plus tôt. Mais c'est en fonction du travail qu'on a fait.

PASCAL GAUTHIER
Sur le plan politique, l'affaire Richard Ferrand mis en examen pour prise illégale d'intérêts. Il ne démissionne pas. La Macronie est ébranlée mais solidaire ?

MURIEL PENICAUD
Elle est plus solidaire. Je crois que si à chaque fois… Je rappelle que mis en examen, ça ne veut pas dire coupable.

PASCAL GAUTHIER
Oui.

MURIEL PENICAUD
Ça veut dire juste qu'il y a une instruction judiciaire.

PASCAL GAUTHIER
Bien sûr.

MURIEL PENICAUD
Si à chaque fois qu'un maire, un député, un élu de la nation qui a été élu par le suffrage universel, chaque fois qu'il est mis en examen il s'arrête de faire son mandat, c'est très facile de… Ça va être le jeu politique permanent, donc je crois qu'il faut que tout le monde reste calme. Richard FERRAND est un excellent président de l'Assemblée nationale. Il a la confiance absolument de la majorité présidentielle et il n'y a aucune raison, il n'y a pas de précédent, qu'un président ou un député démissionne lorsqu'il est mis en examen. Il faut laisser faire la justice et par ailleurs il joue son rôle en attendant.

PASCAL GAUTHIER
Oui. Les ministres n'ont pas les mêmes règles, on nous explique.

MURIEL PENICAUD
Oui. Il y a une habitude qui s'est faite à l'époque qui a commencé, c'est Balladur.

PASCAL GAUTHIER
Une bonne habitude mais qui n'est pas valable…

MURIEL PENICAUD
Non, mais nous, les ministres on est nommés, on n'est pas élus. Donc c'est le choix du peuple d'élire un député. Je pense que ça fait une différence.

PASCAL GAUTHIER
Les élections municipales approchent. Pas mal de conflits dans plusieurs grandes villes dont Paris avec des candidats dissidents. Hier à Clermont, vous avez rencontré Eric FAIDY, le candidat de la République en Marche, et pas le député MoDem Michel FANGET qui postule aussi à la mairie. Ça veut dire quoi ?

MURIEL PENICAUD
Je suis, moi, une militante de la République en Marche. J'étais à Bordeaux au grand événement du Campus des territoires à La République en Marche où j'ai vu Eric FAIDY dimanche. Je l'ai revu hier soir. J'ai vu qu'il y avait une très belle dynamique, une belle équipe et un projet qui non seulement est valable mais en plus qu'il veut construire avec les Clermontois. Je trouve que c'est vraiment très bien et la République en Marche soutient sans hésiter Eric FAIDY donc je lui apporte tout mon soutien.

PASCAL GAUTHIER
Donc concrètement Michel FANGET, le MoDem, c'est mis de côté.

MURIEL PENICAUD
Non. Mais je pense qu'on n'est pas encore au mois de mars et j'espère bien que toute la majorité présidentielle se réunira autour du candidat.

PASCAL GAUTHIER
Merci Muriel PENICAUD pour cette revue de plein de sujets, économie, industrie, retraite. Bonne journée à vous.

MURIEL PENICAUD
Merci. A vous tous aussi


source : Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2019