Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER bonjour.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre de l'Education nationale. Jean-Michel BLANQUER, vous avez peut-être suivi le discours de Greta THUNBERG, vous l'avez vu à la télévision, ou écouté, elle dépose plainte contre la France, avec d'autres, parce que la France ne ferait pas assez pour la lutte contre le réchauffement climatique. Elle en fait trop Greta THUNBERG ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Sur ce point certainement oui, puisque la France est un des pays qui en fait le plus pour la lutte contre le réchauffement climatique, donc je pense que ça ne sert à rien de tirer sur une locomotive. La France aujourd'hui est une locomotive contre le réchauffement climatique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On attend encore d'autres actes…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, on peut faire toujours plus, et on veut faire toujours plus, mais le président MACRON en fait énormément sur ce sujet, on l'a vu à l'occasion du G7, on le voit encore aux Nations Unis où il a monté cette conférence sur l'Amazonie qui est très importante…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'elle culpabilise tout le monde ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, je pense qu'il y a une petite tendance comme ça, à laquelle il faut prendre garde en effet, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut prendre garde ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, parce que moi je crois que sur les sujets…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous pensez qu'au fond, finalement elle est un peu manipulée, ou est-ce que…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça je n'en sais rien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment la regardez-vous cette jeune fille de 16,5 ans, bientôt 17 ans ? Vous dites qu'elle a toujours 16 ans, mais elle a bientôt 17 ans.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Avec un mélange de sympathie et de vigilance. De la sympathie parce que la cause est bonne bien sûr, il faut se battre pour la lutte contre le réchauffement climatique, et elle a bien raison, et c'est très important que la jeunesse se mobilise sur ce point, maintenant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vigilance pourquoi ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vigilance parce que, il faut faire attention, on ne peut pas non plus créer une génération de déprimés autour de ce sujet, il faut au contraire être constructif, il faut, en étant constructif, tout simplement réussir l'enjeu, non seulement de la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi du renouvellement de la biodiversité, ça, ça passe par des actes concrets. Donc, je pense qu'on doit dépasser le stade du cri, c'est très important d'alerter, elle le fait et elle le fait bien, donc de ce point de vue là ça doit être salué, mais maintenant il faut surtout être constructif. Et puis je crois que ça ne sert vraiment à rien d'attaquer la France parce que s'il y a bien un pays qui se bat actuellement sur ce sujet c'est la France, et donc on a plutôt besoin de soutiens que d'attaques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, est-ce que vous encouragez les collégiens et lycéens à aller manifester tous les vendredis pour défendre le climat ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je fais, si vous me permettez, mieux et plus que ça. C'est-à-dire que, lorsque le 15 mars dernier, il y avait eu cet appel international, j'avais proposé aux lycéens de se réunir en comités pour réfléchir sur ces enjeux, et d'ailleurs je crois que je l'avais dit sur votre antenne, et c'est ce que nous avions fait, on a fait vivre la démocratie lycéenne, c'est-à-dire qu'il y a eu des comités dans chaque lycée, à l'échelle de chaque région, et à la fin à l'échelle de la France, avec des délégués, qui m'ont permis de co-construire avec eux huit propositions. Ils ont fait huit catégories de propositions, au mois d'avril dernier, qui sont devenues notre feuille de route pour cette année scolaire, et pour les années suivantes, c'est-à-dire huit catégories d'actions très concrètes. Autrement dit, l'objectif est de créer une génération d'acteurs pour les faire agir et être contagieux sur l'ensemble de la société. Exemple type, la multiplication des projets écologiques dans les établissements comme la création de potager dans les écoles, la revégétalisation, j'étais il y a quelques jours avec des élèves d'un collège du Nord de la France où tout simplement on allait être dehors pour nettoyer les sols, et c'est ainsi que, avec 12 millions d'élèves, on va entraîner l'ensemble des citoyens vers tout simplement un respect de la nature. On doit retrouver le sens de la nature dans notre monde qui est de plus en plus technologique, souvent de plus en plus virtuel, et donc je trouve ça très éducatif, très pédagogique, et en même temps très concret, de mettre en mouvement l'ensemble des élèves sur ce sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ces manifestations hebdomadaires, tous les vendredis, des collégiens, des lycéens, toujours utiles ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non je pense qu'on doit… encore une fois, il faut qu'on dépasse le stade du cri pour aller vers l'action, l'action c'est plus important…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous leur demandez d'agir quoi, si je comprends bien.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ils m'ont demandé d'agir, nous nous demandons mutuellement d'agir, et on a bien raison les uns les autres, et franchement, vous savez, je parle beaucoup avec les lycéens…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous les adultes, nous ne voulons pas les rêves de tous ces adolescents, des jeunes ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je pense qu'il ne faut pas aller dans ce discours, arrêtons de créer… Nous avons un devoir vis-à-vis des jeunes, et de ce point de vue-là ne rentrons pas dans un cercle vicieux de la culpabilisation, nous avons un devoir vis-à-vis des jeunes qui est de dessiner un avenir positif pour eux, il y en a assez des discours gris, des discours d'angoisse. Nous, quand nous étions plus jeunes, les adultes ne nous tenaient pas des discours d'angoisse sur le futur de cette façon, nous avons un premier devoir, et je le sens comme ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse, c'est de dresser des perspectives positives, et elles existent les perspectives positives, et de faire que les élèves, les jeunes, soient acteurs de leur futur. Donc, de ce point de vue-là, l'action est beaucoup plus importante que le cri.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il aura 250 000 éco-délégués ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien oui, puisqu'il y en aura un par classe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un par classe !
JEAN-MICHEL BLANQUER
Dans les collèges et les lycées de France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Obligatoire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est ce que nous avons demandé à chaque établissement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera obligatoire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui, dans chaque classe vous allez avoir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans chaque établissement, privé/public, dans chaque classe il y aura un éco-délégué ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Un éco-délégué, de façon, là aussi, à avoir un effet d'entraînement, mais là aussi positif, voyez. Encore une fois, si tout cela permet un meilleur contact avec la nature, nous voulons par exemple plus de classes vertes en France, nous voulons plus de projets environnementaux, nous voulons travailler avec les collectivités locales pour que les bâtiments soient de plus en plus conformes aux règles écologiques, nous voulons des cantines à circuits courts – hier encore j'étais près d'Angers, dans une cantine de collège, comme j'en vois tant maintenant, qui favorise les circuits courts, c'est bien meilleur que la cantine que vous aviez ou que j'avais quand nous étions élèves – il y a des choses qui progressent de ce point de vue-là, et les élèves font très bien pression pour que ces choses-là progressent, ils ont bien raison, et c'est concret. Donc, c'est cela que nous devons faire, et c'est ce que nous sommes en train de faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura donc obligatoirement un éco-délégué dans chaque classe.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Et nous avons à inventer, si vous voulez, cette société du futur où il fera bon vivre, on retrouve la qualité de la vie, on retrouve le bon sens, on retrouve le contact avec la nature, nos enfants finalement ils nous réclament ça, et c'est cela qu'on doit leur donner, donc d'être dans une sorte d'excitation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, les atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires, je crois que vous avez les derniers chiffres.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Vous savez, je m'étais engagé à faire le point chaque trimestre sur ce point, ça fait maintenant environ 1,5 an que nous avons créé un dispositif pour que les personnes puissent signaler les atteintes à la laïcité, pour que nous puissions aussi réagir face à ces atteintes. Donc, j'ai désormais les chiffres stabilisés pour le dernier trimestre de l'année dernière, donc qui va de avril à juillet, et c'est 900, le chiffre était de 900 signalements sur les atteintes à la laïcité. Pour une bonne partie de ces cas on peut avoir une réaction des équipes sur place…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va entrer dans le détail. Les enseignants peuvent témoigner, anonymement, on est bien d'accord…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'ils osent vraiment signaler les atteintes à la laïcité, franchement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, oui je le crois. Le message que je leur donne depuis le début c'est vous n'êtes pas seul face à ce type de problème, l'institution est derrière vous, vous devez le signaler à votre chef d'établissement, vous pouvez aussi le signaler aux équipes régionales, et même aux équipes nationales, au travers de la plateforme, l'intranet des professeurs, qui leur permet, sur un ensemble qu'on appelle “Valeurs de la République”, de pouvoir saisir, et donc ils ne doivent jamais, je dis bien jamais, se sentir seul, peut-être que ça peut encore arriver, mais en tout cas mon message c'est de leur dire ne vous sentez pas seul, l'institution est là pour vous soutenir sur ce point.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelles sont ces atteintes ? 900 vous dites, 900 signalées.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Elles sont de tous ordres, c'est devenu polymorphe parce que vous avez aussi des groupes qui essayent de tester, au travers des élèves, qui essayent de tester des choses, mais très souvent ça peut être la contestation d'un enseignement, le fait de se faire dispenser aussi d'un enseignement, notamment en éducation physique et sportive, souvent c'est des choses qui vont d'ailleurs à l'encontre de l'égalité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez le détail je crois.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, j'ai des détails…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors donnez-moi les détails, vous les avez là.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Si vous voulez, j'ai 250 interventions qui sont intervenues au cours de ce trimestre dont je vous parlais, c'est-à-dire entre avril et juillet, autrement dit les équipes Laïcité des rectorats sont venues 250 fois dans les établissements pour aider les équipes à affronter des problèmes de ce type et donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quels problèmes ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Un problème c'est par exemple des élèves qui contestent un enseignement de sciences de la vie et de la terre, voyez, vous avez parfois des idéologies créationnistes qui envahissent l'espace public, et évidemment qui sont des idéologies antiscientifiques, il est donc normal qu'un travail soit fait vis-à-vis des élèves, vis-à-vis de leur famille, pour rétablir ce qui doit l'être.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne va pas à la piscine, on ne veut pas visiter une cathédrale, des menus de cantine sont discutés, tout ça, ce sont des atteintes ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Voilà, ce genre de choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout ça, ça fait partie…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, bien sûr…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne sais pas, moi… demande de réduction sur la facture cantine en période de jeûne par exemple aussi ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout ça, ce sont des atteintes à la laïcité, et nous avons vocation à les traiter chacune, et vous voyez, 900, ça peut paraître beaucoup à l'échelle du pays, je pense qu'on commence quand même à réduire ce phénomène, il reste encore suffisamment vaste pour qu'on le prenne à bras le corps, et c'est ce que nous faisons. Mais l'esprit dans lequel nous sommes désormais, c'est la République n'est pas sur la défensive, la République est à l'offensive, c'est-à-dire, elle fait valoir, de manière sereine et calme, les règles normales de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ces atteintes à la laïcité, dans les lycées, les collèges ou l'école primaire, avant tout ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, malheureusement, les trois, bien sûr, mais simplement, ce que j'observe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les trois, vous avez le pourcentage à peu près ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui, tout à fait. J'observe très forte du pourcentage en lycée dans les dernières statistiques…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moins en lycée ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Moins en lycée, enfin, moins que le trimestre précédent, donc c'est 19% des cas qui sont en lycée. Vous avez 44 % des cas qui sont en collège, donc ça, c'est relativement stable. Et c'est vrai que c'est là où ça reste le plus important, et c'est là où on a fait le plus sans doute, mais ce que j'observe, c'est que c'est 37% en primaire, donc il y a une augmentation en primaire, et ça, c'est un point de vigilance, qui nous renvoie, je pense, davantage aux parents d'élèves…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, pourquoi, que se passe-t-il, que se passe-t-il en primaire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je pense que le phénomène auquel on assiste, c'est qu'il y a des enfants… que c'est de plus en plus jeunes que certains enfants se voient mis dans la tête des choses qui ne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien, par exemple, des choses parfois qui peuvent paraître folles, ne pas s'asseoir sur une chaise rouge, parce que le rouge serait la couleur du diable, voyez, des choses de ce genre, donc vous avez des attitudes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais oui, mais il y a aussi… par exemple, encore ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ne pas tenir la main d'une petite fille, qu'un petit garçon ne tienne pas la main d'une petite fille, ce genre de choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça existe ça ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça, ça existe. Et encore une fois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est marginal, mais ça existe…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Gardons ça dans les proportions que ça doit avoir, ça ne sert à rien, comme sur le sujet précédent d'ailleurs, comme sur le sujet précédent, c'est-à-dire, ça ne sert à rien d'être dans l'excitation ou dans l'exagération, il faut juste dire les choses comme elles sont, c'est-à-dire, 1°) : constater le problème, et il existe, et je suis le premier à ouvrir grands les yeux sur ce problème. Mais aussi le traiter dans de justes proportions, et avec calme, c'est ce que nous faisons, notamment par l'intervention de ces équipes laïcité, ces interventions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Equipes laïcité dans chaque Académie, je le rappelle…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Dans chaque Académie, à la disposition de l'ensemble des personnels de l'Education nationale. Et là, par rapport à ce que je viens de vous dire, si vous voulez, je pense qu'on va intervenir peut-être davantage à l'école primaire, en soutien des équipes, chaque fois qu'elles se sentent un peu démunies par rapport aux phénomènes qu'elles constatent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le port du voile pour les mères accompagnant les sorties scolaires, vous remettez tout cela en cause ou pas, parce que j'ai vu qu'il y a une nouvelle proposition de loi sénatoriale, je ne sais pas si vous avez vu ça, pour une interdiction ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, l'interdiction…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais que vous avez beaucoup réfléchi à la question, hésité, Jean-Michel BLANQUER…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, si on peut dire, « hésité », ce n'est peut-être pas le mot, mais en tout cas, travaillé le sujet, c'est-à-dire, c'est un sujet qui a beaucoup d'implication, parce qu'il y a d'abord des libertés constitutionnelles qui existent en matière vestimentaire, ce n'est pas la même chose à l'intérieur d'un établissement pour un enfant et à l'extérieur d'un établissement pour un parent. Et donc sans rentrer dans tous les détails par lesquels nous sommes passés, la situation est claire, c'est que nous souhaitons au maximum que ce soit évité, même si ça n'est pas interdit par la loi. Donc tout ce qui….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, comment faire pour que ce soit évité ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien, c'est souvent par le dialogue, d'ailleurs, souvent, c'est ce qui se passe de la part des directeurs d'école, mais en même temps, nous savons bien que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils demandent aux mères de retirer leur voile ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, qui disent que c'est souhaitable de ne pas avoir de signaux ostentatoires, il n'y a pas que le voile d'ailleurs. De façon générale, nous avons à nous respecter les uns, les autres, et à faire en sorte qu'il n'y ait pas de prosélytisme, vous savez, dans la loi pour l'école de la confiance, que nous avons promulguée à la fin de l'année dernière scolaire, il y a une disposition qui interdit le prosélytisme aux abords des établissements. De façon générale, la laïcité, c'est quoi, c'est d'éviter la pression, de qui que ce soit, sur qui que ce soit, à raison de ses convictions, et notamment de ses convictions religieuses, et donc c'est de préserver la neutralité de l'espace scolaire. Quand il y a une sortie scolaire, il y a évidemment une forme d'extension de cette neutralité, donc on doit souhaiter qu'il n'y ait pas de pression sur les enfants, c'est-à-dire qu'on n'ait pas le sentiment qu'une religion fasse pression…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, est-ce que la FCPE fait pression, vous avez vu, vous avez vu…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, j'ai vu cette campagne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cette campagne de la FCPE, qui est une association de parents d'élèves, une mère voilée qui nous dit : oui, je vais en sortie scolaire, et alors !
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien, je pense que c'est regrettable, évidemment c'est-à-dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous regrettez cette initiative ou pas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, vous savez, il faut avoir un peu le sens de l'histoire sur ces sujets, moi, j'ai…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous regrettez cette initiative ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, et je vais vous dire pourquoi. Il faut avoir le sens de l'histoire. J'ai en tête quand même l'histoire de la Fédération des parents d'élèves, comment elle a été créée, elle a été fondée sur la laïcité, sur les valeurs de la République, et à mes yeux, ça continue à être sa raison d'être, comme d'autres associations de parents d'élèves, donc c'est extrêmement paradoxal de les voir aujourd'hui faire une campagne avec cela ; je pense que c'est une erreur de leur part, j'espère qu'ils vont la corriger. Je pense que, si vous voulez, c'est un tout petit peu inquiétant parce qu'on voit qu'on est sur un sujet un peu électoral, là, puisque c'est les élections de parents d'élèves dans deux ou trois semaines. Le fait qu'on ait maintenant des groupes ou des organisations qui essayent de flatter le communautarisme pour avoir des voix n'est pas une bonne chose. Donc je pense que c'est… moi, je respecte les instances de la FCPE, je considère qu'ils ont fait une erreur, je leur demande de la corriger tout simplement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Autre chose, le gouvernement voudrait mettre fin aux jouets genrés, vous avez vu ça ? Vous avez vu ça ou pas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Honnêtement, non, je n'ai pas regardé ce matin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? C'est Agnès PANNIER-RUNACHER qui prépare un texte mettant fin aux jouets genrés. Est-ce que ça vous paraît… franchement !
JEAN-MICHEL BLANQUER
Honnêtement, je n'ai pas regardé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, vous n'avez pas regardé, mais honnêtement, si vous réagissez spontanément, moi, spontanément, ça m'a fait réagir, je trouve ça – je vous le dis – c'est rare…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Spontanément, vous savez, il y a une phrase…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je m'engage : je trouve ça ridicule. Qu'est-ce que vous en pensez, vous, Jean-Michel BLANQUER ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a une phrase de Georges POMPIDOU, que j'aime bien, qui est : “il ne faut pas emmerder les Français”, je pense qu'il ne faut pas qu'on interdise sans arrêt ce qui ne nous plaît pas, si vous voulez, et il y a des choses, et ça renvoie d'ailleurs à d'autres sujets, nous sommes une grande démocratie, une République, cela signifie qu'on doit accepter nos différences et pouvoir vivre avec, n'est-ce pas. Et donc, mais cela dit, je ne connais pas ce projet, et connaissant l'excellent travail de ma collègue, ça m'étonnerait que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, oui, d'accord, ça y est, c'est le membre du gouvernement qui parle, Jean-Michel BLANQUER, mais enfin, vous êtes comme moi, spontanément, ça vous paraît un peu…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais parfois, on présente les choses d'une manière bizarre, donc je ne sais pas, comme je ne l'ai pas vu, je ne sais pas de quoi on parle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, peu importe, d'accord, bon, d'accord…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Maintenant, il y a beaucoup à faire, il y a beaucoup à faire, pour lutter contre les stéréotypes de genres chez les petits enfants, ça, c'est vrai, mais ce n'est pas la même chose que d'interdire tel ou tel… mais je ne sais pas, je ne connais pas le sujet dont vous parlez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les jouets genrés. Bon, aujourd'hui, début de l'examen de la loi bioéthique, on vous a peu entendu sur la PMA pour toutes les femmes, aucune objection ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Aucune objection à quoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
De votre part, la PMA pour toutes les femmes ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, bien sûr, non, c'est un projet qui a été très travaillé par le gouvernement et par le comité d'éthique aussi, il y a d'ailleurs une très grande qualité des travaux menés actuellement au Parlement, je pense que c'est même assez emblématique d'une qualité démocratique française actuellement, sur un sujet qui n'est pas un sujet de clivage gauche/droite ou même d'un autre clivage, ce sont des sujets complexes, là aussi, qui illustrent la situation historique dans laquelle nous sommes, c'est-à-dire, nous sommes dans une civilisation de plus en plus technologique, de plus en plus scientifique aussi, avec un certain nombre d'opportunités et un certain nombre de progrès permis par cela, et puis, il y a un certain nombre de risques, donc il faut empêcher les risques, il faut les cadrer, et il faut évidemment que l'humanisme progresse au travers de nos évolutions scientifiques et technologiques. C'est vrai dans le domaine génétique, comme dans le domaine informatique, comme dans le domaine de l'environnement, donc c'est ça notre défi de civilisation aujourd'hui. Et je pense que cette loi va dans ce sens, le sens où on soutient…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous la soutenez évidemment, puisque vous êtes membre du gouvernement, mais à titre personnel ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, à titre personnel, enfin, à titre personnel et collectif, il n'y a aucun problème, mais c'est surtout : n'oublions pas de souligner aussi ce qu'elle permet de cadrer, par exemple, elle permet d'éviter la recherche sur l'embryon, elle traite toute une série de points qui sont des points très importants, et que, d'ailleurs, ce sont des points qui se posent à tous les pays aujourd'hui, puisque du fait des progrès de la génétique, on doit encadrer l'activité scientifique et encadrer aussi juridiquement ce qui va se passer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le corps appartient à l'être humain ou à Dieu, ça pose le fond de la question…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Philosophique…
JEAN-MICHEL BLANQUER
En tout cas, ce qui est certain, c'est que le corps humain n'est pas une chose, et nous devons évidemment garder la maîtrise de nous-mêmes, en quelque sorte. Et ce point-là, c'est quand même ce qui définit l'humanisme d'une certaine façon. Donc de ce point de vue-là, notre critère, ça doit toujours être l'être humain, la personne humaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, réforme des retraites, la réforme des retraites. Qui sera lésé ? Eh bien, peut-être que les enseignants seront lésés, c'est un risque, vous en convenez ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, et le président de la République et le Premier ministre aussi, de sorte qu'à partir du moment où un risque est identifié, il est déjà en grande partie traité, c'est-à-dire que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y a risque ? Ils seront lésés avec cette réforme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non, non, non, ils ne le seront pas, puisque le risque est vu, le risque sera évité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah, ah bon, d'accord. Alors, comment allez-vous éviter…
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est comme si vous dites : il y a un tournant au bout de la route, si je le vois, je le prends…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment allez-vous éviter le risque ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien, par le travail, c'est ce que nous allons entamer, d'ailleurs, avec Jean-Paul DELEVOYE, je discute de ça avec lui depuis maintenant assez longtemps. Nous rencontrerons en temps prévu, c'est-à-dire au mois d'octobre, les organisations syndicales ensemble lui et moi, de façon à travailler sur tout ce qui va permettre d'avoir une retraite normale, c'est-à-dire que les professeurs n'y perdent pas lorsque la réforme…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment allez-vous faire, revaloriser les salaires ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est en revalorisation, les rémunérations, je me souviens d'ailleurs que lorsque vous aviez fait le grand débat, votre propre débat, grand débat à vous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, exactement, oui, exact…
JEAN-MICHEL BLANQUER
La première résolution qui est sortie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était la revalorisation des salaires des enseignants…
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'était la revalorisation des salaires. Et moi-même, vous le savez, je n'ai cessé d'être le premier avocat de cette cause…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous allez encore revaloriser les salaires ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, sur une base pluriannuelle bien entendu, puisque nous avons un début de la réforme des retraites qui sera en 2025, dans des proportions qui restent largement à définir, avec des règles du jeu qui restent encore largement à définir, et donc nous allons travailler sur une rémunération qui permette d'avoir une entrée en retraite équitable pour tous les Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De compenser les pertes.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Donc on part d'un risque que vous pointez, pour arriver en fait à une possibilité de remettre sur la table tout ce qui a trait finalement aux ressources humaines du ministère de l'Education nationale, c'est-à-dire aux professeurs, mais aussi à l'ensemble des personnels, pour voir leur situation de rémunération, mais aussi leur situation de travail, parce que moi ce qui m'importe c'est aussi le bien-être au travail des personnels. Les sujets que nous avons évoqués précédemment, les premiers en particulier, ont trait aussi à ce bien-être au travail, la santé des personnels, la sécurité des personnels, la qualité du travail, le bien-être collectif, le fait d'être entendu. Par exemple, en cette rentrée nous commençons ce qu'on appelle la gestion des ressources humaines de proximité, c'est-à-dire un interlocuteur, ça touche à peu près un quart des professeurs, qui peuvent désormais avoir un interlocuteur à 10 minutes de leur lieu de travail, pour pouvoir échanger sur leur carrière, leurs perspectives, leurs difficultés, eh bien c'est cette humanisation des ressources humaines qui est aussi en jeu, donc c'est cette vision de la carrière qui peut être un petit peu rediscutée, mise à plat, avec les organisations syndicales et avec l'ensemble des professeurs, à l'occasion de ce travail, qui est un travail sur la durée. C'est un travail, là aussi, très profond, très structurel, mais qui offre des perspectives d'amélioration pour notre école, puisqu'à la fin ce qui compte c'est qu'on ait une école de qualité pour nos élèves, et donc pour ça il faut avoir aussi des professeurs qui soient bien dans leur peau, dans leur institution.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec un emploi du temps, notamment pour ceux qui sont en Première, qui enseignent en Première, un emploi du temps bien organisé, parce que les conseils de classe sont difficiles à organiser avec la réforme du bac, franchement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, vous avez fait un reportage là-dessus, je l'ai vu tout à l'heure, non je pense que, sur ce point comme sur d'autres, la réforme du baccalauréat permet d'ouvrir les fenêtres, de renouveler complètement les manières de faire. Par exemple, le conseil de classe parfois est un petit peu routinier tel qu'on l'a conçu jusqu'à présent, là il va y avoir par exemple, chaque lycée le fera à sa façon, mais vous pouvez faire des conseils de classe par enseignement de spécialité, il y en a sept, parfois plus…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plusieurs conseils de classe.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, mais un conseil de classe qui permet de réunir les professeurs d'un même enseignement de spécialité, par exemple vous avez un enseignement de spécialité qui s'appelle “Numérique et sciences informatiques”, si tous les professeurs concernés par cet enseignement, mettons quatre dans un établissement, se réunissent autour des, mettons 100 élèves qui ont choisi cet enseignement, ça permet d'avoir une vision de cette discipline, de cet enseignement, tout en ayant une vision de chacun des élèves, et le travail fait autour de chaque élève est ensuite utile pour le conseil de classe général, qui correspond au bloc commun d'heures – rappelons quand même qu'un élève de Première il a 15 heures de bloc commun, donc il continue quand même à avoir sa classe avec le conseil de classe qui va avec.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Jean-Michel BLANQUER.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er octobre 2019